La police tue, les tribunaux accablent et tout est chaos

Récit des comparutions immédiates du 1er Juillet au tribunal de Bobigny
[Riposte Collective]

paru dans lundimatin#390, le 6 juillet 2023

Pour répondre aux directives du ministère de la justice et traiter le nombre massif d’interpellations de cette dernière semaine, dans plusieurs tribunaux en France les audiences s’enchaînent et les peines pleuvent. A Grenoble et à Nanterre, des chambres de comparution immédiate sont exceptionnellement ouvertes le dimanche : c’est la période des soldes, mais ici les remises sont rares, et l’enjeu est de repartir les mains vides. Pour rappel, les audiences sont ouvertes au public : des amis de la Riposte Collective se sont donc rendus samedi après-midi au Palais de Justice de Bobigny, et nous en livrent un premier récit, agrémenté de quelques judicieux conseils de défense.

Mardi 27 juin la police assassine Nahel. Nanterre s’embrase, la révolte grandit en banlieue parisienne puis dans tout le pays, se dirigeant vers les condés, les vitrines, les marchandises, les administrations, les bâtiments du pouvoir et de l’oppression et les lieux d’habitation de ceux qui nous dirigent.

En 3 jours, l’attaque au porte-monnaie de l’Etat que constituent les dégradations et les autoréductions est plus importante que celle du mois d’émeute de 2005 et qu’au cours de la révolte des Gilets Jaunes. En conséquence, depuis mercredi on dénombre plus de 3000 arrestations, un bon nombre de placements en détention mais on observe aussi une police sur-armée mise à l’amende par une simple tactique du mordre et fuir.

Cette révolte massive effraie et provoque la panique réelle des bourgeois : l’Etat déploie un arsenal monstre pour tenter de la réprimer dans la rue, dans les termes qu’elle emploie et dans les tribunaux. Aussi, Darmanin a convoqué vendredi les représentants de Meta, Snapchat et Twitter pour tenter d’endiguer l’organisation du mouvement.

Face à la révolte la répression frappe. Les tribunaux c’est la boucherie, on le sait. Mais cette fois c’est différent, le mouvement de révolte offensif et populaire sort du cadre toléré par l’Etat bourgeois et ses chiens de gardes.

Pour rappel, Dupond-Moretti a publié une circulaire vendredi 30 juin, demandant une réponse pénale ferme et donnant des directives sur les chefs d’inculpation, l’usage de la détention provisoire et des contrôles judiciaires. Ces préconisations ont été suivies à la lettre par le procureur (représentant du ministère public au tribunal) et par le juge. Cette intrusion du ministère dans les affaires du tribunal, loin d’être isolée, fait déjà ses effets : la répression est bien plus sévère que ce que connaissent les mouvements syndicaux et autonomes, les peines sont plus lourdes et répondent directement à une politique raciste. Exceptionnellement, des chambres de comparutions immédiates ouvrent le dimanche à Nanterre et Grenoble notamment, à Marseille un juge interdit aux avocates de visiter les prévenues en GAV « pour leur sécurité ».

Samedi 1er juillet, 13h30 au Palais de justice de Bobigny (93), les audiences en comparution immédiate débutent. Comparaissent des jeunes manifestantes arrêtées lors des émeutes en Seine-Saint-Denis cette semaine. Nous proposons un récit de ces audiences.

Les prévenues ont toutes accepté la comparution immédiate, répondu aux enquêtes de personnalité et fait des déclarations lors de leurs auditions en garde à vue.

