Imageries de la terreur

[Il était une fois la terrorie, chapitre 2, partie 2]

paru dans lundimatin#399, le 16 octobre 2023

• L’un des champs qui a été le plus investi et, par la suite, saturé par les machines de production capitalistes - spécifiquement par la terreur, le terrorisme ou l’anti-terrorisme - est celui de l’image. L’image mouvante : celle qui circule le plus rapidement en société, car compatible avec le flux informationnel.

• Il est tout sauf hasardeux que la macro-industrie, saturant à la fois les marchés et le rythme quotidien de vie, se soit préoccupée de manière concomitante de :

◦ l’abattage de masse (Usines d’abattage de Chicago, prémisses de l’univers concentrationnaire),

◦ l’usinage de masse d’objets,

◦ la création d’une létalité massive (couplage de « progrès » avec technosciences, avec « danger » et, enfin, avec l’idéologie de la catastrophe),

◦ la production de données de plus en plus massives (du bit au qbit),

◦ la production d’événements de plus en plus massifs en accompagnant ceux-ci, via le canal médiatique, de la mise en scène de leurs préoccupations (préoccupations elles aussi massives : inquiétudes, angoisses, états de choc, sous-tirer de l’opinion à n’importe quel prix, car l’opinion est, à la fois, étalon de mesure et curseur des courbes informationnelles et des états d’audience),

◦ faire abonder l’information, puis l’intégrer dans des boucles itératives desséchant de plus en plus les cerveaux en leur enlevant, boucle après boucle, leurs réflexes directoires et décisionnels,

◦ la production d’images massives et déréalisées – l’image informationnelle étant littéralement, typologiquement, absolument « l’image de synthèse »,

◦ l’implantation massive d’espaces dits de « communication » ou de « publicité » jusqu’à leur propagation dans les champs pictural et vidéographique.

• Ainsi, depuis la création de « la terreur » comme produit de marché, nous avons tous assisté à une confrontation superficielle de différentes imageries terroristes. Spécifiquement depuis la chute de l’Empire Soviétique, la fin de la Guerre Froide et de ses schèmes classiques de confrontation de grands blocs idéologiques. Celles-ci sont les dates des premières imageries et productions audiovisuelles terroristes modernes à ce jour.

• L’image, qu’elle soit de type cinématographique, vidéographique, communicationnelle et publicitaire voire même picturale, a toujours eu un rapport intime avec les formes de guerre. C’est ainsi qu’énormément de techniques de prise de vue, de dispositifs de projection et de prise de son ou de montage avaient déjà été développés sur les champs de bataille (dispositif reflex, la « caméra-épaule », la réduction de taille des équipements, le montage parallèle, les effets suggestifs du montage, le ton de voix et commentaire monocorde, le rythme des séquences, les durée et répétition des plans, les cadrages, les nappes sonores et montages son sur images dites captatives c’est-à-dire censées montrer « la réalité », ce qui est le fictionnel incarné, etc.).

• Capter la réalité à travers une imagerie est une aporie, car produire une imagerie est un processus double : ce que l’on décide de montrer et ce que l’on décide de ne pas montrer. Or c’est intensément plus choisir ce que l’on ne montre pas que ce que l’on montre : cadrer est transformer le hors-champs en invisible (invisibiliser, produire de la marge, suggérer) en prélevant une fenêtre de cadrage parmi des espaces mouvants. Le montage est produire du « NU (non utilisé) » ou des plans non-utilisés. Par conséquent, l’image n’est que fictionnelle et filmer la réalité ou prétendre la « documenter » via l’image est un non-sens.

• Documenter le « réel » (style dit « documentaire ») ne fait que produire des discours fictionnels du réel.

• Avec ce qui se donne très clairement comme une théâtralisation du discours, de la parole et du comportement à l’échelle du trafic médiatique, il a été donc développé une imagerie accompagnant les régies de pouvoir à base terroriste : vidéos, montages, titres, photographies, traitement audio, manières de narrer, etc. Autant d’objets caractérisant un « style de vie » sinon une volonté d’impulser un nouveau paradigme où tout devient politico-fictionnel.

