Nouvelles conjurations sauvages

Un lundisoir avec Edouard Jourdain

lundisoir - Principes d’anarchie - paru dans lundimatin#375, le 21 mars 2023

Ce soir Lundimatin accueille Edouard Jourdain pour son livre Le Sauvage et le Politique. Courte synthèse extrêmement serrée des derniers acquis de l’anthropologie anarchiste (Clastres, Salhins, Graeber, Scott), son livre tombe à pic pour notre exploration des rapports entre « philosophie, anthropologie et anarchisme » - depuis que Catherine Malabou est venue nous en démontrer les difficiles articulations. Nous essaierons de comprendre ce qu’est le « sauvage », pourquoi le roi est « un excrément », « un tas d’ordure », comment le sacré est la première forme de constitution, comment la magie se distingue du miracle, et pourquoi Proudhon, mine de rien, c’est quand même pas mal.

A voir lundi 13 mars à partir de 19h

« Louis. – Mais quoi ! Les hommes sont mauvais par nature, et s’il n’y avait pas les lois, les juges et les gendarmes pour nous tenir en respect, pires que les loups, nous nous dévorerions entre nous.

Georges. – S’il en était ainsi, ce serait une raison de plus de ne donner à personne le pouvoir de commander et de disposer de la liberté des autres. »

Errico Malatesta, Au Café, 1913

Édouard Jourdain vient de sortir une synthèse d’anthropologie politique proudhonienne, anarchiste, anti-wébérienne d’une densité diamantaire : Le Sauvage et le Politique. Dans Politik als Beruf [1] (1919), Max Weber posait la coalescence du Politique et de l’État. La Politique devait déterminer un groupement pour la « direction » ou l’« influence » de l’État. On y trouvait cette définition minimale bien connue : l’État comme déhiscence territoriale du monopole de la violence physique légitime [2]. La violence n’est pas seulement son ultima ratio ; elle est sa raison d’être, elle est sa condition de possibilité, son socle et sa dernière instance. Weber écrivait magnifiquement :

« "Tout État est fondé sur la force", disait un jour Trotsky à Brest-Litovsk. En effet, cela est vrai. S’il n’existait que des structures sociales d’où toute violence serait absente, le concept d’État aurait alors disparu et il ne subsisterait que ce qu’on appelle, au sens propre du terme, l’"anarchie". La violence n’est évidemment pas l’unique moyen normal de l’État, - cela ne fait aucun doute - mais elle est son moyen spécifique. » (Politik als Beruf)

Dont acte, Édouard Jourdain, en dissociant État et Politique et donc Politique et Violence, contribue ici ce soir à l’ensauvagement, au marronnage ou à la féralisation de son concept : la faible dialectique politique des groupes humains n’est plus celle de la lutte pour la conquête de l’appareil d’État, elle est celle de la domestication d’un côté, et des « conjurations sauvages » (384) de l’autre. Conjuration et Domestication deviennent les catégories d’une théorie politique sauvage. Pour Édouard Jourdain, à la suite de Clastres (La Société contre l’État) et de Deleuze (Anti-Œdipe, ch. 3 ; Mille plateaux, 13e Plateau) l’État est pris, depuis les sociétés sans État, et au cours des processus de son émergence, dans l’écheveaux d’une multiplicité de mécanismes (et même plutôt de « stratagèmes » [3]) qui l’anticipent et le conjurent et qui, paradoxalement, au rythme même de sa conjuration crépusculairement « ambivalente », lui permettent aussi d’ébrécher et de pénétrer peu à peu l’équilibre des groupes qui pourtant le refoulent. Le sacrifice, le prophète, le chaman, le prêtre, la sacralisation, la divinisation, la guerre, le cannibale, la magie, l’esclave tout est équivoque, tout peut le plus comme le moins, tout diffère et amène, par exemple, le cauchemar de l’État.

