Cauchemars et facéties - continuons le début.

#loitravail #nuitdebout #apérochezvalls et compagnie.

Cauchemardos - paru dans lundimatin#57, le 18 avril 2016

Le mouvement lycéen s’est mis en vacances (ou presque). Nuit Debout s’est mis en marches. Les syndicats nous renvoient au 28 avril.

Avertissement : ce « Cauchemars et facéties » est chaotique, comme ce « mouvement »contre la Loi Travail. Nous avons reçu des récits de la semaine qui vient de s’écouler, mais aussi d’autres plus anciens. Nous espérons au moins que tous ceux qui étaient en vacances scolaires mais qui reprennent la grève demain pourront se rafraichir la mémoire à la lecture de ces longs compte-rendus.

PARIS

Lundi, mardi, en marche.

L’apéro chez valls (samedi 9 au soir, plusieurs milliers de personnes s’étaient (enfin) élancées de la place de la République pour marcher vers le domicile de M. Valls, jusqu’à arriver au coin de la rue Keller) a donné la bougeotte. Lundi soir, alors que l’AG de République se termine, un groupe tente de lancer un « apéro chez le maire » (du 3e - qui n’avait pas dit « bonjour »). Quelques centaines de personnes suivent. Les policiers, pas encore habitués à la manoeuvre, partent tardivement à la chasse. Après plusieurs dispersions, reconstitutions, le cortège est laissé tranquille, déambulant autour du boulevard Richard Lenoir au cri de « Paris, debout, soulève toi ».

Mardi matin, action étudiante (de blocage) appelée par la CNE. Le cortège tente de se faire la gare Saint-Lazare. Après une incursion dans le hall, ils se prennent des policiers dans la figure. Plusieurs étudiants sont arrêtés, conduits au commissariat du 2e. Le soir venu, des participants à la Nuit Debout entreprennent donc de partir (en manif sauvage toujours - il n’est plus question de nos jours de prendre le métro) en direction du poste de police. Après un peu de pousse-pousse, la police renonce à bloquer les manifestants. Finalement c’est un bon millier de personne qui se dirige vers le 2e arrondissement. Joie. Mais une ligne de CRS finit par se coller à la queue de cortège. Après plusieurs accélérations, le cortège s’est étiolé, et plusieurs centaines de personnes se trouvent encerclées devant le commissariat. Le groupe est à proximité d’un chantier, qui est forcé pour offrir une échapattoire aux enfermés (le mouvement parisien avait déjà inventé la fuite par les toits, la fuite par la cour d’immeuble, et donc maintenant la fuite par le chantier). Des sacs de platre sont au passage balancés sur la police.

Une mode - la manifestation spontannée au départ de République - est donc lancée.

Jeudi soir, pluie sur les vitres.

Le matin, une manifestation lycéenne (rapide et joyeuse) partie de République se trouve encerclée à Stalingrad (d’où une manif syndicale doit partir à 14h). Les lycéens arrivent à s’extirper de cette situation inconfortable, sous les sprays de lacrymogènes. De joie, ils jettent des chaises de bar dans tous les sens, notamment sur la police.

Le cortège de l’après-midi est petit. Et donc intégralement entouré par les lignes de CRS. Et séparé en deux (moitié-moitié) par le service d’ordre, qui n’aime visiblement pas trop les lycéens qui ont pris la tête. Il arrive à République (le point d’arrivée officiel est Bastille). Les lignes policières empêchent les manifestants de traverser la place pour communier avec l’Après-midi Debout. Les lycéens poussent un peu. Les policiers pulvérisent du gel au poivre. Les participants à l’AG de République se lèvent. Les policiers pris en club-sandwich paniquent. Ils lancent des grenades lacryogènes dans tous les sens. Le cortège explose. La manifestation est finie. Des gens s’affrontent rapidement à la police. Un manifestant finie au sol, inanimé. La situation se calme. Les manifestants s’installent sur la place. Rendez-vous est donné à 20h pour l’allocution télévisée de François Hollande qui sera retransmise en direct. Les manifestants sont chassés par plusieurs heures de pluie.

La Nuit Debout se tient tout de même, sous des baches. La pluie finie par s’arrêter. Mais les baratins de Hollande continuent sur la télé. Des participants de la Nuit Debout et les restes du cortège étudiant de l’après-midi décident de partir vers le palais de l’Élysée pour accueillir François au retour de son show. Malheureusement, cette fois, les manifestants sont peu nombreux (entre 500 et 1000) et la police ne se laisse pas prendre de court. Elle court. Elle lance des grenades de désencerclement. L’arrière du cortège prend la tête pour se réfugier vers le canal Saint-Martin. Quelle erreur. Aucune péniche ne va à l’Élysée.

Pour faire vite : le cortège va suivre le canal, se diriger vers Colonel Fabien, puis les Buttes-Chaumont, et refluera vers le lycée Bergson. Sur le chemin, d’aucuns, visiblement énervés d’avoir été éconduits par la présidence, se vengent sur des vitres. La télévision parlera notamment d’un pauvre concessionnaire Jaguar (300000 euros de dommages), de tristes banques et d’un malheureux Pôle Emploi. Des manifestants ont fait le tri sur le parcours, mais leurs bouteilles ne rencontreront jamais la police. Les mecs de la bac refusent les têtes à têtes. Ils préfèrent les flashballs. Fuite. La police fera la chasse aux manifestants pendant une bonne heure, mais nous n’avons pas entendu parler d’arrestations. On entend des manifestants (anti-voiture ou anti-travail ?) heureux, d’autres déçus (« mais moi je voulais y arriver à l’Élysée »). La mode des manifestations sauvages a t-elle déjà vécu ?

