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#315 | 29 novembre
 
 
 
Lettre depuis l’isolement - Libre Flo
 

Incarcéré depuis l’ « affaire du 8 décembre » pour terrorisme, l’ancien activiste du Rojava raconte son quotidien à l’isolement de la prison de Bois d’Arcy



Le 8 décembre dernier, une opération antiterroriste visait 9 militants politiques français. Les quelques éléments de langage et de procédure distillés dans la presse par la police laissent songeur. Une association de Paint Ball, un artificier qui travaille à Disneyland et quelques discussions de fin de soirée où l’on dit tout le mal que l’on pense de la police nationale captées par des micros cachés de la DGSI. Pour comprendre comment l’ « élite » de la police française, le parquet antiterroriste puis la galerie Saint-Éloi on pu se convaincre de la nécessité de surveiller, interpeler et incarcérer ces jeunes gens, il faut ajouter un élément biographique : l’un d’entre eux, « libre Flo » a participé à la lutte contre Daesh au Rojava. Nos lecteurs les plus attentifs se souviendront qu’en septembre 2019, nos confrères de Mediapart avaient promu sans nuance ce nouveau paradigme de l’antiterrorisme français [1] : celles et ceux qui se sont rendus au Rojava pour y défendre l’expérience politique en cours des assauts de Daesh et de l’armée turque seront désormais considérés comme des « revenants » radicalisés et dangereux. Il s’agissait, par le vocabulaire même (revenants, radicalisation, etc.) de mettre sur le même plan activistes libertaires ou d’extrême gauche et militants islamistes radicaux ; et de préparer l’opinion à ce qu’il ne manquera pas d’advenir avec l’affaire dont il est ici question. Un an après ces arrestations et incarcérations, toutes et tous ces « terroristes présumés » ont été libérés, à l’exception d’un seul, considéré comme « LE chef », Libre Flot, qui s’était rendu à Kobané. Incarcéré depuis presque 12 mois à la prison de Bois d’Arcy, il est soumis à un régime d’isolement habituellement réservé aux militants islamistes radicaux. Privé de tout contact avec les autres détenus, réveillé à heure régulière pour être surveillé, quadruple rangée de barreaux aux fenêtres, promenade seul dans une cours de 20m2 dont même l’accès au ciel est grillagé, limitation des parloirs et de l’accès aux livres, etc. Dans cette lettre que nous publions aujourd’hui, Libre Flot raconte ce que ce traitement produit psychiquement et physiquement. A sa lecture, on comprend qu’il n’est évidemment pas question de mesures de sécurité mais bien d’une punition qui s’ajoute à la peine préventive, d’une violence qui vise à casser le détenu depuis l’intérieur de lui-même, à le briser sans coup, en silence ; une torture blanche. Dans 10 jours, le garde des Sceaux Eric Dupont-Moretti, devra se prononcer sur la prolongation ou non de ce traitement spécial et inhumain.

 
 
 
 
 
Hermann Schmidt et les fondements de la cybernétique
 

« Régler tout ce qui est réglable, et rendre réglable ce qui n’est pas encore réglable. »



L’histoire de la cybernétique revient souvent sur les « génies » américains à qui l’on doit cette « discipline » qui n’en est pas une : Norbert Wiener, John von Neuman, Warren McCulloch, Gregory Bateson, etc. Ce faisant, on fait de la cybernétique le symbôle et le fondement de notre modernité « occidentale » débarassée du nazisme. Pourtant, il va de soi qu’un tel élan pour « le contrôle et la communication chez l’être vivant et la machine » couvait déjà depuis plusieurs années en Occident. Dans cet article de notre rubrique cyber-philo-technique, nous partons à la découverte d’un autre fondateur : Hermann Schmmitt, et sa tentative de fonder un « Institut de la régulation » vers 1941. C’est peu de dire qu’on sort ainsi d’un récit triomphaliste qui associe la cybernétique avec la victoire sur la nazisme : voici un physicien, ancien ingénieur chez Siemmens et membre du NSDAP, qui propose de mettre au point une théorie générale de la régulation et de « régler tout ce qui est réglable ». Avec lui, nous avons moins à faire à un mathématicien génial qu’à un ingénieur rigoureux et systématique, dont l’influence est encore à mesurer. Bonne lecture.