Ce qui fait la spécificité théorique de Jourdain c’est son proudhonisme. Que ce soit dans Misère de la philosophie ou dans l’Introduction générale à la critique de l’économie politique et régulièrement à travers son œuvre, Marx n’a jamais vraiment cessé de se moquer du caractère superficiel du « tri sélectif » ou de la recherche des bons et des mauvais côtés, du plus et du moins en toutes choses, auquel se livrait Proudhon au cours de ses analyses « historico-philosophiques » fondées sur un ersatz burlesque de dialectique sérieuse. Aujourd’hui, c’est la dialectique marxiste qui devient, dialectiquement, le risible ersatz du proudhonnisme radical.

Quelle est le cadre conceptuel de Jourdain ? D’abord une distinction massive entre « le » politique et « la » politique. « La » politique définit le maintien d’un équilibre des forces contre la menace du démantèlement de la société : « il s’agit toujours de la préserver de la guerre civile ». La politique est une autoinstitution conjurant son autodestruction. (22) La politique recoupe donc tant les sociétés primitives que les sociétés modernes. « Le » politique, quant à lui, est « le mouvement qui, dans une dialectique de conflit et de coopération, conduit à transformer les coordonnées de la politique. » (22) Il est « moteur de l’histoire » par le déséquilibre et l’avènement de nouvelles configurations. [4] Cette tension entre la politique conservatrice et le politique transformateur sert à Jourdain pour cadrer la définition d’une « politique juste » : sera juste une politique permettant « au politique de faire son œuvre en accordant l’autonomie pleine et entière aux forces collectives, afin qu’elles puissent composer avec l’altérité dans un équilibre propice à l’élargissement d’un monde commun » (22-23).

À partir de ce cadre, Jourdain élabore ce que l’on pourrait appeler une « théorie des brèches ». Cette théorie est double : brèches vivantes à la surface du cristal mobile de la communauté (« sauvage » ou moderne) par lesquelles adviennent autant le spectre de l’État que celui du Commun. De temps à autre, dans le texte de Jourdain, les « brèches » sont celles de l’État en émergence à travers les dispositifs qui, en situation normale, devraient le refouler hors de l’être social. Par exemple, à propos du prophétisme dans les sociétés sans État, Jourdain écrit, à la suite de Clastres [5] : « Dans son discours, le prophète transgresse l’ordre des mots en leur faisant subir une légère altération qui pourtant va tout changer. Cette transgression vaut promesse mais cette promesse est une illusion qui ouvre en réalité une brèche dans la conception sauvage du politique en y faisant entrer la personnalisation du pouvoir. » (100, je souligne) Ici, le prophétisme (celui des Tupi-Guarani) fait office de brèche étatisante – brèche d’autonomisation sauvage et indisciplinée d’un futur bureaucrate : « le prophète constituerait ainsi une sorte de figure intermédiaire entre le chamane et le prêtre conçu comme fonctionnaire de l’État. Ces personnages s’inscrivent tous dans la constitution d’un ordre donné ou en train de se créer. » (101) La lente victoire de la brèche étatisante du socius primitif, laissant advenir des chamanes médiateurs de l’imaginaire collectif [6], des prêtres dont le ministère dédouble l’ancienne fonction sacrificiel du roi sacré, des prophètes parlant à la place et au nom du collectifs, tous plus ou moins ventriloques de l’autre, fut systématiquement contingente et mêlée à des luttes contradictoires.

