Inde : 100 ans de solitude libérale-fasciste
Depuis bientôt 100 ans, l’Inde est occupée souterrainement par une organisation paramilitaire disciplinée et imbibée d’une vision du monde explicitement (historiquement) nazie et mussolinienne. Cette « hydre », le RSS - Rashtriya Swayamsevak Sangh -, constelle le territoire d’écoles, de centre d’entraînement, de camps, elle a patiemment infiltré les institutions, les préfectures et le pouvoir. Elle a réécrit les livres scolaires, organisé le plus grand mouvement bénévole mondial et conspiré avec les multinationales extractivistes. Une entreprise totale, omniprésente et quasi-omnipotente irriguée par le principe violent du suprémacisme hindou. Narendra Modi, l’actuel premier ministre qui vient de remporter son troisième mandat, y a été formé pendant sa jeunesse. Narendra Modi qui était l’invité d’honneur d’Emmanuel Macron lors des commémorations du 14-juillet 2023. Le nationalisme hindou (hindutva) s’appuie sur une organisation para-militaire, des logiques électorales identitaires et la haine viscérale des musulmans et des indigènes. Il se combine aux intérêts extractivistes capitalistes, tient les médias et répand la terreur chez les opposants à grands coups de lois antiterroristes. Dans son dernier livre The incarcerations (Prix Orwell), Alpa Shah raconte l’arrestation de 16 intellectuels, poètes, avocats et chercheurs et leur incarcération pour terrorisme, sans procès et à partir de preuves fantasques. Elle nous laisse entrevoir comment le fascisme, la démocratie électoraliste, le néolibéralisme et le spectacle médiatique de masse peuvent se conjuguer dans de nouvelles formes de dictatures demeurées démocraties parlementaires. Husserl disait en 1933 : « il se peut que les indiens s’occidentalisent ; mais jamais nous ne nous indianiserons ». Il se peut, en 2024, que ce jugement doivent être révisé.
50 nuances de Fafs : enquête sur la jeunesse identitaire
À lire le livre de Marylou Magal et Nicolas Massol on a le sentiment d’assister à ces chasses nocturnes, ou autres danses macabres, ces bandes de mort-vivants débrayés que l’on disait surgir parfois quand il sonnait minuit à l’horloge de l’histoire. Bref : on entre dans une cave où défilent les principaux portraits des cadres politiques de la droite extrême - cinquante nuances de fafs. Or, du point de vue de sa jeunesse, les différences ne sont pas de nature, mais de degré. Comme dit fièrement Sarah Knafo : « on est tous pareils : tous. » Des souverainistes aux nationaux révolutionnaires (fascistes) en passant par les identitaires, le livre de Magal et Massol porte sur la grande dynamique de décloisement des familles de la droite, qui de la Manif pour tous aux dernières législatives, à travers sa jeunesse, s’est convertie à la logique identitaire et civilisationnelle. Dans cet entretien, on traverse la vie banale et ridicule d’un Bardella fils à papa, qui roule en smart parce qu’il a peur du métro, on croise l’existence opportuniste d’une Sarah Knafo fan d’Henri Guaino, et on pose la question de la bollorosphère et de ses trois cartes maîtresses : le lepénisme émancipé de son discours social ; le zemmourisme radicalisé à valeur de Gollum ; et Hanouna, potentiel Trump futur à la française, dernière option des droites extrêmes pour trouver un appui spectaculaire dans le peuple réduit à l’audimat.
Tétralemme révolutionnaire et tentation fasciste
Michalis Lianos est chercheur et sociologue. Il a beaucoup travaillé sur le contrôle social et la manière dont la peur et la « sécurité » façonnent nos représentations politiques et sociales, c’est-à-dire le monde. Au fil du mouvement des Gilets jaunes, il a publié dans lundimatin ce que nous considérons être la meilleure analyse sociologique du mouvement en cours, auquel il participait. Mais en 2022, M. Lianos nous transmettait un nouvel article, brillant encore mais un peu déprimant : Le tétralemme révolutionnaire et la tentation autoritaire. Pour le résumer vite et mal, l’écrasement et la répression du mouvement des Gilets jaunes poussaient à un repli dans les affects communautaires, réactionnaires... fascistes ? Le 9 juin dernier, une fois les résultats de l’élection européenne connues, Michalis Lianos nous a envoyé un SMS laconique : « comme prévu ». En réponse, nous lui avons proposé cet entretien.
