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#396 | 25 septembre
 
 
 
Affaire du 8 décembre
 

L’antiterrorisme à l’assaut des luttes sociales



Le 8 décembre 2020, une opération antiterroriste visait 9 militants politiques français. Les quelques éléments de langage et de procédure distillés dans la presse par la police laissent alors songeur. Une association de Paint Ball, un artificier qui travaille à Disneyland et quelques discussions de fin de soirée où l’on dit tout le mal que l’on pense de la police nationale captées par des micros cachés par la DGSI. À partir du 3 octobre, sept personnes seront jugées à Paris, soupçonnées de participation à une association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Afin de mieux saisir les enjeux comme le fond de cette affaire, nous avons reçu cette analyse détaillée et politique du dossier d’instruction.

 
 
 
 
 
Sortir les ingénieurs de leur cage
 

Un lundisoir avec Olivier Lefebvre



Déserter, bifurquer, s’évader, autant de mots pour dire le refus de participer à un système mortifère. Si le constat semble sans appel pour un certain nombre d’individus vivant au quotidien le malaise et le clivage que leur situation professionnelle leur impose, l’échappée belle n’est pas toujours si simple. Ces derniers temps, c’est une drôle de classe qui s’est retrouvée en première ligne du front de la désaffiliation : celle des ingénieurs. Qui peut assumer aujourd’hui de faire partie des techniciens de la destruction du monde ? Alors comment partir ? Que faire de compétences si chèrement acquises, et problablement utiles, autrement ? Comment sortir d’une cage que tout le monde considère comme dorée ?
Ce lundisoir nous poursuivons avec Olivier Lefebvre une discussion entamée l’an dernier. Ingénieur-déserteur, il vient de publier une Lettre aux ingénieurs qui doutent.

 
 
 
 
 
Désarmement de l’usine Lafarge de Bouc-Bel-Air
 

Petite analyse des moyens d’enquête mis en œuvre par la Sous-Direction Anti-Terroriste



Afin de compléter le reportage publié il y a deux semaines depuis le 4e sous-sol de la Sous-Direction Anti-terroriste (SDAT) nous publions cette analyse des moyens mis en œuvre par les services de l’antiterrorisme afin de traquer les militants écologistes ayant (ou non) participé à l’action de désarmement de l’usine Lafarge de Bouc-Bel-Air le 10 décembre 2022.

Rappelons que 35 personnes ont été interpellées les 5 et 20 juin 2023 dans le cadre de cette affaire et que deux d’entre elles ont été mises en examen début juillet.

Les analyses et recoupements qui suivent sont le résultat d’entretiens menés d’une part avec les personnes interpellées qui ont pu partager l’informations recueillies lors des auditions, dans leurs discussions avec les services d’enquête, d’autre part avec les mis.es en examen, chacun de leur côté, étant donné qu’ils ont l’interdiction d’entrer en contact.

A la lecture, on prendra la mesure des moyens que l’État est prêt à déployer pour surveiller et traquer celles et ceux qui s’opposent au ravage écologique et aux nuisances industrielles. Dans cette enquête, menée localement par la section de recherche de la gendarmerie de Marseille, la SDAT a été saisie en renfort, alors même qu’aucun fait reproché ne relève du « terrorisme ». Les moyens à disposition sont considérables : analyses des données téléphoniques, interceptions des communications, filatures, logiciels espions, reconnaissance faciale, placements de balises GPS sur des véhicules, etc. [1]

 
 
 
 
 
De quoi l’abaya est-elle le voile ?
 

Ivan Segré



Suite au décret du ministre de l’Education Nationale interdisant le port de l’abaya et de son pendant masculin, le qamis, dans les écoles, collèges et lycées de la République, le Conseil d’Etat a été saisi d’une question juridique et métaphysique redoutable : le décret est-il conforme à la loi ? Et peut-on élucider la « nature » d’un signe ?

 
 
 
 
 
Avant-corps pour tout soustraire
 

Briser une vitrine, jeter des pierres, allumer un feu, ne sont pas des actions à moraliser. Ce sont des manifestations physiques d’une espèce (en l’occurrence humaine) qui interagit avec la géologie (la pierre), les éléments (le feu) et les idées (la vitrine - le commerce - le capital). Discréditer ces actions revient à discréditer la réalité et le flux de la vie.
• C’est au faite de ses institutions que l’état nous terrorise.
• L’Etat est la forme la plus organisée et la plus adaptative de la (...)



