OLÉODUC ou aujourd’huile

paru dans lundimatin#340, le 29 mai 2022

la part des anges / le cœur des autres,
je ne sais pas trop quoi te dire.
l’âme est sûrement un instrument
on peut faire d’la musique avec

je ne sais pas c’que c’est qu’aimer
et puis c’est pas toujours pareil
je sais qu’on aime comme on transpire
parce que des fois on transpire pas
je sais que moi je t’ai aimé.e,
et comme on aime la musique
je sais que quand on aime on compte,
et des fois on s’gourre dans l’calcul
le déo c’est l’arnaque du siècle
on est les enfants du désastre
on est né.e.s. dans une époque crasse,
intolérante intolérable
c’est pas tant qu’ça a mal tourné
c’est que ça s’est exagéré
les humbles les simples et les gentils
ne veulent pas prendre le pouvoir
étrange poison
et les connardes et les taré.e.s
y vont à fond
depuis qu’j’suis née ça sent la fin
la grosse et sale fin de soirée
y’a des tickets d’métro par terre
et des vieux mégots dégueulasses
qui jonchent le sol de bitume gris
et vont rejoindre les corps humains
des gens qui, éclatés au sol,
jonchent le jour
emmerdent la lune
tous.tes.x imbibé.e.s.x
mais imbibex de quoi, saigneur ?
je n’en sais rien
moi mon surnom c’est Jean C’est-rien
j’me dis que tout va bien aller
qu’après tout les gens sont bourrés
quand on est saoul.x ça pax mieux
je les imagine déprimex
désespérex les corps au sol
l’orgueil des pauvres je n’aime pas ça
je les veux en larmes et mendiant
pas trop sûrs d’eux
je suis la gauche et j’fais au mieux
je suis la ville et je me vide
le bitume fond
ça pue la merde dans les maisons
les nappes phréatiques se déchaînent
et le Sénat en est recouvert
démocratie excrémentielle
on est envahi.e.s.x de crabes rouges
aux pinces longues
qui viennent racketter les mamies
il fait si chaud
je m’rappelle les années 2000,
on croyait encore qu’les odeurs
ça pouvait p’tet se contrôler
fallait encore quitter l’Europe pour découvrir
qu’ailleurs ça pue ou ça sent fort
maintenant c’est dans toutes les chaumières
chaque mètre carré vaut 1 million
et toute les surfaces ramolissent
c’est devenu l’été des charognes,
ça sent le cadavre à paillettes
va falloir qu’on s’y habitue
au début c’était qu’la transpi,
maintenant c’est carrément aut’chose
va savoir quoi
c’est redevenu ce que c’était,
on cueille et on chie dans les coins
depuis qu’j’suis née les gens ont faim
soif d’amours et d’amitiés
soif d’attachements accélérés
on rêve d’être uniques, différent.e.s,
en fait on était épargné.e.s
jusqu’à c’qu’arrive le ras-de-marée
jusqu’à maintenant et aujourd’huile
bon bah voilà ça y’est : dézo
c’est mon poème collapso
en plouf hommage à Calypso
on sait qu’c’est pas la faim d’tout l’monde
tout est r’latif
y’en a qui sont sur des roof tops
et d’autres qui avalent la rue
pendant ce temps des enfants naissent
le soleil se couche tous les jours
(en tout cas de là où j’habite)
les sécheresses se multiplient
et je vois sur mon téléphone
qu’il ne pleut plus en Éthiopie
la courtoisie existe encore,
entre personnes bien habillées
on s’entrastique le déni
et l’antarctique lui-même s’oublie
on ne parle pas de catastrophe
y’a des usines spécialisées
dans la fabrique de barbelés
qui comme les crochets des hameçons
pour attraper de gros poissons
entrent dans la peau mais n’en sortent pas
c’est la dentelle de notre Europe
c’est c’qu’on nous vend comme de la paix
 : des humains morts écorchés vifs
accrochés sur des barbelés
il m’arrive de pleurer de honte
et parfois de pleurer de joie
mais aujourd’hui j’sais plus pourquoi

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