Nique ton maire

Des va-et-vient au salon des Maires et des collectivités locales

paru dans lundimatin#315, le 29 novembre 2021

Cette année, comme tous les ans depuis 20 ans, se tenait le salon réservé à ces élus réputés comme étant les moins détestés des français, à savoir nos maires. Du 16 au 18 novembre, Porte de Versailles, différents pôles thématiques présentaient l’ensemble des équipements, matériels, infrastructures, et logiciels indispensables à la bonne gestion des villes. Le slogan du salon, “ICI nous cultivons des solutions”, ne pouvait laisser présager que du bon.

Nous ne nous attarderons pas sur les stands d’équipements sportifs rutilants que nous n’avons jamais vu ailleurs que dans des lycées de séries américaines, ni sur les derniers modèles de micro-tracteurs et camionnettes qui feraient saliver jusqu’à la déshydratation n’importe quel employé communal. Notre attention s’est surtout portée sur le pavillon n°4 qui regroupait audacieusement les pôles “Développement territorial et Attractivité”, “Environnement et Cadre de vie”, “Sécurité, Prévention et Protection” et “Tech et transformation numérique”. On notera d’abord que ces deux derniers pôles n’étaient pas facile à distinguer, tant les derniers logiciels de surveillance, smart tracking et motion capture à l’honneur confondent parfaitement sécurité, prévention, protection, technologie et transformation numérique. Pour démêler tout cela, partons à la rencontre des exposants.

À l’angle d’une allée, une start-up de jeunes ingénieurs souriants nous laisse jouer avec leurs gilets pare-balles estampillés “Police Municipale”, et nous précisent “ça c’est des plaques de catégorie 3, ça résiste aux armes de guerre”. Au vu de la diversité des armes dites de guerre, on serait tenté de leur demander comment ils s’y sont pris pour les tester mais à quoi bon ternir un enthousiasme aussi débordant ? On les interroge néanmoins sur la nécessité d’un tel matériel pour des policiers dont la fonction reste majoritairement de faire traverser les routes aux écoliers et de mettre des amendes de stationnement. Le PDG, ingénieur beau gosse au sourire charmeur, nous répond plein d’entrain : “Ah vraiment, il y a de plus en plus une militarisation de la Police, c’est fou”, il poursuit : “maintenant le matériel que l’on développait pour les soldats en opération, on arrive à le vendre aussi pour les Polices Municipales. C’est facile, on a juste à changer l’écusson. Bon, y’a encore des différences au niveau du budget entre les communes et l’armée”. Qui pourrait être en désaccord avec ce merveilleux monde de l’offre et de la demande ?

Nous continuons notre tour et apercevons des véhicules pimpants sérigraphiés Police Municipale. Et voilà qu’ils clignotent de tous les coins de la carrosserie, ornés de 4 ou 5 gyrophares chacun, on reste ébahi face à ces véhicules hybrides qui nous apparaissent comme le résultat d’une union contre-nature entre un SUV et un sapin de Noël.

Plus loin, une entreprise expose son système LAPI (Lecture Automatisée de Plaques d’Immatriculation) qui peut traiter jusque’à 10 000 véhicules par jour, c’est écrit sur la pancarte. Le commercial précise : “Et même plus avec les agents piétons ! On leur a développé une app pour faciliter les contrôles. On a aussi une solution comptage de passagers pour les transports publics. Ça nous permet de contrôler la fraude en temps réel”, bravo.

Un peu plus loin encore, passé divers stands de portiques de sécurité, on découvre une entreprise qui commercialise ses derniers logiciels de surveillance. L’un des directeurs, fier et serein, nous éclaire : “Nous collaborons avec le MI-5 britannique et Scotland Yard. Mais nos technologies sont maintenant utilisées par des services de police assez classiques. Grâce à l’antiterrorisme, la distinction qui existait entre les pratiques et méthodes des services de renseignement et les autres services existe de moins en moins. Ça facilite grandement la commercialisation de nos produits les plus intrusifs”. Toujours plus convaincant qu’un discours, il nous propose une démonstration personnalisée. Depuis son ordinateur connecté à des caméras intelligentes, il lance son logiciel et se met à traquer devant nos yeux ébahis délits et « incivilités » survenus les heures précédentes : “On peut aussi retrouver les auteurs de déjections canines” renchérit une commerciale britannique sans préciser néanmoins s’il s’agit de l’animal ou de son maître. La réponse s’affiche quelques secondes plus tard sur l’écran : le logiciel permet bien de cocher la case « chien » et même « chat ». L’incivilité, ce mal qui touche jusqu’à nos amis félidés. Cerise sur le gâteau, on repart même avec quelques goodies dont une mini-peluche de Bobbie’s anglais.

On louvoie encore un peu, de stand en stand, de petits fours en verres de jus d’orange et puis vient l’heure de quitter ce haut-lieu de la politique de proximité. Avant de sortir, une jeune fille dans un faux food-truck de hispters nous interpelle. Elle travaille pour “Google - Ateliers Numériques” et nous tend de super « crayons-graines ». Il suffit de les planter dans un petit pot de terre pour obtenir des pieds de tomates cerises. Deux semaines plus tard, elles n’ont toujours pas germées.

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