Tai-Luc, martyr des quais de Seine

Par Mustapha Saha

paru dans lundimatin#407, le 13 décembre 2023

Paris. Dimanche, 3 décembre 2023. J’apprends la mort, le vendredi 1er décembre, de Tai-Luc, Nguyen Tan Tai-Luc, à l’âge de soixante-cinq ans, rocker franco-vietnamien, figure emblématique du mouvement punk, parolier, guitariste, chanteur, fondateur du groupe La Souris déglinguée, timonier du punkabilly, docteur en linguistique, enseignant à l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales de diachronie et synchronie taï-kadaï et de tham-pali du Laos, bouquiniste depuis 2016 Quai de Gesvres. D’après le témoignage de Jean-François Juvanon, dit Cambouis, batteur de la Souris déglinguée, il a succombé à un effort physique difficile, fatal. Il remontait, depuis plusieurs jours, un stock de livres dans son appartement en prévision de l’expulsion des bouquinistes par la préfecture de police. Le fétichisme olympique fait son premier martyr.

Je revois Tai-Luc le vendredi 17 novembre 2023 à l’occasion du test de démontage, en pleine nuit, de quatre boîtes par la mairie de Paris. Une logistique aberrante. Une affreuse mise en scène. Tai-Luc me paraît en bonne forme. Il doit m’accorder un entretien pour mon livre sur les bouquinistes. Nous convenons de nous retrouver dans les jours qui suivent. S’estompe un porte-parole de la diversité, de la multiculturalité, de la créativité. Un grand vide. Un trou noir.

« Je n’ai pas encore été / A la Cité des Anges / Mais mes copains m’ont dit / Que c’est mieux que toutes leurs cités / Alors je leur fais confiance / Car ils ont eu la chance / De descendre les rues / De la Cité des Anges / A la Cité des Anges / C’est là que je veux aller. »
(Tai-Luc).

Tai-Luc, ses erreurs. Ses dérives. Ses virages. Ses contradictions fécondes. Il s’égare. Il reprend un autre chemin. Ses publics se déchirent. Il ne voit que les étincelles. Son groupe de musique disparaît dans un naufrage politique. Il rebondit ailleurs. Notre dernier échange. « La vie nous ballote. Nous ne sommes pas le courant ». Je lui demande : « En tant que chanteur, tu avais la reconnaissance publique, la notoriété, la célébrité. La Souris déglinguée est entrée dans la légende du rock. Pourquoi es-tu-devenu bouquiniste ». Il me répond : « Par amour des livres. La bibliophilie, c’est cérébral. C’est mental. C’est aussi génétique. Un livre est une entité vivante, éternelle. Un livre qui vaut la peine bien entendu. Il nous regarde. Il nous accueille. Nous disparaissons. Il reste. Je n’achète que les livres que j’aime. Je ne vends que les livres que j’aime. J’aime les bords de Seine, malgré la pollution. Une brise du fleuve monte dans les narines. C’est le bonheur ».

Les caisses déplantées se soulèvent, sous projecteurs et gyrophares, comme des sarcophages. Simulacre d’enterrement. Je lis dans les yeux des bouquinistes, autour de moi, un mélange de tristesse et de résignation. Chacun voit ses propres caisses extirpées de leur parapet. Tai-Luc garde le silence. Les mots sont dérisoires dans ces circonstances. Un étrange étranger.

« As-tu déjà oublié / Que tu étais un étranger ? / Tu es né dans ce pays / Mais tes parents sont immigrés / Nous sommes tous des étrangers / Toi et moi des étrangers »
(Tai-Luc)

