T̶h̶a̶n̶o̶s̶ ̶w̶a̶s̶ ̶r̶i̶g̶h̶t̶

L’hypothèse écofasciste avec Pierre Madelin

lundisoir - paru dans lundimatin#409, le 29 décembre 2023

En ce qui concerne l’écologie, il y a deux camps : les pruneaux et les pastèques. Les écologistes radicaux sont les pastèques : verts dehors, rouges dedans, émaillés de pépins noirs – bon pour la soif, désaltérant. Les écofascistes sont les pruneaux : bleus dehors, tout fripés, vert-brun dedans – mauvais pour l’hydratation, laxatifs. Si la conscience pastèque est en passe de s’hégémoniser ; elle rencontre l’obstacle de la conscience des pruneaux.

La conscience des pruneaux nous est représentée sous les traits d’un personnage de fiction mainstream. Dans la saga des Avengers, il y a un supervilain très puissant, appelé Thanos, qui n’a qu’une ambition : sauver l’univers de son effondrement écologique, en se dotant du pouvoir de faire disparaître instantanément la moitié de sa population. Tout le but de Thanos sera de rassembler les gemmes lui permettant de faire disparaître 50% du monde en un claquement de doigt. Dans la saga, il y parviendra. Les pruneaux fripés, les écofascistes, ne sont rien d’autre que les laquais de Thanos.

Ce Lundisoir, nous invitons Pierre Madelin pour son livre La tentation écofasciste, Écologie et extrême droite, paru en 2023 chez Écosociété. C’est le deuxième épisode de notre série ouverte sur le « fascisme qui vient ». Il y a deux mois, nous avions invité Pablo Stefanoni pour son livre La rébellion est-elle passée à droite ? Il y saisissait très finement les mutations des mouvements réactionnaires. Le dernier chapitre de son livre, intitulé Heil pachamama  !, repérait l’émergence d’un fascisme vert – différent du fascisme fossile ou carbofascisme. Un écofascisme à l’état naissant faisait se rencontrer ethno-nationalisme et écologie ; soit : une écologie conçue comme la défense d’un biotope contre les migrants – sentant fort les relents du lebensraum. Leur slogan pourrait être : « sauvez les arbres, pas les réfugiés », et, dans notre cas, « sauvez les arbres, pas les arabes ».

Pour situer l’ethno-différentialisme chauvin pseudo-écologiste de ces laquais de Thanos, on peut citer deux déclarations absolument délirantes. La première est de Rudolf Bahro, marxiste dissident, passé à l’écologie radicale, prônant un pessimisme fort, au point de fleurter avec la réaction :

« Des profondeurs du peuple s’élève une clameur en faveur de l’avènement d’un Adolf vert. »

La seconde est de Pentti Linkola, un écofasciste finlandais, paradoxalement très respecté, mort en 2020, qui recommandait de laisser mourir les migrants en Méditerranée (après tout, dit-il, beaucoup d’oiseaux migrateurs meurent en route), de créer des « goulags verts », d’instaurer la peine de mort pour maltraitance animale et dégradation de la nature, de remplacer la démocratie par une dictature susceptible de ramener l’humanité à des capacités de production et de consommation équivalentes à celles du Moyen Âge. La citation du petit Pentti Linkola est la suivante :

« Lorsque le canot de sauvetage sera plein, ceux qui détestent la vie essaieront d’y faire monter encore plus de passagers au risque de le faire couler. Ceux qui aiment et respectent la vie se saisiront d’une hache sur le pont et trancheront les mains des candidats trop nombreux qui s’agrippent au plat-bord » (Linkola, 2009, p. 130). »

Il se trouve qu’à la sortie du film Infinity War en 2018, une tempête de tweets et de mèmes associait Thanos à Pentti Linkola, qui affichaient le slogan « Thanos Was Right ».


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