• Ce devenir politico-fictionnel, étayé par une réalité documentée par d’incessantes salves informationnelles usinant jusqu’au tangible, est la définition même du pouvoir étatique.

• N’étant aucunement automoteur et dépendant des macro-agencements du capitalisme, l’État exécute les réaménagements politico-fictionnels.

• Le script de ces réaménagements est l’un des champs émanatifs les plus agissants du capitalisme.

• Le capitalisme n’a pas de volonté ; il ne procède pas selon des désirs car il n’en a pas la dynamique, mais selon des machineries qu’on peut appeler « machineries décisionnelles ».

• Les machineries décisionnelles du capitalisme sont ce qui produit, à l’intérieur de champs émanatifs, ce qu’on appelle « action », « agir » ou « pouvoir » de l’État. Pouvoir qui est donc pouvoir par procuration.

• Que ce soit par la détention de pouvoirs symboliques ou , par exemple, via une puissance de frappe de type militaire, les présences iconiques et personnifications du capitalisme censées incarner le devenir politco-fictionnel, à un instant t, sont à ignorer, car remplaçables et congédiables sans ménagement par les mêmes machineries les ayant auparavant iconographiées. Ce qui compte ; ce qui est conséquent est la machinerie décisionnelle elle-même et non ses convoyeurs, à petite ou à grande échelle.

• L’iconographie terroriste, étatique et capitaliste témoigne d’une esthétique du pouvoir qui nous a été à tous intimée.

• Au-delà de l’esthétique cinématographique qui fut toujours revendiquée par des castes bourgeoises communicationnelles gérant l’art transactionnel au sein des sociétés, il faut maintenant se souvenir des images sous-pixelisées en caméra portée (captées en VHS, VHS-8, mini DV ou autre support léger) montrant, à la manière improvisée d’un tournage de film expérimental : discours face caméra, prises d’otages, menaces et autres bâillonnements et mises à genoux. Ceci avant un climax culminant de pornographie : jeter en pâture aux yeux du consommateur d’images toujours plus de mises à mort, d’exécutions sommaires, de décapitations, d’égorgements, d’attentats, d’affrontements et d’embuscades.

• Ce type d’imagerie, revendiqué par des organisations internationales de type « multinationales terroristes », est accompagné au besoin d’une cryptographie idéologique. D’autres dispositifs ornementaux audiophoniques et décors militaires sous-tendent cette narration par une « recherche documentaire » : religion, politique, extrémisme, écologie, luttes identitaires, groupuscules, obscurantisme. Autant de mots-valises, appartenant à une langue elle aussi cryptographique.

• La langue cryptographique de type médiatique, terroriste, étatique, communicationnelle ou publicitaire est véhiculaire non de sens, mais de fonctions purement conatives c’est-à-dire visant à susciter une réaction du récepteur (destinataire) et non à partager du « sens » ou de la « sensation ». Elle s’offre donc en rayons au consommateur telles des thématiques de films, au sein desquelles celui-ci est prié de sélectionner le produit désiré parmi des produits équivalents, dans l’unique objet est, à tout prix, de réagir.

• Il est vital pour les agencements capitalistes non seulement de créer des nébulosités et des chimères, mais également de maintenir leur récit en cours d’entraînement et de reformation (Learning Process). Ils les nourrissent donc continuellement de documents (de morceaux de réalité). Car c’est l’hybridation des deux qui émule l’histoire que le « consommateur d’histoire » vit.

• Nous pourrions dire la même chose de la géographie, de l’architecture et plus généralement de l’espace, car c’est en colonisant temporalités et dimensions spatiales que le capitalisme se tient au-delà de la pure considération physique.

• Ce travail consistant à nourrir le récit de documents (devenir politico-fictionnel, précédemment évoqué) est la forme documentaire de la fiction Capital-Terreur .

• De manière symétrique, servant la même logique événementielle, et face à cette imagerie considérée donc comme « l’imagerie barbare » ( l’imagerie archaïque et sous-pixelisée de celles et ceux qui vivent loin du progrès capitaliste et de ses émulations républicaines), prospère une autre imagerie de type terroriste bien plus difficile à débusquer : celle officielle et ultra-pixelisée de l’État.