Le manifeste, à citer dans son essentialité, dans toute sa radicalité, dans toute son ambiguïté, est banzaï. Formule à double tranchant. Le mot japonais banzaï signifie Vive, Vive l’empereur, ralliement au divin personnifié. Littéralement, banzaï se traduit par dix mille ans d’âge, la durabilité, la pérennité. Usuellement, banzaï est une exclamation d’engouement, d’enthousiasme, d’euphorie. Liquidation de toutes les idéologies, de toutes les doctrines, de toutes les illusions, de toutes les chimères. Ne reste que le parti de la jeunesse, lui-même sans d’autre perspective que son autocélébration. Dôzo, shitaku wo shite kudasai, s’il te plaît, prépare-toi. L’incipit en japonais assomme d’entrée de jeu. Le spectateur n’en connaît pas la signification. Il n’entend que les sonorités, décochées comme des bruits de bottes. Eins, zwei, drei, un, deux, trois. L’allemand s’immisce comme une marche militaire. Le fascisme guette au coin de chaque révolte. Surgit le kiai, le cri de combat. Irashai, bienvenue dans la transe. La rime conduit l’errance à Port-bail-sur-Mer, petite commune normande, avant d’atterrir au Cambodge, suk sabai, bonne santé, tout va bien. Bo pen yang, mai pen rai, pas de souci, inutile d’y penser. Sawasdee Pee Mai, Bonne année. Se visite la Triade mafieuse de la Butte-aux-Cailles. S’adjurent les Kubilaï mongoles. Les racines vietnamiennes se rappellent à la mémoire. S’évoque le prince Bao Dai (1913-1997), dernier monarque de la dynastie Nguyen. Tai-Luc est lui-même un Nguyen. Il invente le mot musicomancie, en référence à la géomancie. La divination préside ses choix musicaux. S’étudient des livres d’alchimie. Éblouissante performance. Époustouflant périple quantique. Éblouissante performance. Technique parfaite d’hystérisation. Les guitares se déchaînent. Les saxophones s’enflamment. Une autobiographie truculente, buissonnière, hérétique. Tai-Luc manifeste, tout au long de sa vie, une double personnalité déroutante, déclencheuse et apaiseuse de passions collectives. S’il fallait une preuve de son érudition, cette complainte révèle ses multiples sources savantes et populaires.

« Dôzo, shitaku wo shite kudasai / Vas’y donne le tempo Johnny eins, zwei, drei / Je réquisitionne toutes les rimes en aï / Normal car après tout je m’appelle Luc Taï / Rien n’est préparé, aucun plan de bataille / On part à l’attaque on ne fera pas de détail / On entre en gare comme un train qui déraille / On est sur un bateau qui n’a plus de gouvernail / Ecoute, écoute Léo Féraille / C’est la nouvelle version remix de Paris-Canaille / Paris-Canaille, Paris-Canaille / Spéciale dédicace à toute la racaille / T’es mauvais garçon, kamikaze, tu pousses ton kiai / C’est ta jeunesse qui passe, synonyme de pagaille / Pour les bien-pensants, t’es un épouvantail / A l’est comme à l’ouest c’est l’heure des funérailles / Aux idéologies nous disons tous bye bye / Tous les conducators finiront sur la paille / A droite comme à gauche, il faudra qu’ils s’en aillent / Ici Paris, là-bas Shanghai / Il faudra qu’ils laissent la place aux nouveaux samouraïs / En Mandchourie ou à Port-bail / Allez les gars, en japonais irasshai / Impossible en amour d’être pour l’apartheid / Quand tu vois une geisha derrière son éventail / T’as envie qu’elle visite ton château de Versailles / Pour finir ai-no-kolida dans ton sérail / Comme disent les cambodgiens tout va bien suk sabai / Tu te fous de la musique, que ce soit du zouk ou du raï / Tu veux du Johnny Walker, pas du Canada Dry / Ce soir t’as tous les droits, t’es le prince Bao Dai / Suk sabai, suk sabai / Comme disent les cambodgiens tout va bien suk sabai / Suk sabai, suk sabai / Pourvu que ça dure longtemps mille et une nuits banzaï / Pendant ce temps dehors, il y en a qui travaillent / Ils refont les façades, retapissent les murailles / Ils mettent de la couleur sur une monde de grisaille / Les terroristes du graf ont le sens du design / Mais toi à même la peau tu portes ta médaille / Une personne crucifiée sur ton poitrail / Le style de tatouage pour plaire à ta Fräulein / Talisman idéal contre la mitraille / Tu sais que ce message sort de mes entrailles / Pas d’une bouche d’égout ou d’un soupirail / Je ne suis pas un curé qui s’adresse à ses ouailles / Mais je peux faire un sermon qui fait péter le vitrail / Je réquisitionne toutes les rimes en aï / Normal car après tout je m’appelle Luc Taï.