Vendredi soir, espoir.

Le 15 au soir, la physionomie de la place de la République n’a plus grand-chose à voir avec celle des premières Nuits Debout. L’interminable assemblée d’assis a perdu sa centralité, la place est pour la première fois réellement animée par différentes ambiances : un gros concert, divers sons posés aux quatre coins de la place, des étudiants des beaux-arts qui construisent un « château commun », des danses et des sauts autour d’un feu de palettes, des cantines, une partie de foot improvisée sur le bitume, et de temps à autres une petite escarmouche histoire de faire comprendre aux flics qu’ils ne sont pas chez eux et qu’il est hors de question qu’ils passent la soirée au calme.

La zone de la place où l’on fait la fête, où l’on discute pour de vrai, loin des lourdeurs formalistes de l’AG, disons la partie off de Nuit Debout est trois fois plus peuplée que la partie on. Quelle meilleure bande-son que les hymnes poético-débiles de Salut c’est cool pour accompagner ce bouillonnement ? Dans leurs impros, les musiciens tournent en dérision un mouvement qui se prend un peu trop au sérieux, dans les slogans qui fusent de la foule on passe de « tout le monde déteste la police » à « Benzema à l’euro » en passant par le désormais classique « libérez Lacrim ». Toutes les 10 à 15 minutes, une salve de bouteilles vides s’abat sur les casques et les boucliers des policiers jaloux qui se tiennent trop près des festivités. Leurs véhicules sont contraints de s’éloigner, les képis laissent la place aux casques, la nonchalance à la crainte de se prendre une canette en pleine tête.

Nous sommes vendredi soir, les vacances viennent de commencer et la place est assurément plus jeune, plus variée, bien moins bobo-blanc-trentenaire qu’en semaine. L’ambiance tourne parfois limite festival mais on ne tombe jamais totalement dans la caricature, notamment parce que beaucoup de monde n’est pas venu sur la place juste pour consommer un concert et quelques bières, mais pour y faire quelque chose de concret : servir à manger dans une cantine, mixer de la techno, chercher du combustible pour alimenter le feu ou participer à la construction de la structure lancée par les étudiants des beaux-arts.

Ce « château commun » est sans nul doute la plus belle initiative que l’on ait vue sur cette place depuis le début du mouvement. L’idée traînait déjà dans pas mal de têtes. Pour ceux qui ont connu les occupations de place de 2011, en Égypte ou en Grèce par exemple, mais aussi pour qui a fréquenté un tant soit peu la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, c’est une évidence : pas d’occupation possible sans la présence de structures pérennes, en dur, sans la transformation d’un pur lieu de passage en une maison commune, où il est agréable de se poser, sans la réappropriation et le détournement de l’espace urbain. Et de cette première évidence en découle une deuxième : pas de construction possible si l’on ne s’organise pas pour la défendre. Les prochains jours, les prochaines semaines montreront si le mouvement réel réussira à balayer pour de bon la fausse opposition - qui existe si peu sur la place mais tellement dans les médias - entre construire et casser, entre discuter et agir, entre l’ouest et l’est de la place de la République, rebaptisée place de la Commune.

Une heure du matin : extinction des feux. D’un coup, tous les lampadaires de la place s’éteignent, l’AG est en train de se terminer, les enceintes du concert sont démontées. Alors que la place plonge dans l’obscurité, une clameur retentit, non pas de dépit mais de joie : c’est la nuit, et on est tous là, pas chacun-chez-soi-devant-son-ordi, mais dehors, ensemble, éclairés désormais par la seule lumière du feu de palettes, avec les gyros et les phares de la police au loin. La fin de la récré vient d’être sifflée et tout le monde reste. Tout le monde ne déteste peut-être pas la police, mais personne sur la place n’a envie que ce soit elle qui décide de tout et notamment de l’heure à partir de laquelle il est interdit de rester sur la place. Et du monde commence à s’activer pour leur faire comprendre, à ses innombrables uniformes, que la place est à ceux qui l’occupent et la font vivre.

Les bouteilles sont utilisées comme projectiles, les poubelles deviennent d’abord des wagonnets pour le ravitaillement en munitions, puis des boucliers pour se protéger des flashballs. Les barrières de sécurité sont transformées en barricades pour bloquer la circulation. Une palette qui servait à construire un abri pour dormir se trouve désormais au milieu de la route et devient un abri pour avancer sous les tirs des gendarmes. Ces derniers ont beau mettre le paquet – flashballs, grenades puis gaz en quantité astronomique – la place ne désemplit pas. Les averses de bouteilles se succèdent, les manifestants se donnent le relais entre la place et la rue du Temple où gendarmes et baqueux se recroquevillent, des flux et reflux de la foule ont lieu en fonction de la direction que prennent les nuages de lacrymogènes.

La statue centrale, autour de laquelle les chefs de guerre Valls et Cazeneuve avaient cru voir un « mausolée profané » au lendemain de la manifestation contre l’État d’urgence est copieusement arrosée de gaz toxiques. Derrière le monument, à l’abri des gaz, une trompette joue la ritournelle de tube du printemps « tout / le monde / déteste la police » (et ses variantes : le PS, les banquiers, le travail…) Bonne ambiance, les lanceurs de bouteilles se reposent, les occupants les plus consciencieux nettoient les détritus ou font en sorte qu’ils ne soient jetés que du côté des flics et pas abandonné sur place.