• L’imagerie terroriste étatique, bien qu’elle occupe 99 % du canal médiatique et 100 % de notre « présence en cité », paraît imperceptible. Mais elle est profonde, tellement visible et inéluctable qu’elle se (con)fond aisément dans l’état des choses ou dans le champ émanatif qu’elle génère.

• Toutefois, et même si la terreur étatique porte d’autres noms, elle peut donc, en dernière instance, être circonscrite par son caractère émanatif. En l’occurrence, par la mise en avant d’un autre code vestimentaire officiel et disciplinaire, d’un découpage technique de l’image et du son spécifique à l’État et aux médias, d’une autre approche narrative que celle utilisée dans les vidéos d’arts et d’essais de groupuscules dits « terroristes barbares » et groupuscules nébuleux.

• Le caractère émanatif du terrorisme étatique se démarque par son goût, ses protocoles, ses procédures, son raffinement quasi-pornographique : tenues officielles, cadre diplomatique, monolithisme, style costumes-cravates, uniformes de maintenance de l’ordre, tables rondes et congrès ministériels gérant d’autres « états » notamment d’urgence, réunions à l’air grave et important, parades gouvernementales et des forces de maintien de l’ordre (de la terreur), arsenal communicationnel journalistique, postures et officialités, langages et comportement de grandes écoles de gestion de pays corrélant ceux de gestion de multinationales.

• L’imagerie se parant d’officialités et voulant par tous les moyens se démarquer de la première (barbare), en est pourtant absolument symétrique.

• Le flux fictionnel de type terroriste que conduit le canal étatique a besoin du reflet l’équilibrant et lui permettant d’avoir une légitimité.

Cette légitimité tient à la chose suivante : faire la promesse de garantir la paix civile contre cette prétendue menace venant des porteurs de l’imagerie barbare. De cette manière, le paradigme de l’homme et de la femme d’État maintenant les états terroristes (la catastrophe) est mis en production et maintenu opérationnel.

• Ce paradigme mis en production est ce qui virtualise le monde. Que cela soit le monde idéel ou le monde qu’on a l’impression de vivre et de traverser par nos corps.

• Ainsi, l’électoralisme, la télé réalité politicienne et les jeux stratégiques de compositions politico-médiatiques, qu’ils soient médiatisés à grande échelle ou non, sont des méthodes de maintenance des états de terreur.

• L’homme et la femme d’État officiels (surnommés à juste titre « les officiels ») n’existent et ne se justifient que par la volonté de lutter contre l’homme et la femme d’états terroristes barbares.

• Or, l’État et les états terroristes ne sont, sous aucun lieu ni sous aucune échelle, dissociables. En outre, la mission de l’homme et de la femme d’État est de faire croire à la réalité d’autres états (qu’ils soient dits « barbares », « sauvages » ou frappés du terme « opposition ») ; c’est-à-dire affirmer une altérité qui leur permet de :

◦ propulser la virtualité de leur légitimité,

◦ objectiver leur légalité,

◦ objectiver leur pouvoir de contraindre, empêcher, interdire, oppresser.

• L’image (dans tous ses états) s’est développée sous l’effet de différentes guerres et pour faire la guerre sous n’importe quelle forme (du blitzkrieg à la guerre prolongée de l’antiterrorisme, en passant par la bombe atomique ou l’univers concentrationnaire).

• Maintenir des « états de terreur », ou bien des « états des choses favorables à la terreur » signifie donc les maintenir sous plusieurs échelles et, ici, selon plusieurs paramètres techniques et narratifs :

le paramètre visuel

Façon dont l’imagerie de la terreur est dépeinte et consommée visuellement. Les images de terreur doivent être à la fois « vives » et « morbides », faisant vivre le morbide. Le paramètre visuel est l’imprimerie durable du choc dans l’esprit du public. Les « images », prises comme imprimés visuels, s’adressent non pas à la société mais « au public » ; à la particule individuelle et consommatrice d’une société donnée, soluble dans les considérations spectaculaires : la « société additionnée » et non commune des individus produisant l’idée même de « masses ». Le paramètre visuel se préoccupe d’évoquer des réponses émotionnelles au besoin. Le pouvoir visuel des médias, qu’il s’agisse de vidéos, de photographies ou d’autres formes de contenu, est utilisé stratégiquement pour façonner l’opinion publique et contrôler la narration autour de la terreur et du terrorisme.

