Militance du symptôme : féminisme, transidentité et inconscient

À propos de Nos corps sont vos champs de bataille d’Isabelle Solas
Silvia Lippi

paru dans lundimatin#365, le 9 janvier 2023

Le film d’Isabelle Solas montre avec une délicatesse et une précision admirables que, dans la vie des personnes trans, l’intime et le politique se mêlent indissolublement, et cela à partir du corps traversé par le symptôme. L’invention d’une certaine identité de genre est inséparable de l’activité militante, le corps genré se fabrique aussi comme un corps de luttes, féministe. En suivant la vie de plusieurs « travesties » en Argentine, toutes différentes mais également attachantes, le film montre que, loin de pousser à la standardisation des corps, la transidentité permet une diversité heureuse, chacune trouvant, dans la sororité, la force de se maintenir dans un monde inhospitalier.

Nos corps sont vos champs de bataille (France, 2022 [1]) interroge la transidentité sous le biais du politique. La question du corps est centrale, mais Isabelle Solas, au lieu de se focaliser sur l’anatomie et l’identité, met l’accent sur la rencontre entre des personnes trans [2], certes différentes entre elles, mais unies dans la lutte partagée. Leurs corps, blessés et subversifs à la fois, constituent l’arme principale de cette lutte. Ils fonctionnent à la fois comme emblème symbolique et marque réelle de la bataille en cours : ils sont à la fois l’enjeu de ce combat (qu’on peut voir à ce titre comme relevant de la reconnaissance) et l’effet d’un combat qui n’a pas été choisi (on leur a déclaré la guerre et les corps trans portent la marque des blessures qu’on leur inflige). Chaque corps singulièrement traumatisé (par sa propre histoire) est partie intégrante du corps collectif (d’une lutte au présent) : de passif dans la blessure, il devient actif dans la militance.

Précisons que le titre que Isabelle Solas donne au film est, de ses propres mots, ambigu, car il recèle une zone d’ombre. Le champ de bataille peut être entendu comme le lieu de l’engagement : c’est justement la perspective que j’adopte dans les pages suivantes. Mais pour la réalisatrice, le champ de bataille est l’espace où la bataille a lieu, à savoir l’endroit où le monde hétéronormé exprime son mal-être à l’égard de la subversion du genre. Le corps est un « problème » pour les personnes cisgenres, alors que ce sont les corps et les vies des personnes trans qui sont en jeu. A travers l’opposition entre « nos corps » et « vos champs de bataille », Isabelle Solas veut indiquer que les corps trans sont les lieux de notre guerre, de notre violence à leur égard [3].

En choisissant des personnes trans pour incarner les luttes féministes contemporaines, la réalisatrice déploie une double interrogation sur ce que veut dire « devenir femme », dans l’intimité comme dans la lutte partagée. L’une ne va pas sans l’autre. L’« être femme » ne dépend pas de déterminismes anatomiques, ce n’est pas un « privilège » qui peut être attribué à la naissance. C’est un désir de penser et de lutter ensemble, en dehors de tout séparatisme biologique et/ou psychique. Nous découvrons dans le film que le désir d’être femme est inséparable de celui de lutter ensemble, indépendamment de la classe sociale, de la race, de l’orientation politique ou sexuelle.

Les personnages principaux du film sont des femmes trans qui luttent contre les stéréotypes sexuels en vigueur et pour leurs droits, mais non à partir de leur appartenance à une communauté fermée sous une identité univoque ; au contraire, les groupes sont hétérogènes, parfois même divergents, et porteurs de contradictions insolubles. Dans cette rencontre entre l’intime et le politique, l’expérience trans apparaît comme la figure à vif d’une problématique universelle, d’une manière qui n’est pas sans évoquer les luttes féministes aujourd’hui. Entre les combats des minorités sexuelles et ceux des femmes, il y a même plus qu’une analogie formelle : il y a une convergence de fait contre un adversaire commun. Les mobilisations trans et féministes se rejoignent dans la contestation de l’ordre hétéropatriarcal. Le film montre ainsi que les corps (trans) se trans-forment en nos champs de bataille, oui, nos champs de bataille féministes. De te fabula narratur, c’est de toi qu’on parle dans le récit : nous sommes toutes concernées, interpellées, mobilisées, nous participons singulièrement et collectivement aux luttes sociales des personnages du film.

Quel rôle joue l’inconscient dans des transitions de genre polarisé par un désir féministe ? Singulier et collectif sont-ils psychiquement inconciliables ? La militance politique est-elle forcément une pratique idéologique, nourrie du fantasme de la toute-puissance, de l’empowerment, ou au contraire une modalité particulière de lien social ? Nous pensons que le lien de solidarité qui s’établit non seulement entre les personnes trans, mais aussi entre les personnes trans et les femmes dans les luttes féministes (les femmes qui participent au film, mais aussi les femmes qui le regardent), n’est ni idéal, ni fraternel, ni phallique, mais sororal : comment donc penser la sororité en psychanalyse ?

Le film montre que le lien entre le singulier traumatique et le collectif militant passe par le corps, autrement dit par le symptôme. Ce lien nous permet de réinterroger la relation entre l’inconscient et le politique, et plus spécifiquement, la place du féminisme dans la psychanalyse contemporaine.