 
 
 
 
 
L’animal et la mort
 

Un entretien avec Charles Stépanoff
[lundisoir]



Nous en choyons - nourrissons, castrons, enfermons - certaines, à jamais enfants de nos foyers. Nous en mangeons et exploitons d’autres, tuées et dépecées le plus souvent en masse et loin de nos regards, entre autres pour nourrir les premières. Notre relation aux bêtes et nos sensibilités à leur égard sont un summum de contradictions et de problèmes éthiques dont une féroce division du travail peine à nous sauver. La chasse avec toutes les controverses qu’elle suscite est un des lieux les plus vifs pour penser ce mélange d’affects et d’élans qui nous traversent, nous laissant bien peu tranquilles quand il s’agit de repenser notre place parmi les vivants. Charles Stépanoff, anthropologue, spécialiste du chamanisme sibérien et auteur du très beau L’animal et la mort. Chasses, modernité et crise du sauvage, nous permet d’explorer ces territoires.

 
 
 
 
 
De la servitude involontaire en Amazonie : un objet polémique
 

Philippe Erikson



Dans la deuxième partie de sa recension des Mondes de l’esclavage, parue la semaine dernière, Ivan Segré a gravement mis en cause l’étude anthropologique de David Jabin consacrée à un cas d’esclavage chez les Yuqui, des chasseurs nomades d’Amazonie,. Selon Segré, prétendre déconsidérer les leçons anthropologiques de Clastres sur la base d’une découverte empirique telle que celle de Jabin relèverait de la « rodomontade ». Jabin soutient en effet que la société des Yuqui était composée à 25% d’esclaves, que leur statut se transmettait de génération en génération et que parmi les « différences somatiques » érigées en « marqueurs de servitude » figurait notamment la couleur de peau « noire ». Or la découverte d’un tel esclavagisme chez des chasseurs nomades d’Amazonie remet en cause les leçons de Clastres, dont les études sur les sociétés de chasseurs-cueilleurs de cette région avaient mis au jour une sagesse politique égalitaire et anarchiste. Segré objecte cependant à Jabin que si de telles observations relèvent bien du fait empirique et non d’une reconstruction imaginaire, alors elles doivent être interprétées comme une « incorporation » par les Yuqui de pratiques sociales observées chez le colonisateur, et non comme une production sociale « endogène ». Et il en conclut que la prétention anthropologique de Jabin est « grotesque ». Philippe Erikson, professeur d’anthropologie à l’université de Nanterre, a co-dirigé la Thèse de doctorat de Jabin consacrée à l’esclavage chez les Yuqui. Il a adressé à lundimatin une réponse à Segré. La discussion anthropologique est ainsi ouverte.

 
 
 
 
 
Réflexions sur « Les Mondes de l’esclavage »
 

3e partie : Un point aveugle



Ivan Segré rend compte pour lundimatin d’une somme sur l’esclavage parue en septembre aux éditions du Seuil. Après avoir, dans les deux premières parties de sa recension, souligné les forces et les faiblesses de l’ouvrage, il consacre la troisième et dernière partie à la question raciale, à savoir : pourquoi, dans le cas de l’esclavage colonial du Nouveau Monde, l’essor des plantations a-t-il conduit à déporter des millions d’hommes, de femmes et d’enfants issus précisément d’Afrique subsaharienne ?

 
 
 
 
 
Nique ton maire
 

Des va-et-vient au salon des Maires et des collectivités locales



Cette année, comme tous les ans depuis 20 ans, se tenait le salon réservé à ces élus réputés comme étant les moins détestés des français, à savoir nos maires. Du 16 au 18 novembre, Porte de Versailles, différents pôles thématiques présentaient l’ensemble des équipements, matériels, infrastructures, et logiciels indispensables à la bonne gestion des villes. Le slogan du salon, “ICI nous cultivons des solutions”, ne pouvait laisser présager que du bon.

 
 
 
 
 
NTBLR [1/ ?]
 

