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#169 | 10 décembre
 

Chères lectrices, chers lecteurs,

Nous avons pris un peu de retard dans l’édition de cette semaine mais comme nous allons continuer à publier des articles en continue, nous vous envoyons déjà cette première salve, en attendant la suite.

Bonne semaine

 
 
En attendant l’allocution de Macron...
 

Le meilleur maintien de l’ordre ? S’assurer que chacun reste chez soi. Mais ce 8 décembre, cela n’a pas suffi.



Lors de son point presse samedi en fin de journée accompagné de son Premier ministre, Christophe Castaner étonne par sa sérénité. Oubliée l’inquiétude qui l’accompagnait durant la semaine. « La situation est maîtrisée (…) des incidents se poursuivent, ils sont l’œuvre de casseurs. Ils sont traités par les forces de l’ordre avec méthode et efficacité ». Il martèle, un peu penaud tout de même : « Un point d’arrêt a été mis à l’escalade de la violence ».

 
 
 
 
 
Enregistrer la musique, pour quoi faire ? - Jean Rochard
 

« L’urgence reste donc bien à imaginer la musique dans sa grande désobéissance. »



Le journal Les Allumés du Jazz est souvent perçu comme un îlot décalé dans le monde des publications musicales. Édité et publié par l’association éponyme créée en janvier 1995 et qui regroupe 70 producteurs de musique enregistrée dits indépendants, il paraît quand il peut, mais toujours par nécessité. Sans le confort d’une ligne unique (même si, par exemple, l’opposition au projet de Centre National de la Musique sait y être plus nette qu’ailleurs), il traduit les questionnements, points de vue et autres visions tragi-comiques de ce groupe hétéroclite et ses camarades (ou d’autres) qui ont choisi de ne pas limiter la musique à sa seule représentation, sa seule délégation, coincée entre l’industrie musicale, l’institution, l’ouragan high tech et la nostalgie. Début novembre, les Allumés du Jazz se rassemblaient à Avignon, l’espace de trois jours autour du thème Enregistrer la musique, pour quoi faire ? avec des questions comme « Numérique l’envers du décor », « La généralisation des stickers contre le discours critique », « Les travailleurs du disque », « L’aventure collective » etc. Le numéro 37 de ce journal - qui aime bien aussi les dessinatrices et dessinateurs — est intégralement consacré à cette question.

Jean Rochard est producteur de disque et fondateur de la maison de disque Nato

 
 
 
 
 
Pour un retour à la sécurité, la salubrité et la tranquillité publiques
 

Notre juriste vous dit tout sur les arrestations préventives pour « groupement en vue de commettre... »



Une octogénaire décédée la semaine passée parce qu’elle a eu l’audace d’ouvrir sa fenêtre au passage d’une manifestation, des adolescents traités comme des prisonniers de guerre, des journalistes, pourtant ostensiblement journalistes, molestés. Des images multiples, des témoignages qui arrivent de tous côtés. Des représentants des forces de l’ordre qui concèdent, sous couvert d’anonymat, qu’ils ont bien reçu des consignes de violer les règles officielles d’usage des armes.
Et nous n’avons pas encore fini de dénombrer les mutilés et les blessés.
On pourra bien nous gaver de toute la rhétorique habituelle, reste l’évidence : l’emploi de cette violence dans l’organisation du maintien de l’ordre est la règle, et ce gouvernement est aux abois.

Là où la violence visait auparavant des cibles « privilégiées », elle s’abat ici aveuglément. La question qui se pose désormais est celle de savoir jusqu’où l’autorité judiciaire acceptera de couvrir ces méthodes, démontrant son degré d’imprégnation à l’impératif sécuritaire et sa capacité à résister ou non au glissement qui s’opère tranquillement pour faire du droit pénal un simple outil, parmi d’autres, au service d’un pouvoir bien décidé à rester en place quoiqu’il en coûte. Ces derniers jours, un nouveau cap a en effet été franchi sur le plan de l’usage du droit pénal.