Capitale de la France tu es prise en tenaille / Cotise à la Triade, il n’y’aura pas de représailles / Du boulevard Masséna jusqu’à la Butte-aux-Cailles / Faudra que tu fasses avec les nouveaux Kubilaï / Car on est solide comme de la rocaille / Et quand on s’enracine, c’est comme le bonzaï / Sous le pont de Tolbiac on veut la rivière Kwaï / Je réquisitionne toutes les rimes en aï / Normal car après tout je m’appelle Luc Taï / Du barrage de Peyrefitte à Vélizy-le-Mail / Je connais trop bien la route, ma mémoire est sans faille / Que ce soit en marche commando ou en Ford granadaille / Que ce soit au fond du bus sur la banquette en skaï / Je suis partout chez moi, peu importe où que j’aille / Je le redis, je le répète, aucun doute ne m’assaille / De la Chapelle jusqu’à Raspail / Je suis partout chez moi, peu importe où que j’aille / Ceux qui vont plus loin prendront la Thai Airlines / Parce qu’avec les siamoises, ils veulent faire ripaille / Et qu’à certains psychotropes ils se ravitaillent / Tous les occidentaux philosophent comme les thaï / Sous un soleil de plomb, c’est bo pen yang, mai pen rai / Il y’en a qui vont faire du trekking jusqu’à Mae Saï / Il y’en a qui vont se faire masser à Chiang Raï / Il y’en a qui vont rester prisonniers à Chiang Hmai / A ces derniers je souhaite Sawasdee Pee Mai / J’espère qu’ils ne vont pas en prendre pour un bail / De vacances en zonzon, version Sukhothai / J’espère qu’ils vont acheter la police Thaï / Ou les poules auront des dents le jour de nos retrouvailles / Je réquisitionne toutes les rimes en aï / Normal car après tout je m’appelle Luc Taï.

« Je dépose à la Sacem le nom de Zhou En Laï / Ainsi que celui du Général Peng Dehuai / Passe moi un peu de miel, j’ai la voix qui s’éraille / Car depuis le début de cette chanson je braille / Moi pas raggamuffin, moi pas rastafaraille / Mais moi vraiment pas loin de la centième rime en aï / Au cœur de la Cité les enfants se chamaillent / Ils sont déjà adultes tout en étant marmaille / En bas dans l’escalier, ils fument des Lucky Strike / Ils défoncent les boites aux lettres à coup de Nike / Certains seront poètes, le bras armé d’un Mike / Et d’autres Easy Riders à cheval sur un bike / Il y’en a qui seront voyous, relous, ripoux, flicaille / Pour l’instant ils essaient la petite truandaille / Ils veulent tous faire du judo ou de la muay thaï / A-soto-gari ou de-ashi-barai ils font des randoris aï ya yai / Il n’a pas de tatamis, le ciment c’est duraille / Je veux garder pour moi ton atoll de corail / Je réquisitionne toutes les rimes en aï / Normal car après tout je m’appelle Luc Taï ».

Tai-Luc, témoin capital des frustrations post-soixante-huitardes, des amalgames idéologiques, des nihilisations dévastatrices. Un rebelle insaisissable, irrécupérable, irrattrapable. Une icône énigmatique. Tant de choses à dire. Rien n’est dit. Souvenirs de repaires insolites, de rencontres improbables. Les Frigos, pont de Tolbiac, ancien entrepôt frigorifique approvisionnant les Halles depuis la Première Guerre mondiale, désaffecté en 1971, friche industrielle transformée en ateliers d’artistes, studios de musique, salles de répétition. Territoire anachronique d’art contemporain. La Souris déglinguée y prend quartier. Autre endroit baroque. Bagnolet. Quartier de la capsulerie. Le Transfo. Ruine du capitalisme. Squat anarchiste. Bar et salle de concert. Un écriteau avertit : « Flics, politiciens, journalistes ne sont pas les bienvenus ». Tai-Luc, enfant paradoxal des banlieues déshéritées et du lycée Hoche de Versailles, hante les lieux.

