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#214 | 28 octobre
 
 
 
Chères lectrices, chers lecteurs, nous avons besoin d’argent
 

Chères lectrices, chers lecteurs,
Il est assez rare que nous vous sollicitions financièrement, à vrai dire nous ne l’avons fait que trois fois en cinq ans d’existence. Si nous le faisons aujourd’hui, c’est que c’est important. Comme vous le savez, la totalité de ce que nous publions est accessible librement, c’est-à-dire sans contrepartie financière ou publicitaire. Il nous est toujours apparu crucial que lundimatin et la perspective plus large dans laquelle nos activités s’inscrivent puissent (...)



Chères lectrices, chers lecteurs,

Il est assez rare que nous vous sollicitions financièrement, à vrai dire nous ne l’avons fait que trois fois en cinq ans d’existence. Si nous le faisons aujourd’hui, c’est que c’est important.
Comme vous le savez, la totalité de ce que nous publions est accessible librement, c’est-à-dire sans contrepartie financière ou publicitaire. Il nous est toujours apparu crucial que lundimatin et la perspective plus large dans laquelle nos activités s’inscrivent puissent exister quoi qu’il en coûte.
Tenir la cadence et l’exigence de notre parution hebdomadaire ainsi que de la revue papier représente une somme de travail colossale, c’est le prix de l’indépendance et de l’autonomie, pour nous-mêmes autant que pour nos lecteurs. C’est un pari qui nous tient et auquel nous tenons. Le fait que notre lectorat s’étende et se diversifie chaque semaine depuis presque cinq ans maintenant, confirme cette intuition et renforce notre détermination. Comme nous avons pu l’écrire par le passé, l’époque est aux acharnés.

 
 
 
 
 
La Commune revient
 

Entretien croisé avec Jérôme Baschet et Laurent Jeanpierre



Deux livres importants viennent de paraître avec quelques semaines d’écart. Celui de Jérôme Baschet, Une juste colère. Interrompre la destruction du monde (Éditions Divergences, 2019). Et celui de Laurent Jeanpierre, In Girum. Les leçons politiques des ronds-points (La Découverte, 2019).

Les deux nous proposent de revenir, de manières différentes, sur le surgissement des gilets jaunes comme un événement qui a pu renouer avec une tradition communarde que l’on ne croyait plus possible dans nos contrées, malgré l’intensité du cycle de révoltes réinitié à partir de 2016 : luttes contre la Loi du travail, résistances acharnées dans les ZAD... Chacun d’eux s’attarde sur l’importance qu’a pu prendre le refus de la représentation politique et la conjuration des abstractions idéologiques étayées sur un sujet social supposé sommeiller dans chaque soulèvement.

 
 
 
 
 
Élections tunisiennes : de quoi Kaïs Saied est-il le nom ?
 

Retour sur la victoire d’un anti-candidat



En France, en Italie, au Brésil ou aux États-Unis, les dernières grandes élections ont fait du « candidat sorti de nulle part » un phénomène courant... Il est devenu visible, depuis quelques années, que le choix anti-système est une façon comme une autre, pour le système, de se perpétuer. Qu’il se présente sous la défroque du VRP fringant, du clown, du banquier, du gendre idéal ou du porc à frange immonde, du militaire fascisant ou du beauf décomplexé, le candidat anti-système apparaît clairement comme un produit du système et de sa communication, visant à prolonger le bavardage infini, le petit jeu d’oppositions, de crispations, d’indignations, de commentaires, que sa caducité, son inanité, de plus en plus visibles, menaçait d’interrompre.

Seulement il y a peut-être autre chose qui s’est joué en Tunisie lors des dernières élections. Quelque chose aurait déraillé. Un grand réagencement des évidences politiques serait en train d’avoir lieu dans le seul pays arabe où la révolution n’a pas laissé place à la guerre ou au retour sanguinaire de la dictature.

 
 
 
 
 
Pont aérien Hong-Kong/Barcelone - Bulletin N°2
 

« Aujourd’hui le régime est fini. Parce que ce monde a pris fin.
L’insupportable légèreté avec laquelle l’insupportable vit en nous
apparait avec le poids extrême que depuis toujours nous trainons. »



Dans la continuité de notre article de la semaine dernière à propos du soulèvement catalan, des amis nous ont transmis ces très belles méditations depuis les rues de Barcelone.