Les quatre premières personnes à comparaître ont été arrêtées dans des contextes différents à l’intérieur du magasin Carrefour de Saint-Denis après une autoréduc. Elles sont accusées de groupement en vue de commettre des dégradations ou des violences et vol (requalifié en tentative de vol). Elles ont toutes répondu à l’enquête sociale et présentent des profils très différents. Refusons de nous défendre sur ce que nous sommes : l’enquête sociale est un outil discriminatoire permettant aux juges d’envoyer les personnes considérées comme moins bien « intégrées » en prison en se donnant bonne conscience.
L’une s’est faite choper avec un gros carton dans les mains, pour les autres ils n’ont rien d’autre que leurs déclarations en GAV, et quelques éléments flous sur leurs téléphones. Ne RIEN DÉCLARER, c’est se protéger soi-même et les autres : le commissariat, ce n’est pas l’endroit où se défendre.
« Pour faire passer un message », le procureur requiert 6 à 12 mois ferme avec mandat de dépôt. Le juge les condamne à 6 mois de prison ferme avec mandat de dépôt.

Les trois personnes suivantes sont accusées de violence avec arme par destination. Le juge veut renvoyer l’audience, prétextant qu’il y a trop d’avocats (3 avocats pour 3 prévenus) et que ceux-ci demandent à auditionner un témoin ainsi qu’étudier des images de vidéosurveillance. Les avocats insistent pour que l’audience se tienne car ils ont tous les éléments pour plaider la relaxe pour un prévenu au moins et le témoin est présent dans la salle. De plus, en comparution immédiate, c’est un droit de la défense d’auditionner un témoin sans avoir à le présenter.
Le procureur, sans argument, ne s’oppose pas au renvoi demandé par le juge. L’audience est renvoyée au 04 août et les trois prévenus sont envoyés en détention provisoire.

Un jeune homme a été arrêté près du Carrefour de Saint-Denis pendant que les flics se faisaient arroser par un groupe de manifestantes, il a répondu à l’enquête sociale et présente un profil très avantageux (scolarité exemplaire, joue dans un club de foot, participe à des maraudes avec une association). Accusé de violences avec arme par destination, le dossier, à charge, est complètement vide. Seules preuves : certains éléments sont trouvés dans son téléphone (ne prenez pas votre téléphone en balade et ne donnez jamais vos codes de téléphone, c’est se protéger soi et les autres d’éléments compromettants).
Le procureur requiert 6 mois ferme sans mandat de dépôt ou 240 heures de TIG avec interdiction de paraître à Saint-Denis pendant un temps donné. Il est relaxé, et c’est le seul aujourd’hui.

Le dernier prévenu à comparaître ce samedi est accusé d’avoir jeté un bidon dans un feu au pied d’une caméra à Drancy (se préserver des images de vidéosurveillance est essentiel). Son avocate raconte lors de l’audience que des BACeux l’ont frappé lors de son interpellation, ont glissé un mortier dans sa fouille et l’ont encore une fois frappé au dépôt devant son avocate et la procureure. Il est accusé d’attroupement, dégradations et violence sur PDAP (personnes dépositaires de l’autorité publique). Il reconnaît les dégradations et l’attroupement, pas les violences. Il est condamné à 7 mois de prison ferme en semi-liberté. A noter que les violences dont il a été victime au dépôt ont mené à remplacer les flics de l’audience par des membres de la BAC, l’un d’eux gardant sa gazeuse à la main pendant toute l’audience.

A qui se le demandait encore, le tribunal et le commissariat ne sont pas des confessionnaux : la vérité importe peu et nous importe peu. Les juges et la police sont là pour punir, personne n’y accordera le pardon. Face à eux nous avons seulement à nous défendre. En premier lieu, ne rien leur donner : ne rien déclarer à l’OPJ ni à aucun sous-traitants de la justice (enquêteurs sociaux, médecins et autres sous-flics),« JE N’AI RIEN A DÉCLARER » est la seule ligne de conduite souhaitable. En second lieu, ne pas les laisser nous juger abusivement, quoique nous ayons fait : REFUSER la comparution immédiate qui nous empêche de nous défendre et exiger un délai. Les agents de police sont eux mêmes incapables de respecter leurs propres procédures, il suffit d’observer leurs minables PV pour y trouver de nombreuses failles.

Organisons-nous face à la répression : on a raison de se révolter !
Pour la dolce vita, riposte collective

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