Culture

Par Éric Hazan

paru dans lundimatin#91, le 30 janvier 2017

CULTURE

Stendhal écrivait cela avec deux l, ce qui lui valut des ennuis quand il travaillait aux écritures du ministère de la Guerre. Du reste, il n’était pas bon en lettres pendant ses études, son but était d’entrer à l’École polytechnique – comme Octave dans Armance, comme Lucien Leuwen. Toute sa vie, il écrivit en pattes de mouche illisibles avec quantité de fautes si bien que la Chartreuse de Parme, il la dicta – en sept semaines ce qui est assez rapide pour un livre qui n’est pas mince. Sainte-Beuve trouvait les romans de Stendhal franchement détestables. Il ne supportait pas Balzac, au point de refuser un dîner où il risquait de le rencontrer. Baudelaire, il l’aimait bien, il le trouvait gentil garçon, fin de langage et tout à fait classique dans les formes. Balzac aurait bien aimé être académicien mais quand il se présenta il n’eut que quatre voix et ce fut le duc de Noailles qui fut élu au fauteuil de Chateaubriand. Baudelaire lui aussi avait envisagé de se présenter et quand il retira sa candidature, Sainte-Beuve le félicita d’avoir laissé une bonne impression.

Sainte-Beuve, lui, était académicien, comme Alain Finkielkraut. Malgré la droitisation générale, les écrivains qui travaillent dans la ligne française traditionnelle sont assez rarement présentables et il faut bien faire avec ce qu’on a. Ce qui amène d’ailleurs à se poser une question : qui pourrait être ministre de la Culture si madame Le Pen devenait présidente de la République ? Pas Eric Zemmour ni Lorànt Deutsch, bien trop jeunes. Le meilleur candidat serait sans doute Michel Houellebecq. Ça ne manquerait pas de panache, ça ferait penser à Malraux qui tint ce rôle sous De Gaulle, même si l’on voit mal Houellebecq en orateur décoiffé par le vent. Il a pour lui d’être non seulement écrivain mais réalisateur, acteur, chanteur, photographe, comme l’on a pu s’en convaincre dans une exposition récente. Ces talents divers le feraient accepter par une communauté artistique toujours férue de transversalité et il s’inscrirait bien dans une ligne tracée depuis Sainte-Beuve (qui aurait pu être ministre de la Culture si ce poste avait existé), ligne qui compte parmi ses points d’inflexion d’illustres personnages comme François Léotard et Alain Peyrefitte. Non, décidément, il n’y a pas de souci à se faire, la continuité est assurée. 

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