Les ides de Mai

« Si les calendes se jouent comme prévu, ajoutant du feu au rire et à la rage qui nous consument, nous sortirons de la farce aux ides de Mai. »

paru dans lundimatin#236, le 30 mars 2020

Après les calendes d’avril, attention aux ides.
Les calendes, c’est la farce qui est en train de se préparer derrière les portes fermées de tous les Elysées, celle pour laquelle les responsables ont longtemps fait des répétitions conscientes et inconscientes.
Attention aux ides si la situation empire.

LE DEVIN : Attention aux ides de mars
Shakespeare, Jules César, acte I, scène 2

Les dirigeants sont parmi les premiers à attraper le virus. Ils sont tous atteints, surtout les asymptomatiques – les « super-spreaders », les hyper-contagieux – qui nous infectent avec leur avidité au-delà de tout besoin. Il faudra les confiner tous.

Et si on nous lance Et vous, brutes ? on enlèvera les glaces dans les palais du pouvoir pour en faire des miroirs de vérité qui réfléchiront ses torts. Puis on les remettra en place pour qu’ils en gardent à jamais la mémoire. Non parce qu’ils sont chers et beaux, mais parce que, une fois exposés à la laideur, ils ne s’en remettront pas.

Attention aux ides si on nous laisse mourir.

C’est dans le dernier souffle de ceux à qui l’on donne l’espoir d’être guéris que se révèle le désir de vivre. Cet espoir fait partie de nos droits naturels. C’est notre droit suprême. Car il nous pousse à revendiquer un monde qualitativement meilleur.

Il nous incombe de réfléchir à la manière dont nos actions d’aujourd’hui peuvent préfigurer, une fois la crise passée, celles de l’avenir. On objectera peut-être que ce n’est pas le moment de penser aux utopies. Pourtant, il n’en est pas de meilleur. L’épidémie nous a plongés dans une expérience naturelle qui s’impose de plus en plus comme une expérience sociale sans précédent.

Nous avons tant à apprendre de ce que nous vivons aujourd’hui, et nous en apprendrons encore tout au long des années à venir. Notre seul espoir en tant qu’êtres humains est que ces leçons profiteront, universellement, à tous.

Alors il nous faudra aiguiser nos esprits critiques, chaque jour de plus en plus. Si les calendes se jouent comme prévu, ajoutant du feu au rire et à la rage qui nous consument, nous sortirons de la farce aux ides de Mai.

Nous en sortirons affûtés, affilés, tranchants.

Entre temps, restons sur place. Entre temps, il nous reste à rester à l’affût.

On a de la chance quand l’impuissance au sommet se répand.

24 mars 2020
Victor Strukalo

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