Noël en apostasie

« Pourquoi cela ne continuerait-il pas, en s’aggravant ? »

paru dans lundimatin#409, le 29 décembre 2023

Honni soit qui manigance
Coluche

La macronie a trouvé le moyen parfait de « faire barrage » au parti de la xénophobie décomplexée : adopter son idéologie et ses méthodes. Cet apparent reniement de la posture par laquelle elle est parvenue au pouvoir ne surprendra que les grands naïfs qui ne savent pas que les promesses des politicards n’engagent que ceux qui y croient.

Qui ignore encore, de nos jours, que le métier de politicard requiert une capacité au mensonge et au retournement de veste et de pantalon sans aucun scrupule, ne sait pas dans quel monde il vit. Les calculs cyniques les plus absolus font partie des stratégies de conquête et de maintien sur le trône, quel que soit son label. L’Histoire en est prodigue, et l’époque actuelle en est particulièrement chargée. Alors, comme le remarquait avec justesse, il y a près de quarante ans, Mezioud Ouldamer dans son livre Le cauchemar immigré [1] : « Pourquoi cela ne continuerait-il pas, en s’aggravant ? »

Certes, la manière de faire a manqué de cette « élégance » que les roublards docteurs en démagogie préconisent comme le moyen le plus efficace de faire gober aux peuples les couleuvres qui les étouffent. Bien qu’on ait essayé de déguiser en bienfaisance les coups que la loi « immigration » porte aux boucs émissaires du désarroi cocardier, elle n’en reste pas moins une très grossière promesse de violences aussi pernicieuses que sordides. Ce qui explique l’embarras et la désertion de certains qui se seraient probablement contentés d’une version plus hypocrite. De plus, cette tentative de plaire aux trouillards d’un « grand remplacement » fantasmé est vaine car ce qu’elle dit involontairement c’est : « Puisque nous adoptons la politique que préconisent nos rivaux c’est qu’ils ont raison. Il sera donc logique de préférer l’original à la copie et voter pour eux plutôt que pour nous. » Ainsi, en essayant de couper l’herbe sous le pied de ses concurrents dans la course au califat, la macronie tranche en fait la branche bancale sur laquelle elle tenait encore malgré un discrédit colossal. Que cette « bévue » l’amène à devoir enfin dégager ne serait qu’un aléa d’une mauvaise tambouille démagogue dont on pourrait se moquer et même se réjouir si elle n’ouvrait pas un peu plus une voie royale aux marchands d’une « fermeté » dont les pauvres français « de souche » auraient tort de croire qu’elle les épargnera.

Car il est bien évident que ce n’est pas l’avènement d’un Super-Dupont ou d’une Walkyrie hexagonale qui amènera la fin de toutes les vacheries qu’inflige cette société à ses détenus. Au contraire. Les victimes des progrès de la truanderie dominante, aspirant à un chef ou une cheftaine qui, mettant la société au pas gaulois, leur épargnerait l’effort d’avoir à prendre en main leur propre vie et combattre les causes réelles de leurs déboires, peuvent se préparer à trouver des couacs grinçants dans leur Marseillaise. La « sécurité » que leur promettent ces « protecteurs » risque fort de ressembler à celle d’une cellule capitonnée avec, devant la porte, l’infirmier et son stock de tranquillisants, du Tramadol au LBD.

La déviation de la colère des couillonnés du « bonheur » capitaliste vers une haine des « pas comme nous », ne rétablira pas la « douce France » mythique dont ils sont nostalgiques, ayant oublié qu’elle n’était pas si douce que ça. Ceux qui jouent de la menace d’envahissement de ce pays par tous les miséreux du monde, excitant la trouille d’un retour vengeur de pillés devenus pillards, ne sont pas de providentiels sauveurs d’une décadence de la « république », de ses valeurs, et du confort qu’on trouverait à y vivre. Ce sont des semeurs de douleurs.

Oui, il existe dans le monde une misère bien plus grande que celle des pauvres de la « belle France » [2], une misère submergée d’horreurs qui pousse des millions de gens à tenter de la fuir en cherchant refuge dans ce qui leur apparaît comme le palais des nantis, sur le perron duquel les guettent des négriers patentés qui non seulement en font de la viande à corvées mais s’en servent aussi comme moyens de chantage pour soumettre tous les travailleurs à une « précarité » docile. Mais la solution contre cette « invasion » par les miséreux du monde, aussi redoutée qu’exagérée, ne se trouvera pas dans la guerre contre eux et dans l’enfermement dans le bunker d’une « préférence » fanatique. Elle se trouverait plutôt dans un refus de continuer à prêter la main à tout ce qui fabrique cette misère, à commencer par les « entreprises » vampiriques des saigneurs de la planète.

Combattre cette machinerie asservissant les uns et les autres, ceux d’ici et ceux de là bas, les précarisés et les dépouillés ; construire la solidarité entre exploités et opprimés du monde pour tenter de se libérer de servages différents mais associés, et essayer de bâtir une société plus humaine, est la seule véritable solution à ce « cauchemar », la seule pouvant éviter les déchirements de guerres entre égoïsmes « communautaires » hystériques.

Cette solution, subversive du « système » ravageant l’humanité, recueille aujourd’hui l’adhésion de tous ceux que révoltent les propagandes xénophobes et racistes appuyant le retour de la « bête immonde ». Ceux là ne se désoleront donc pas de n’être pas considérés comme faisant partie de ces « bons » français qui, à en croire une experte en franchouillerie, sont « en attente » de lois telle celle qui vient d’être fientée par une alliance de la plus belle eau vichyste. Se voir ainsi jetés dans le camp des pestiférés parias de « l’ordre » répugnant est plutôt un hommage à leur dignité. Gageons que cela va donner naissance à quelques « refus d’obtempérer » prometteurs. Contre les étrangers à toute humanité, il est grand temps de se fâcher.

Gédicus
24 décembre 2023

Photo : Bernard Chevalier


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[1Mezioud Ouldamer, Le cauchemar immigré, dans la décomposition de la France. Editions Gérard Lebovici, 1986.

[2Georges Darien, La belle France, Pays de « l’honnêteté à doigts crochus ». 1900.

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