Fascisme et bloc bourgeois avec Stefano Palombarini
Dans leur livre L’illusion du bloc bourgeois,Stefano Palombarini et Bruno Amable citent L’Art de la guerre de Machiavel :« Celui-là est rarement vaincu, qui sait mesurer ses forces et celles de l’ennemi. » À partir de cette prise de position « néoréaliste », essayons de mesurer la dynamique et l’histoire des forces de l’ennemi en dissipant les nuages du chaos apparent. Bruno Latour avait pour axiome : il n’y a pas de rapport de force, il n’y a que des rapports de faiblesse. Cela s’applique bien à une situation actuelle, qui dès 2017 était présentée comme une crise :
« la France traverse la phase la plus aiguë d’une crise politique ouverte depuis plus de trente ans. Krisis, en grec, signifie « jugement », « décision » ; au risque de prêter à confusion, on pourrait écrire que si la crise dure depuis si longtemps, c’est que la France n’arrive pas à fixer la direction qu’elle veut prendre »
Or cette crise semble, désormais, se réduire et se résumer dans la « décision » devenue presque arbitraire du président Macron. Elle semble atteindre une forme paroxystique. Voire extatique. Les stratagèmes électoraux du macronisme, devenus inopérants, font place à ce qu’il reste lorsque la stratégie semble morte : le pur pari – l’action votive – le coup de poker. C’est là, peut-être, la pointe la plus extrême du rapport de faiblesse. Car ce qui est en jeu dans cette dissolution, c’est bien tout le paradoxe d’une victoire par deux fois d’un président dont le soutien est une base sociale minuscule, obligé d’essayer de se rallier non seulement le « bloc bourgeois », ni de droite ni de gauche, mais, à terme, le « bloc identitaire » - seul bloc « populaire » encore compatible avec le libéralisme autoritaire. En bref : il y a, depuis 40 ans, une vaste crise d’hégémonie et de dominance sociale et donc, en conséquence, une multiplication violente des rapports de faiblesse.
Où va le bloc bourgeois ? En quoi le 9 juin est le signe de sa fin ou de sa recomposition identitaire ? Nous essayons d’aborder ces questions ce soir avec Stefano Palombarini.
Version podcast
Pour vous y abonner, des liens vers tout un tas de plateformes plus ou moins crapuleuses (Apple Podcast, Amazon, Deezer, Spotify, Google podcast, etc.) sont accessibles par ici.
Voir les lundisoir précédents :
Fissurer l’empire du béton avec Nelo Magalhães
La révolte est-elle un archaïsme ? avec Frédéric Rambeau
Le bizarre et l’omineux, Un lundisoir autour de Mark Fisher
Démanteler la catastrophe : tactiques et stratégies avec les Soulèvements de la terre
Crimes, extraterrestres et écritures fauves en liberté - Phœbe Hadjimarkos Clarke
Pétaouchnock(s) : Un atlas infini des fins du monde avec Riccardo Ciavolella
Le manifeste afro-décolonial avec Norman Ajari
Faire transer l’occident avec Jean-Louis Tornatore
Dissolutions, séparatisme et notes blanches avec Pierre Douillard-Lefèvre
De ce que l’on nous vole avec Catherine Malabou
La littérature working class d’Alberto Prunetti
Illuminatis et gnostiques contre l’Empire Bolloréen avec Pacôme Thiellement
La guerre en tête, sur le front de la Syrie à l’Ukraine avec Romain Huët
Feu sur le Printemps des poètes ! (oublier Tesson) avec Charles Pennequin, Camille Escudero, Marc Perrin, Carmen Diez Salvatierra, Laurent Cauwet & Amandine André
Abrégé de littérature-molotov avec Mačko Dràgàn
Le hold-up de la FNSEA sur le mouvement agricole
De nazisme zombie avec Johann Chapoutot
Comment les agriculteurs et étudiants Sri Lankais ont renversé le pouvoir en 2022
Le retour du monde magique avec la sociologue Fanny Charrasse
Nathalie Quintane & Leslie Kaplan contre la littérature politique
Contre histoire de d’internet du XVe siècle à nos jours avec Félix Tréguer
L’hypothèse écofasciste avec Pierre Madelin
oXni - « On fera de nous des nuées... » lundisoir live
Selim Derkaoui : Boxe et lutte des classes
Josep Rafanell i Orra : Commentaires (cosmo) anarchistes
Ludivine Bantigny, Eugenia Palieraki, Boris Gobille et Laurent Jeanpierre : Une histoire globale des révolutions
Ghislain Casas : Les anges de la réalité, de la dépolitisation du monde
Silvia Lippi et Patrice Maniglier : Tout le monde peut-il être soeur ? Pour une psychanalyse féministe
Pablo Stefanoni et Marc Saint-Upéry : La rébellion est-elle passée à droite ?
