Capital Castelvania : à propos du capital gore-gothique

De Matrix à Avengers et Watchmen en passant par WonderWoman et One Piece

Ut talpa - paru dans lundimatin#398, le 9 octobre 2023

Si, au tournant du siècle, il était, pour certains, plus facile d’imaginer la fin du monde que la fin du capitalisme, si le capital était alors notre seule ontologie et si le « réalisme capitaliste » (Mark Fisher) s’était, en quelque sorte, anthropomorphosé et cosmologisé, sous les figures de l’homo economico-reaganus – l’homme économique reaganien apparu au tournant des années 80 – et de l’organisation mondiale du commerce (WTO, 1995), ce n’est plus tout à fait le cas aujourd’hui.

Certes, depuis les années 1990, l’imagination révolutionnaire de gauche a été frappée par la variole « fukuyamisme » : « nous sommes tous fukuyamistes » disait Zizek. Soit : la démocratie libérale électorale, faiblement parlementaire, est devenue le terminus radieux de la longue glaciation que l’on sait. Et, d’un certain point de vue, le « désert du réel » de ces années-là, tellement insupportable dans sa neutralité générale, sa fatigue, son épuisement normatif, son babille bourgeois et progressiste, s’est vu investir par deux ordres de fantasmes hétérogènes, mais dont nous assistons, peu à peu, à l’étrange synthèse. L’ordre des fantasmes romantiques, néogothiques ; l’ordre des fantasmes cybernétiques. Je veux essayer d’imaginer comment le capital rencontre la réaction sous la double forme de l’entreprise technofuturiste et du Castelvania – château de vampire néogothique et cité-États cybernétiques ou comment le capital s’exprime au cinéma en vampire paléo-futuriste.

1 – Capital gore-gothique

Matrix (1999) – le Spectacle est désormais Simulation.

Premièrement, au tournant des années 2000, à l’époque où Tiqqun rejouait la carte du « Spectacle », l’hégémonie du Spectacle était en train d’être grand-remplacée par celle des Simulacres et de la Simulation. Autrement dit : le platonisme des ombres de la caverne cinématographique comme le scepticisme cartésien du dieu trompeur devaient bientôt laisser leur place aux expérimentations des « brains in a vat » (cerveaux dans des cuves) de Putnam [1]. Soit : le réel, n’étant plus ce qu’il était, ne pouvant se confondre avec les jeux du cirque et les festivités libérales de l’ancienne période, s’est vu proposer une mise à l’arrêt pour réfection. La coïncidence d’un réel exténué, ennuyeux et lourd, avec l’avènement progressif du virtuel et du métavers, enveloppant l’ancien système de mass media, le divorce explicite ou l’autonomisation concrète de la sphère irréelle des fantasmes et de l’imagination par le net, a suscité une multitude d’angoisses scénaristiques bien connues (Truman Show, 1998 ; Matrix, 1999) dans lesquels, après liquidation de l’éternel retour du même dont l’itération fait néanmoins varier éthiquement le cœur du personnage (Un jour sans fin, 1991) la simulation circulaire du quotidien finit par s’ébrécher pour donner accès non pas à ses bas-fonds ou son futur (Demolition Man, 1993), non pas au même monde vu sous un autre angle, mais à un véritable dehors. Peut-être s’agissait-il à ce moment-là, du point de vue scénaristique, de saisir l’autonomisation radicale en cours, économiquement et techniquement, du bloc bourgeois capitaliste, mais de le faire sur le mode Hollywoodien de la dissidence et de la contre-initiation culturelle de style « pilule rouge » ou « rabbit hole », par lequel un fonctionnaire du capital lui-même devient transfuge hacker de classe (Neo dans Matrix, 1999, mais aussi le narrateur dans Fight Club, 1999), plus conscient, plus « éveillé », plus woke que jamais et s’infiltre, en-deçà du système, en exploitant ses bugs, jusqu’au triste désert de la terre dévasté, le réel réel que la machination de l’irréel réel des machines recouvrait.

Le Mérovingien dans Matrix II.