APERÇU : DEUX FEMMES TRANS ET FÉMINISTES

Nos corps sont vos champs de bataille raconte la vie de deux femmes trans en Argentine. La première, Claudia Vasquez Haro, est une émigrée péruvienne : on la voit promener son chien et discuter avec sa famille et ses ami.e.s sur la plage de Villa Gesell, où elle vit ; on la voit participer à des émissions télé pour sensibiliser le public sur les questions d’immigration et de genre, et défiler dans des manifestations féministes, où, en tant que femme trans, elle n’est pas toujours bien accueillie. Elle soutient la campagne électorale d’Alberto Fernandez et Cristina Kirchner avec son groupe d’ami.e.s, trans ou pas, dont fait partie aussi sa mère, qui la suit partout. La deuxième, Violeta Alegre, est une intellectuelle qui côtoie les milieux branchés de la capitale argentine, et qui vit dans la maison de sa mère, dans la grande banlieue de Buenos Aires. Elle est chargée de cours la journée et DJ la nuit. On la voit discuter avec son frère et son ex-amoureux sur son passé de jeune femme trans, enseigner les études de genre, animer des groupes de parole dans les communité trans et LGBT, se promener à vélo dans sa ville, et coller des affiches contre l’exploitation des femmes, des animaux, et en faveur du véganisme. Le film s’achève sur une fête, celle de son quarantième anniversaire, où Violeta embrasse passionnément une femme.

Claudia et Violeta ont des personnalités, des désirs, et des modes de vie différentes, mais elles sont unies dans les mêmes combats politiques, pour les droits des femmes, des personnes LGBT, immigrées, racisées, et prostituées. Chaque personne mène une bataille qui est à la fois unique et multiple. Comme l’explique Isabelle Solas, la manière de combattre des deux personnages principaux dans le film est inversée mais complémentaire : si « Claudia, lutte pour ses camarades, pour ses cumpañeras, Violeta s’adresse au monde normé, en disant : peut-être, c’est à vous de bouger, parce que c’est trop violent ce que vous proposez comme société [4]. » Pour Isabelle Solas, les combats se font à partir des individualités distinctes et des foyers dispersés qui ne visent pas à former l’unité dans le combat : « […]il n’y a pas de communauté —précise la réalisatrice—, il y a des tas de mouvements qui traversent ce groupe-là, d’un côté. Et de l’autre côté, elles embrassent des luttes qui sont beaucoup plus larges que la lutte pour les droits des membres de la communauté [5]. » Les batailles de Claudia, Violeta et de leurs amies « travesties », comme elles se nomment dans le film, sont les combats de toutes les femmes, unies dans leur révolte contre un ordre social et politique devenu inacceptable. Le champ de bataille est un : le corps ; et l’ennemi, toujours le même : le patriarcat.

La dimension politique du film met bien le corps au cœur des luttes féministes, en tant que ces luttes sont aussi celles de trans. Ce n’est pas le corps anatomique, mais ce que nous appelons le corps-symptôme [6] : c’est justement par la manière dont ce film nous le montre qu’il importe de l’analyser de près.

LE CORPS TRANS : OBSESSION DU ’PASSING’ OU CORPS SUBVERSIF ?

La croyance que le sexe biologique serait le seul déterminant pour penser la différence des sexes reste encore largement dominante dans les milieux psychanalytiques et médicaux, comme dans l’opinion commune. On ne compte plus les interventions dans les médias, les pétitions, et les associations crées afin de pouvoir conserver le socle de la binarité sexuelle. Cette panique est due aussi à la crainte des modifications irréversibles du corps : il y a bien sûr de cas de détransition [7], mais il y a aussi beaucoup de témoignages qui confirment qu’un bon accueil du désir de transition, dans les institutions médicales et psychiatriques, comme dans les institutions scolaires, du travail, du loisir, et dans les cabinets privés, permet d’éviter des chutes dépressives et des passages à l’acte suicidaires [8]. Je peux moi-même témoigner de plusieurs situations où la possibilité d’être accompagné.e. dans une transition à travers des rencontres médicales et thérapeutiques qui ne visent pas à pathologiser, ni même à évaluer les choix des personnes désireuses de faire une transition, a nettement amélioré leurs vies. Le ou la psychanalyste n’est pas un.e lanceur d’alerte —un.e « Jiminy Criquet », nous avons dit ailleurs [9]—, mais une personne capable d’écouter le dire du sujet, dire dont le sujet est responsable. Lacan l’a précisé à plusieurs reprises : les psychanalystes dirigent la cure et non le sujet, car l’éthique de notre pratique est celle du désir et non celle du (supposé) bien du sujet [10]. La parole du sujet doit être prise au sérieux, dans le bien et dans le mal, ce qui veut dire sans idées préconçues, d’autant plus dans le champ du sexuel. Si Freud découvre quelque chose, c’est bien que l’objet et l’identité sexuelle sont forcément instables et mutants, et surtout que la génitalité n’est ni le centre ni la finalité de la pulsion sexuelle.

En partant en revanche de la centralité des organes génitaux et en mettant la question anatomique au cœur de l’expérience trans [11], les partisans de la binarité sexuelle oublient la conception freudienne de l’inconscient et persistent dans la croyance qu’il existe une vérité ultime en matière de genre, et que cette vérité n’est rien d’autre que le sexe biologique [12]. Or, les déterminants sexuels primaires et secondaires restent multiples et flous, et ce fameux sexe biologique n’existe pas dans son unité, il est lui-même la superposition des dimensions physiologique (notamment l’organe génital), endocrinologique (c’est-à-dire les hormones) et génétique (c’est-à-dire le génome). Ces trois aspects ne se correspondent pas forcément et tracent non pas des oppositions binaires et discontinues, mais plutôt tout un dégradé de variations continues (plus ou moins de marques physiologiques plus ou moins prononcées du dimorphisme sexuel, plus ou moins d’œstrogène et de testostérone, plus ou au moins de X et de Y dans le génome) [13].

