DU NAZISME ZOMBIE

Un lundisoir avec Johann Chapoutot

paru dans lundimatin#415, le 12 février 2024

Nous poursuivons notre série de Lundisoirs sur la fascisation d’atmosphère qui, jour après jour, pulvérise la prétendue évidence du jamais plus.
Après le portrait des droites radicales magistralement exécuté par Pablo Stéfanoni et Marc Saint Upéry, l’examen des linéaments de l’hypothèse écofasciste par Pierre Madelin et plusieurs heures de débats publics intitulés Fascisme ou révolution nous accueillons aujourd’hui l’historien Johann Chapoutot.
Le problème que nous essayons de suivre avec lui, c’est celui qui pourrait être résumé par la question suivante : les années 30 sont-elles derrière ou devant nous ? Soit : Que faire du sentiment viscéral que nous vivons une « récidive » de l’entre-deux-guerres ?

À voir lundi 12 février à partir de 19h

Version podcast

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Gérard Granel prophétisait, avant de s’éteindre en 2000 : « Les années 30 sont devant nous. » Cette drôle de familiarité avec les spectres du siècle arrière, qui s’insinue partout au moment même où les archives audiovisuelles de ces années-là se voient désormais colorisées, rafraîchies et rajeunies, au moment même où la fin du noir et blanc abolit l’ancienne distance des temps entre eux et nous, cette familiarité exige que l’on y fasse, analytiquement, retour. Même si, en 2017, Johann Chapoutot disait lui-même que : « la comparaison est permanente sans être pertinente », la permanence même de la question fasciste n’est pas, en elle-même, anodine.

L’approfondissement impertinent de sa permanence nous pose question. Le néo-kantien de la revue Esprit, Michaël Foessel, dans son livre Récidive (2018), disait que le « spectre » de l’année 1938 hantait la France de 2018 : même « société qui, sans rien savoir de ce qui [l’attend], [a] déjà abdiqué sur l’essentiel », même « antiparlementarisme par le haut », même multiplication des décrets-lois ou des 49.3, des lois pénalisant l’entraide (décrets-lois de Daladier du 2 mai 1938 sur « la police des étrangers »), même accoutumance à la xénophonie, même contemption de la LDH, même sentiment général « que la fête est finie ». Et ce n’était qu’en 2018.

Six ans plus tard, en 2024, Macron a bien failli promulguer la préférence ethnoraciste du RN avec sa loi immigration (« Rassemblement national » tire bizarrement sa nouvelle appellation du parti de Marcel Déat, le Rassemblement national populaire de 1941). Début 2024, on apprend qu’en Allemagne, le parti d’extrême droite AfD planifie, en secret, en cas de victoire électorale, les premiers dispositifs de remigration d’une partie des citoyens allemands dits « non-assimilés ». Or, si l’on ne fait pas de l’histoire téléologique, pour les nazis, au départ, il ne s’agissait jamais « que » de cela : faire remigrer les juifs à Madagascar. Comme l’écrit James Q. Whitman : « L’extermination est venue plus tard. Dans la période qui nous intéresse ici, la priorité des nazis était l’émigration forcée. »

Alors on pourrait se dire que 2024, ce n’est rien.

Pourtant, c’est exactement aussi ce que pensaient les contemporains du nazisme : Léon Blum n’écrivait-il pas, en 1932 : « Les nazis sont exclus du pouvoir, ils sont même exclus de l’hypothèse même du pouvoir. » ? Ou encore, 29 jours avant la nomination d’Hitler à la Chancellerie, le 1er Janvier 1933, le quotidien social-démocrate Vorwärts ne saluait-il pas la nouvelle année en titrant : « Ascension et chute de Hitler » ? Jacques Madaule, de la revue Esprit, ne disait-il pas, en 1938, un an avant Vichy : « Un parti fasciste en France, pour le moment nous ne le voyons pas. ». Madaule ne pouvant pas imaginer que le parti fasciste qu’il cherchait autour de lui allait venir de l’intérieur même des organes de l’État, au moment de la défaite et de l’avènement de Pétain ?

Après tout, aujourd’hui, dans une drôle de symétrie inversée, le fait d’anticiper, de craindre, de pressentir ou de voir partout « le » fascisme supposément s’imposer, est peut-être le signe, justement, comme le disait un génie de plateaux télé : qu’ « il n’y a aucun désastre à l’horizon, sauf dans votre tête, monsieur. »

Voir les lundisoir précédents :

Comment les agriculteurs et étudiants Sri Lankais ont renversé le pouvoir en 2022

Le retour du monde magique avec la sociologue Fanny Charrasse

Nathalie Quintane & Leslie Kaplan contre la littérature politique

Contre histoire de d’internet du XVe siècle à nos jours avec Félix Tréguer

L’hypothèse écofasciste avec Pierre Madelin

oXni - « On fera de nous des nuées... » lundisoir live

Boxe et lutte des classes avec Selim Derkaoui

Commentaires (cosmo) anarchistes avec Josep Rafanell i Orra

Une histoire globale des révolutions avec Une histoire globale des révolutions avec Ludivine Bantigny, Eugenia Palieraki, Boris Gobille et Laurent Jeanpierre

Les anges de la réalité, de la dépolitisation du monde avec Ghislain Casas

Tout le monde peut-il être soeur ? Pour une psychanalyse féministe avec Silvia Lippi et Patrice Maniglier