Or, et c’est là que le tournant des années 1999 prend un autre aspect : la contre-culture de Matrix est une contre-culture néogothique, cuirs noirs, atmosphères lugubrement vertes et son deuxième volet, avec le Mérovingien (Lambert Wilson), ses vampires et ses spectres jumeaux, à la tête d’un manoir-entreprise, vient enfoncer le clou dans le cœur de ce draculisme. Une sorte de capital gore-gothique apparaît en même temps que le capital cybernétique de simulation : c’est peut-être un hasard. C’est peut-être le signe de quelque chose de plus profond : la fin du fukuyamisme, soit : la fin de l’époque de synthèse équilibrée entre le Capitalisme et la Démocratie électorale. Autrement dit : l’esthétisation cybernétique et néogothique recèle peut-être quelque chose : la décomposition féodale du capital et la formation d’une race aristocratique et vampirique du capital. Le bloc bourgeois cesse d’être une pure et simple classe : la classe devient une race. La racialisation de la classe : voilà l’effectivité qui se cache sous l’alliance esthétique entre la fantasmagorie cybernétique et la fantasmagorie néogothique.

Si les représentations gothiques et pop-culturels du capital avaient déjà commencé, au cours de cette période, à ressusciter la vieille analogie marxienne du Vampire à dividendes, du Zombie consumériste et du Parasite des survaleurs, comme l’enregistre Mark Fisher dans ses livres : « La description la plus gothique du capital est aussi la plus fidèle. Le capital est un parasite abstrait, un vampire insatiable et il fabrique des zombies, mais c’est notre chair vivante qu’il convertit en travail mort, et c’est nous qui sommes les zombies auxquels il donne naissance. » (Mark Fisher, Réalisme capitaliste, 2018 [2009]. p22) Il faut reconnaître que, désormais, c’est bien la féérie féodale décadente du lore gothique dans son intégralité qui semble coïncider avec les fantasmes néoréactionnaires du nouveau capitalisme émergent.

2 – Rêves et Valeur : transubstantiation du Graal en One Piece

Quelque chose dans la juvénile énergie de l’entreprise et de l’intérêt roublard change de cap. Nous n’en sommes plus à l’idéal du parvenu populaire à la Bernard Tapie. La récente adaptation de sa vie sur Netflix suggère que Tapie était moins la figure du pionnier libéral de gauche des années 1980 ; que le signe de son impossibilité, l’humiliante clôture de la mobilité sociale ascendante, malgré toute la fortune amassée ; les « Ghettos du Gotha » étant en passe de réclamer le sang même des derniers arrivant. Exit le paysan parvenu. Si l’on compare l’épopée Tapie, giscardo-mitterandienne, dans le contexte de la « Révolution conservatrice » ultralibérale de Reagan et Thatcher au récent Wonderwoman 1984 ou WW84 (2020) qui, comme son nom l’indique, se situe en 1984, on comprend ce qu’a compris rétrospectivement le complexe hollywoodien du capital : le désir illimité d’exaucement, la réalisation de souhaits toujours plus dévorants, bref, la consommation narcissique et mégalomaniaque de la totalité du tout de l’étant, exprimée à travers le personnage de Maxwell Lord – homme d’affaire charismatique en banqueroute absorbant les pouvoirs de la « Pierre des Rêves », ou pierre d’exaucement de ses désirs – , c’est mal, c’est pas bien, c’est autodestructeur. Mais, au lieu d’en tirer les conclusions révolutionnaires qui s’imposent WW84 ne fait qu’aboutir à la morale sacerdotale du renoncement – car c’est seulement à renoncer au vœu fait à la « Pierre des Rêves » que le monde peut être sauvé. Dans Tapie (2023) comme dans WW84 (2020), c’est l’excès d’ambition, l’appétence de la grandeur, et la folie de vouloir voir advenir son vœu le plus cher, son rêve, qui détruisent ou bien un succès, ou bien le monde. Chacun à sa manière nous ressort l’éternel leçon de Cinéas à Pyrrhus : si toutes tes conquêtes sont en vue du repos, pourquoi ne pas se reposer d’emblée avec moi au soleil ?

La « Pierre des Rêves ».