À la brèche étatisante, Jourdain aimerait opposer une brèche anarchisante. La brèche étatisante a accéléré la dimension historique du temps collectif : avec l’État, le réel se volatilise au nom de l’avenir en marche, « tout devient virtuellement possible » au cours de l’histoire. Mais ce n’est pas l’État qui rend possible l’histoire, c’est la société qui pose l’État pour faire l’histoire, c’est-à-dire pour ouvrir ce devenir virtuellement possible de l’action. « Ce n’est cependant pas tant l’État qui s’est mis à faire l’histoire que la société qui, en créant l’État, s’est représentée à travers lui comme actrice historique, avec les tensions voire les conflits toujours sous-jacents entre État et société » (379) Or, paradoxalement, écrit Jourdain, l’État moderne qui s’est fondé sur l’idée de « perfectibilité », donc de devenir historique en progrès, a fini par déboucher sur un fétichisme de la nouveauté et de l’événement qui, au lieu de faire surgir de l’inédit, ne peut plus que reconduire son éternel présentisme. La « croyance en l’Histoire » s’est changée en « croyance en l’Événement », selon François Hartog, ne pouvant que déclencher « aussitôt des flots de commentaires tautologiques » (cité 380) parfaitement ignorants des archives du temps. Là où l’État se présentait comme figure de l’action historique des masses ; il se présente désormais comme clôture minérale, coprolithe figé du devenir, dernier statum, there is no alternative, à peine susceptible de différer et de retenir une catastrophe perpétuellement annoncée, conjuration sauvage du politique par la politique, et, conséquemment, ne se dresse plus que comme vestige, ébréché de part en part, des paléo-possibilités qu’il servait, hier, à féconder. C’est ici qu’entre en jeu les brèches anarchisantes – qu’on nommerait volontiers « brèches destituantes » si, en réalité, elle ne récusait pas, justement la dichotomie constituant-destituant en débat entre négristes et tiqqunistes - de Jourdain : « il est possible de retrouver dans toute société des failles ou des brèches qui traversent » les deux dimensions du temps et de l’histoire (382). « Les brèches sont à la fois (et paradoxalement) toujours radicalement nouvelles et dépendantes des failles qui les ont précédées ». Elles fonctionnent à la manière « d’associations sélectives et analogiques », bien illustrées par Daniel Colson lorsque les événements de la commune de Paris inondent la révolution espagnole, où lorsque les révoltés de Boston revêtent les atours des Indiens mohawks pour foutre en l’air par-dessus bord leur cargaison de thé. « Au-delà de l’objectivité de l’Histoire et de la subjectivité des histoires il existe ainsi des brèches qui ouvrent sur des mondes futurs riches des potentiels passés. Ces brèches, qui sont autant d’appels aux possibles, introduisent alors le chaos pour réenvisager l’ordre du temps, et par-là même l’ordre des choses. » (383)

Derrière cette théorie des brèches étatisantes et anarchisantes, se cache la « leçon des sauvages » : « il n’existe pas de condition naturelle idyllique et toute société doit composer avec ses parts d’ombre. » (384). Autrement dit : la question n’est pas, et ne saurait être, d’un point de vue proudhonnien, celle de la destitution en général. Mais elle n’est pas non plus celle de la constitution ou du ridicule « État général » lordonien. La question est celle de savoir : comment des mécanismes de conjuration (de destitution a priori d’un mal encore absent) s’érodent pour se changer en mécanismes de domestication (de constitution, de limitation d’un pouvoir actuel toujours excessif et excédentaire [7]), comment ces domestications et conjurations s’inversent en s’ensauvageant et s’autonomisant de leurs conjurateurs et domesticateurs, pour, en retour, les dominer, et comment, alors, les conjurer et les domestiquer à nouveau.

« Nous avons vu dans nos développements les processus qui menaient à de telles relations, mais aussi les mécanismes de leur conjuration. Ces conjurations ont en partie échoué avec la monopolisation du pouvoir politique, du pouvoir économique et du pouvoir relevant de l’imaginaire. L’État, la propriété privée et la religion ne sont pas des institutions naturelles mais le produit d’une histoire. Ils ont charrié leur lot d’oppression et de servitude tout en contribuant à certaines formes d’émancipation qui ont conduit à la modernité. D’où leur ambivalence qu’il s’agit désormais de repenser à l’aune de nouvelles conjurations sauvages. D’une certaine manière, l’espèce humaine a transposé dans ces institutions le caractère sauvage qui la caractérise, les conduisant à devenir elles-mêmes autonomes et échappant alors à leur sujet instituant. Tout l’enjeu consiste à les domestiquer en reprenant le pouvoir sur elles. Elles ne seront plus alors tout à fait ce qu’elles étaient. » (385)

