« Croit-on vraiment que, pour "gérer les foules", il soit assez de les faire disparaître ? »
Le 1er Mai est, en France, une institution ; nul ne soutiendra le contraire. Jour férié, chômé et payé, fête du travail pour les uns, fête des travailleurs pour les autres, le 1er Mai réconcilie le vieux modernisme pétainiste de l’État et des patrons français avec l’héroïsation de la condition ouvrière propre au stalinisme. Le temps d’une fin de l’Histoire de 24H, tout cela communie dans la même religion économique du progrès, et le même ennui. Le 1er Mai, c’est le jour du muguet, mais c’est aussi celui du République-Bastille-Nation. Ballons rouges, merguez et Zebda dans les enceintes pour recouvrir l’aphasie, la perte de toute perspective qui aille au-delà de l’état de chose présent. LO qui chante l’Internationale. Les anars en famille. L’affluence est variable, selon les défaites de l’année, l’ensoleillement et la longueur du pont. En 2005, on fit même d’une journaliste otage au diable vauvert l’icône involontaire de ces pompes. C’est dire combien on ne savait plus que célébrer, et que haïr.
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