Un proverbe arabe affirme sentencieusement « le temps est comme un sabre ; si tu ne le brises pas, il te brise. » La prison et à l’intérieur de la prison : l’isolement est l’endroit par excellence où tu peux expérimenter cet adage et te convaincre ô combien, il est cruellement vrai.
A raison de 23 heures sur 24 en cellule – mesures sanitaires obligent – le temps doit être méticuleusement aménagé, rationné, apprivoisé pour qu’il ne se retourne pas contre toi. Mais ce temps doit être utilisé à bon escient et c’est là que réside toute la difficulté.
Il est facile de céder aux longues heures assassines en te réfugiant dans le sommeil, en te disant que non seulement qui dort, dîne mais qui dort, s’évade aussi. Ce sommeil, hélas n’est pas un bon allié. Il ne fait qu’accélérer la déperdition vers une déprime se muant en dépression et rendant ce temps encore plus coulant, plus flasque, plus gélatineux.
Un autre chemin de traverse et de perdition incline à t’abreuver d’images télévisuelles ne faisant qu’intensifier ta rage et ta frustration.
Pour ma part, je m’emploie à briser méthodiquement le temps par la lecture, la réflexion et parfois l’écriture pour fourvoyer l’un de mes deux compagnons : la solitude, à défaut d’effacer mon ombre vagabondant pour mieux me rappeler mon existence.
Dans ce désert à perte de vue, le soleil vient illuminer parfois le ciel de camaïeux flamboyants et la pleine lune se cache derrière les nuages à l’orée de la nuit, telle une danseuse derrière un éventail ou un boa de crinoline.
Cet astre et ce miroir nous rappellent alors que la caravane des jours voguant vers notre liberté passe inlassablement.
Kamel Daoudi
Corbas, le 05/11/2020
(posté le 06/11)