L’instant

Noor Or

paru dans lundimatin#399, le 16 octobre 2023

L’horreur à laquelle nous assistons est sans commune mesure.
Le discours médiatique est si polarisé qu’on en oublie l’essentiel.
L’urgence absolue est de mettre un terme aux bombardements de Gaza [1].

Dans l’immédiat, notre seule préoccupation doit être, et ce, par tous les moyens possibles, de faire pression sur nos gouvernements afin que cette pression, par ricochet, empêche le massacre en cours de s’étendre plus avant. Voilà notre première et primordiale demande.

Nous, les désespérés, les silencieux, les humanistes (je refuse de me ranger à l’idée que l’humanisme serait une notion obsolète et vide qui n’existe que dans le discours et ne propose que la passivité et l’acceptation), avons besoin d’une voix/voie, avons besoin de regagner notre agentivité par la lutte active contre un monde qui nous écœure.

Nous avons besoin de convergence ; Palestiniens, Israéliens, juifs, musulmans et tous ceux qui le souhaitent, nous devons nous retrouver et dans un premier temps joindre nos cris pour arrêter le génocide qui se profile à Gaza.

Ce but une fois atteint, nous pourrons nous organiser pour trouver des solutions pérennes pour les Palestiniens et les Israéliens au Proche-Orient et bâtir sur les ruines une paix envisageable avant qu’il ne soit trop tard. Le temps est compté.

Aujourd’hui être Musulman ou Juif en France, c’est le même cauchemar. La même peur en circulant dans l’espace public, la même violence contre nos deuils. La même instrumentalisation par l’extrême-droite. Nous sommes des minorités honnies, essentialisées, réduites à deux pôles dans un conflit territorial que les médias tentent de dépeindre comme civilisationnel. Nous sommes des gens qui souhaitent vivre, on compte nos morts en se demandant combien il en faudra encore pour que ça cesse. Nous ne sommes ni le gouvernement Israélien, ni le Hamas. « Sioniste », « Islamiste », « colon », « terroriste », tous ces termes qui nous écrasent et nous musèlent sont issus d’une même logique d’effacement de nos singularités et de déshumanisation. À qui cela profite de nous monter les uns contre les autres et qu’on s’entre déchire ? À ceux qui veulent nous appeler « barbares » ou bien « fourbes marionnettistes ». C’est contre eux que nous devons nous allier au lieu d’attendre de voir à qui ils jetteront la première pierre, le premier os. « Diviser pour mieux régner » est une tactique vieille comme le monde. Elle a déjà été employée par la France coloniale, avec succès.

Il n’y a pas de place parmi nous pour les discours d’anéantissement. Il n’y a pas de place pour la déshumanisation des civils, quelle que soit leur nationalité. Il n’y a pas de place pour le racisme quelle qu’en soit la cible. Il n’y a pas de place pour la vengeance. Nous avons besoin de penser rationnellement un possible envisageable. Les populations vivant sur le territoire n’ont nulle part où aller et la seule certitude est qu’il seront ensemble – pour vivre ensemble ou bien mourir ensemble. Le choix de la vie doit être pris avant qu’il ne soit trop tard et chaque bombe lancée sur Gaza referme un peu plus cette porte.

Nos revendications :

  • La fin immédiate des bombardements sur Gaza.
  • L’échange des otages.

Les possibles que nous devons penser ensuite :

  • Le renversement du gouvernement israélien et entraîner le Hamas dans sa chute.
  • La fin de l’occupation.
  • Le déploiement d’une aide humanitaire d’envergure pour ouvrir Gaza et relocaliser ou reconstruire des habitations pour ses citoyens.
  • Reconnaissance de la souveraineté palestinienne et réparation pour l’oppression subie (aide humanitaire, visibilisation, retrait des territoires occupés et droit de retour pour les Palestiniens réfugiés.)

La solution à deux états n’est plus possible depuis bien longtemps et continuer de se voiler la face ne fait qu’envenimer le problème. Un état Binational doit être établi et c’est vers les mouvements pacifistes d’alliance entre Israéliens et Palestiniens déjà présents sur le territoire que nous devons nous tourner afin de trouver de nouveaux dirigeants capables de calmer les haines et tarir la division.

D’abord, nous avons besoin de faire mouvement, de nous faire entendre, de toute urgence. La fascisation des nations est à nos portes et nous sommes au bord de l’engloutissement.

Que tous ceux que la nausée ne quitte plus, ceux qui pleurent en silence, ceux qui se sentent esseulés dans un océan de haine et de violence se manifestent, nous avons besoin de nous retrouver, nous avons besoin d’un espace d’action loin du brouhaha mortifère qui recouvre nos fils d’actualités.

Les mots tels que « paix » et « justice » ne sont pas encore à l’ordre du jour, ils sonnent creux et ne soulèvent plus personne. Nos mots-clefs sont : organisation, compassion et réparation.

[1L’instant d’après La nausée

lundimatin c'est tous les lundi matin, et si vous le voulez,
Vous avez aimé? Ces articles pourraient vous plaire :