Il arrive bien sûr que des personnes trans aient recours aux hormones et à la chirurgie esthétique [14]. Certes un bon passing [15] peut aider à éviter les humiliations dont les personnes trans font souvent l’objet, et nous serions irrespectueuses à ne pas le reconnaître. Mais l’obsession du passing, accompagnée souvent de l’exigence d’avoir un corps parfait, peut se transformer en cage pour les personnes en transition. Le sociologue trans Miquel Massé conteste le modèle biologique du sexe, et l’injonction sociale qui exige la correspondance entre le genre et l’expression corporelle fondé sur les stéréotypes sexuels binaires. Avant sa transition, il se rappelle avoir passé des heures à étudier les books des chirurgiens esthétiques avec les passings mieux réussis, en imaginant un jour pouvoir avoir lui aussi, le même corps —parfait et « inéquivoque » [inéquivocado]— des trans qu’il admirait [16]. Mais cet idéal du corps parfait « après transition », qui va avec le rejet de son propre corps « avant transition », est un piège. Il écrit : « Je me demande pourquoi personne ne m’a dit que c’était possible de maintenir ce corps, pourquoi personne ne m’a dit qu’une autre sexualité était possible dans ce corps. Je n’ai pas subi de violence, ni de menaces. Mais je sens qu’ils m’ont volé la possibilité de vivre mon corps d’une autre façon. » [17] Le sociologue critique une certaine médecine qui intervient sur le corps à partir des stéréotypes de genres, comme si la concordance entre le genre et la norme était le but de toute transition, et l’anatomie la référence absolue.

C’est le même problème que souligne l’écrivaine et biologiste Julia Serano dans Manifeste d’une femme trans, c’est-à-dire la nécessité, pour la société comme pour la médecine, d’établir un accord forcé et normé entre le genre et sa représentation : « La transition physique —écrit-elle— est un processus depuis toujours régulé (et limité) par des cerbères qui sélectionnent sévèrement les candidates en fonction de leur potentielle intégration post-transition. Si l’on veut avoir l’autorisation de transitionner, il faut se soumettre aux normes sociales du genre auquel on s’identifie […] [18]. » Julia Serano tombe juste : une de mes analysantes, pour pouvoir avancer dans son projet de transition, a dû cacher son aspect « masculin » et se présenter à ses rendez-vous médicaux travestie en bimbo ! Pour son psychiatre comme pour son endocrinologue, il était inconcevable de vouloir devenir une femme sans adopter les caractères stéréotypés de la féminité. En somme « elle n’était pas crédible », ou alors, « pas assez motivée », lui avaient-ils dit lors des premiers rendez-vous, quand elle s’était présentée habillée selon un style féminin non stéréotypé.

On ne peut pas réduire le désir de transition au désir de se construire, à coups de laser, hormones et opérations chirurgicales, un corps idéalisé selon les standards sexuels. J’ai pu observer que la majorité de mes patient.e.s trans ne se précipite pas chez l’endocrinologue ou le chirurgien avant d’avoir pris en compte la spécificité d’un désir qui, comme tout autre, se présente sous des formes multiples et paradoxales. Il y a des cas où la médecine n’intervient pas du tout dans le processus de transition, ou alors très modérément. Je pense notamment à une personne trans-féminine qui était venue me voir après une tranche d’analyse interrompue : elle avait changé son prénom, et sa précédente analyste n’acceptait pas de s’adresser à elle au féminin, comme elle lui avait demandé. Cette jeune femme trans cherchait à maintenir un certain flou au niveau de son identité et de son corps : le prénom qu’elle avait choisi avait un sens pour elle, et évoquait une identité ni masculine ni féminine. Elle n’avait d’ailleurs pas l’intention de faire la moindre intervention sur son corps, sauf une épilation aux jambes et au torse (elle ne voulait ni de la chirurgie ni des hormones). Elle ne détestait pas son corps —« Je ne suis pas née dans un mauvais corps ! », m’avait-elle dit à plusieurs reprises—, elle désirait seulement l’expérimenter, le suivre dans les surprises de sa mutation.

Comme ma patiente, les personnes trans qui ne sont pas obsédés par le passing sont nombreuses. Et pourtant, dans l’opinion commune, dans le monde médical, psychanalytique, et aussi dans l’art, en particulier dans le cinéma, le corps et l’image sont sans cesse représentés comme constituant le souci principal des personnes trans et le cœur problématique des transitions. Prenons le cinéma : dans beaucoup de films et documentaires sur la transidentité, les réalisateurs et réalisatrices montrent les déboires des personnes trans aux prises avec leur « mauvais » corps, un corps qui est à l’origine du malheur, qui doit être détruit et après oublié pour toujours. Le film de 2015 The Danish Girl, de Tom Hooper, raconte la transition de l’artiste danoise Lili Elbe, qui, en 1931, était devenue la première femme transgenre : l’artiste bénéficiera d’une chirurgie de réattribution sexuelle, encore expérimentale à l’époque, et après plusieurs opérations, elle décédera à cause d’une vaginoplastie. Dans Girl, sorti en 2018, de Lukas Dohnt, Lara est une adolescente trans qui, après avoir été admise dans une grande école de danse classique, doit combattre avec un corps qui ne rentre pas dans les standards binaires d’une danseuse classique. Elle finira pour se couper elle-même le pénis. Et récemment, dans le très discuté Petite fille de Sébastien Lifshitz, sorti sur Arte en 2021, la question de la transition d’un enfant, Sacha, est en grande partie centrée sur le problème du corps et de l’image : le film commence justement avec l’enfant face au miroir en train d’essayer des chapeaux. Les membres de la famille de Sacha et sa psychiatre sont bien disposés à suivre son désir d’être une petite fille, car pour eux, Sacha est née dans un « mauvais corps » (cela est répété sans cesse dans le film), et il faut commencer toute de suite à « encadrer » se corps en transition dans la case « fille », selon les standards sexuels en vigueur [19]. Cette nécessité de « régulariser » un corps en mutation ne vient certes pas d’un enfant de sept ans : Sacha ne demande qu’à pouvoir s’habiller en fille, danser comme ses copines, et jouer à football avec ses ballerines. Sacha cherche probablement à expérimenter son corps dans un autre genre que celui qui lui a été attribué à la naissance, et non à le fixer dans une identité préconstituée à partir des normes sociales. Pourquoi donc l’identité de genre doit-elle converger avec le sexe biologique ? Pourquoi Sacha n’a-t-elle pas le droit de porter une jupe simplement parce qu’elle a un zizi ? Pourquoi peut-elle le faire seulement après la certification de la psychiatre qui confirme que Sacha est « malade », et qu’elle est née dans un « mauvais » corps ? Et pourquoi insister tant dans le film sur le « mauvais corps » de Sacha plutôt que sur sa capacité de fabriquer un corps singulier, sur sa puissance de mutation et d’invention ?