A partir de trois heures, toute la place est devenue irrespirable. Les occupants refluent dans la rue du Faubourg du Temple et de nouvelles barricades sont érigées, d’abord à l’entrée de cette rue, puis au premier carrefour et ainsi de suite jusqu’à la dispersion qui aura lieu vers quatre heures et demie du matin dans le quartier de Belleville. Ceux qui arrivent de la place sont rejoints par des gens qui étaient sortis ce vendredi, dans les bars ou dans la rue, ça chante jusqu’au bout et les seules personnes tendues et stressés sont les flics, qui arrivent toujours trop tard.

Est-il nécessaire de revenir sur l’éternelle question des casseurs, si chère aux préfets de police et autres présentateurs de JT et si dénuée de sens aux yeux de ceux qui occupent la rue ? Des choses ont certes été bien endommagés vendredi soir, comme chaque jour de manif à Paris depuis plus d’un mois : des banques, au premier rang desquelles la Société Générale, les mêmes banques honnies au cours des assemblées Nuit Debout. De la casse, il y en a donc eu, les fameux casseurs quant à eux n’existent qu’à la télé. Ce que l’on peut rencontrer en revanche, dans les manifestations et maintenant sur la place, ce sont des gens qui prennent au sérieux les paroles prononcés et refusent de dire que quelque chose est insupportable sans rien faire pour s’en débarrasser ou au moins s’opposer à cet insupportable.

(...)

Ce vendredi 15 avril, par un curieux déplacement tectonique, la place de la République s’est un peu éloignée de la Puerta del Sol et un peu plus rapprochée de la place Taksim. Pour la première fois, des groupes se sont organisés pour construire une structure et rester toute la nuit, une détermination à défendre la place est apparue et la jeunesse qui s’était jusque là principalement mobilisée pour les manifestations matinales contre la loi travail était cette fois présente sur la place avec le même entrain, le même courage et surtout toute l’expérience acquise au cours d’un mois de lutte. La combinaison de ces trois éléments est la clé du succès de l’occupation de la place de la République.

RENNES

(NdCF : Oui, nous sommes toujours en retard pour ce qui est de rendre compte de la situation rennaise. Donc, cette semaine nous ne vous parleronts pas de l’irruption des étudiants au siège du Medef, ou de l’expulsion de l’université occupée (deux choses qui sont arrivées cette semaine) mais bel et bien de la manifestation du .. 9 avril. Ceci étant, ce récit (qui nous a été envoyé) est tout à fait intéressant, surtout un jour de rentrée scolaire.)

Récit de la manif du 9 avril et digressions sur le mouvement à Rennes

1.
Samedi 9 avril 2016, 9h00. Nous rejoignons le campus de Rennes 2, là où se trouve notre QG, l’amphi B8 occupé. Ici se retrouvent étudiants, lycéens, et autres non-affiliés, tous enracinés dans le mouvement depuis plus d’un mois. Les banderoles (renforcées ou pas) sont sorties des placards, l’équipe Médic distribue le matériel, chacun essaie son costume du jour et se sert dans les divers amoncellements de lunettes et masques de protection. Tout ce matériel est bel et bien subventionné par l’AG de la fac. Ce jour là, parce que tout le monde sait qu’il faudra se battre encore plus fort pour espérer reprendre les rues du centre-ville, on aperçoit aussi des gourdins et des boucliers en tout genre.

Ceux-ci ont été confectionnés lors de la journée de blocage de jeudi. Malgré la fermeture administrative du campus, nous sommes restés à très nombreux. Un atelier s’est mis en place en plein de cœur de la fac pour fabriquer nos protections. Si l’on peut douter de l’efficacité réelle de certaines de nos armes, il est certain que ces moments aiguisent nos esprits et repoussent au loin la peur de la police. Cette préparation prend désormais la forme d’un rituel qui s’institue et s’amplifie avant chaque départ en manif. Cela dit à quel point les pratiques de défense se diffusent largement, à quel point le rapport à la police cesse d’être naïf. Un outil a été particulièrement déterminant au sein de ce mouvement : la constitution d’un comité de défense collective. Au sein de ce comité se partagent les différentes techniques pour protéger une manifestation. Comment se masquer, comment construire une banderole renforcée, comment bouger en binôme, en groupe, etc. La nécessité de se défendre a été assumée publiquement et politiquement dans les Ags et les commissions. La défense collective est aussi envisagée au delà du temps de la manifestation, car ce comité prend aussi en compte la solidarité devant les tribunaux, les questionnements sur la défense juridique et le soutien financier. À ce sujet, un mémorable concert de soutien eu lieu jeudi soir dernier. Plus de 1000 personnes faisans la fête dans une fac livrée à nous même. Dans ce mouvement, sans la grève pour arrêter le temps, ce concert réussit à nous faire sentir ensemble en dehors des ou des manifs. Et l’on peut dire que si la journée de samedi a été aussi déterminée, ce concert y est pour quelque chose...

2.
C’est avec la légère appréhension qui précède la bataille que nous rejoignons le point de rendez-vous de la manif. Les vacances étudiantes et lycéennes ont clairsemés les troupes, nous sommes plutôt 300 que 1000. Sur notre chemin nous passons devant le local du PS abandonné par ses habituels garde du corps. Légèrement abasourdis par cette surprise, il ne sera que repeint (et non meulé comme à Nantes).