Avant d’entrer de plein fouet dans la question du néogothique, on peut remarquer que la théorie du renoncement des années 2020, rétrojectée dans les années 1980, passe complètement à côté du nihilisme particulier du capitalisme néogothique. Dans WW84, la croyance scénaristique selon laquelle le capitalisme consumériste serait, au fond, fondé sur la demande excessive – le souhait, le Rêve – et que ce souhait, ce rêve, dans sa particularité (je veux ceci, cela, je rêve de ou à), ne peut pas se réaliser sans contrecoup destructeur ; la croyance donc en une demande consumériste destructrice antérieure à la mise en route de la mégamachine ; achoppe face à ce qui affleure par exemple dans le succès inouïe du manga One Piece (1997-encore en cours) : bien loin de susciter de l’anomie et de la destruction, le rêve de chaque protagoniste de One Piece est la matrice de sa place ou de sa fonction-propre dans l’organisation et la distribution des rôles de l’équipage du Vogue Merry, tous réunis et synthétisés sous la plasticité du Rêve générique du capitaine juvénile-enthousiaste Luffy, la quête de l’impossible-rêve, la quête du One Piece, autrement dit, d’un signifiant vide, puisqu’encore maintenant non élucidé. Autrement dit, la critique de la demande consumériste destructrice, demande passive à laquelle la « Pierre de Rêve » répond en échange d’un petit quelque chose, et qui aboutit à la théorie du renoncement, se rend aveugle à ce fantastique devenir romanesque du capital : les rêves ne doivent pas être exaucés, car ils sont les fers et les liens heureux de la galère du bon Pirate, ils doivent être activement et volontairement poursuivis à tout prix dans et par l’entreprise-pirate, et hiérarchiquement subordonnés au One Piece (la valeur en soi et pour soi ?). Mais ce n’est pas tout : si à la plasticité du corps de Luffy, l’homme élastique, répond en écho son désir du One Piece dont la nature et le contenu ne sont encore connus de personne et agit donc en pure effet de forme idéale, poursuite de la valeur en tant que valeur, alors une chose doit nous interpeller. Sous le désir du One Piece s’exprime en même temps le désir impérial, « devenir le roi des pirates », et sous la quête autotélique de la valeur, se dissimule le désir de la principauté et, plus secrètement, de l’empire. Car la compétition des pirates à la recherche du One Piece, sur l’océan horizontal rarement stratifié et strié par une Marine officielle du Gouvernement Mondial passablement hybridée aux flibustiers et grands corsaires, est le fruit de la mort de Gold Roger – roi des pirates qui a caché son trésor – certes ; mais cette compétition est aussi intégralement recodée et stimulée par les mises à prix de la tête des pirates, leurs affiches wanted, mises à prix qui ne cessent d’augmenter au fur et à mesure que Luffy et son équipage l’emportent sur d’autres pirates ou recrutent de nouveaux alliés, bref : le Gouvernement mondial est, pour les pirates, une bourse de la piraterie, le jugement du CAC40, qui fait croître la valeur de l’équipage à chacun de ses arraisonnement, de ses fusions-acquisitions et de ses OPA. Autrement dit : le désir impérial et le désir de valeur s’imbriquent, et, alors que la piraterie semble autonome et libre sur une mer d’intranquillité, elle est toute entièrement arraisonnée par les notations du gouvernement mondial. Il s’agit, en cela, d’une illustration de la piraterie romanesque du capital. Bien évidemment, le One Piece n’est pas sans analogie avec le Saint Graal de la légende arthurienne. Graal qui, en France, a été plus qu’omniprésent sous l’influence de Kaamelott (2005-2009). Seulement, la grande différence est que le Graal a tout de même quelques propriétés connues : c’est un récipient et il octroie la vie éternelle. Le Graal est la forme de la valeur des païens soumis à l’hégémonie chrétienne, à la vision de la résurrection et de l’au-delà. Avec le One Piece, le Graal retrouve sa pure et simple ouverture fantasmatique, il est tout entièrement économisme : on ne sait même pas ce que c’est, ni ce que ça fait. Or, cet économisme graalolâtre force à une chose : surdéterminer l’intensité existentielle par l’extension expansionniste. L’intensité devient fantasme de front pionnier, d’extension illimitée, de nouvelles frontières. Toute la dimension désirante et onirique, tout le souhait et le rêve, qui prennent leurs racines dans la profondeur du temps, se retrouvent, comme dans les phases de déclin civilisationnel selon la théorie du réactionnaire Oswald Spengler, étalés, géographisés, jetés tout azimut et dans toutes les directions, dans l’espace plat du monde qui a perdu son âme authentique. Le rêve est, dans ce cadre, le McGuffin de l’expansionnisme. Et, comme dit Oswald Spengler, derrière l’impérialisme extensif, se cache le vieillissement et la mort des civilisations. L’impérialisme étant pour lui le stade ultime du déclin [2]. Bref, One Piece répond à la théorie du renoncement par une réaffirmation massive du rêve comme moteur d’extension. Parce que ce que WW84 oublie, c’est tout le potentiel colonial-capitaliste de l’océan illimité, de l’espace interstellaire et des datas : rien ne sert de renoncer, quand on peut conquérir. Autrement dit : le côté moralisateur d’Hollywood risque de ne pas tenir très longtemps, lui qui, ne peut formuler sa morale qu’à se rétrojecter dans les années 80.