Nous autres, nous ne souhaitons des honneurs, seulement figurer dans la postérité de l’histoire des cataclysmes.
Le Grand Jeu

 
 
 
 
 
Petite histoire du gaz lacrymogène. Des tranchées de 1914 aux Gilets jaunes
 

de Anna Feigenbaum [Note de lecture]



« Les autorités françaises, tirant la leçon des révolutions du xixe siècle, cherchaient une arme capable de pénétrer une barricade avec davantage d’efficacité que le tir des fusils et même que celui des canons, pour briser l’esprit collectif qui unissait les barricadiers.[...] cinq points en faveur de cette nouvelle technique antiémeute : éviter de procurer des martyrs au camp adverse ; atteindre tous les manifestants d’un seul coup ; limiter la nécessité de recourir à l’armée contre des civils ; permettre aux policiers de disperser des foules sans avoir à attendre qu’elles se déchaînent ; réduire le nombre de policiers nécessaires au maintien de l’ordre public ».

Anna Feigenbaum
Petite histoire du gaz lacrymogène. Des tranchées de 1914 aux Gilets jaunes
Traduit de l’anglais par Philippe Mortimer, avec une préface de Julius Van Daal
Éditions Libertalia, septembre 2019 [éd. originale : Verso, 2017]
Note de lecture par Franz Himmelbauer parue sur Antiopée

 
 
 
 
 
Révoltes populaires au Chili : entretien avec un manifestant
 

« Cela a généré un changement historique pour le pays, et qui modifie toutes les projections politiques. »



Le Chili s’est enflammé depuis le vendredi 18 octobre. La jeunesse s’était d’abord soulevée contre la hausse des tarifs du métro de Santiago. Mais le vent de révolte ne s’est pas arrêté là, et a soufflé sur les braises de la colère qui chauffent dans le pays depuis la fin de la dictature. Des manifestations monstres et offensives, pillages, blocages, sabotages et auto-défense sont à l’ordre du jour, pour réclamer des changements politiques et économiques radicaux. L’élite économique au pouvoir, représentée par le président Piñera, qui est aussi le 4e homme le plus riche du pays, ne compte pas se rendre si facilement. L’état d’urgence est décrété dès le vendredi soir, accompagné d’un couvre-feu draconien. L’armée est envoyée réprimer le mouvement par tirs à balle réelle, détentions arbitraires, passages à tabac et tortures, évoquant les heures les plus sombres de l’histoire chilienne. On compte des milliers d’arrestations, au moins 15 morts confirmées, et des milliers de blessés. Des vidéos horribles circulent sur les réseaux [1]. En face, le mouvement reste massif et déterminé, et plusieurs journées de grèves générales ont été appelées au cours de la semaine dernière.

Un manifestant chilien répond ici à quelques questions pour nous apporter des éléments de réponse sur les causes et les conséquences de la révolte en cours.

 
 
 
 
 
Le Chili s’est réveillé
 

Histoire récente du Chili (la dictature, l’école, la santé et les retraites)



En complément de l’autre article sur le Chili que nous publions dans ce numéro, voici une analyse plus historique qui permet, comme nous y tenons, de bien contextualiser tous les mouvements qui émergent les dernières semaines avant d’en chercher des points communs trop facilement :
« Nous réaliserons une brève contextualisation de l’histoire récente du Chili (la dictature, le système éducatif, de santé et de retraites) pour comprendre les causes profondes du mouvement sans précédent de ces dernières semaines, que nous pouvons qualifier, en première instance, de réactif. »

 
 
 
 
 
L’ association de malfaiteurs
 

De Napoléon aux Gilets jaunes, histoire et réflexion autour d’un outil juridique et policier



Cet article revient en détail sur l’histoire de la notion juridique d’ « association de malfaiteurs », apparue du temps de Napoléon dans l’Ancien Code Pénal (1810), ainsi que sur les stratégies policières et juridiques dans lesquelles elle s’inscrit, entre criminalisation de l’action politique et renforcement des moyens de la police, en particulier des méthodes de répression préventives.

 
 
 
 
 
Dix jours qui ébranlèrent leur monde
 

« Nous espérons que la révolution libanaise aboutira à un exemple pour le monde entier »