Certains réflexes offensifs n’ont pas encore été pris. Depuis le début du mouvement presque chaque AG vote la non-dissociation entre « casseurs » et « bon manifestants » . Un pillage à la sauvette d’un magasin Lacoste, un blocage de métro ressemblant à un sabotage, une brigade de la BAC sévèrement savatée mais encore aucune vitrine de banque mise à terre. À Rennes le mouvement a cette particularité : il montre une solidarité sans faille envers tous les gestes et tous les arrêtés. Chaque acte défensif ou offensif est expliqué (politiquement et tactiquement), soutenu et applaudi en AG. Ainsi tout le monde fait attention à passer des caps ensemble. C’est cet état d’esprit, généralement bénéfique, qui nous fait parfois louper des cibles aussi évidentes que les vitres des locaux du PS. Mais la manif du 9 avril est encore pleine de surprise.

3.
Arrivés sur la place Charles de Gaulle, comme le 31 mars, nous prenons naturellement la tête du cortège syndical. Ici, les quelques SO ne méritent pas ce nom. Plusieurs syndicalistes promettent d’essayer de nous suivre dans la bataille. On verra même, au plus fort de la journée, le mégaphone de FO faire des menaces au préfet tout en demandant au cortège de rester dans les gazs !

La situation avec les syndicats mérite d’être décrite. Ici ils ne nous font pas le coup des mêmes crapuleries qu’à Paris, Marseille, ou Montpellier. Il faut dire qu’ils peinent à mobiliser et sont bien obligés de suivre la dynamique mise en place par le mouvement étudiant et lycéen. Ils ne le font pas à reculons, et ne dénoncent pas les casseurs mais bien la brutalité des violences policières. SUD (santé et éduc) a même organisé un meeting sur la fac à ce sujet. Et contrairement à la manif du 31 mars où les syndicats avaient décidés de se séparer du cortège de tête, cette fois-ci ils l’ont suivis. Plusieurs d’entre-eux manifestent l’envie de s’organiser en amont malgré des difficultés à imaginer plus d’investissement que la seule présence aux journées de mobilisations nationales. Si les tentatives d’AGs interpros continuent, on pourrait bien voir des actions communes de blocage économique se décider.

4.
La bataille qui (re)commence nous la connaissons, c’est celle du centre-ville. Depuis la manif de nuit du jeudi 24 mars, les rues de l’hyper-centre sont interdites au manifestations. Prétextant le pillage du Lacoste, les risques de débordements et la peur de voir émerger un village place du Parlement comme lors du CPE. La préfecture met en place une stratégie que nous connaissons depuis les manifs pour Rémi Fraisse. Dans notre petite ville médiévale, il leur est particulièrement aisé de nous contenir au sud en bloquant les quatre entrées principales ou de nous repousser à l’ouest de l’autre côté du canal d’Île et Rance. Seulement le préfet et la maire n’avait pas prévu que ce dispositif ferait l’effet d’un affront trop grand pour le mouvement. Personne n’admet qu’on puisse privatiser et sécuriser de la sorte le centre. Le conflit est simple et limpide : ou bien la ville appartient aux commerçants, aux consommateurs et aux flux marchands, ou bien les rues sont un lieu du surgissement du politique. Un lieu où se tisse la communauté de ceux qui luttent et un lieu où se construit le rapport de force. Le 31 mars c’est déjà ce sentiment de se faire voler la place du Parlement qui avait poussé des milliers de personnes pendant plusieurs heures à tenir l’émeute. La semaine passée, toutes les Ags , les meetings et les rencontres inter-pro l’ont répété : la ville est à nous et il s’agira de tout faire en sorte pour y rentrer. L’objectif politique est clair dans toutes les têtes et cela fait grandir la détermination.

Aujourd’hui nous sommes plus préparés, plus soudés et plus équipés. Comme l’affirme la banderole de tête, « les conditions objectives sont réunies », alors allons-y !
Nous approchons très vite du but, mais dans la rue qui mène à la très symbolique Place du Parlement, nous nous trouvons face à une grille anti-émeute déployée sur toute la largeur de la rue. Que faire ? Essayer la rue d’après. Là, nous déployons nos banderoles, enfilons nos masques à gaz et avançons. Les pluies de flashballs sont comme des coups de fouet sur la bâche et les gazs forment un épais nuage. Lorsque les policiers s’asphyxient eux-même avec leurs propres lacrymos, c’est le moment pour nous de continuer. Ils sont aspergés avec un extincteur rempli de peinture, puis un extincteur rempli de poudre. La distance qu’ils essaient de garder à chaque manifestation entre eux et le cortège est rompue, ils se prennent des coups et reculent. C’est gagné ? La foule s’engouffre dans la rue dans un cri de joie. Mais une averse de lacrymos tombe rapidement sur nos têtes comme des grêlons et personne ne voit venir la charge venue de derrière matraquant nos crânes. Nous reculons, c’était bien tenté et comme le dit un tag juste à côté : « On nous a appris à compter, mais pas sur les autres. Émeute ! On va apprendre. ». Nous progressons.