One Piece, “Thriller Bark” ou l’arc narratif le plus gothique.

3 – Les laquais de Thanos ou comment le Joker recèle la figure terrifiante d’Ozymandias

Revenons à la question du gothique. La piraterie de One Piece, rejouant sous l’ère capitaliste de l’économie le Saint Graal arthurien de l’ère chrétienne, nous sommes obligés de noter que le monde de One Piece est plus proche du monde gothique projeté sur mer que du monde stato-centrique moderne. Ou plutôt : One Piece est à la charnière du gothique et de la renaissance, à quelques encablures de la modernité. Le gothique médiéval se déploie en grande partie dans un contexte où l’État moderne n’existe pas, où la féodalité voit pulluler les forteresses seigneuriales et les villes commerciales autonomes, les relations de dépendances personnelles, sous la pression de l’empire romain déjà mort que seul sauve et réuni son élévation-conversion chrétienne. Il semble en effet que l’idéal du capital gore-gothique qui s’abat sur le monde aujourd’hui prend la forme de cette féérie médiévale. C’est par-là qu’il a tout à gagner à s’allier à la réaction, même la plus anticapitaliste.

J’appelle Laquais de Thanos les intellectuels de carton qui prônent un malthusianisme radical, la liquidation, l’abandon ou l’exclusion d’une partie de la population, pour « résoudre » la crise écologique mondiale. Thanos est le titan-fou, super-vilain Marvel qui, dans Avengers : Infinity War (2018), après avoir réuni les six gemmes d’infinité sur un gant dentelé doré, l’infinity gauntlet, qui lui confère une force d’anéantissement ultime, fait disparaître en un claquement de doigt 50% de la population de l’univers. Il se trouve que, dans cette même bizarre logique se retrouve la figure du personnage Ozymandias, le super-vilain de Watchmen (2009), qui a révélé son identité au monde et est devenu multimilliardaire, et dont le souhait le plus cher est de forcer le monde à la paix en atomisant toutes les plus grandes villes du monde et en faisant accuser le Dr Manhattan exilé sur Mars. Si Thanos est plus proche du néomalthusianisme fasciste contemporain, Ozymandias est plus proche des figures réelles que l’on peut voir affleurer de-ci delà. Thanos et Ozymandias expriment la nouvelle complexion liquidatrice, nullifiante, du pharaonisme capitaliste – mais ils cachent aussi un étrange lien secret avec le Joker (dont nous avons parlé ici : https://lundi.am/Theorie-du-Joker-Rorschach).

Mais avant d’en dire plus, voyons un peu comment les laquais de Thanos peuvent s’articuler au Capital Castelvania. Jetons un coup d’œil à la France par exemple. Renaud Camus (En 2011 : Décivilisation, Le Grand Remplacement), dandy homosexuel vivant reclus, dans son château du Plieux, au milieu des œuvres néoexpressionistes abstraites inspirées de la Divine comédie de Dante [3], référence sans pareille du romantisme, a toute la garde-robe qu’il lui faut pour faire un parfait Comte Von Dracule de style néogothique, trempé à la bile du romantisme noir et du médiévisme mélancolique. Bien que ses « théories » aient quelques connotations décroissantistes, et donc, en un sens, anticapitalistes, ou, plutôt : décélérationniste et anti-mondialiste (la « davocratie »), son discours enchante paradoxalement l’imaginaire bolloréen de Cnews. Et ce n’est pas tellement étonnant que son chantre spectaculaire ait la sinistre physionomie du fameux Gollum des bourgeoisies zemmouriennes. La bourgeoisie goule-Gollum, le bloc d’avidité gollumiste style « mon précieux, mon précieux », qui, trop à l’étroit dans sa gated community bolloréenne, caresse sa vieille France sympathiquement vichyste, et conspue le Frankistan qui vient, n’a pas fini de se trouver des représentants qui feraient sourire les gargouilles de Notre-Dame en flamme. Renaud Camus, Zemmour et Bolloré – qu’est-ce qui les différencie, à eux trois, du Mérovingien de Matrix II ?