Briser une vitrine, jeter des pierres, allumer un feu, ne sont pas des actions à moraliser. Ce sont des manifestations physiques d’une espèce (en l’occurrence humaine) qui interagit avec la géologie (la pierre), les éléments (le feu) et les idées (la vitrine - le commerce - le capital). Discréditer ces actions revient à discréditer la réalité et le flux de la vie.

 
 
 
 
 
Se libérer du genre… mais duquel ?
 

Les limites du féminisme comme politique identitaire :
une lecture de l’anarcha-féministe Sally Darity



Le combat féministe doit il s’axer autour d’une identité de « femme », revendiquée comme telle, ou bien doit-il s’attacher méticuleusement à démanteler les structures de pouvoir qui ont crée cette catégorie et d’autres pour nous opprimer ?
Comment sortir définitivement des angles morts d’un féminisme individualiste ? Quels outils pour penser le genre depuis la transidentité ? Pourquoi ne faut-il pas simplement se libérer du genre mais carrément le détruire ? Et comment s’y prendre ?
Au sein du large spectre de la pensée féministe se déploient et parfois se confrontent des questions théoriques, pratiques et épistémologiques précises et complexes. Dans cet article, R.R. Cèdre explore les écrits de Sally Darity, auteure anarcha-feministe dont les travaux restent non traduits et méconnus en France.

 
 
 
 
 
Du milieu antifa biélorusse au conflit russo-ukrainien
 

Un lundisoir à Kiev avec « Rocket »



Dans la continuité des nombreux entretiens et rencontres que nous avons publiés avec des militants politiques engagés sur le front ukrainien, nous publions cette semaine cette interview réalisée cet été à Kiev avec « Rocket », militant antifasciste biélorusse. Engagé du côté ukrainien depuis le début du conflit, il raconte la réalité politique du mouvement antifasciste en Biélorussie, la nature des combats au sein de son unité, et les origines de sa fabuleuse barbe.

 
 
 
 
 
Étranger - Karine Parrot
 

[Bonnes feuilles]



En pleine préparation d’une nouvelle loi sur l’immigration dont l’objectif premier consiste à couper l’herbe sous le pied d’une droite radicalisée et d’une extrême-droite normalisée et quelques jours après que le Pape en personne soit venu rappeler à l’ordre l’Union Européenne quant à son mépris des exilés, Emmanuel Macron a jugé bon dans son allocution télévisée d’hier soir de nous rappeler ses principes : « On ne peut pas accueillir toute la misère du monde » [2]. Le moins que l’on puisse dire, c’est que dans ce contexte nauséabond,Étranger, le dernier petit livre de Karine Parrot, arrive à point nommé. La juriste met en lumière les mécanismes par lesquels l’invention de la nationalité française et l’inscription de population dans ses marges et ses angles morts ont permis de fabriquer la catégorie d’étranger, soumise à des régimes de harcèlement administratif et policier déployés pour servir les besoins du marché du travail, et plus généralement de l’économie. Karine Parrot poursuit ici le travail entammé en 2019 dans Carte Blanche (éditions La fabrique. Nous conseillons aussi son documentaire Sécurité globale, de quel droit ? co-réalisé avec Stéphane Elmadjian.

 
 
 
 
 
Lafarge, Daesh et la DGSE
 

La raison d’Etat dans le chaos syrien



Ce mardi 19 septembre se tenait une audience devant la cour de cassation concernant l’affaire Lafarge en Syrie dans laquelle le cimentier et ses dirigeants sont soupçonnés de financement du terrorisme. Alors que le terme terrorisme plane frauduleusement autour du désarmement de l’usine de Bouc-bel-Air, voilà l’occasion d’une petite mise en perspective.