Nos corps sont vos champs de bataille se détache de cette série de films, et montre que l’existence des personnes trans ne se réduit pas aux ennuis d’image, d’identité et de passing. Le corps trans n’est pas un corps au service de la médecine, des normes de genre, ou des stéréotypes du néo-libéralisme. Les corps qui sont nos champs de bataille sont la célébration des pouvoirs à la fois individuels et collectifs du corps. Un corps qui, dans sa « mutantité [20] », devient révolutionnaire. Les personnes trans dans le film ne sont pas préoccupées par leur aspect extérieur, ni par leur passing, mais par les mauvaises conditions sociales dans lesquelles beaucoup d’entre elles vivent, par les humiliations, les injustices, et les violences qu’elles subissent : à juste titre, le film commence par le jugement d’un meurtre transphobe à la Cour de Buenos Aires et par la manifestation de protestation qui le suit. Lara Bertolini, une des femmes trans du film, l’affirme sans ambages : « Le problème n’a pas été de transitionner, ni ce que j’ai perdu en transitionnant. Le pire, c’était d’être confrontée à la police et à l’appareil répressif. Quand ils nous persécutaient pour ce qu’on était. Pour le reste, qui ne risque pas de tout perdre un jour ? Mais quand tu sais que l’État a un système bien huilé pour te persécuter, c’est le pire [21] ».

Isabelle Solas ne filme pas des stars des médias, des artistes devenues célèbres grâce à leur sensationnelle transformation et à leur sublime apparence physique, mais de « travesties » racisées, migrantes, avec de faibles ressources, sans assistance médicale, obligées à se prostituer pour vivre. Elles sont aussi soucieuses de l’amitié, l’amour, et les relations, et surtout, elles sont toutes solidaires entre elles, et désireuses de changer le monde.

Ainsi, notre champ de bataille n’est certes pas le corps trans en tant que corps sacrifié aux impératifs néolibéraux, ni un corps-victime, esclave de la norme des sexes, ni un corps esthétique, soumis aux idéaux des médias et soucieux de la perfection. C’est le corps trans en tant que corps sororal et militant, un corps uni dans la dissidence, un corps désirant, au sens de Deleuze & Guattari, c’est-à-dire qui ne sépare pas le singulier du collectif, conformément à la logique du symptôme.

SYMPTÔME TRANS ET SYMPTÔME PARTAGÉ

La sexuation binaire ne peut pas rendre compte de la productivité désirante du corps : le corps trans casse les normes sexuelles, au lieu de s’y soumettre. Cette subversion est aussi une manière d’inventer et de « faire tenir » socialement un corps traversé par quelque chose d’inassimilable. Ainsi, l’identité de genre d’une personne, d’un point de vue psychanalytique, ne se construit pas à partir de processus imaginaires et idéaux, et elle n’est pas simplement la conséquence sur le sujet des normes sociales, comme le précisera à juste titre Judith Butler [22]. L’identité, en tant que trait distinctif du sujet [23], est un effet du corps, qui porte la trace du trauma, trauma qui se répète dans le symptôme. En d’autres termes, c’est le symptôme qui « se charge » de l’identité du sujet : en tant que répétition toujours modifiée du trauma, il détermine les productions du désir du sujet, et le fixe à une certaine jouissance [24], plus ou moins supportable.

Du point de vue de la psychanalyse, le symptôme n’est pas un trouble à extirper, mais une machine à jouir, qui fonctionne comme une modalité de lien social : le sujet tient dans le monde grâce à son symptôme, qui peut faire souffrir, et si le sujet s’en plaint (surtout au début de son analyse), il peut aussi se trans-former et devenir une « solution » capable de maintenir le sujet dans quelque chose qui autrement lui serait insupportable.

Dans le symptôme, le sujet s’invente —il bricole [25]— une pratique du corps qui correspond à sa modalité singulière de jouir, et rien n’empêche le sujet de se fabriquer un symptôme « heureux », selon la jolie expression de Colette Soler [26]. L’identité est donc liée à la modalité de jouir du sujet : « identification au symptôme [27] » dit Lacan, à propos de la modalité le plus réussie de la fin de l’analyse. Une telle identification a quelque chose de bizarre, puisqu’au lieu d’avoir cette composante idéalisante caractéristique, en général, des identifications, elle est une identification justement à ce dont on aurait voulu, au départ, se débarrasser. Cette assomption n’est ni une résignation (« je suis comme ça, tant pis »), ni une construction idéale et rassurante de sa propre image : à travers cette identification hors-norme, le sujet consent à la jouissance qui s’exprime dans son symptôme, et finalement ne s’en plaint plus. Cette jouissance est devenue vivable pour le sujet et lui permet une inscription dans le lien social [28].

