Lorsque les non-lieux deviennent des évènements.
La « géontologie » de la philosophe Elisabeth Povinelli propose de cerner la question de l’anthropocène avec trois figures interconnectées : le désert, l’animisme et le virus qu’elle développe à partir de son engagement dans une communauté aborigène du littoral nord australien où elle produit des films comme membre du collectif Karrabing. Sa figure du désert comme milieu sans vie, source de richesses minières pour le capitalisme, résonne avec cette proposition de Deleuze dans L’ïle déserte : ’l’essence de l’île déserte est imaginaire et non réelle, mythologique et non géographique’. Or cette fable du désert comme inhabité et mort, à l’instar de la notion de matière inerte, légitime fantasmes et violences. Partant de l’expérience des Warlpiri et de leurs voisins du désert central australien, B. Glowczewski discute les trois figures en proposant de sentir le désert comme archipel, réseau de lieux toujours en émergence de vie, espace-temps à la fois imaginaire, physique et spirituel, corporel et minéral, où l’on apprend à se transformer en devenirs-lieux, devenirs animaux, plantes ou eau. L’enjeu ici est non pas l’origine mais la reproduction des choses et des mouvements, l’actualisation des événements. Ce que Guattari à la suite de Varela appelait l’enaction.
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