Les premiers skinheads métropolitains surgissent aux Halles en 1977. Ils ne sont pas encore fascistes, glorificateurs de la race blanche. Beaucoup sont maghrébins des banlieues. Ils écoutent Nuclear Device et les Bérurier noir. « La jeunesse emmerde le Front national ». Devise « Ma religion est la bagarre, ma maison est la rue ». Puis, s’importe d’Angleterre l’idéologie suprémaciste. Gare aux basanés. Juifs, arabes, noirs, même racaille. Les immigrés se tabassent en plein jour. Le mitterrandisme ferme les yeux. Le chiraquisme se contente d’interdire les concerts nazis. Des Skinheads de gauche, les Red Warriors, ancêtres des antifas, se dressent contre les skins fafs. Ils sont libertaires. Ils portent des blousons bombers, des jeans délavés, des tee-shirts frappés d’une étoile rouge. Ils sont armés de gants plombés, de bagues de combat, de chaînes de vélo. D’autres groupes similaires, les Redboys, les Lenin Killers, Les Dukcy Boys s’affirment. Ils reprennent les Halles aux skins d’extrême droite. En 1988, Julien Dray, cofondateur de SOS Racisme les embrigade dans son service d’ordre. La Souris déglinguée, dans ces années quatre-vingt, tient le haut de l’affiche.

Tai-Luc pense depuis un certain temps à une comédie musicale sur les bandes des années quatre-vingt. Il n’aura pas eu le temps de la réaliser.
« Rockers. Combien y a t’il de samedis soirs / Pour tous les gens comme toi et moi ? / Combien y a t’il de faux espoirs / Au fond du coeur de la jeunesse ? Combien y a t’il de lundis matins / Pour la main d’oeuvre bon marché ? / Combien y a t’il de lundis matins / Pour les Rockers manutentionnaires ? / Combien y a t’il de Skins rocks rebeux / Sur la place de la République ? / Combien y a t’il de Skins rocks rebeux / Dans les sous-sols de Prisunics ? / Combien y a t’il de samedis soir / Pour tous les Rockers solitaires ? / Combien y a t’il de lundis matins / Pour les Rockers manutentionnaires ? / Rockers ! » (Tai-Luc).

Tai-Luc se rattache, dès le départ, à la culture punk, traduisible par sans valeur, qu’il a su singulariser, diversifié, enrichir d’affluents américains, jamaïcains, asiatiques. Il se définit comme libertaire, antiautoritaire. Le mouvement Punk est, avant tout, une révolte radicale contre l’ordre établi. Le slogan No futur est souvent mal interprété. La phrase complète est : No futur for you. Pas d’avenir pour les bourgeois, les bien-pensants, les conservateurs. L’alternative est Do it yourself, faites le vous-même, résistance contre la société de consommation, ses tentations, ses aliénations. L’idéologie punk est un avatar de Mai 68, filtré par les désillusions insurrectionnelles, la glaciation culturelle des années giscardiennes, la mercatique festive de l’époque mitterrandéenne, les ravages sidaïques. Tout se joue ici et maintenant dans la spontanéité, l’instantanéité, la synchronicité, sans pour autant tomber dans la négligence, la désinvolture, l’imprévoyance. Craig O’Hara démystifie les préjugés de désinvolture, de cafouillage, de pagaille. Il s’agit au contraire d’une éthique d’autogestion, d’autoproduction, d’autogouvernement, d’entraide. « Les punks sont anarchistes, antiracistes, antisexistes, antispécistes, une posture égalitaire qui les rend hostiles, déraisonnables, insupportables. »  [1]

Certains considèrent les punks comme des adeptes du cynisme et du nihilisme de Diogène de Sinope. Les cyniques plaçaient comme vertu l’autosuffisance, l’art de se passer du superflu, de se contenter de peu. Le punkisme, comme le cynisme, se veut la voie la plus courte vers la philosophie. Luc-Taï est l’exemple même de la capacité d’accéder au statut d’universitaire sans renoncer à la punk attitude. Joe Strummer (1952-2022), leader du groupe The Clash, précise : « Le punk rock est une volonté de se conduire avec le genre humain d’une manière exemplaire. Le punk n’est pas un semeur de désordre comme certains crétins s’imaginent ». Le pouvoir diffuse des modèles de comportement, de consentement, d’assujettissement. Le conformisme est une servitude volontaire. L’appropriation de sa propre vie, l’échange équitable avec l’autre, suppose le mépris des observances, des convenances, des connivences. Tai-Luc choisit d’être bouquiniste pour s’affranchir de toute dépendance.