L’identité trans est une production du désir, autrement dit un symptôme, qui devient dans certaines situations un symptôme « heureux », comme certains personnages du film le montrent. Ainsi, ce n’est pas l’anatomie qui marque la différence des genres, mais une identité fondée sur le corps symptômé, porteur d’une jouissance singulière et traumatique. Y-a-t-il un rapport entre un corps traversé par le symptôme et l’activité politique du sujet ? Comment un corps symptômé devient-il un sujet militant ?

Le corps trans, comme tout corps symptômé, s’invente et se réinvente dans sa relation avec le monde extérieur. On ne peut pas trouver une « cause » au symptôme, et il est absurde de chercher les raisons familiales, structurelles, pathologiques, par exemple, au désir de changer de genre. Bien sûr, les normes de genre influencent le désir dans son rapport à l’identité, mais il existe des « zones [29] » de l’inconscient ouvertes à la contingence et à l’invention du corps-symptôme. Si les corps trans sont des corps violés, humiliés, discriminés, exploités, marchandisés, comme le montre le film, ils sont aussi une arme —puissante— de combat. Et si la bataille est dure, la joie de s’y trouver ensemble l’emporte sur tout car elle permet au symptôme de faire lien.

Isabelle Solas en filmant des militantes trans, déplace la question de l’identité au désir, un désir qui produit une nouvelle modalité de jouissance capable de faire aussi lien social : il y a un partage du symptôme dans la militance collective : chaque corps traversé par le symptôme devient « heureux » dans la lutte commune. Le corps « singulier », traversé par la particularité de son symptôme [30], et le corps « collectif », constitué par ce que nous appellerons un « symptôme partagé », sont désormais inséparables. Comment penser cette continuité dans la militance trans et féministe ?

TRANSIDENTITÉ, SORORITÉ

Changer de genre n’est pas une opération narcissique, mais un acte politique. Et être femme n’est pas une essence, ni un ensemble de comportement stéréotypés : c’est une modalité particulière de vivre le collectif, que nous pouvons désormais appeler sororal. Transidentité et luttes féministes se lient dans le symptôme partagé des « travesties » de Nos corps sont vos champs de bataille, symptôme investi collectivement dans la lutte.

L’entretien que Claudia fait à la télévision explicite à merveille la fonction politique et sociale de son corps trans : « Nous [les trans] n’avons pas de “placard” contrairement aux gays. Une femme trans, le jour où elle sort en talons dans la rue, elle ne peut pas se cacher. Pour nous le corps est un outil de lutte. Pour moi, le corps… dans son sens littéral d’engager son corps, et d’enjamber la barrière […] c’est concrètement le seul outil de lutte dont nous disposons, nous les travesties et trans. Nous ne pouvons pas nous cacher au grand jour. On ne peut pas dissocier notre identité de notre corps [31] ».

Cette association entre corps et identité n’est pas seulement une question de « vision », de « monstration », de « représentation » : le corps trans ne se limite pas à représenter la lutte de l’individu pour se faire accepter dans un monde réglé par la sexuation binaire. En tant qu’il est symptôme, il fabrique le lien entre le l’inconscient et le politique, au point de les confondre [32]. Rappelons que pour Lacan, c’est Marx l’inventeur du symptôme, car c’est la souffrance du corps —le symptôme— qui déclenche la grève du prolétaire [33]. Analogiquement, dans l’expérience trans, comme le dit explicitement Claudia, la souffrance du corps (rejet, abus, brutalisation, exploitation…) pousse à la lutte collective et heureuse. Le trauma singulier fabrique du lien social à partir du symptôme partagé, selon une logique que nous aimerions qualifier de sororale.

Nous faisons l’hypothèse que la mobilisation féministe des personnages du film (mais cela est vrai aussi au-delà du film et des mobilisations féministes trans) a un fondement inconscient : comme le montre le film, le groupe n’est pas une foule soudée par l’identification (narcissique) à un leader ou à un idéal collectif [34], ni un ensemble d’individus ressemblés autour d’un désir parricide [35] : la communauté de « travesties » du film d’Isabelle Solas n’est pas un ensemble de frères, mais une communauté de sœurs. Le collectif trans est un collectif sororal.

Pour saisir la spécificité de ce lien, nous allons nous appuyer sur un texte de Freud qui porte précisément sur le phénomène de la « contagion psychique » dans le cas des hystéries collectives. Dans « Psychologie des foules et analyse du moi », Freud s’intéresse à la crise collective d’un groupe d’amies dans un pensionnat déclenchée par l’affect partagé entre les filles, à la suite d’une déception amoureuse de l’une d’entre elles [36]. La relation qui s’établit entre les filles n’est pas créée par un simple sentiment d’empathie entre elles, lié à leurs représentations imaginaires. La relation a des bases inconscientes, car elle est déterminée par un élément refoulé qui fait retour dans le symptôme : à savoir le désir que ressentent d’autres filles de se trouver elle aussi dans cette situation (avoir un amoureux, être débordée par une excitation sexuelle cachée, etc.) — désir immédiatement refoulé et qui s’exprime dès lors à travers un symptôme hystérique (larmes, cris, etc.). Il faut que le symptôme soit partagé pour que chaque fille puisse (re)vivre son propre traumatisme. On voit donc comment un phénomène social peut être en tant que tel saturé par une dimension psychique. On voit aussi qu’il n’y aurait aucun sens ici à renvoyer chacune de ces filles à sa singularité traumatique, comme s’il fallait défaire l’illusion du politique pour se recentrer sur ses propres histoires personnelles, puisque l’élément refoulé est lui-même de l’ordre du social : c’est la sororité, c’est-à-dire le fait d’avoir quelque chose en commun lié directement au trauma.

