Bayrou est une tête à claques, et c’est peut-être ce qui le rend si haïssable. Les autres, au moins, on les imagine un peu conscients de ce qu’ils font. Les Macron, les Retailleau, les Darmanin, ont sans doute eu des moments de trouble, d’effroi, de doute, des nuits agitées et des choix à opérer. Ce sont des salauds, oui. Mais le salaud a au moins pour lui d’avoir, à un moment, choisi de l’être, endossé le rôle. Macron a dû, peut-être avec un brin de remords, avalisé la répression des Gilets jaunes. Darmanin a osé, on espère avec un soupçon de haut-le-cœur envers lui-même, parler d’ « écoterroristes » après l’horrible Sainte-Soline. On imagine qu’ils se sont blindés, qu’ils ont dû, contre les faiblesses de la morale et de la compassion, cadenasser leur cœur et leur tête à toute forme de remise en question. Que ça a dû être un travail de longue haleine, un travail à toujours remettre sur le chantier, à chaque visage croisé dans la foule d’un déplacement, à chaque image capturé depuis une télé. Peut-être un soupir, avant de replonger.
Mais Bayrou attise la haine en ce qu’il n’a rien de tout ça. Bayrou semble bête. Bête à manger du foin. Il semble croire sincèrement à ce qu’il dit, au bien-fondé de ce qu’il fait. Sans doute dort-il sur ses deux oreilles poilues, le souffle léger, le ronflement qui tonne, sans souci dans son esprit. Sans doute n’a-t-il jamais eu honte à détourner la tête devant un miroir. On imagine un vide planant dans son esprit, une sérénité à faire pâlir tous les derviches. Bayrou fait peur, Bayrou fait horreur en ce qu’il est le reflet parfait, transparent, sans aucune teinte, de sa classe et l’instrument parfait de sa politique de classe.
Bayrou semble un automate téléguidé pour répondre aux besoins de sa classe. Les mantras qu’il serine depuis des décennies – la réduction impérieuse de la dette publique, l’austérité drastique et nécessaire au plus vite, les sacrifices et la fin des largesses – sont débités avec une monotonie qui a atteint le roboratif. Bayrou avance en pilote automatique. Il ne pense plus, ne s’interroge plus, ne s’arrête plus : c’est un bulldozer idéologique, hamster circulaire dans sa roue, fanatique du bon sens, persuadé d’être dans le vrai pour être au même point depuis quarante ans.
Bayrou nous débite ses banalités cadavériques avec une morgue outrancière. Il y croit. Cet imbécile y croit sincèrement, sérieusement, sans jamais penser un peu par-devers, sans avoir aucun double-fond dans sa cervelle. Il y croit. Il y croit comme un dévot, comme un rat de bénitier, il y croit avec le sourire et les yeux qui scintillent. Il est encore le seul à y croire vraiment, benoîtement, parmi tous les requins sous ses ordres, qui, sous le change, ont très bien compris que la partie était finie, et ne se préoccupe plus que de sauver leur peau, leurs intérêts. Leurs intérêts de classe.
Bayrou y croit, et nous donne envie de le tarter. Comme le cancre ne peut s’empêcher de tarter le premier de classe pour son sourire de benêt quand il lève la main. Comme l’ouvrier ne peut s’empêcher d’arracher la chemise d’un DRH bien trop décidément serein. Bayrou, on le sait maintenant, a laissé battre et violer des dizaines d’enfants ; Bayrou s’apprête à tuer, faire souffrir, faire avoir froid, faire avoir faim, faire se désespérer, faire se dégrader la situation de centaines, de milliers, de millions de gens. Et il est content. Si content.
Ce que l’on reproche à la grosse face de Bayrou, c’est de porter jusqu’à l’épitomé ce défaut de classe, si commun aux bourgeois : leur effarante, leur jamais lassante placidité. Leur impassibilité face à tous les désastres du monde, leur flottaison par-dessus toute sa misère et son angoisse. Le bourgeois marche au milieu du monde, et n’est ému par rien. C’est à son regard sûr et suffisant qu’il se trahit. L’égoïsme se craquelle peut-être, quand un malheur arrive parmi ses proches ou que lui-même est perturbé dans son quotidien, par son TGV annulé pour cause de grève, par ces embouteillages qui sont enquiquinants tout de même, par ces gens qui ne savent pas bien voter alors qu’ils vont si bien [1], par ces patients qui ne savent pas se conformer aux procédures, par le peuple, qui reste si con.
La vérité vraie, c’est que le bonheur de Bayrou est trop sincère pour nous être supportable. On sent au moins, dans la noirceur de Retailleau, les souffrances laissées par un passé de névroses. Derrière le « je n’aime pas les adolescents, je ne les ai jamais compris » de Macron, quelque chose, un complexe. Mais chez Bayrou, rien. Rien que la suffisance des dîners de luxe et du jet privé quotidien. Comment ne pas être rempli d’une haine noire ?
Dans la rue, le 10 septembre, faudra pas s’étonner si ça crame. Si ça crame de ouf. Bayrou est un imbécile heureux, trop heureux. Et son bonheur nous enrage.
Le GLAIRE
(Groupement Libertaire en vue de l’Assassinat Illimité des Rusés Énarques)