 
 
 
 
 
Art philosophique
 

[Chronique du bord des mondes - 0]
Anamas Pamous



« Il a donc fallu lutter contre les métaphysiques indigènes qui reconnaissaient la qualité de réalité vivante et spirituelle au monde souterrain pour que l’extractivisme puisse se déployer. […] L’antimétaphysique des technosciences n’est pas une vue de l’esprit mais une condition très concrète d’exploitation donnant lieu à un registre de pratiques extractives. […] Soufis et Aborigènes conçoivent le Rêve comme ce qui excède le monde à la manière d’une bordure. »
 [3]

«  Je sais très bien que mon vécu n’est qu’un leurre / À côté de ta vie de merde »

 
 
 
 
 
Théorie du Joker Rorschach :
 

à propos de Joker de Todd Phillips



Le scénariste de Joker (2019) de Todd Phillips, Scott Silver, avait scénarisé 8 Miles en 2002 puis The Fighter en 2010. Soit deux biopics sur l’émancipation par le rap ou la boxe du ’white trash’ américain – déplacement ou repli ’blanc’ (irlande, écosse, luxembourg, europe de l’est) de l’american dream à la Rocky (moins blanc puisqu’italien, donc potentiellement olivâtre et mafiosi). Avec Joker en 2019, ce qu’il se passe dans la tête de Scott Silver est probablement ce qu’il se passe dans le cœur confus des droites insurrectionnelles contemporaines.

 
 
 
 
 
Répression à Atlanta, l’antiterrorisme à l’américaine
 

Collectif Matsuda



On ne présente (presque) plus le mouvement Stop Cop City à Atlanta. Deux ans que cette lutte s’est enclenchée à la suite de l’annonce de la création d’un immense centre d’entraînement pour la police en grande partie (35 hectares) sur la forêt de Welaunee, condamnée donc au déboisage massif.

Une force d’opposition déterminée a émergé progressivement, occupant la forêt, mettant la pression sur les entreprises de constructions potentielles du chantier, tout en actionnant tous les leviers possibles pour gagner le bras de fer juridique.

Plusieurs textes de présentation approfondie existent en français ici ou . Nous souhaitons ici, nous concentrer spécifiquement sur la répression que subissent les opposant.e.s, qui a récemment pris une nouvelle envergure avec l’inculpation de 61 personnes sous le coup de la loi RICO.

 
 
 
 
 
Daddy de Marion Siefert
 

Du théâtre contre le patriarcat



Mara est une adolescente pauvre. Sur internet elle rencontre Julien, qui deviendra son producteur, son « daddy ». Si Mara consent à abandonner sa famille, Julien lui propose de réaliser son rêve : devenir une star, sortir du monde terne de la réalité, être habillé des plus beaux habits. Ce chantage nous le connaissons, il dure depuis le début du XXe siècle : les capitalistes nous promettent la réalisation du paradis sur terre en échange de la destruction de toute communauté.

 
 
 
 
 
L’Hécatombe invisible - Matthieu Lépine
 

Enquête sur les morts au travail



Cette année 2023 a été marquée par le mouvement de protestation contre la réforme des retraites et son point d’orgue, le passage de l’âge de départ de 62 à 64 ans. Cette protestation était évidemment légitime, encore plus si l’on tient compte des différences entre les riches et les pauvres, les premiers jouissant d’une espérance de vie plus longue de plusieurs années que celles des seconds. Travailler longtemps à des postes pénibles [4] et mourir peu après avoir arrêté, c’est en gros ce qu’imposent à la plupart de salariés celleux qui ne se font guère de soucis pour leurs vieux jours. Il y a de quoi s’énerver. C’est ce qui arriva à certain député de la France insoumise, traitant carrément d’assassin le ministre du Travail au cours des débats houleux sur ce projet de loi scélérate – une de plus. De fait, il ne parlait pas alors précisément de la question des retraites, mais de celle des morts au travail, soit avant la retraite, souvent même bien avant, puisque « la fréquence des accidents du travail est 2,5 fois plus importante chez les moins de 25 ans que pour le reste des travailleurs ». Scandale dans l’hémicycle : le député dut présenter ses excuses, comme si la politique du gouvernement n’avait rien à voir avec ce qui est le plus souvent rapporté sous la rubrique « faits divers » de la presse quotidienne régionale. Le livre de Matthieu Lépine a lui-même eu droit à un traitement semblable : les médias en ont parlé quelques jours lors de sa sortie, qui ne semble malheureusement pas avoir eu de suite comme cela avait été le cas, par exemple, après la publication du livre Les Fossoyeurs autour du scandale de la gestion privée des maisons de retraite (et même si j’imagine qu’il ne faut pas surestimer les conséquences du scandale soulevé alors – business must go on).

 
 
 
 
 
 
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