La rébellion est-elle passée à droite ? Rencontre avec Pablo Stefanoni et Marc Saint-Upéry

Sortir les ingénieurs de leur cage avec Olivier Lefebvre

Du milieu antifa biélorusse au conflit russo-ukrainien

Une histoire illustrée du tapis roulant avec Yves Pagès

Radiographie de l’État russe, entretien avec Alexander Bikbov et Jean-Marc Royer

Un lundisoir à Kharkiv et Kramatorsk, clarifications stratégiques et perspectives politiques

Sur le front de Bakhmout avec des partisans biélorusses, un lundisoir dans le Donbass

Vers une anthropologie Métaphysique avec Mohamed Amer Meziane

Éloge de l’émeute avec Jacques Deschamps

Une histoire personnelle de l’ultra-gauche avec Serge Quadruppani

Pour une esthétique de la révolte, entretient avec le mouvement Black Lines

Dévoiler le pouvoir, chiffrer l’avenir - entretien avec Chelsea Manning

De gré et de force, comment l’État expulse les pauvre, un entretien avec le sociologue Camille François

Nouvelles conjurations sauvages, entretien avec Edouard Jourdain

La cartographie comme outil de luttes, entretien avec Nephtys Zwer

Pour un communisme des ténèbres - rencontre avec Annie Le Brun

Philosophie de la vie paysanne, rencontre avec Mathieu Yon

Défaire le mythe de l’entrepreneur, discussion avec Anthony Galluzzo

Parcoursup, conseils de désorientation avec avec Aïda N’Diaye, Johan Faerber et Camille

Une histoire du sabotage avec Victor Cachard

La fabrique du muscle avec Guillaume Vallet

Violences judiciaires, rencontre avec l’avocat Raphaël Kempf

L’aventure politique du livre jeunesse, entretien avec Christian Bruel

À quoi bon encore le monde ? Avec Catherine Coquio
Mohammed Kenzi, émigré de partout

Philosophie des politiques terrestres, avec Patrice Maniglier

Politique des soulèvements terrestres, un entretien avec Léna Balaud & Antoine Chopot

Laisser être et rendre puissant, un entretien avec Tristan Garcia

La séparation du monde - Mathilde Girard, Frédéric D. Oberland, lundisoir

Ethnographies des mondes à venir - Philippe Descola & Alessandro Pignocchi

Terreur et séduction - Contre-insurrection et doctrine de la « guerre révolutionnaire » Entretien avec Jérémy Rubenstein

Enjamber la peur, Chowra Makaremi sur le soulèvement iranien

La résistance contre EDF au Mexique - Contre la colonisation des terres et l’exploitation des vents, Un lundisoir avec Mario Quintero

Le pouvoir des infrastructures, comprendre la mégamachine électrique avec Fanny Lopez

Rêver quand vient la catastrophe, réponses anthropologiques aux crises systémiques. Une discussion avec Nastassja Martin

Comment les fantasmes de complots défendent le système, un entretien avec Wu Ming 1

Le pouvoir du son, entretien avec Juliette Volcler

Qu’est-ce que l’esprit de la terre ? Avec l’anthropologue Barbara Glowczewski

Retours d’Ukraine avec Romain Huët, Perrine Poupin et Nolig

Démissionner, bifurquer, déserter - Rencontre avec des ingénieurs

Anarchisme et philosophie, une discussion avec Catherine Malabou

« Je suis libre... dans le périmètre qu’on m’assigne »
Rencontre avec Kamel Daoudi, assigné à résidence depuis 14 ans

Ouvrir grandes les vannes de la psychiatrie ! Une conversation avec Martine Deyres, réalisatrice de Les Heures heureuses

La barbarie n’est jamais finie avec Louisa Yousfi

Virginia Woolf, le féminisme et la guerre avec Naomi Toth

Katchakine x lundisoir

Françafrique : l’empire qui ne veut pas mourir, avec Thomas Deltombe & Thomas Borrel

Guadeloupe : État des luttes avec Elie Domota

Ukraine, avec Anne Le Huérou, Perrine Poupin & Coline Maestracci->https://lundi.am/Ukraine]

Comment la pensée logistique gouverne le monde, avec Mathieu Quet

La psychiatrie et ses folies avec Mathieu Bellahsen

La vie en plastique, une anthropologie des déchets avec Mikaëla Le Meur

Déserter la justice

Anthropologie, littérature et bouts du monde, les états d’âme d’Éric Chauvier

La puissance du quotidien : féminisme, subsistance et « alternatives », avec Geneviève Pruvost

Afropessimisme, fin du monde et communisme noir, une discussion avec Norman Ajari

L’étrange et folle aventure de nos objets quotidiens avec Jeanne Guien, Gil Bartholeyns et Manuel Charpy

Puissance du féminisme, histoires et transmissions

Fondation Luma : l’art qui cache la forêt

De si violentes fatigues. Les devenirs politiques de l’épuisement quotidien,
un entretien avec Romain Huët

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Basculements, mondes émergents, possibles désirable, une discussion avec Jérôme Baschet.

Au cœur de l’industrie pharmaceutique, enquête et recherches avec Quentin Ravelli

Vanessa Codaccioni : La société de vigilance

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