Car pour Jourdain, il n’y a pas que les « crises de la présence » et les dispositifs conçus pour y remédier dans la circulation maximale d’un présent éternisé (cf. Tiqqun) qui posent problème au collectif : tout aussi dangereuses et limitantes sont les « crises d’indifférenciation » du social, c’est-à-dire les crises de l’Un – crises où partis du chaos pour procéder à des processus de différentiation en son sein, les hommes font émerger une autorité qui tend vers l’Un et retourne, par-là même, à l’indifférenciation de départ.

« Il peut exister un premier mouvement de différenciation où une autorité, telle celle du roi sacré bouc émissaire, va organiser l’ordre. Mais cette autorité, en se prenant pour l’Un et en déniant à la pluralité des forces sociales leur autonomie, risque de reconduire à une crise de l’indifférenciation. En réalité, il existe toujours une tension entre le mouvement immanent des forces qui organisent elles-mêmes la différenciation (notamment par un équilibre des pouvoir prévenant la contamination de la violence) et le mouvement transcendant du souverain qui organise de son propre point de vue ce qu’il conçoit comme différenciation. »

Et Jourdain ajoute, en citant Proudhon, que ce qu’on appelle « unité et centralisation n’est autre chose que le chaos éternel, servant de base à un arbitraire sans fin ; c’est l’anarchie des forces sociales prise pour argument du despotisme, qui sans cette anarchie n’existerait pas. » (cité 77) Autrement dit, le va et vient entre le chaos et l’ordre qui se change en chaos à s’unifier et se centraliser accompagne, de crise d’indifférenciation en crise d’indifférenciation, les brèches dialectiques du sauvage et du politique, mettant en jeu les coordonnées cosmologiques dans lesquelles nous déambulons vers une « politique juste ».

En guise de conclusion, on peut dire que l’effondrement présent de notre société tient à un retour de la « crise d’indifférenciation ». Comme l’affirme Jourdain : « si nous sentons que la nôtre est au bord de l’effondrement, c’est parce que nous n’avons pas réussi à redéfinir les données du politique par un nouvel équilibre des forces induit par une cosmogonie dont l’enjeu consiste à évaluer et sélectionner ce dont le passé est porteur grâce aux forces imaginaires que porte le réel afin d’envisager un futur plus juste. » (389). Si l’on accepte que l’insurrection n’est pas une science achevée et qu’elle enrichit son parti imaginaire des dépouilles en lambeaux de mondes dévastés et révolus, peut-être trouverons-nous avec Jourdain un arsenal de nouvelles armes – bizarres, limitées, parfois branlantes, mais donnant aux problématiques qui nous concernent, un kaléidoscope des pratiques passées et de leurs fonctions supposées, afin de ressaisir la révolution non comme coupure à tables rases, mais, comme dit Péguy, comme

« une excavation, un approfondissement, un dépassement de profondeur. » (cité 390).

Ut Talpa

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Comme tout un chacune, notre rédaction passe beaucoup trop de temps à glaner des vidéos plus ou moins intelligentes sur les internets. Aussi c’est avec beaucoup d’enthousiasme que nous avons décidé de nous jeter dans cette nouvelle arène. D’exaltations de comptoirs en propos magistraux, fourbis des semaines à l’avance ou improvisés dans la joie et l’ivresse, en tête à tête ou en bande organisée, il sera facile pour ce nouveau show hebdomadaire de tenir toutes ses promesses : il en fait très peu. Sinon de vous proposer ce que nous aimerions regarder et ce qui nous semble manquer. Grâce à lundisoir, lundimatin vous suivra jusqu’au crépuscule. « Action ! », comme on dit dans le milieu.

