Une carte de Noël

Comment sortir « par le haut » de la guerre éternelle Israélo-Palestinienne ?

Jacques Fradin - paru dans lundimatin#409, le 29 décembre 2023

En repensant à « grands frais » l’échec de l’Internationale en 1914.
En portant la guerre civile en Israël ET, « en même temps », en Palestine.
Le gouvernement israélien ne « représente » pas plus « Israël » ou « LES Israéliens » (des unités imaginaires) que le Hamas n’est « représentatif » de « LA Palestine » ou « des palestiniens » (autres unités imaginaires).

C’est par la destruction, déconstruction, des UNITÉS imaginaires, des unifications forcées, des monothéismes politiques, que l’on peut « espérer » (enfin, de l’espoir !) cheminer vers « La Paix ».
En traversant, sans boussole, un vaste champs de mines.
Marche mortelle !

La question de « la solidarité », et, donc, de l’Internationale reconfigurée, doit être complexifiée.
En partant de l’axiome : il n’existe jamais « d’unité », par exemple de « peuple uni » ou « d’unité nationale ».
Toute « unité » est une formation militaire, imposée, contrainte ; c’est un rouage fonctionnel du despotisme. Dont la métaphysique des Unités et de l’UN est sa dogmatique.
Il n’existe pas plus de « peuple palestinien uni » que de « peuple israélien uni ».
Le Hamas ne « représente » pas plus LA Palestine (qui est une unité imaginaire) que le gouvernement de droite nationaliste religieuse ne « représente » Israël (qui est également une unité imaginaire).
Encore une fois et toujours, c’est l’antagonisme ou les luttes qui divisent « LE Peuple » (imaginaire) qui doivent être, analytiquement, posées en premier, comme axiome (la lutte vient d’abord).
La solidarité des Damnés, l’Internationale, doit toujours s’envisager CONTRE toute unification imposée, en particulier CONTRE une unité nationale hallucinée ou CONTRE toute forme communautaire ou « villageoise ».
Ce thème de l’absence radicale d’unité, pas de définition substantielle, le clivage est toujours premier, depuis « l’individu », bien divisé, jusqu’à LA société, toujours en guerre civile, ce thème fracture ou complexifie toute solidarité.
L’Internationale, qui porte si mal son nom, ne peut consister en LA Solidarité des Peuples fictivement unis (c’est trop massif), mais consiste en la solidarité des luttes qui divisent ces peuples, supposés unis.
La lutte « black » anti-raciste, aux USA, lutte qui clive l’unité fictive américaine, est solidaire de la lutte « palestinienne » anti-coloniale, à condition de ne pas envisager ce « palestinien » comme une unité substantielle.
Relire avec cette focale : L’Appel Black Lives Matter, LM 397, 5 octobre 2023.

Bien entendu, en situation de guerre « nationale », l’unité « nationale », qui est une formation militaire, est un impératif difficile, voire impossible, à contourner.
La lutte « palestinienne » anti-coloniale ne doit jamais succomber aux sirènes de « l’unité fait la force », derrière un mouvement religieux prétendant à l’hégémonie (repensons à la fin de la guerre d’Algérie et aux luttes inexpiables entre les mouvements « de libération »).
Pas plus que les luttes internes, les clivages internes à l’unité fictive ou militarisée, israélienne ou palestinienne, ne doivent jamais s’effacer devant l’impératif de « la défense nationale ».
C’est le plus vieux problème de l’Internationale, depuis la Grande Guerre et la volatilisation de cette Internationale (parodiée en SDN), qui se repose sans cesse.
C’est le problème pendable (au sens propre) des unifications fictives, fictives mais bétonnées, comme la si célèbre unité nationale. Unités mortelles qu’il faut pulvériser.
« La Solution » (sic) au conflit israélo-palestinien passe par la destruction déconstruction des unités nationales militarisées, aussi bien israéliennes que palestiniennes.
Cette « solution » est radicalement vitale ; car mortelle (les déserteurs seront exécutés !).
Revenons à un exemple typique : pendant la dernière guerre, comment distinguer « l’Allemand en uniforme » du nazi militant ? Comment distinguer « le peuple allemand » du gouvernement nazi, qui ne le « représente » pas, mais l’identifie comme une unité substantielle ; tout gouvernement étant une « représentation » fictive et intrinsèquement déformée ?

Du reste, « les Alliés », autre belle unité militarisée, ne faisaient aucune différence entre « Allemand » et nazi ; en procédant, par exemple, à des bombardements massifs indiscriminés sur « les civils » (tous coupables !) – ce qui est constitutif d’un crime de guerre, mais crime de guerre impunissable (ce que Netanyahou ne manque pas de rappeler à Biden !).
L’antagonisme fait vaciller tout l’édifice de la solidarité pensée trop massivement.
La Black Palestinian Solidarity doit s’appuyer sur la solidarité locale Israël / Palestine ; solidarité non pas entre « Israël », massivement unifié, « derrière le gouvernement de droite religieuse intégriste », ET « Palestine », autant massivement unifiée, « derrière le Hamas », mais entre les dissidents de l’unité nationale fictive, entre les réfractaires aux mythologies unifiantes. Comme se pose BLM Black Lives Matter aux États-Unis.
Car L’Unité, L’UN, le monothéisme politique, est la construction métaphysique la plus meurtrière. C’est le poison le plus redoutable ; la drogue la plus mortelle.
Nous avons examiné plusieurs fois, et à plusieurs niveaux, cette question redoutable ; et vitale (ou mortelle). La question de la métaphysique de l’UN traverse et casse toutes les autres.
La métaphysique de l’UN est la dogmatique la plus poisseuse du despotisme (étant posé que ce métaphysique est le dogme religieux, donc totalisant, de ce despotisme).

Quelle est la réponse à la faillite « nationaliste » de l’Internationale ?
Il ne pourra jamais exister de « communauté unifiée ».
Il faut maintenir la guerre civile, l’antagonisme, au sein de tout mobilisation nationale. Il faut maintenir la division au sein de toute unité militarisée.
Ce qui est une question vitale ; ou, plutôt, une question mortelle.

Relire alors :
Sortir des cercles vicieux de la souveraineté
L’Humanité est morte à Gaza

Jacques Fradin


Vous détestez le lundi matin mais vous adorez lundimatin ? Vous nous lisez chaque semaine ou de temps en temps mais vous trouvez que sans nous, la vie serait un long dimanche ? Soutenez-nous en participant à notre campagne de dons par ici.

Jacques Fradin Économiste anti-économique, mathématicien en guerre contre l'évaluation, Jacques Fradin mène depuis 40 ans un minutieux travail de généalogie du capitalisme.
lundimatin c'est tous les lundi matin, et si vous le voulez,
Vous avez aimé? Ces articles pourraient vous plaire :