5.
Le cortège étalé sur la place de la république reprend sa marche. Il nous faut bouger, déjouer le dispositif policier et reprendre des forces. Sur le chemin, des agences intérims seront impactées. Certains ne comprennent pas, d’autres trouvent cela absolument évident. Les débats ne durent pas, nous avons d’autres chats à fouetter. Lorsque nous retournons sur l’esplanade Charles de Gaulle, l’ambiance est à la sieste et l’on se désole déjà de notre échec. Pourtant, il ne suffira que de quelques cris au mégaphone pour remettre en marche cette foule aguerrie. C’est reparti ! Le premier assaut est donné sur l’agence du très policier et médiocre Ouest-France. Quelques tags sont écrits et les deux seules vitres sont attaquées. Dans cette rue étroite nous aurons à faire à un dispositif policier totalement désorganisé. Un camion de police est pris pour cible et dans la panique, sous un feu nourri de feux d’artifice à l’horizontale, ses gardiens balancent quelques grenades assourdissantes. C’est cet instant qui rendit célèbre le CRS rebaptisé Gérard Gaucher. Il nous a offert la revanche de laisser exploser sa propre grenade dans la main. [ici vous pouvez mettre la vidéo du flic qui se blesse https://www.youtube.com/watch?v=fax_OoggWA0] Nous souhaitons simplement le remercier de nous avoir inspiré une bonne dizaine de nouvelles chansons qui alimenteront les moments victorieux de notre mouvement.

Nous n’oublions pas notre objectif et repartons vers le centre. Nous finissons par trouver la faille en nous engouffrant au pas de course dans les rues pavées pour atteindre la place des Lices. C’est une victoire tactique bien réelle, mais qui sera de courte durée. Elle nous laisse juste le temps d’envahir les restes du marché, de se servir des nombreuses cagettes et palettes jonchant le sol pour faire un immense feu de joie. Puis les lignes de flics réussissent à se reformer et nous sommes littéralement éjectés du centre ville, au-delà du Canal.

À Rennes, chacune des journées de mobilisation est investie par cette si particulière énergie. C’est comme s’il y avait plusieurs manifestations en une seule journée. Il n’est pas question de faire un tour symbolique. Il y a ce sentiment diffus qu’il faut rester dans la rue le plus longtemps possible. Quitte à faire des pauses et à repartir. La patience est notre alliée car la foule que nous composons dégage une foi surprenante. Comme lors du CPE, nous voyons toute une génération se former. Il faut savoir attaquer le gros du dispositif et être mobile, discuter avec les syndicats pour qu’ils comprennent où le cortège étudiants-lycéens veut aller et nous suivent, il faut prendre les devants et rester attentif au gros du cortège. Sans cette joie à être dans la rue et à jouer ce jeu qui pour une fois a des conséquences bien réelles, nous n’aurions pas réussi à désorienter l’organisation policière.

6.
Notre cortège, encore composé d’un bon millier de personne se replie sur la fac. Là, nous vivons l’assemblée la plus courte de tout le mouvement. Une assemblée qui commence et se finit par : « On est encore nombreux, et si on allait bloquer la rocade ? ». La suite dira que c’est le commissariat local qui fût saccagé plutôt que la rocade occupée. Le rideau de fer est levé, les vitres sont méthodiquement mises à terre et un énorme pétard lancé à l’intérieur. La BAC déboule vite, mieux vaut se disperser dans le labyrinthe des tours de la dalle Kennedy. On se retrouve à la fac, mais nous décidons de ne pas rester. La journée a été intense et la possibilité d’une intervention policière sur la fac est probable.

Les gestes parlent : « Tout le monde déteste la Police ! »

MARSEILLE

(NdCF : idem pour Marseille, un récit qui tombe en retard, mais à lire tout de même)

Mardi l’PS samedi l’MEDEF, tout est bon pour niquer l’bénéf

A Marseille il semblerait que le mouvement réussisse doucement à percer les vieilles traditions des cortèges encadrés, cortèges qui marchent là où on les attend, sans détermination, ne débordant jamais les limites de la contestation supportée par ce système. La fiction s’ébranle, et la CGT perd en crédibilité, on sait aujourd’hui qu’elle étouffe toute possibilité dans l’oeuf.

Après les premières manifs pendant lesquelles les départs sauvages se sont fait sévèrement réprimer par la BAC, les choses changent. A l’initiative des étudiants et des lycéens, les non-encartés ont doublé la CGT pour prendre la tête du cortège, le corps collectif s’organise et pense ses cibles. Ça prend.

Le mardi ça parait petit, le parcours prévu par les orgas fait un petit 500 mètres pour finir à la préfecture, faire des prises de paroles et becter des saucisses. Mais cette fois une banderole renforcée s’avance « Jeunes 13 énervée » et prend la tête du cortège, lancée devant les orgas. Au début nous tentons de garder leur rythme très lent mais on constate vite que les pieds nous démangent, qu’on veut courir, gueuler, bloquer .

En un quart d’heure l’ambiance est posée : on voit plus les orgas, les slogans sont larges, contre la loi, la police, l’état d’urgence, les patrons, etc ...On hésite plus à marquer la BAC qui traîne sur le bord du cortège en l’insultant collectivement. On arrive vite à la Préf : quelques insultes aux flics qui sont devant, on en a fini avec nos prises de paroles. Sans hésiter on repart en cortège rue de Rome direction la Canebière on décide de tournéerautour de la manif syndicale pour permettre aux plus chauds qui ne nous auraient pas vus, et qui n’auraient pas compris l’arnaque, de nous rejoindre. Ça permet aussi de rester dans le centre là où ça bloque vite et où les gens nous voient.