On comprend ainsi que, sans qu’on ait besoin de renoncer à aucun moment à la thèse fondatrice du caractère impartageable, innommable, du trauma, on puisse parler d’un processus qui a une dimension intégralement sociale à la fois dans son principe (la sororité refoulée) et dans son résultat (le symptôme sororal). La contagion psychique permet de saisir quelque chose comme un social traumatique (qui n’est pas la même chose qu’un traumatisme collectif, pure fiction idéologique qui écrase tout ce qui se joue de subtil et d’intéressant dans les jeux complexes du psychique et du politique). Le politique, c’est du social traumatique.

LE CORPS TRANS EST-IL UN CORPS FÉMINISTE ?

Grâce à la théorie freudienne du symptôme partagé, nous pouvons donner au féminisme un dimension inconsciente, la même que celle qui traverse le désir de militance féministe des personnes trans dans Nos corps sont vos champs de bataille. Répétons-le, leurs combats convergent dans d’autres luttes sociales, raciales, féministes et écologiques (ils sont nos champs de bataille). Les personnages du film participent à des manifestations, à des groupes de parole de femmes trans prostituées, elles discutent les conditions matérielles, médicales, intellectuelles des jeun.e.s trans, elles vont à écouter à une conférence de Angela Davis, elles collent des affiches pour dénoncer la maltraitance animale, et bien sûr, elles combattent l’essentialisme féministe : la scène où Claudia est attaquée verbalement et physiquement par un groupe de TERF (Trans-exclusionary radical feminist) pendant une manifestation féministe, est particulièrement saisissante.

Le film a ainsi le mérite d’attirer l’attention sur une question qui anime aujourd’hui les débats féministes : faut-il exclure les trans des groupes féministes ou faut-il les considérer comme des femmes ? Même si la deuxième alternative semble presque aller de soi (pourquoi faudrait-il les exclure, au juste ?), le mouvement TERF considère que les femmes trans ne sont pas des femmes, s’opposant à l’inclusion de celles-ci dans les lieux de non-mixité et des listes politiques réservées aux femmes. À l’inverse, les « travesties » de Nos corps sont vos champs de bataille apparaissent animées par un désir de sororité qui est suffisant pour les inscrire d’emblée et entièrement dans le corps des luttes féministes. Elles veulent être des femmes parce qu’elles veulent aussi être des sœurs. En étant sourdes à ce désir de sororité, les TERF montrent qu’elles ne comprennent pas une dimension profonde et peut-être indépassable de ce qui fait le sujet « féminin » du féminisme : son être de lutte.

Pour les TERF, il n’y pas d’autres femmes que celles qui sont nées femmes, à savoir, avec une chatte. Certes la plupart des TERF refuseraient probablement de reconnaître cet essentialisme anatomique brutal. Elles expliqueront au contraire que l’identité de genre « femme » tient à une certaine position dans une structure de domination, la communauté des femmes étant la communauté des victimes de la violence masculine. Les femmes trans au contraire, n’ayant pas été socialisées dès leur naissance comme femmes violentées par des hommes, ne pourraient jamais rejoindre la communauté des femmes, des vraies, celles dont le destin n’a jamais été autre que d’être violentées par les hommes. Peu importe que les femmes trans aient subi des violences parfois plus brutales que celles qu’ont subies la plupart des femmes, et qu’elles les aient subies précisément parce qu’elles avaient choisi de devenir des femmes et de trahir le gang masculin ; peu importe qu’elles les subissent d’autant plus qu’elles appartiennent à des minorités racisées ou de classe : elles n’avaient pas cette chatte miraculeuse qui authentifie la vraie victime, et par là la rend femme.

Ainsi, dire qu’on est sœur seulement de qui a une chatte a une conséquence profonde : la conception radicale-féministe-essentialiste pense le lien sororal à travers l’empathie, la pitié, la compassion. Les femmes sont sœurs dans la mesure où elles sont toutes également victimes des hommes. Les femmes trans aussi, bien sûr, sont des victimes, mais pas des sœurs, car elles ne sont pas nées avec une chatte. On ne peut pas être empathique avec quelqu’un(e) qui est né(e) avec une bite et est devenu femme après coup. Le lien, le partage, la solidarité sont construits sur un fantasme de connivence créé à partir de la possession du même organe sexuel, et des mêmes caractéristiques physiques naturelles [37].

Il est tout de même bizarre que ce soit un vieux médecin viennois mort avant la Seconde Guerre Mondiale, je veux dire Sigmund Freud, qui fournisse le modèle d’une logique sororale inconsciente que les féministes TERF ne cessent de manquer. La sororité repose entièrement sur la capacité à partager le symptôme, à entrer dans les circulations contagieuses du symptôme, c’est-à-dire aussi d’une certaine manière de faire corps. Elle n’a aucune autre condition. Certes, on ne saurait décider, rationnellement, consciemment, calculatoirement, d’entrer dans une certaine contagion symptomatique : on y est emporté, à partir de ses propres coordonnées traumatiques. Mais c’est bien là la seule condition : d’être inconsciente, réelle, corporelle. Le reste n’a aucune importance. La sororité existe à travers des signes, qui ne sont pas des symboles de ralliements mais des retours du refoulé : ces signes sororaux se confondent avec symptôme révolutionnaire lui-même. Inutile de le dire, les « travesties » de Nos corps sont vos champs de bataille partagent à tous égards avec les féministes un symptôme révolutionnaire caractéristique de notre temps et par lequel nous sommes, de fait, aujourd’hui, sœurs (pour autant qu’on y prend part).