Renaud Camoulox choqué d’apprendre que Le Plieux est à vendre.

Revenons à Ozymandias et Joker. On a pu faire de la figure du Joker (2019) de Todd Phillips une figure réactionnaire – malgré ce qu’en pensaient Zizek ou Michael Moore, en effet, le Joker a été acclamé à droite et, surtout, le FBI ne s’attendait pas tellement à une insurrection émancipatrice lors de sa diffusion mais à « l’action violente d’un loup solitaire » sur le mode du massacre qui eut lieu dans un cinéma du Colorado en 2012 lors de la sortie de The Dark Knight Rises [4]. Et en effet, Joker est une sorte de bloom réactionnaire. Or le Joker est aussi la face bloomesque des laquais pharaoniques de Thanos, je veux dire : le Joker est l’aspect séculaire et ordinaire, populaire, non élitiste, de ce qui s’exprime à travers Thanos et Ozymandias. Ce lien n’est pas seulement arbitraire : il repose sur la généalogie même de la création du personnage d’Ozymandias et du personnage du Joker. Ozymandias, comme son pseudo l’indique, est fanatique de l’Égypte antique, Ozymandias étant un des noms du mégalomaniaque Ramsès II. Le vrai nom d’Ozymandias est Adrian Veidt. C’est le monstrueux Alan Moore, qui dans sa série de comics Watchmen (1985-1987), a inventé ce personnage. Si son pseudo vient de l’Égypte antique, son état civil officiel, lui, vient tout droit du fameux Conrad Veidt, soit l’acteur allemand le plus terrifiant de l’entre-deux guerres. Son visage souriant rigide dans L’homme qui rit (Paul Leni, 1928) inspira Bob Kane, concepteur du Batman, pour le personnage du Joker. Autrement dit nous avons Ozymandias alias Adrian Veidt. Ce personnage de fiction tire son nom d’un acteur qui joua tous les méchants complexes du cinéma des années 1930. Cet acteur inspira, à travers l’adaptation du roman de Victor Hugo (L’homme qui rit), la création du Joker. La figure fantasmatique d’Ozymandias comme capitaliste pharaonique est la projection sublimée de la figure mélancolique de l’Homme qui rit – du Joker. L’un ne va pas sans l’autre. L’un habite l’autre.


Le personnage Adrian Veidt vs l’acteur Conrad Veidt dans L’Homme qui rit vs le Joker de 2019.

Conclusion : Alien : Covenent (2017)

Cette enquête ouvre des intensités imaginaires, des simulacres mêlées aux simulations du capital cybernétisé, subsumé sous le VideoGame, laissant le Spectacle et le Vidéodrome de côté, pour un nouvel espace. Le Capital Castelvania, gothique, vampirique, s’articule au pharaonisme de l’extermination, au déclin impérial dont Ozymandias est le nom dans un poème de Shelley : My name is Ozymandias, king of kings :Look on my works, Ye Mighty, and despair !’, aux laquais de Thanos, comme il se branche aussi sur le capitalisme pionnier, aventureux, à la One Piece, prêt à renverser le Mérovingien. Mais une dernière touche de posthumanité fait retour, quand le néoromantisme à la Shelley, celui qui fait remonter Ozymandias à travers les figures évoquées, devient le chant funèbre d’un androïde, David, dans les ruines de Prometheus, androïde psychopathe indifférent à toute humanité, et récitant le vers de Shelley, avec la sinistre amplitude d’une voix qui signe enfin la fin du visage de l’homme.

Et à bientôt !

[2Peter Thiel, et ses fantasmes expansionnistes sur mer, dans l’espace, et sur internet, trois nouvelles frontières à repousser et conquérir à l’aide de colonies de Villes Libres anarcho-capitalistes, serait, dans la logique de Spengler, le signe parfait de l’effondrement civilisationnel de l’occident. À son époque, il le voyait, ce signe, dans la figure du mangeur de diamant Cecil J. Rhodes.

[3Œuvres néoexpressionistes abstraites inspirées de la Divine comédie par Jean-Paul Marscheschi.

[4Pablo Stefanoni, La Rébellion est-elle passée à droite ? Introduction.

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