On arrive sur la Canebière en chantant « El khomri va niquer ta mère sur la Cane cane Cane Canebière » ou encore « El khomri on t’encule ». Quelques jeunes qui traînent part là n’hésitent pas à nous rejoindre. De retour vers la Pref, décidés à faire une petite visite au PS, poubellesrenversées, local repeint, on repart vers la place Castellanepour visiter le local du FN. Ici une partie du cortège des orgas nous a rejoint, nous sommes donc un bon cortège de 1000 personnes, déter. Les tags commencent à fleurir et les poubelles se renversent de partout. A Castellane le local du FN est trop bien protégé par les flics alors on continue, on retourne vers le centre en passant cette fois par la rue St Ferréol, la grande rue des boutiques.

Pour cette fois les vitrines restent en place, mais on gueule bien et on sait qu’on reviendra. Pour finir, on monte vers la gare mais elle est trop gardée par les decs. On prend l’autoroute, qu’on bloque pendant une bonne demi-heure. Évacués par les CRS, la banderole tient bon a la première charge et le mouvement marseillais aussi.

Pierres contre lacrimos on recule à notre rythme et on les force même parfois à s’arrêter, maintenant tous ont vu qu’on peut arrêter une charge sans courir, ça dur comme ça jusqu’à Belsunce où une partie se disperse : trop de BAC et le cortège est de plus en plus petit.

Ayant perdu le sac pour partir scred avec la banderole, elle a été planquée chez une vendeuse de robes de mariées, ravie de pouvoir nous soutenir face a la police, apparemment ici non plus les decs ne sont pas les bienvenus.Une centaine de personne continue de marcher jusqu’à la plaine pour se disperser, et traîner dans les bars.

Pour ce samedi le réflexe est pris : tous en tête derrière la banderole renforcée, même schéma même ambiance mais deux fois plus nombreux. Une fois arrivés à Castellane, on quitte les fatigués pour notre petite promenade sauvage. Une une bonne partie du cortège nous suit, on les attend un peu plus loin , et cette fois on est 3000. On se lance, « on est nombreux on fait ce qu’on veut » chante le cortège à la police qui tente de l’encadrer. Cette fois notre cible c’est le Medef. On y arrive en repassant par la rue St Ferréol, re-bordel avec les grilles de chantier, quelques vitrines enquillées gentiment. Le Medef est bien évidement gardé par des CRS, la banderole se met devant. Ca caillasse, quelques œuf de peinture, des poubelles renversées et voila qu’ils se prennent un extincteur de peinture dans la gueule pour finir. Ils sont humiliés mais ils ne bougent pas, on reviendra plus préparés, foutre tout dehors, qu’il ne reste rien. Pour le moment une charge latérale nous fait reculer. On continue vers la mairie sur le Vieux Port, elle aussi est protégée par la police, quelques rixes s’ensuivent.

On remonte ensuite la Canebière pour rejoindre le Cours Julien où a lieu la Nuit Debout. Là les flics tentent de nous bloquer, à coup de « HA HOU » énergiques on les pousse à se replier, joyeux et détèrs on passe en force en les insultant bien. A ce moment sans raison les flics décident de forcer le passage sur la voie de tram pour nous doubler et se mettre en place devant le comico. Allant jusqu’à pousser des manifestants avec leurs fourgons, ils énervent les jeunes déjà 13 énervés. La banderole se met devant, bloque le camion qui se fait prendre à parti à coup de barre en fer, de canettes et de peinture. Ils sortent des camions, chargent mais on recule toujours tranquillement en les tenant en respect avec la banderole et notre slogan « tout Marseille déteste la police ». Voilà qui est bonne ambiance !

Ensuite on remonte au Cours Ju pour la Nuit Debout. Là : assemblée, de longues prise de paroles où se mêlent toutes sortes de visions, de la dissidence, au citoyen bien-pensant, en passant par la commune et les syndicalistes désabusés, mais la radicalité du mouvement s’exprime quand même : c’est fini pas de retour à la normale possible. Petite blague, le Cour Ju c’est aussi la place des zonars et des rastafari du coup le mic a directement suscité le syndrome « open mic » avec des longues sessions de rastarap à 3 grammes, près a en découdre avec la démocratie pour garder le mic. Il semblerait que la volonté soit de continuer les Nuits Debout mais en se déplaçant à chaque fois pour aller un peu plus au centre et à la fois vers les quartiers Nord.

Au cours de la nuit toutes les caméras de la place (3) ont subit les agressions du bombeur fou qui, avec quelques acolytes guetteurs et ses pieds nus (pour ne pas glisser), est simplement monté au mat pour recouvrir les globes de peinture sous l’acclamation des discuteurs. Pour finir, une fanfare s’est ramenée, un feu s’est dressé et la foule s’est ambiancée. Bon pour la suite, la situation est excellente : la manif n’est plus le temple de l’ennui mais elle redevient efficacité, joie et possibilité d’un collectif déterminé.

Rafale de mars des Jeunes 13 énervée

MONTPELLIER

Toujours à Montpellier, toujours sous état d’urgence éternel, 2016.

On ne va pas se mentir, on aime l’atmosphère qui règne cette nuit sur la place de la Comédie, d’ordinaire si insupportablement gentrifiée. Une ambiance assez éloignée de celle des grands soirs, mais d’une beauté inattendue.

