A propos de Vittorio B.

« Les violences sexuelles existent dans tous les milieux, c’est-à-dire chez les révolutionnaires aussi. »

paru dans lundimatin#346, le 5 juillet 2022

Le 13 juin dernier, l’un de nos rédacteurs publiait une recension très enthousiaste de Boum Boum le premier film de Laurie Lassalle qui nous replonge dans le mouvement des Gilets Jaunes. Des amies sont donc allées voir le film. Au détour d’un micro-trottoir, elles ont aperçu et entendu un certain Vittorio B. parler d’amour. Cela leur a été tellement insupportable qu’elles nous ont demandé de relayer cet avertissement adressé à celles qui pourraient à l’avenir le croiser.

Nous avons vu le film documentaire « Boum Boum » de Laurie Lassalle. Il y est question des gilets jaunes à Paris, mais aussi de révolution, d’amour, de désir.

Après la première heure, une personne s’exprime dans le film. Il s’appelle Vittorio B.

Si nous écrivons, c’est parce qu’il a violé une de nos camarades et amies. C’est à ses côtés que nous parlons aujourd’hui.

Ce viol, elle l’a dénoncé pour la première fois avec colère dans une lettre de mars 2021 adressé à Vittorio, ainsi qu’aux amis et camarades proches. Cette lettre a circulé de la main à la main, pas publiquement.

Nous souhaitons préciser ici que la réalisatrice du film n’en avait pas connaissance avant la sortie en salles de son film. Ce viol a eu lieu l’été 2018, soit quelques mois avant l’enregistrement de ces images tournées entre l’automne 2018 et le printemps 2019.

Dans le film, il marche dans la rue pendant une manifestation. Il compare le mouvement à « une histoire d’amour ». Voilà ce qu’il dit :

« [...] Je pense que pour recommencer au même niveau, avec la même intensité, il faut qu’un cycle se ferme et que se rouvre un autre, tu vois, c’est comme les histoires d’amour en fait, il y a des zones de vide et de plein, c’est super intéressant à analyser, même pour les mouvements politiques en fait, quand il y a eu une grosse explosion orgasmique, du 1er et du 8 [décembre 2018], en fait c’est pas facile d’en avoir tout de suite une autre de la même intensité... donc à chaque fois on est là comme aujourd’hui à essayer de retrouver cette intensité, il n’y en a pas. [...] Après ça dépend, comme les amants, il y a des gens qui ont des tactiques et des stratégies envers l’amour, et c’est la même chose : il y a des gens qui baisent avec beaucoup de gens, qui sont pour l’amour libre, et d’autres qui veulent le couple. Ça, c’est la différence entre les marxistes orthodoxes et les autonomes. Les autonomes, au moins les anarchistes autonomes, je pense que ça devrait être cette façon de rechercher toujours la puissance, de baiser avec beaucoup de gens. Alors que pour les staliniens, il n’y a toujours qu’un amour, c’est le parti, et donc... [...] »

Derrière ses fantasmes confus, il y a un comportement de prédation sexuelle avec des blessures réelles. « L’amour libre » n’est pas la liberté de consommer les corps sans consentement. Toute forme d’idéalisation de la politique anarchiste ou autonome par un discours sur le désir ou par quoi que ce soit qui recouvre de telles réalités nous donne envie de vomir.

Ce propos, son apparition, tout ça nous à décidé à écrire : avec elle, pour elle, mais aussi pour avertir les personnes qui ont pu ou pourraient être confrontées à lui.

À ce jour, Vittorio s’est contenté de nier et s’est soustrait à toute forme de dialogue sur la question. Aucune plainte n’a été déposée contre lui.

Les violences sexuelles ne devraient pas exister. Mais, malheureusement, les violences sexuelles existent dans tous les milieux, c’est-à-dire chez les révolutionnaires aussi. Lorsqu’elles ont lieu, la libération de la parole doit se faire. Pour cela, c’est aussi d’une révolution de l’écoute et de l’attention dont nous avons besoin.

Une victime de Vittorio, ses ami-es et ses camarades.

lundimatin c'est tous les lundi matin, et si vous le voulez,
Vous avez aimé? Ces articles pourraient vous plaire :