Olivier Lefebvre : Sortir les ingénieurs de leur cage
Du milieu antifa biélorusse au conflit russo-ukrainien
Yves Pagès : Une histoire illustrée du tapis roulant
Alexander Bikbov et Jean-Marc Royer : Radiographie de l’État russe
Un lundisoir à Kharkiv et Kramatorsk, clarifications stratégiques et perspectives politiques
Sur le front de Bakhmout avec des partisans biélorusses, un lundisoir dans le Donbass
Mohamed Amer Meziane : Vers une anthropologie Métaphysique->https://lundi.am/Vers-une-anthropologie-Metaphysique]
Jacques Deschamps : Éloge de l’émeute
Serge Quadruppani : Une histoire personnelle de l’ultra-gauche
Pour une esthétique de la révolte, entretient avec le mouvement Black Lines
Dévoiler le pouvoir, chiffrer l’avenir - entretien avec Chelsea Manning
Nouvelles conjurations sauvages, entretien avec Edouard Jourdain
La cartographie comme outil de luttes, entretien avec Nephtys Zwer
Pour un communisme des ténèbres - rencontre avec Annie Le Brun
Philosophie de la vie paysanne, rencontre avec Mathieu Yon
Défaire le mythe de l’entrepreneur, discussion avec Anthony Galluzzo
Parcoursup, conseils de désorientation avec avec Aïda N’Diaye, Johan Faerber et Camille
Une histoire du sabotage avec Victor Cachard
La fabrique du muscle avec Guillaume Vallet
Violences judiciaires, rencontre avec l’avocat Raphaël Kempf
L’aventure politique du livre jeunesse, entretien avec Christian Bruel
À quoi bon encore le monde ? Avec Catherine Coquio
Mohammed Kenzi, émigré de partout
Philosophie des politiques terrestres, avec Patrice Maniglier
Politique des soulèvements terrestres, un entretien avec Léna Balaud & Antoine Chopot
Laisser être et rendre puissant, un entretien avec Tristan Garcia
La séparation du monde - Mathilde Girard, Frédéric D. Oberland, lundisoir
Ethnographies des mondes à venir - Philippe Descola & Alessandro Pignocchi
Enjamber la peur, Chowra Makaremi sur le soulèvement iranien
Le pouvoir des infrastructures, comprendre la mégamachine électrique avec Fanny Lopez
Comment les fantasmes de complots défendent le système, un entretien avec Wu Ming 1
Le pouvoir du son, entretien avec Juliette Volcler
Qu’est-ce que l’esprit de la terre ? Avec l’anthropologue Barbara Glowczewski
Retours d’Ukraine avec Romain Huët, Perrine Poupin et Nolig
Démissionner, bifurquer, déserter - Rencontre avec des ingénieurs
Anarchisme et philosophie, une discussion avec Catherine Malabou
La barbarie n’est jamais finie avec Louisa Yousfi
Virginia Woolf, le féminisme et la guerre avec Naomi Toth
Françafrique : l’empire qui ne veut pas mourir, avec Thomas Deltombe & Thomas Borrel
Guadeloupe : État des luttes avec Elie Domota
Ukraine, avec Anne Le Huérou, Perrine Poupin & Coline Maestracci->https://lundi.am/Ukraine]
Comment la pensée logistique gouverne le monde, avec Mathieu Quet
La psychiatrie et ses folies avec Mathieu Bellahsen
La vie en plastique, une anthropologie des déchets avec Mikaëla Le Meur
Anthropologie, littérature et bouts du monde, les états d’âme d’Éric Chauvier
La puissance du quotidien : féminisme, subsistance et « alternatives », avec Geneviève Pruvost
Afropessimisme, fin du monde et communisme noir, une discussion avec Norman Ajari
Puissance du féminisme, histoires et transmissions
Fondation Luma : l’art qui cache la forêt
L’animal et la mort, entretien avec l’anthropologue Charles Stépanoff
Rojava : y partir, combattre, revenir. Rencontre avec un internationaliste français
Une histoire écologique et raciale de la sécularisation, entretien avec Mohamad Amer Meziane
LaDettePubliqueCestMal et autres contes pour enfants, une discussion avec Sandra Lucbert.
Basculements, mondes émergents, possibles désirable, une discussion avec Jérôme Baschet.
Au cœur de l’industrie pharmaceutique, enquête et recherches avec Quentin Ravelli
Vanessa Codaccioni : La société de vigilance
Comme tout un chacune, notre rédaction passe beaucoup trop de temps à glaner des vidéos plus ou moins intelligentes sur les internets. Aussi c’est avec beaucoup d’enthousiasme que nous avons décidé de nous jeter dans cette nouvelle arène. D’exaltations de comptoirs en propos magistraux, fourbis des semaines à l’avance ou improvisés dans la joie et l’ivresse, en tête à tête ou en bande organisée, il sera facile pour ce nouveau show hebdomadaire de tenir toutes ses promesses : il en fait très peu. Sinon de vous proposer ce que nous aimerions regarder et ce qui nous semble manquer. Grâce à lundisoir, lundimatin vous suivra jusqu’au crépuscule. « Action ! », comme on dit dans le milieu.