[1« Le métier et la vocation d’homme politique » dans Le Savant et le Politique

[2On oublie souvent dans sa définition que ce « monopole » a une extension territoriale, qu’elle est clôturée par cette extension. Ce qui doit nous poser problème : extraterritorialité des traques internationales, rogues actions sur les mers, sous les mers et au-delà de la ligne de Karman, « opérations spéciales » et préventives, « Raison d’État » et « État profond » où le monopole n’a de « légitime » qu’en raison de son obscurité…

[3« Le sacrifice est un stratagème qui permet de détourner la violence de manière à éviter la vengeance qui, bien que faisant l’objet de rituels régulatoires dans les sociétés sans bouc émissaire, demeure un profond danger. » (ch. II – « Du sacrifice en clair-obscur », « du chaos au rite », 81 – je souligne)

[4Cette tension entre le et la politique, dynamique des théories de l’équilibre et du déséquilibre social, on la trouve chez ce structuralo-dynamiste hétérodoxe qu’est Edmund Leach. Critique humoral et acerbe des « collectionneurs de papillons anthropologiques », les fonctionnalistes, Leach récuse l’idée selon laquelle la société tendrait à l’équilibre, privilégiant les contradictions fondamentales de la rivalité compétitive pour la prise de pouvoir. Jourdain, avec son concept de « politique » ambivalent, pourrait se reconnaître dans une théorie dynamique des transformations selon un double mouvement de conjuration se changeant en domestication et d’ensauvagement du domestiqué finissant par conjurer ses conjurateurs. Cf. https://www.universalis.fr/encyclopedie/edmund-ronald-leach/

[5« Dans le discours des prophètes gît peut-être en germe le discours du pouvoir et, sous les traits exaltés du meneur d’hommes qui dit le désir des hommes se dissimule peut-être la figure silencieuse du Despote. » (P. Clastres, Société contre l’État, 186)

[6Charles Stépanoff distingue entre le chamanisme hiérarchique de la tente blanche où le chaman sert de médiateur mais aussi d’interprète des relations d’un groupe avec son propre imaginaire invisible, chamanisme hiérarchique de pur spectacle où le chaman se substitue à la puissance imaginative du groupe en la mimant et en se l’appropriant ; et le chamanisme hétérarchique de la tente noire où le chaman, invisible dans la pénombre, n’est là, en retrait, que pour accompagner les processus extatiques de ses camarades – dans ces sociétés hétérarchiques, tout le monde est un peu chaman. J’ajoute à ce propos qu’à l’époque des premiers temps de l’Incubation au temple d’Épidaure, la caste des onirocrites et des prêtres d’Asclépios, d’Isis ou de Trophonios, ne s’était pas encore constituée : les malades qui venaient se coucher sur les peaux de bête de l’abaton, au milieu des vapeurs d’encens, et entre les inoffensifs serpents jaunes de la région, pouvaient rêver directement de leur propre rémission par l’intervention onirique d’Asclépios. Avec le temps, les prêtres et les onirocrites finirent par devenir les médiateurs et interprètes des rêves thérapeutiques de plus en plus équivoques et indéchiffrables pour des patients rendus à la passivité de l’image hermétique, jusqu’au point où certains onirocrites se mirent à rêver pour les autres et donc à leur place.

[7Par exemple, lorsque vous avez affaire à l’émergence d’un souverain (ce qui est compatible avec l’absence d’État comme c’est le cas chez les Shilluck nilotiques du sud-soudan) la meilleure façon de limiter son devenir divin (tyrannique, arbitraire et violent) est de le sacraliser. De le corseter de sacré en le limitant par nombre de rituels, de cérémonies et de tabous (37). Comme l’écrit Hocart, Rois et courtisans : « le roi n’est pas maître mais captif de l’institution ». « …la Constitution n’est pas une invention récente : c’est l’essence même de la royauté. ».

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