Voici une chronologie succinte des 10 derniers jours au Liban qui doit se lire en complément de l’approche plus historique esquissé par l’autre article sur le Liban de cette semaine.
Depuis 10 jours, le Liban est ébranlé par un soulèvement sans précédent dans l’histoire du pays. Naviguant à vue, ne croyant plus aucun responsable politique, les Libanais.es espèrent que la révolution qu’ils et elles sont en train de mener changera radicalement leur pays et brisera l’hégémonie des plus riches, rendant ce rêve accessible à tou.te.s : « Nous espérons que la révolution libanaise aboutira à un exemple pour le monde entier », me confie l’un d’eux. À l’instar des soulèvements actuels, algérien, soudanais, chilien, irakien entre autres, les partis et les organisations institutionnelles ne guident rien, c’est le système institutionnel entier qui est dans le viseur des révolutionnaires. Aboutirons-t-ils/elles à son renversement total ? Je l’espère de tout cœur. Bien que présent chaque jour depuis vendredi sur les places du centre-ville, je suis un étranger, non-arabisant, encore plus perdu que mes camarades dans ces évènements aussi surprenants que spontanés. Ce témoignage n’a d’autre prétention que celle de rendre compte d’un moment historique, qui se déroule depuis maintenant dix jours, dont personne n’est encore à même de déceler l’issue.

 
 
 
 
 
Au Liban, le système politique contre la société
 

« L’avenir du mouvement est donc à présent entre les mains des manifestants qui ont réussi ce qui était difficilement pensable : faire naître une force politique autonome des forces miliciennes issues de la guerre »



À l’heure ou les plus idéalistes affirment que “les gilets jaunes, Hong-Kong, l’Équateur, Haïti, l’Égypte, la Guinée, le Liban, la Catalogne, le Honduras, maintenant le Chili marquent l’ouverture d’une nouvelle séquence” [2], il nous semble important de contextualiser le mouvement qui secoue le Liban pour comprendre son caractère inédit, ses spécificités et ses enjeux. Si le mouvement de protestation actuel réagit à l’annonce de la volonté du gouvernement de taxer l’utilisation de Whatsapp, ce qui s’exprime dans les rues est bien plus large, à savoir une volonté de renverser un système politique issu de la guerre. Ce dégagisme politique populaire s’oppose à la ferme emprise des anciennes élites miliciennes sur la société. Retour sur cette construction historique singulière.

 
 
 
 
 
Comprendre la misogynie ordinaire : un protocole expérimental
 

par Paul Laborde



Si la misogynie a la peau dure, c’est peut-être aussi le fait d’une limite cognitive. Des hommes que l’on penserait aptes à comprendre l’ampleur du problème passent pourtant complètement à côté. L’expression de leur étonnement est même parfois confondante de bêtise. Comment l’expliquer ? Sans doute se contentent-ils d’une représentation abstraite de la situation : incapables d’éprouver ce que ce que c’est qu’être une femme, ils ne peuvent qu’imaginer le problème – ce qui ne permet pas de le connaître dans sa pleine réalité. Ce n’est pas toujours – ou seulement – par mauvaise volonté : tout le monde n’a pas la capacité requise pour concevoir des existences différentes de la sienne. Une simple expérience permet pourtant d’éclairer un tout petit peu cet écart de perspective. D’aucune manière prétend-on ici saisir l’essentiel de la condition féminine mais si cette expérimentation peut aider quelques hommes à percevoir leur ignorance, il est pertinent de la partager.
Voilà : j’ai créé un profil féminin sur un site de rencontre.

 
 
 
 
 
Hong Kong : Le somnambulisme des mouvementistes
 

Par Alain Brossat



Dans cet article, Alain Brossat livre une analyse très critique du mouvement hongkongais qui dure depuis maintenant cinq mois. Si nous sommes loins d’être convaincus par cette approche seulement géopolitique qui à notre sens ne permet jamais de saisir finement les évènements, il nous paraissait néanmoins important de le publier. Nous ne sommes pas du tout certains qu’Alain Brossat ait raisonen ne voyant dans la révolte hongkongaise qu’une simple volonté occidentale de s’opposer à la Chine, comme nous avons pu en donner un aperçu ici et , ce mouvement a certainement d’autres choses à dire et à vivre .Aussi, dire que le mouvement fait simplement le jeu de Trump et de l’Occident est à nuancer puisqu’il a forcé de nombreuses entreprises, tout à fait occidentales, à révéler leur réelle position par rapport à la Chine : le soutien total ! (on pense, entre autre, à Apple, Blizzard, la NBA, Starbuck’s, et bien d’autres, qui sont maintenant en partie boycotté par les hongkongais). On ne peut cependant que rejoindre Alain Brossat dans sa critique d’un « mouvementisme » qui s’extasierait de la somme des soulèvements actuels sans tenter d’en comprendre les ressorts et le contexte. Il y a un énorme travail à faire pour comprendre ce qui de Hong Kong au Chili en passant par l’Irak ou le Liban relève de l’écho ou de la discontinuité.

 
 
 
 
 
Règle numéro zéro : errare humanum est, perseverare diabolicum !
 

Emmanuel Thomazo



 
 
 
 
 
 
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