Heureux écosystème que cette foule diverse, à l’acné ravageur ou aux cheveux blancs ! Chacun semble ici trouver sa place, et l’on se situe bien au-delà du noyau des militants de toujours. Au sol, de nombreuses commissions disposées en cercles, des gens concentrés, parfois même studieux, stylo dans le bec et calepin sur les genoux, forts d’initiatives aussi nombreuses que prometteuses. Les temps de paroles sont définis, les interventions brèves et efficaces. Il faut dire que l’organisation a de quoi faire pâlir n’importe quel directeur des ressources humaines, avec ou sans chemise. Et le tout sans aucune hiérarchie ! Puis ici, on ne se voile pas la face : l’ennemi est désigné par son nom, le capital, et les régimes occidentaux appelés « démocraties capitalistes » – à ce stade de mépris de la volonté populaire, il convient d’user de précautions langagières quant à l’emploi du mot démocratie, et les guillemets sont de rigueur.

Le travail des commissions achevé, feuilles de conclusions et listes de contacts en mains, c’est une vie bouillonnante et généreuse qui s’épanouit sur place. Un jazz improvisé autour d’un piano, un premier feu, puis un second, des artistes affairés à rénover un téléviseur avec de la peinture, de petites grappes humaines mangeant, buvant et bavardant avec le sourire, quelque chose d’étrange et sympathique flotte dans l’air…

Je croise un ami de longue date, militant anarchiste. « Quelque chose est en train de naître », murmure-t-il. Mot pour mot, j’allais dire la même chose. Il n’est pourtant pas du genre à se laisser éblouir par n’importe quel attroupement nocturne, et moi non plus. (...) Aucune étiquette politique ou syndicale. Autour d’une table, on s’affaire même à défrontdegauchiser les meilleurs autocollants du Front de Gauche. Ils leurs ont été empruntés. Dans la région, leurs élus sont tellement occupés à gouverner sur une liste alliant socialistes et MEDEF qu’ils ne se sont rendus compte de rien.

Les rafales de vent se font plus violentes et les cercles plus compacts. Je me rapproche d’un groupe évoquant la question de la violence. Un vieil homme partage son expérience avec la jeunesse : « Vous savez, jusqu’au 6 juin, on nous appelait terroristes. Le lendemain, on était des résistants. Nous étions même des Résistants avec une majuscule ! Alors ne cessez jamais d’être des casseurs ! Vous êtes les héros des jours qui viennent, mais vous ne le savez pas encore. » Eternelle sagesse des anciens…

Montpellier, ex-capitale d’une ex-région où le Front national arrive en tête, si paisiblement embourgeoisée dans un pays endormi, ce soir Montpellier semble avoir décidé de ne pas se coucher. Et pour de bonnes raisons. (...)

Et si cette nuit du 40 mars présageait de prochaines vendanges ?
« Si nous ne dormons pas c’est pour guetter l’aurore
Qui prouvera qu’enfin nous vivons au présent. »
(Robert Desnos, Demain)

LYON

Mili

À Paris, en se promenant de blocus en manifestations, on entend parfois les lycéens murmurer avec espoir : « La mili viendra peut-être filer un coup de main face aux flics ». Pourtant, les médias les dépeignent comme de méchants casseurs, quand ce n’est pas les partis politiques et syndicats à l’agonie qui s’en chargent. Mais qu’est-ce que le MILI et que vient-il faire dans Lyon et ses environs ?

Le Mouvement Inter-Luttes Indépendant (MILI) est une ancienne coordination lycéenne autogérée, qui s’est pérennisée en 2013 à la suite de la vague de protestations contre l’expulsion de lycéens sans-papiers. Le collectif se compose de « jeunes » – lycéens, étudiants ou non – qui se démarque radicalement des organisations syndicales et politiques classiques de droite et de gauche par ses objectifs, son fonctionnement et ses modes d’action. Nous rejetons d’une part toute structure hiérarchique et n’avons pas de ’programme’ clé en main à proposer mais sommes un groupe informel soudé par une sensibilité commune et des positions évoluant sur la base du consensus. Au-delà d’un effort de réflexion théorique, nous privilégions l’action concrète autour d’axes majeurs qui s’inscrivent dans une dynamique globale de lutte contre le capitalisme et son monde. Longtemps cantonné à Paris puis en Île-de-France, le MILI a décidé de s’implanter à Lyon pour que la vague de protestation contre la loi travail n’y reste pas sans lendemain. Quand bien même le gouvernement reculerait sur la loi El Khomri nous ne voulons plus renouer avec ce quotidien apolitique et morbide dans lequel nous enferme le monde capitaliste. Nous voulons plus, nous voulons tout. Le monde ou rien.

Car nous savons trop bien que c’est la totalité du système qui s’emploie à nous déposséder de nos vies, que ce soit à travers les galères de thunes, de taf, d’études, le sentiment de non représentation, l’anxiété et l’ennui généralisé tout juste contenus par l’industrie de la distraction – société de consommation, loisirs, drogues, etc. –, il nous semblait donc indispensable de créer une base permettant aux différentes composantes de la « jeunesse » de rompre avec l’isolement, se rencontrer, s’organiser afin de se mesurer collectivement à ce monde et à sa violence indistinctement matérielle et existentielle. Mais il ne s’agit pas pour autant de copier un modèle parisien, simplement de partager une conception commune de la politique.