 
 
 
 
 
Glose sur Hanouka d’un point de vue révolutionnaire - Josef Elchado
 

« Ce que montre un moment insurrectionnel, c’est le retour de la vie dans l’espace social visible. »



Le début de soulèvement engagé par les gilets jaunes coïncide ironiquement avec la fête juive de Hanouka, la fête des miracles. Là où certains, traditionnellement, voient le miracle dans la victoire et dans le fondement d’une nation, d’autres célèbrent le surnaturel de l’action divine. Je montre la dimension révolutionnaire, utopique et anthropologique de cet épisode, à partir de citations de la traduction d’André Chouraqui du Livre des Maccabées (Hashmonaïm).

 
 
 
 
 
Lettre jaune N°8 : Ne nous laissons pas culpabiliser
 

« Non, notre violence n’est pas mauvaise ! Non, notre violence n’est pas violente ! Non, notre violence est une délivrance ! »



Jusqu’à présent, beaucoup de choses ont été dites ou écrites quant aux actions des gilets jaunes, quant à leurs revendications aussi, qui seraient fantasques, confuses, d’extrême droite, d’extrême gauche, d’extrême-ce-que-vous-voudrez. Et il est vrai que lorsqu’on se tient aux signifiants connus, rassurants, répétés, les mots sonnent creux ou décollés. La langue des gilets jaunes est en train de s’écrire, de se parler, elle balbutie, bégaie, s’invente. Nous sommes tombés par hasard sur une page facebook intitulée Les lettres jaunes, nous en reproduisons ici la 8e missive qui nous a particulièrement touchée dans sa justesse et sa finesse.

 
 
 
 
 
Michel D.
 

Le préfet de Police de Paris, actuellement sur la sellette, était il y a 10 ans l’un des protagonistes du fiasco de Tarnac.



Samedi 8 décembre.

Michel Delpuech est au 2e sous-sol de la préfecture de police de Paris. Depuis la fameuse salle d’information et de commandement (SIC) de la DOPC (direction de l’ordre public et de la circulation), là où « s’était invité » un certain Alexandre Benalla un soir de 1er Mai, il observe sur les dizaines d’écrans de surveillance ses petits blindés positionnés à proximité de la place de l’Etoile. Avec un dispositif de maintien de l’ordre jamais vu à Paris, la journée devrait à peu près bien se passer...

Au même moment, un certain Julien Coupat est arrêté dans le Nord de Paris par plusieurs voitures de policiers de la DGSI. Qui retrouvent dans son coffre, une bombe de peinture, un masque anti-poussière, et... un gilet jaune. Le fameux vêtement qui préoccupe tant Michel depuis maintenant 4 week-ends.

M. Delpuech était-il au courant que cette « figure de l’ultra-gauche », dont on pourra brandir le nom en conférence de presse le soir-même, allait être arrêté par les services de renseignement ? L’ultra-gauche il la connaît un peu, Michel. Non pas depuis le 1er Mai, quand il avait (encore une mesure historique) tout simplement empêché le défilé syndical de se dérouler, de peur que le Black Bloc sème le chaos dans Paris.

Il y a 10 ans M. Delpuech était directeur de cabinet de la ministre de l’Intérieur, Michèle Alliot-Marie. Il était présent lors des réunions « antiterro » qui réunissaient les directeurs généraux de la police et de la gendarmerie, le patron des RG, le directeur de la DST, et le Préfet de Police de Paris (tiens, tiens.. à l’époque Michel Gaudin). Réunions lors desquelles, en 2008/2009 il fut beaucoup question d’ultra-gauche et d’une certaine affaire de Tarnac.

Pour écrire son livre « Tarnac, magasin général », David Dufresne avait rencontré Michel Delpuech. Nous lui avons demandé si nous pouvions reproduire le chapitre de son ouvrage consacré à ce personnage. Si M. Delpuech n’a pas eu un rôle absolument déterminant dans cette affaire, son entrevue avec David Dufresne permet de voir comment certaines arrestations de militants, ainsi que leurs suites judiciaires, peuvent être traîtées en haut-lieu.

PS : David Dufresne opère en ce moment un travail remarquable de recension des violences policières dans le cadre du mouvement des Gilets Jaunes.