le paramètre sonore

Il explore les manières d’occuper le champ sonore dans sa quotidienneté (pollution sonore événementielle quasi imperceptible). Le son est utilisé dans la production et la diffusion d’imageries de la terreur. Les créations sonores, qu’il s’agisse de discours, de musique, d’effets sonores ou de remplissage de la quotidienneté par le son, sont des agencements transformant le paysage sonore en paysage de terreur, intensifiant l’impact et le chantage émotionnel, mental et psychologique sur le public. Susciter la peur, l’indignation, la sympathie ou d’autres réponses émotionnelles sont autant d’outils perceptifs pour que telle « action A » induise à telle « réaction B ». Ceci est recomposé selon qu’il s’agisse de susciter les réactions chez l’individu, le groupe, la communauté, la « nation » ou la masse. D’autres dynamique affectives peuvent s’appliquer au besoin.

◦ la didascalie

Elle concerne la mise en scène de la terreur en émulant des événements ou en mettant en scène des scénarios pour maximiser leur impact visuel et affectif. Il s’agit ici de voir comment les organisations médiatiques manipulent l’émotion et la réaction en considérant l’attention que les masses, et exclusivement les masses, leur portent (les courbes d’audience se préoccupent des masses pour virtualiser le forme « états des audiences » du capitalisme). Pour ce faire, il est nécessaire de sans cesse capter (captatif), faire fluctuer (oblatif) et maintenir l’attention du public afin de communiquer impulsivement des agendas spécifiques et de transmettre des mots d’ordre. À travers ces fluctuations, il est également nécessaire de créer une combinaison affect-information pour déshumaniser celui qui est désigné comme l’ennemi. Ce qui aboutira d’ailleurs à déshumaniser le récepteur de l’information-affect lui même : le consommateur.

◦ L’administratif

Il n’est plus nécessaire de démontrer le poids du paramètre administratif car, évident, il dit clairement son nom : les actes de terreur sont gérés, rapportés et documentés, tant au niveau administratif et bureaucratique que dans nos propres organisations de vie. Cela concerne la gestion des réponses aux actes de terreur, l’allocation des ressources, la coordination des efforts de lutte contre le monolithe fictionnel « Terrorisme » et leur documentation étatique.

◦ le sécuritaire

Les états de terreur sont consubstantiels des politiques et des pratiques de contrôle et de sécurité. Cela inclut la surveillance, les interventions militaires, les politiques de sécurité nationale et la mécanisation du contrôle social. La sécurité est une justification des totalitarismes des pays dits « démocratiques », en réponse à la terreur. Les pays démocratique sont une autre forme de virtualisation et de mise en production du devenir politico-fictionnel.

◦ le géopolitique

La terreur est utilisée, exploitée et combattue sur la scène internationale, légitimant, sur l’échelle symbolique, des interventions militaires, des colonisations, des éradications de populations. La terreur influence, voire définit, la politique dite « étrangère » et est utilisée lors de négociations dans les relations internationales elles-mêmes basées sur ce qui s’apparente à la distribution géopolitique des mille et un contes de la terreur.

◦ l’économique

Facteur crucial dans le contexte de la terreur, ce paramètre agit sur la manière dont celle-ci est financée et crée les paradigmes de son autofinancement – la terreur n’est-elle pas, d’ailleurs, l’économie elle-même ?

◦ le martial-sanitaire

Le paramètre martial-sanitaire (exprimé avec un trait d’union en considération du rapprochement drastique de ces deux volets pendant les crises) est le pivot des intersections entre la terreur, la guerre et les crises de santé publique (vache folle, grippe aviaire, peste, Ebola, Anthrax, etc.). Il s’agit d’un éternel dialogue entre la gestion des crises (leur maintenance), en présence de la terreur comme médiateur, et leurs exploitations propagatrices de terreur.