Pour nous rejoindre, il suffit de venir vers nous en manifestation, de nous contacter par mail (mili.lyon[a]riseup.net) ou Facebook (« Mili Lyon »).

9 MARS

Une petite dizaine de milliers de personnes au départ de la place Jean-Macé. Un peu plus que la manif du début de semaine. Un peu moins que celle du 31 mars. Mais qu’importent les chiffres. Ce qui compte, c’est ce qui se passe entre les gens, dans la rue et ensuite, comment les gens se tiennent ensemble, leur détermination face à ce qu’ils affrontent, leur intelligence commune.
Mauvais souvenirs

Pourtant tout aurait pu ne jamais voir le jour. Dès le départ, en effet, le chef de la CGT locale vient mettre la pression aux lycéens : « alors vous voulez pas qu’on manifeste côte à côte avec nos banderoles à coté ? », « on se bat pas pour la même chose ? » Sauf qu’on a bien vu ce que c’était dernièrement la CGT dans les manifs. Le 5 avril notamment, alors que la manif n’avait pas fait 30 mètres, les flics bloquent directement l’avancée du cortège. Ils se mettent alors à se lamenter : « On s’est fait insultés, puis il y a des gens masqués dans le cortège, puis on craint des jets de projectiles, on veut que des orgas ou syndicats prennent la tête ». Et là, c’est la consternation. Sans attendre que les manifestants décident quoi faire, la CGT obéit. Et tout le reste de la manif, les cégétistes s’emploient à maintenir un cordon à l’avant de la manif. Heureusement que le ridicule ne tue pas puisqu’ils ont poussé le grotesque jusqu’à oser chanter « État d’urgence, état policier, on ne nous enlèvera pas le droit de manifester » [1] encadrés par deux meutes de policiers qui marchaient parfois à coté des manifestants. Pendant que tout au long du parcours, on défile au rythme de la police, pardon de la CGT, un des petits chefs du SO discute continuellement avec un petit chef de la police (où aller, à quel moment avancer ou freiner le cortège, etc.). En bref, ce jour-là, les chefs se sont entendus entre eux sur la forme que devait prendre la contestation. Ils ne le feront pas deux fois.

Donc, partant de là, les lycéens ne se laissent pas faire et répondent au syndicaliste qu’on va se passer de ses services, de son SO, et qu’on va prendre la tête de la manif sans lui. Le responsable cégétiste se décompose et repart. Le premier obstacle est levé.

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Vaulx-en-velin

13 avril. Une partie du gouvernement Valls se ramène à Vaulx-en-Velin pour préparer une nouvelle loi sur les quartiers. Histoire de dire « nous sommes proches des gens », « on est au plus près du terrain », « on écoute les doléances à la base », etc. Tout le blabla habituel pour essayer de faire croire que la politique est toujours vivante. Qu’elle ne s’est pas intégralement dissoute dans l’entreprise, la Bourse et la gestion de l’ordre public. Et qu’il suffit d’y croire encore, de se « mobiliser » (derrière les gouvernants) pour que la situation s’améliore. D’habitude plus c’est gros, plus ça passe. Mais en pleine période de mouvement, on a du mal à avaler la pilule. Parce qu’on sent bien, à travers les rencontres, les actions, les discussions et les manifs, que ce qui peut ouvrir une brèche dans le présent, ce sont des existences politiques et qui s’assument comme telles, et certainement pas la politique.

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Manif sauvage au départ de la Nuit Debout

Une Nuit Debout se tient aussi à Lyon, place Guichard. Jeudi, prenant connaissance d’une nouvelle mode venue de la capitale, les participants ont décidé de tenter une manif sauvage :

ET PARTOUT,tout le temps.

Nous avons reçu divers « appels », à diffuser. Nous nous permettons de vous les livrer sans commentaire.

...

"Les rencontres, assemblées et manifs sauvages sont nécessaires mais ne suffisent pas.
C’est pourquoi, afin de traduire concrètement la grève humaine irréversible et la fête de la vie libre, nous contribuons ici à penser thématiquement les actions consistant à ruiner l’empire capitaliste.
Ainsi, au moins cinq questions importantes nous hantent :

  • que nous faut-il occuper ? - que nous faut-il bloquer ? - que nous faut-il saboter ? - que nous faut-il saccager ? - que nous faut-il piller ?« (...) »Il faut rendre les agences bancaires, d’assurances, d’intérim et immobilières à l’état de ruines.
    Les pôles emploi doivent être réduits en cendre. Les fast-foods et autres chaînes de l’alimentation capitaliste doivent disparaître ! Les bâtiments des sociétés de destruction (comme ceux de Vinci, Dassault, Safran, Thalès ou évidemment Nobel Sport) doivent être anéantis.
    Les sièges de toutes les plus grandes entreprises qui nous assassinent par leur profit devront subir une destruction d’une ampleur jamais vue."

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"On loupe pas le coche, on tient le mouvement. C’est l’occasion de la saison.
Faut pas non plus prendre des vessies pour les lanternes mais bon, la magie du collectif elle est là, si chacun se tient à garder la tête à l’équipe c’est là que 1+1, ça peut faire 1000."

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« Le message est simplement le suivant. Essayons d’abandonner les a priori sur les luttes et d’inventer, essayons de faire une vague de fond dans nos têtes. Nous sommes ici et maintenant, et c’est tout ce qu’on a à revendiquer. »

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POUR FINIR

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