FINALE

Le film d’Isabelle Solas montre avec une délicatesse et une précision admirables que, dans la vie des personnes trans, l’intime et le politique se mêlent indissolublement, et cela à patrir du corps traversé par le symptôme. L’invention d’une certaine identité de genre est inséparable de l’activité militante, le corps genré se fabrique aussi comme un corps de luttes, féministe. En suivant la vie de plusieurs « travesties » en Argentine, toutes différentes mais également attachantes, le film montre que, loin de pousser à la standardisation des corps, la transidentité permet une diversité heureuse, chacune trouvant, dans la sororité, la force de se maintenir dans un monde inhospitalier.

Répétons-le : dans Nos corps sont vos champs de bataille, jamais les femmes trans ne sont mises en scène comme des victimes, ni comme des malades mentaux, ni comme des êtres idéologiques occupées par leurs problèmes identitaires. La transidentité pour Isabelle Solas n’est pas une question individuelle, mais une manière de fabriquer du collectif, à partir de la particularité de chaque corps symptômé. Les corps des « travesties » sont des corps en souffrance, une souffrance qui est à la fois singulière et plurielle, et qui s’exprime dans le symptôme partagé : les corps rejetés, discriminés, prostitués, deviennent, grâce à la force du collectif, des corps transformés (individuellement et socialement), qui jouissent dans leur engagement collectif, à travers leur symptôme « heureux », sororal.

[1Le film est disponible en VOD sur toutes les plateformes et en DVD. Les projections, les photos et le lien vers la bande annonce sont dispos sur la page du film : https://dublinfilms.fr/portfolio/nos-corps/.

[2Le terme « trans » désigne toute personne qui ne s’identifie pas au sexe qui lui a été assigné à la naissance. Il se distingue du terme d’origine médicale « transsexuel » et celui d’origine militante « transgenre ». Emmanuelle Baubatie, « Psychiatres normatifs vs. trans’ subversifs ? Controverse autour des parcours de changement de sexe », in Raisons politiques, n° 62, 2016, pp. 131-142. https://www.cairn.info/revue-raisons-politiques-2016-2-page-131.htm.

[3Communication personnelle.

[4Isabelle Solas (entretien), « Voyage dans la dissidence sexuelle », in Trou noir, n°21, 22/02/2022, http://trounoir.org/?Nos-corps-sont-vos-champs-de-bataille-Entretien-avec-Isabelle-Solas. Elle avait précisé un peu plus haut, à propos de leurs différentes approches de la militance : « Il y en a une qui est dans une posture très maternelle [Claudia], et l’autre [Violeta]dans une posture très adolescente. Enfin, presque tout les oppose. Ça a dessiné la structure du film : faire un double portrait. Je savais que j’allais partir dans des conceptions du militantisme très différentes. Et, à mon avis, assez complémentaires, malgré́ le fait qu’elles ont l’impression que c’est contradictoire. »

[5Ibid.

[6Silvia Lippi, « Le corps DIY (Do-It-Yourself) : symptôme et bricolage dans les expériences trans », in Lundimatin, 20/09/2021 https://lundi.am/Le-corps-DIY-Do-It-Yourself-symptome-et-bricolage-dans-les-experiences-trans

[7https://charliehebdo.fr/2021/12/societe/changement-de-sexe-finalement-cetait-mieux-avant/. Notons que tout changement physique n’est pas irréversible. Les articles suivants expliquent aussi que les témoignages de détransition sont souvent utilisés et instrumentalisés par les opposant.e.s aux transitions de genre. https://www.ghu-paris.fr/sites/default/files/media/downloads/CAUSETTE-122-DÉTRANSITION_0.pdf ; https://www.liberation.fr/societe/sexualite-et-genres/detransitions-de-genre-jen-ai-marre-quon-dramatise-comme-si-cetait-la-fin-du-monde-20220712_RS5SX5IF3NALXKEGPKQSACKESQ/.

[8Agnès Condat, Annabelle Allouch, Nicolas Rabain, « Accompagner des mineur.e.s transgenres et leurs parents. Manifestations et clinique de l’angoisse », in Tracé. Revue de Sciences humaines, n°38, 2020, pp. 155-171. Voir aussi Rozenn Le Carboulec, « Comment les mineurs trans sont pris en charge : face à la désinformation, des médecins racontent », in Médiapart, 04/04/2022, https://www.mediapart.fr/journal/france/040422/comment-les-mineurs-trans-sont-pris-en-charge-face-la-desinformation-des-medecins-racontent.

[9Silvia Lippi & Patrice Maniglier, « Dysphorique toi-même ! » in Lundimatin, 02/02/2021 https://lundi.am/Dysphorique-toi-meme.

[10Jacques Lacan, Le séminaire, Livre VII, L’éthique de la psychanalyse, Paris, Seuil, 1986.

[11Jacques Lacan, Le Séminaire, livre XIX, …ou pire, Paris, Seuil, 2011, p. 17.

