Si ces arrêts domiciliaires à l’échelle nationale que nous, italiens, nous nous sommes inventés du jour au lendemain, dans la panique et l’improvisation totale, ne fonctionnent pas, s’ils n’ont pas de perspective, ni potentiellement de fin, vu qu’on n’aperçoit aucun « pic » au tournant, alors la situation actuelle va devenir toujours plus insupportable.
[J’ajouterais : de toute manière, nous raisonnons, tous et toutes, à partir de chiffres non fiables, mais pour l’instant, mettons cet aspect à part]
Le petit jeu des boucs émissaires, dans la meilleure des hypothèses est une rustine temporaire, une diversion. Combien de temps réussiront-ils à étirer leur narration de cette urgence avant qu’elle leur explose au visage, qu’il leur vienne à l’esprit une stratégie de sortie de crise ou qu’arrive un deus ex machina qui résolve la situation ?
Quelle pourrait être la stratégie de sortie de crise ? Maintenant, ils disent à mi-voix qu’ils vont pencher davantage vers le modèle « coréen », mais en attendant, ils prolongent indéfiniment le confinement. Ils sont en train d’improviser, dans l’impossibilité de changer de narration après l’avoir usée jusqu’à la corde. Eux-mêmes en subissent encore le puissant élan initial.
Et le deus ex machina ? En théorie, ce serait le vaccin, mais il ne va pas être prêt à brève échéance.
Les autres pays européens, qui maintenant, nous imitent en partie, et en partie, non, qu’est-ce qu’ils vont faire ?
Quand il apparaîtra clairement que la stratégie « à l’italienne » ne fonctionne pas et a des coûts insoutenables, si leurs opinions publiques s’avèrent moins moutonnières que la nôtre (behhh), si leurs classes dirigeantes auront gardé un minimum de lucidité (bof…) et si leurs médias mainstream peuvent avoir une production moins terrorisante que la nôtre (oui, là, ça ne sera pas difficile…), ces pays pourraient se détacher de nôtre « modèle » et expérimenter d’autres voies.
Lesquelles ? Probablement une stratégie intégrée : confinements focalisés, un peu de contrôle « coréen » (ce qui n’est certes pas une bonne chose) et tendance vers la herd immunity. Je n’ai pas de compétences spécifiques pour m’exprimer sur la plausibilité de cette dernière, j’expose sur un mode neutre. J’ai lu dans différents articles que si la herd immunity au Covid-19 était possible, la stratégie « à l’italienne » l’éloignement à coup sûr dans le temps de manière indéfinie, nous gardait otages du virus.
Si au contraire dans les autres pays doivent prédominer comme chez nous la panique, l’enrôlement et le reste, alors ils avanceront à l’aveugle comme nous, et l’Italie aussi, avec l’excuse des « resquilleurs qui répandent la peste » pourra dire encore un moment : « vous voyez ? Tous les autres font comme nous ! » Mais ça aussi, c’est une rustine, à peine plus durable que de faire porter la faute sur ceux et celles qui font du jogging ou se promènent.
[Il y a aussi la grande inconnue sur ce qui va se passer aux USA, où la tempête vient à peine de se lever, mais cela mériterait un raisonnement à part]
Quelque chose doit briser l’enchantement. Cette situation ne peut tenir. Très bientôt beaucoup de gens pourraient commencer à se tuer, à tuer, à devenir fous, à tenter des sorties désespérées et des gestes à la limite du suicide, comme pour dire : mieux vaut l’amende, mieux vaut les coups, mieux vaut mourir de Covid-19 plutôt que de continuer comme ça.
Sera-t-il possible de passer d’un ensemble chaotique de révoltes individuelles à une action collective ?
D’une manière ou d’une autre, ce confinement à l’italienne finira. Mais il restera dans les têtes des gens, et en attendant il aura produit un paysage de ruines et – quoi qu’il arrive – une atteinte profonde et inguérissable à nos libertés, à nos droits sociaux et civils.
Et à la prochaine épidémie, qu’est-ce qu’on fera ?
Cet été, je ferais aussi remarquer, nous aurons très probablement la plus grande crise hydrique de notre histoire. La sécheresse est épouvantable. On pourrait nous rationner l’eau.
Si nous ne nous attaquons pas aux causes systémiques de tout cela, nous serons toujours à la merci des événements.