◦ le sociopolitique

À cette échelle, la terreur, et son logiciel militaire et idéologique (terrorisme ou anti-terrorisme), sont utilisés pour marginaliser et opprimer des groupes spécifiques. La corrélation entre états de terreur, états de données et oppression (qu’elle soit de classes ou raciale – souvent les deux) a été montrée précédemment. Une société fondée sur la terreur et le terrorisme structurant le pouvoir a toujours eu besoin de boucs émissaires corvéables et expulsables à souhait. Ainsi, les boucs émissaires étaient désignés comme responsables de toutes les inégalités et les exploitations.

L’ensemble de ces paramètres constitue la virtualité du terrorisme et sa répétition, à travers les contextes et les époques, virtualise également sa conservation.

• Les états de terreur sont donc maintenus par d’autres états et dispositions que l’État fait perdurer, dont les nombreux « états d’urgence », avant, pendant, et à la fin d’une situation qu’il juge impérieuse.

• Les situations que l’État juge impérieuses sont ce qui institue notre enfermement dans le monde.

• Ce jugement étatique n’est pas d’ordre moral, mais intensément pratique : l’État juge par la mise en branle de son ossature de pouvoir, dont la propagande, la désinformation, le mensonge (qu’il atténue en l’appelant « contre-vérité »), la colonisation de l’espace par des représentants du maintien de l’ordre, l’oppression et la répression sont différentes phalanges. Ces activités sont les routines du cahier des charges renforçant la gouvernance, nous transformant en gouvernés, soit des corps aptes à être opprimés, réprimés, colonisés à tous les niveaux, mis en ordre et soumis aux états de terreur.

• Les états de terreur sont, répétons-le, eux-mêmes les sous-tensions des « états de données ». Tant est si bien qu’ils sont les paramètres décisifs formant les courbes comportementales du programme « Société », vu en tant que tel par les machines abstraites du capital :

◦ Soit tel « état de donnée », par exemple médiatique de type audimat : si par l’instillation d’une critique de la terreur, de l’État ou du capitalisme, les courbes de l’audience venaient à grimper, les rouages et les micro-logiciels déployant ce « programme médiatique » (télévisuel, cybernétique ou autre) n’hésiteront pas à diffuser cette « critique de la terreur, de l’État et du capitalisme » afin de la normer, afin de la normaliser, afin de l’intégrer dans ces états de données et l’assimiler dans la courbe. - La présente critique nommée il était une fois la Terrorie n’échappe pas à cette dynamique. C’est pourquoi il est nécessaire de continuer à en faire mouvoir les lignes.

• La critique des états de terreur et de données, de la terreur elle-même, de l’imagerie capitaliste du politique, une fois assimilée dans la courbe, sera la courbe elle-même.

• Il apparaît donc, pour celles et ceux soucieux qu’adviennent des ouvertures au sein du champ politique et social, qu’il faut tout faire afin de briser, ébrécher, voire interrompre cette boucle qui intègre absolument tout dans une logique insatiable, agissant tout et sur tout, et refusant l’agir à qui que ce soit.

• Interrompre, ébrécher et briser une boucle, en l’occurrence celle engageant tous les paramètres d’une société, signifie prendre en charge, court-circuiter, infester, pirater les nœuds de concentration, de formation et de transformation des paramètres-clés de ce qui s’est définitivement construit comme « programme de terreur politique et sociale », c’est-à-dire : les relais d’acheminement du pouvoir.

• Déjouer le pouvoir signifie le « déjouer » littéralement : l’empêcher de jouer sa partition.

• La partition jouée par le pouvoir est tout ce qui enferme celui ou celle qui l’écoute dans une hallucination démocratique (bien souvent manichéenne) justifiant les dominations, contribuant à l’apothéose techno-étatique, entretenant les états d’urgence garants des états de terreur, garants des états de données, le tout garanti par l’État et ses corps de maintien de l’ordre. Tout ceci baignant dans une eau où les courants sont le devenir politico-fictionnel du programme société.