Trois voitures garées sur les pavés, trois voitures blanches avec le logo de la ville peint dessus. Trois voitures blanches avec l’avant tout fuselé et l’arrière qui s’élargit presque à la taille d’une personne debout. Des arrières de voiture blanche de la ville conçue pour que le corps entre, mais qu’il ne tienne jamais droit, qu’il reste courbé toujours au niveau de là ou le corps naturellement devrait plier. Des arrières de bagnoles qui te tuent le dos au niveau des lombaires. Des arrières de bagnoles (...)



Trois voitures garées sur les pavés, trois voitures blanches avec le logo de la ville peint dessus. Trois voitures blanches avec l’avant tout fuselé et l’arrière qui s’élargit presque à la taille d’une personne debout. Des arrières de voiture blanche de la ville conçue pour que le corps entre, mais qu’il ne tienne jamais droit, qu’il reste courbé toujours au niveau de là ou le corps naturellement devrait plier. Des arrières de bagnoles qui te tuent le dos au niveau des lombaires. Des arrières de bagnoles conçus par des mecs avec des stylos numériques sur des tablettes numériques dans des open-spaces tout blancs.

 
 
 
 
 
Poétique du texte macroniste
 

Nettoyage du style et nettoyage du sens chez Mathieu Larnaudie



[À l’occasion de l’effarante campagne artistico-littéraire du gouvernement nommée sans humour Mondes Nouveaux, — une amie en a déjà beaucoup blagué ici—, il nous est apparu opportun de reproduire cet article de 2018 dans lequel nous évoquions déjà ce petit monde du macronisme et de la serpillère. ]

Passer la serpillère pour que ça brille, ça s’apprend empiriquement. Mathieu Larnaudie, auteur de Les Jeunes Gens, une « enquête » sur la promotion de l’ENA d’où est sorti le président Macron, est passé maître en la matière. Comme souvent les textes vraiment agiles, Les Jeunes gens a été écrit sur commande. La première, la commande d’un article par Vanity fair. La seconde, au lendemain de l’élection présidentielle, celle des éditions Grasset pour une version longue de l’article. Genèse d’un journalisme de complaisance institué ouvrage littéraire. Le bandeau de Grasset : « Promotion Macron » est un double sens éloquent : nos trois compères (Vanity, Grasset, Larnaudie) se donnent l’air d’analyser une promotion de l’ENA dont ils font en réalité l’éloge vendeur. L’auteur affirme ainsi « aborder l’histoire et les parcours des membres d’une promotion de l’ENA (…) pour explorer la manière dont le pouvoir se constitue, s’exerce et se dit en France ». A cette fin, il se met lui-même en scène, en rendez-vous avec lesdits membres de la promotion Senghor, ou marchant dans Paris en méditant sur « Le Pouvoir » – selon lui, un ensemble de signes, dont les signifiés et les effets resteront pourtant à jamais absents du texte.

 
 
 
 
 
A Pertuis, une maison occupée contre le projet d’extension de la Zone d’Activité
 

À quelques kilomètres au nord d’Aix-en-Provence, dans un Luberon marqué par des écarts de richesse extrême, au milieu de la plaine de la Durance où les PDG de grandes industries ont établi leurs précarrés, détruisant peu à peu le cadre de vie local à cause notamment du prix vertigineux de l’immobilier, la commune de Pertuis (84) a planifié d’agrandir sa zone d’activité économique de 86 Ha. Celle-ci compte s’établir en lieu et place de terres agricoles très fertiles, nivelées et irriguées par un complexe mais (...)



À quelques kilomètres au nord d’Aix-en-Provence, dans un Luberon marqué par des écarts de richesse extrême, au milieu de la plaine de la Durance où les PDG de grandes industries ont établi leurs précarrés, détruisant peu à peu le cadre de vie local à cause notamment du prix vertigineux de l’immobilier, la commune de Pertuis (84) a planifié d’agrandir sa zone d’activité économique de 86 Ha. Celle-ci compte s’établir en lieu et place de terres agricoles très fertiles, nivelées et irriguées par un complexe mais très efficace système gravitaire et dont 90% sont cultivées actuellement. Le maire Roger Pellenc, sorte d’homme d’affaire aux manettes de la ville est l’instigateur de ce projet mortifère. En effet, il entend bien agrandir son activité industrielle en s’octroyant 30 hectares de la future zone.

 
 
 
 
 
 
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