Le mouvement punk est une éthique du bricolage. « L’héritage punk est une mise en œuvre immédiate de la culture de base. Le mouvement punk est culture dégradable. Les fanzines, les flyers, les posters sont fabriqués à bas prix, à la sauvette. La photocopieuse était reine. Les originaux sont souvent égarés. » [2] Le mouvement punk, c’est aussi la poésie. Dans les boîtes de Taï-Luc des figures littéraires. Grandes espérances de la poétesse et romancière newyorkaise Kathy Acker (1947-1997), traduction française éditions Christian Bourgois, 1993. Le titre s’emprunte à Charles Dickens. Les citations se mélangent au récit. Le livre se lit comme une visite dans une exposition d’art contemporain. Une langue crue. Un style déstabilisateur. Des émotions vives, en éclats. Narration transgressive. Écriture excessive, abusive, prohibitive. Georges Bataille se glisse sous le tapis. Les premières traductions françaises de Patti Smith, Babel, éditions Christian Bourgois, 1981. Ecriture automatique. Kaléidoscope d’images oniriques. « Ceux qui ont souffert comprennent la souffrance. Ils tendent la main. La tempête qui déchire rend aussi fertile. Bénis soient l’herbe, le buisson d’épines et de lumière ». Patti Smith, La Mer de corail, éditions Tristram, 1996. Photographies en bichromie de Robert Mapplethorpe, Lynn Davis, Edward Maxey. « Il avait ignoré la nature. Il se tournait désormais vers elle pour son salut. Il faisait la paix avec elle. Il s’inclinait devant ses mystères ».

Tai-Luc vit dialectiquement entre plusieurs univers. Son univers américain, c’est la Beat Generation. Vivre la béatitude au rythme de jazz. « Les fous, les marginaux, les rebelles, les anticonformistes, les dissidents, tous ceux qui voient les choses différemment, qui ne respectent pas les règles, ils inventent, ils imaginent, ils explorent. Ils créent, ils inspirent. Ils font avancer l’humanité. Là où ils ne voient que folie, nous voyons du génie. Car seuls ceux qui sont assez fous pour penser qu’ils peuvent changer le monde y parviennent. » [3]. Beat désignait au dix-neuvième siècle le vagabond voyageant clandestinement dans les trains de marchandises. Le jazz adjoigne un sens supplémentaire, une manière de traverser l’existence. Tai-Luc se représente clochard céleste. Je le revois stoïque devant ses boîtes, son temple. Son crâne rasé. Son turban birman. Un ermite. Un anachorète. En 2007, Tai-Luc sort son unique album solo, Jukebox. Il reprend des morceaux de Velvet Underground, de Lou Read, de John Cale, Pale Blue Eyes, Femme fatale, Perfect Day, Sunday Morning, du country avec I Saw de Light de Hank Williams, du rockabilly avec Take Me Like I Am, du jazz avec Walk Don’t Run de Johnny Smith. Le spectre de Nico plane. Il chante Le Temps des cerises de Jean-Baptiste Clément en hommage à son grand-père. Son testament.

Mustapha Saha
Sociologue

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[1Craig O’Hara, Philosophy of Punk, More Than Noise, AK Press, 1995, traduction française La Philosophie punk, histoire d’une révolte culturelle, éditions Rytrut, 2004).

[2Johan Kugelberg in Punk, An Aesthetic, traduction française Punk, une esthétique, éditions Rizzoli, 2012.

[3Jack Kerouac, 1922-1969, Sur la route, traduction française éditions Gallimard, 1960

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