[12« L’humain est contraint, il ne peut pas tout : la tribune de pédiatres et psychiatres sur le document Petite fille », Marianne, 5 janvier 2021 (https://www.marianne.net/agora/tribunes-libres/lhumain-est-contraint-il-ne-peut-pas-tout-la-tribune-de-pediatres-et-psychiatres-sur-le-documentaire-petite-fille). Voir aussi https://www.observatoirepetitesirene.org.

[13Patrice Maniglier, « Bien plus que cinq sexes : par-delà masculin et féminin », in Jean Birnbaum (sous la direction de), Femmes, Hommes : quelle différence ? 19° Forum Le Monde Le Mans, Rennes, Presses Universitaire de Rennes, 2008.

[14Les trans ne sont pas les seul.e.s à y faire recours. Les diktats de la beauté hantent une grande partie de la population, indépendamment du genre et de la classe sociale. On se demande pourquoi tant d’embarras, lorsque ce sont des personnes trans qui font usage de la médecine esthétique.

[15C’est-à-dire se faire accepter comme membre du genre revendiqué, principalement grâce à l’apparence physique et aux comportements sociales. Le passing n’a rien à voir avec l’opération génitale.

[16Les exemples de passings parfaits sont nombreux, parmi les plus célèbres : l’animatrice de télévision Caitlyn Jenner, les actrices Laverne Cox, Indya More, Candis Cayne, la mannequin Valentina Sampaio, et la YouToubeuse Gigi Gorgeus.

[17M
iquel Missé, A la conquista del cuerpo équivocado, Barcelona-Madrid, Egales, 2018, p. 26. La traduction est la mienne.

[18Julia Serano, Manifeste d’une femme trans et autres textes, Paris, Cambourakis, 2020 p. 139.

[19Nous avons déjà commenté ce film dans un texte précédent, Silvia Lippi & Patrice Maniglier, « Dysphorique toi-même ! », op. cit.

[20Paul B. Preciado, dans son dernier ouvrage Je suis un monstre qui vous parle, utilise l’expression « psychanalyse mutante » pour décrire une psychanalyse qui serait capable non seulement de réfléchir, mais aussi de modifier ses concepts en fonction des changements en acte dans le monde contemporain, au niveau des corps humains, territoriaux et vivants en général. Paul B. Preciado, Je suis un monstre qui vous parle. Paris, Grasset, 2020, p. 125. La mutantité implique alors un devenir constant du corps, suspendu entre les mutations du corps psychique (l’inconscient) et les nouvelles technologies du corps. La mutantité est toujours prise entre l’artificiel et l’organique, autrement dit entre la culture et la nature.

[21Passage tiré du film Nos corps sont vos champs de bataille.

[22Judith Butler, Défaire le genre, Paris, Éditions Amsterdam, 2016, p. 357.

[23Jacques Lacan, L’identification, 1961-1962, inédit, leçon du 13 décembre 1961.

[24Le terme « jouissance », introduit par Lacan, désigne une souffrance mélangée avec du plaisir ou l’envers. Cette expérience est propre à la sexualité, mais elle s’étend aussi à d’autres situations. La jouissance est liée à la structure traumatique du désir : c’est notamment la jouissance/souffrance du trauma que le sujet cherche à répéter à travers le symptôme.

[25Dans l’usage de l’anthropologue Claude Lévi-Strauss, La pensée sauvage, Paris, Plon, 1962, pp. 26-33.

[26Colette Soler, L’identification au symptôme ou ... pire, 1999. https://fr.scribd.com/document/352097337/Colette-Soler-L-Identification-Au-Symptome.

[27Le syntagme « identification au symptôme » est un hapax de Lacan, qui désigne sa dernière conception de la fin de l’analyse. Jacques Lacan, « Ouverture de la section clinique », Ornicar n°9, 1977, pp. 7-14.

[28Colette Soler, « L’identification au symptôme ou ... pire », op. cit.

[29Nous faisons ici référence aux zones érogènes dont parle Freud dans sa théorie des pulsions. Sigmund Freud, « Pulsions et destins des pulsions » (1915), in Métapsychologie, Paris, Folio, 1968. Voir aussi Gilles Deleuze & Felix Guattari, L’Anti-Œdipe, Capitalisme et schizophrénie 1, Paris, Les Editions de Minuit, 1972.

[30Jacques Lacan, « Le plaisir et la règle fondamentale », in Lettres de l’École Freudienne, n° 24. 1978, pp. 22-24.

[31Passage tiré du film Nos corps sont vos champs de bataille.

[32« […] l’inconscient est la politique ». Jacques Lacan, La logique du fantasme (1966-1967), inédit, séance du 10 mai 1967.

[33Jacques Lacan, « Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse », in Écrits, op. cit., p. 285.

[34Sigmund Freud, « Psychologie des foules et analyse du moi », in Essais de psychanalyse, Paris, Payot, 1981, pp. 129-227.

[35Sigmund Freud, Totem et Tabou, Quelques concordances dans la vie d’âme des sauvages et des névrosés, in Œuvre complètes, tome XI, Paris, P.U.F., 1998, p. 360-361.

[36Sigmund Freud, « Psychologie des foules et analyse du moi », op. cit., p. 190.

[37Voir notamment la position de la féministe Marie-Jo Bonnet et du journaliste Frédéric Taddeï dans l’émission sur RTF du 29/09/2021, Interdit d’interdire, « La question trans, un casse-tête ? », où j’étais moi-même présente en compagnie de Lexie Agresti, Anne Cognet et Marie-Jo Bonnet. La vidéo de l’émission complète n’est malheureusement plus disponible aujourd’hui. Vous pouvez voir l’extrait ou je conteste leur position à cette adresse : https://www.facebook.com/sam.berluti/videos/1032311030864965.

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