La société de vigilance

Auto-surveillance, délation et haines sécuritaires
Entretien avec Vanessa Codaccioni

lundisoir - paru dans lundimatin#287, le 15 mai 2021

« Dénoncer, signaler, ça alimente un flot de paroles citoyennes en faveur de la répression. » [Vidéo]

Durant le confinement du printemps 2020, la Préfecture de Police avait alerté sur une saturation du « système d’urgence », du fait d’une augmentation des délations (pour signaler ici des manquements aux règles du confinement). Et avait demandé à ne plus alimenter le 17 avec ce type de dénonciations. Dans d’autres pays, le problème a été réglé par la mise en place de plateformes numériques (par exemple en Nouvelle-Zélande, mais aussi en Belgique ou au Canada), qui n’est pas sans rappeler l’expérimentation de la ville de Nice quelques années auparavant. Il y a quelques semaines le ministre de l’Intérieur, M. Darmanin, annonçait le lancement d’une plateforme « permettant à chacun de signaler à la police et à la gendarmerie les points de deal se trouvant près de chez lui ». Au delà du surinvestissement politique des questions sécuritaires en prévision de l’élection présidentielle à venir, que disent de notre époque ces réflexes de délation et ces injonctions au « signalement » ? S’agit-il réellement d’un retour ? Quel rôle joue ici la numérisation des rapports (la dénonciation derrière son clavier étant déjà un moteur des réseaux sociaux) ?

Nous avons interrogé Vanessa Codaccioni, maîtresse de conférences en science politique à l’Université Paris 8, sur ces questions. En janvier dernier l’autrice de Justice d’exception publiait un nouvel ouvrage, La société de vigilance, Auto-surveillance, délation et haines sécuritaires, que décrivent ainsi les éditions Textuel :

Partout dans le monde, les populations sont incitées à se mobiliser pour assurer leur propre sécurité et celle de leur pays. Partout, les appels à la vigilance et à la responsabilité individuelle se multiplient, tandis que les États s’appuient de plus en plus sur les citoyennes et les citoyens pour surveiller, réprimer et punir. Au travail, sur internet, dans la rue, à l’école, au sein de la famille.
Prolongeant ses travaux sur la répression, Vanessa Codaccioni retrace l’avènement de ce phénomène. Elle montre comment de nombreux dispositifs tendent à utiliser les populations à des fins sécuritaires, à impulser des comportements policiers, espions ou guerriers en leur sein et à institutionnaliser la surveillance mutuelle et la délation. Ces injonctions sécuritaires visent à obtenir l’obéissance citoyenne et à légitimer la répression.

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