 
 
 
 
 
Le président muet
 

« Il ne peut plus rien dire. Cela veut dire qu’il a perdu. »



Depuis son élection, beaucoup ont glosé sur la communication du président Macron. BFM parlait de sa « communication à l’américaine » ; le journal La Croix analysait quant à lui une « communication politique très calculée ». Bref, ce n’est un secret pour personne : Macron a fait de la com un aspect central de son mandat et, une année durant, elle a semblé plutôt efficace. Ce que les Gilets Jaunes rendent évident, c’est que la communication ne fait pas tout. Que les mots et les images ne suffisent pas. Voici un article qui propose d’analyser le silence du président non plus comme une marque de mépris (comme les premières semaines) mais comme une défaite.

 
 
 
 
 
Comment les journaux télévisés traitent des violences policières
 

Exemple avec le cas de France 2, concernant les tabassages à l’intérieur du Burger King, le 1er décembre



Nous avions évoqué la semaine dernière cet événement qui s’est produit lors de la manifestation du 1er décembre à Paris : des CRS avaient frappé un par un des Gilets Jaunes qui s’étaient réfugiés à l’intérieur d’un fast food pour se protéger des gazs lacrymogènes. Nous avions diffusé les vidéos de ces matraquages, ainsi que le témoignage d’un photographe présent sur place.

Un autre témoin de la scène nous a contacté ce week-end :

Fidèle lecteur de lundi matin, j’étais à l’intérieur du Burger King de l’avenue de Wagram samedi soir lorsque des forces de l’ordre y ont allègrement tabassé des manifestants.

Un journaliste de France 2 a filmé les violences commises à l’extérieur et est entré en contact avec moi, m’indiquant que sa rédaction voulait en parler au JT de 20h du soir (dimanche).

Après visionnage de ces images, je suis choqué par le récit proposé des évènements, et ai écrit cette lettre au journaliste en question pour m’en expliquer. Je vous la transmet au cas où vous la trouveriez pertinente.

Nous reproduisons ici son adresse au journaliste de France Télévisions.

[photo : Bobby]

 
 
 
 
 
Sur la bienfaisance écologique de la casse et du blocage
 

« Bloquer est anti-économique. Or l’économie actuelle tue l’environnement. Donc bloquer sauve l’environnement. »



On parle trop souvent des casseurs, de leur identité supposée, et moins de ce qu’ils font : la casse à proprement parler. Ou alors, on en parle uniquement du point de vue de la violence des actes (sont-ils trop violents ? cette violence est-elle légitime ?). Comme nous n’avons pas cessé de le relayer au travers d’articles ici, ou , le problème de la violence est souvent mal posé et moins important qu’il n’y paraît. Voici un article amusant bien que tout à fait sérieux qui envisage le casse (et non les casseurs fantasmés de toutes parts) ainsi que le blocage d’un point de vue très différent mêlant des préoccupations pratiques et écologiques.

 
 
 
 
 
Samedi 8 décembre, Caen
 

« Si nous tenons 4h sans moyen de nous défendre, l’heure sera plutôt à l’attaque pour la prochaine. »



Depuis un mois, le mouvement des Gilets Jaunes ne fait que surprendre. Alors que le gouvernement et BFM n’avaient de mots et de regards que pour Paris, la surprise ne pouvait venir que de la « province » si facilement reléguée, comme le sont les violences « en marge des manifestations ». Tout le monde sait maintenant ce qu’il en est de ces mesquines opérations de relégation spatiale et politique : elles conjurent la guerre en cours, par tous les moyens. Or, depuis quelques semaines, la guerre est partout : ni en marge des manifestations, ni en marge de Paris mais bien au coeur de toutes les situations, dans les rues des plus grandes villes comme sur les ronds-points de rase campagne. Impossible à conjurer, donc. Pour ceux qui n’en seraient pas tout à fait convaincus, voici un récit de la bataille du 8 décembre à Caen, une ville parmi d’autres dans laquelle la détermination n’a pas été « contenue » par le « dispositif policier ».

 
 
 
 
 
En direct de la fièvre jaune
 

« Bernard bientôt Tapis : Filez-moi les clés de la maison et je vous ramène le plein emploi, je convertis les Le Pen au communisme »



 
 
 
 
 
 
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