Le 10 septembre aura-t-il lieu ?

paru dans lundimatin#486, le 2 septembre 2025

Depuis plusieurs semaines, les appels à tout bloquer le 10 septembre se diffusent et se multiplient sur les réseaux sociaux. La menace a dû paraître suffisamment tangible du côté des Renseignements territoriaux pour que la presse se fasse le relais d’un « retour des Gilets jaunes » qui n’a même pas encore commencé. Cela aura néanmoins permis à cette bulle spéculative de prendre de l’ampleur au point que tout le monde aujourd’hui attend le 10 septembre. Le gouvernement et sa police d’un côté, toutes celles et ceux qui n’en peuvent plus, de tout, de l’autre.

Comme toujours, il n’y a pas plus lieu d’être optimiste que pessimiste, il suffit de prendre au sérieux la métastabilité de la situation générale. Nous publions ci-dessous cinq articles autour de cette date mystère. Chacun nous semble important et éclairer à sa manière la compréhension comme l’incompréhension du moment que nous vivons :

Vers le 10 septembre ou la puissance de l’indéterminé
Serge Quadruppani

Tout bloquer, mieux que la grève
Alessandro Stella

Le coup d’après
Paru sur le site Lagrappe.info

Tout bloquer et bien viser
Les Soulèvements de la Terre

En attendant le 10 septembre : une miraculeuse exception
Avec Paolo Virno

Ajoutons pour notre part quelques éléments qui nous paraissent importants :

  • Avant même qu’il n’entre en action, ce mouvement est déjà considéré comme une menace sérieuse par les pouvoirs publics. Ce qui est craint ce n’est pas prioritairement les revendications diverses et variées ou le nombre de participants mais la forme qu’a choisi le mouvement a priori : horizontale, acéphale, diffuse, auto-organisée. Soit un mouvement littéralement autonome.
  • La répression risque d’être féroce et immédiate. Les Gilets jaunes ont été vaincus par la violence, le gouvernement s’en souvient. Néanmoins, il suffit parfois de l’apparition d’une nouvelle modalité d’action à la fois audacieuse et efficace pour qu’elle se propage comme une traînée de poudre.
  • Les différents appels ont en commun d’appeler au blocage et à diverses formes de grève et de désertion. Le geste proposé est donc assez différents de celui des Gilets jaunes qui souhaitaient aller chercher Macron chez lui. Le pouvoir n’est plus projeté dans ses palais institutionnels mais dans l’organisation générale de la vie.
  • Certains traquent l’incohérence et l’indétermination du florilège des revendications. C’est pourtant la condition de possibilité pour un peu d’inédit. Un mouvement à la hauteur du désastre actuel a besoin de lycéens qui libèrent des vieux de leurs EPHAD, d’infirmières qui désarment des usines pétro-chimiques, de banlieusards qui occupent les mairies de centre-ville et de profs qui terrassent des potagers communaux. Partir de là où l’on est pour ne jamais rester à sa place, ce devrait être le minimum syndical.
  • Il y a quelques semaines, l’appel au 10 septembre bénéficiait d’une période de désert électoraliste. Si la France Insoumise s’est certes positionnée pour « offrir une issue politique », la ficelle était trop grosse et l’entonnoir vers les urnes trop étroit. Cependant, l’annonce par Bayrou de son auto-sabordage le 8 septembre coupe l’herbe sous le pied des revendications autonomes mais elle ouvre aussi grande la voie à toutes les récupérations institutionnelles de gauche. Nous allons peut-être devoir revivre le mauvais feuilleton du NFP, au détriment de toute tentative nouvelle et sérieuse.
  • Parmi les infinies contingences qui amèneront à ce que quelque chose se passe ou non, il y en a une qu’aucun observateur ou analyste ne prend en compte : Gaza. Nous sommes depuis bientôt deux ans les spectateurs impuissants d’un génocide dont nous suivons l’avancée en directe. Cela produit toutes sortes de terreurs et de ressentiment mais aussi de rage rentrée. Nous sommes témoins de tout ce que le pouvoir peut faire, il n’a donc jamais, à une telle échelle, paru aussi haïssable.
  • Les forces minimalement organisées pour peser sur le cours des choses sont pour le moment presque inexistantes.
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