• Il n’est pas pire, pour une forme du vivant, que de figurer le projet de ce qui ne permet pas la vie, ni n’en possède les potentialités. En d’autres termes : il n’est pas plus cauchemardesque pour nous que d’être coincés dans le rêve d’un autre - l’autre étant, ici, une altérité abstraite, implacable, et incapable de figurer autre chose qu’elle-même.

• Les corps de maintien de l’ordre sont des corps de maintien des états de terreur.

• L’ordre étant le milieu naturel de toutes les formes de dominations conséquentes, arriver à désordonner des états de données revient à enlever aux « concentrations de pouvoir » la capacité d’instituer la domination.

• L’institution de la domination du corps social est, en ce cas, instituer une atmosphère de la domination. Commençant par shunter toutes nos connexions, nos ramifications sociales et nos élans par un imaginaire et une imagerie de la terreur.

• De la terreur, l’anti-terrorisme est garant.

• Déjouer ce paradigme est le sens le plus profond du politique.

• Le sens le plus profond du politique est ce qui est le plus commun : ce en quoi la création est censée projeter ses racines afin d’éviter que le commun ne soit happé par des imageries, occupé et mis sous blocus.

• Les états de données, de terreur et d’audience sont, en définitive, ce qui fait un chantage au commun. Car ils sont ce chantage même.

• Il est évident que toute forme ayant été prise en otage (comme l’art) prend elle-même en otage ce qu’elle traite. Ce traitement devra se dégager de sa tutelle la plus proche (la tutelle bourgeoise) mais également de la co-maintenance des oppressions, aussi symboliques soient-elles.

• La forme « art » rejoindra donc un ‘art-de-vivre’ ; non celui caricatural de la perpétuation du confort à travers des ritournelles comportementales rassurantes (appartenant aux classes dominantes), mais celui, conjurant ce premier, qui se fait une mission de prolonger le vivant d’où qu’il vienne et où qu’il aille. Peut-être sans même essayer de le formaliser.

• Prolonger le vivant d’où qu’il vienne et où qu’il aille est l’art du pontage, du pivot ; de transporter la potentialité de formes politiques là où l’état, la terreur, et les institutions régissant le trafic de pouvoirs ne peuvent aller.

• Transporter ces potentialités à partir de ce que le devenir politico-fictionnel ne connaît pas (n’a pas prise dessus) est forcément les transporter à partir de savoirs et de préoccupations qui n’ont jamais sinon rarement été traités par le monde virtualisé des états d’audience. Quitte à aller loin, en des endroits où l’on envoyait les bouc-émissaires se perdre dans la matérialité du monde.

• Se perdre dans la matérialité du monde veut dire : retrouver la matérialité du monde, c’est-à-dire là ou le « vivant » se transforme, s’achemine, se partage.

• Le vivant ne s’établit pas mais procède.

Il était une fois la Terrorie constitue une sorte de fil-rouge. Il réunit un ensemble de matières autour des nœuds névralgiques de la pratique, de la concentration et de la transformation des pouvoirs. Ces matières abordent les angles et les saillances des méthodes de gouvernance, des techniques de gouvernementalité, de surveillance, contrôle, vigilance…
Les monstres de l’inconscience sociale émergent dans ces espaces blancs, ces zones critiques de transformation des puissances, de leurs basculements : là où par un désir habile, on documente la chimère.

Sommaire du dossier

Chapitre I - Il était une fois ...

introduction

1 - fables du terrorisme
2 - Fiction documentée
3 - Histoires de Léviathan
4 - champs émanatifs de la terreur
5 - codes
6 - la guerre, la paix et les états de terreur
7 - Terrorie, l’« interritoire »

Chapitre II - l’art, l’état et la terreur

1 - l’artiste, cet obscur objet inexistant
2 - Imageries de la terreur
3- Maintenir l’ordre

4- La terreur et le cosmos : coloniser l’inconnu

III – Oppositions / Compositions

1- « états des lieux » et héritages
2- déploiement oppositionnel
3- dynamiques compositionnelles

IV- Recompositions

IV – 1- Tomographie d’un réagencement (1re, 2e et 3e coupes)

IV – 2- Échelles et changements d’échelles

IV – 3- Par delà les recompositions

V – Chantiers à venir (conclusion)

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