Résistance solidaire

Photo-reportage à l’Auberge des migrants par Yves Salaün

paru dans lundimatin#177, le 4 février 2019

Les Nouveaux Justes

« Peu importe les raisons qui nous poussent à venir ici. Quand on vient ici, même si cela est purement égoïste, même si ton action ici est de neplier que des jean’s toute la journée, et bien, c’est bien ! C’est un acte de résistance. Tu fais parti d’une chaine ici. Nous sommes des résistants... des Justes...nous sommes les Justes d’aujourd’hui. »

C’est une phrase entendue de la bouche d’un bénévole travaillant à « l’Auberge » depuis presque 7 mois. C’est ce témoignage et cette réflexion marquante, attrapés entre deux cafés en fin de journée, que j’ai voulu mettre en avant suite aux quinze jours passés à photographier la Warehouse.


L’ Auberge des Migrants a fêté ses 10 ans au mois de décembre 2018. Dix années d’actions de solidarité pour les migrants et les exclus en Calaisie. Aujourd’hui c’est près de 1000 repas par jour qui sont produits pour les bénéficiaires de Calais et Dunkerque, ainsi que pour les bénévoles via l’association RCK. Par Utopia 56 et Help Refugees, c’est une aide directe sur le terrain pour 600 personnes dans les environs de Calais, par des distributions de vêtements, de tentes, couvertures et produits de premières nécessités ainsi qu’une aide d’urgence au mineurs isolés. Toute cette aide ne pourrait avoir lieu sans la warehouse, gérée par l’Auberge de Migrants qui vient regrouper une dizaine d’ossociations. Un sanctuaire de l’aide humanitaire en Calaisie où sont stockés les dons reçus de partout en France. Dans ce hangar mal isolé et mal éclairé est opéré tout un travail de tri, de réparation et remise en condition des produits reçus.

Une chaine fragile de travaux bénévoles permettant l’action sur le terrain. Et cela au prix d’un dévouement total des personnes travaillant ici, par des actes résignés, toujours dans la légalité, mais opérant avec une épée de damoclès que des institutions publiques insidieuses peuvent faire tomber à tout moment (Voir à ce propos le projet de loi sur le délit de solidarité). Associations et bénévoles sont des gardes fous face aux répressions policières et politiques envers les Migrants. Ces associations deviennent malgré elles et par leurs actes, les garant d’une humanité et du lien social factuellement mis à mal par les politiques locales et européennes. Elles deviennent des « Zones de Pensées à Défendres ». Car, au cours de ces quinze jours passés à photographier ces bénévoles dans la rigueur de conditions de travail extrêmes, j’ai pu rencontrer tout le spectre social Français et étranger, unis dans l’entre-aide, unis dans l’adversité au-delà d’un ennemi commun travaillant à un rêve commun.

Bénévoles : entrer en résistance

Le Bénévolat qui est devenu aujourd’hui, – à défaut d’être une bonne excuse pour l’État de se retirer de ses obligations sociales –, un nouvel acte de résistance politique. Les gens se retrouvent, et s’organisent dans la légalité et offrent de leurs temps. Souvent quittent leurs travail, sortent de leurs zones de confort et prennent de leurs économies pour se donner corps et âme dans l’aide humanitaire.

À leurs niveaux, certes, mais même si cela reste une goutte d’eau, même si ces micros actes de bravoures humaines ne s’inscrivent pas dans de la contestation politique direct et frontale face aux institutions ils font partie de la machine de contestation.

Ils sont les nouveaux résistants, les nouveau Justes. Et même si ce terme de Résistants et de Justes venant du lexique de la seconde guerre mondial ; que les nations s’empressent de commémorer dès qu’une date le permet, peut paraitre trop éloigné ou tiré par les cheveux, il n’en est pas moins évident que les gens qui se jettent dans ce genre d’aventure ne le font pas pour la gloire. Mais bien par une conviction profonde que l’injustice réveille. Et se retrouvent souvent en porte à faux face à une société qui les dévalorise, et subissent non pas le poids du risque
d’être torturé ou exécuté mais bien le poids insidieux de la machine institutionnelle, qui, à coup de procès verbaux à répétitions, et par différentes tentatives de criminalisation de l’acte de solidarité, essayent en vain de casser le lien humain qui définit notre lien social.

Alors il ne font pas dérailler des trains, ne font pas sauter des ponts et ils n’assassinent pas des hommes en uniformes. Ils font à manger, trient des vêtements tout le long de la journée, réparent des tentes et les distribuent à des personnes dans le besoin, et se mettent en danger allant la ou l’urgence humanitaire l’impose. Ils sont Français, Britanniques, Allemands venant de n’importe quel milieux social. Ressentant le malaise humain au plus profond de leur être. Ils ne peuvent rester sans rien faire face aux institutions qui ne répondent en rien à leur idéal de vie, ils rentrent en Résistance
Bénévole.



















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