- Première note : Le surcapitalisme est la recherche de l’immortalité sur fond d’écocide.
Explication : Le capitalisme est entré dans une nouvelle phase caractérisée par la question de la survie, qu’il faut entendre en deux sens, pouvoir subsister et trouver une sur-vie : une super-vie au-delà de la vie, une forme de vie persistant après la mort biologique. Le surcapitalisme est donc un capitalisme de survie.
Scholie : On pourrait croire que la recherche du profit su !t à expliquer les comportements des plus riches. Mais ces derniers sont désormais aussi les capitaines de l’industrie technologique de pointe, et celle-ci a dans le transhumanisme le trésor de son sens : devenir immortel grâce à la technologie (cryogénisation, uploading du cerveau sur une machine, fusion dans la Singularité, etc.). Ainsi Peter Thiel, dans un fameux article de 2009 où il annonce : « je ne crois plus que la liberté et la démocratie sont compatibles », précise : « Je m’oppose aux impôts confiscatoires, aux collectifs totalitaires et à l’idéologie de la mort inéluctable de chaque individu » [1]. Ramener la mort à une idéologie (de gauche) est l’opération méta-politique fondamentale du surcapitalisme.
- Deuxième note : La réponse à la contradiction à laquelle s’affronte le surcapitalisme est l’ia, qui élimine l’humanité restante tout en préparant la sur-vie technologique.
Explication : Les conditions de possibilité de reproduction de la vie s’érodant, les techno-milliardaires craignent de ne pas avoir assez de temps pour devenir immortels, de ne pas survivre assez longtemps pour inventer leur sur-vie et réaliser le projet transhumaniste de réincarnation numérique. Telle est la contradiction à laquelle ils s’affrontent : comment être immortels sur une Terre à l’agonie ? Il est donc nécessaire pour eux – des hommes essentiellement : le transhumanisme est un androcentrisme – de se réserver les dynamismes terrestres, de les orienter massivement et exclusivement afin de satisfaire leur projet technologique ; mais que faire de l’humanité restante, c’est-à-dire la quasi-majorité de la population mondiale fors les plus riches ? L’ia est la solution à ce problème : elle rend superflue l’humanité restante en la remplaçant, et elle prépare la survie technologique en calculant le taux optimal de désincarnation de l’humain-en-trop.
- Troisième note : L’impérialisme cherche des terres pour l’ia.
Explication : Le capitalisme de survie a besoin des ressources naturelles, énergétiques, etc., et doit donc s’allier avec une force impériale, quelle qu’elle soit (Nord-Américaine, Chinoise, Indienne, etc.) qui saura éliminer ou éloigner les populations indésirables – aucune monarchie texane ou moyen-orientale n’est possible sans force impériale capable de maintenir le souverain sur un trône numérique, dont les matériaux sont disséminés sur la planète. D’où le terme impérialisme, qui montre un nouvel agencement économique, politique, et technologique qui ultimement vise une expansion verticale (l’expansion horizontale est tactique). C’est l’expansion verticale qui signe la fin de la globalisation.
Scholie : L’impérialisme n’est pas pour autant déchargé des pulsions impériales racistes classiques, qui peuvent tout à fait s’accorder avec celles du surcapitalisme et son choix génocidaire généralisé. Le génocide des Palestinien. nes se poursuit aujourd’hui par un genocidal design, consistant à remplacer une population par un complexe touristique soumis à un strict numerus clausus. Le genocidal design est l’essence architecturale du surcapitalisme.
- Quatrième note : Un État impérial a pour fonction de faciliter par tous les moyens (lois, absence de lois, police, information répressive) la tâche du capitalisme de survie, liquidant peu à peu toute résistance à l’infiltration de l’ia.
Scholie : Chaque État périphérique inféodé à l’État impérial central sera la courroie de transmission d’une telle facilitation.
- Cinquième note : L’infiltration de l’ia perfuse le non-monde dans le monde.
Explication : Sous sa forme actuelle d’ia générative, l’ia est sans monde. Elle se réduit à des corrélations statistiques et sans relation aucune à un référent. Plus l’ia prend possession (littéralement) des activités cognitives humaines, plus s’automatise non seulement ces activités mais le champ même de la décision, plus disparaît l’épreuve du monde, son expérience affective et risquée. Le non-monde envahit le monde d’un vide imperceptible, trauma d’un trauma, inexpérience d’une expérience évanouie.
- Sixième note : Le surcapitalisme se confronte à la baisse tendancielle du taux d’intelligence générale.
Explication : plus les activités cognitives sont prises en charge par les ias et plus la décision s’automatise, plus l’intelligence humaine dépérit. Mais plus l’intelligence humaine disparaît, plus l’ia générative ne traite que les données qu’elle-même produit et reproduit en empêchant toute divergence. C’est peut-être là une contradiction au cœur du fascisme artificiel.
- Septième note : En régime surcapitaliste achevé, l’esprit disparaît.
Explication : Appelons surcapitalisme achevé l’éventualité de sa réussite. Dans un monde fragmenté composé d’éclats de sociétés hyper-homogènes sous contrôle d’un Immorthiel, le capitalisme de survie est parvenu à éliminer ou réduire drastiquement l’humanité restante ; ne subsistent que des individus dans les interstices des sociétés. Mais le processus qui a conduit au surcapitalisme et à son impérialisme a aussi conduit l’ia à modeler la sur-vie technologique, qui est par conséquent homogène et vide.
- Huitième note : Le surcommunisme est l’autre avancé du surcapitalisme.
Explication : Nous revient de l’horizon sinistre du surcapitalisme un surcommunisme dont l’enjeu est de désactiver la possibilité du surcapitalisme en comprenant la logique du capitalisme de survie, la fascisation imperiale qu’il induit, la fonction politique de l’ia, et les faisceaux de bêtise du fascisme cognitif. Le surcommunisme ne vise pas l’immortalité, mais la résurrection.
Scholie : il est deux façons d’interpréter ce qu’écrit Peter Thiel dans l’article de 2009 plus haut cité où il annonce : « je ne crois plus que la liberté et la démocratie sont compatibles ». La première consiste à déplorer et condamner, moralement, le rejet de la démocratie que Thiel effectue au nom de la liberté capitaliste. La seconde consiste à le prendre aux mots : oui, la démocratie est incompatible avec une licence donnée aux plus-que-riches de détruire ce qui n’est pas eux et de se réserver la Terre. Cette incompatibilité majeure dessine le nouveau front de la politique : ou bien l’auto-défense des peuples contre la guerre du surcapitalisme, ou bien la barbarie du fascisme artificiel.
- Neuvième note : L’amachine est (non-)commune.
Explication : Il est tentant de faire de l’amachine un messie.
Ce serait au risque de manquer que, comme l’écrit Gabriel Hagaï (cf. note en bas de page 224), c’est le messie qui nous attend. L’amachine est l’attente qui creuse le fond sur lequel nous nous tenons et le sans-fond local qui en résulte. Ni humaine, ni machine, l’amachine nomme ce qui n’est pas même subsumable sous du commun : elle est (non-)commune, car 1) elle donne lieu au commun mais 2) s’affranchit de ce qui ferait de ce commun une substance appropriable. L’amachine indique le (non-)commun de notre commune humanité.