Parce que sinon, il paraît c’est très difficile (impossible ?) d’envoyer directement de l’argent sur un compte dedans, un compte dans Gaza, un compte à la Banque de Palestine depuis un compte dehors, son compte en France, par exemple. Je confirme. Mon honorable correspondant palestinien à Abu Dhabi avait pour mission de récupérer en cash l’argent là-bas que je lui envoie par WU et ensuite de le mettre sur son compte – double compte, donc – pour l’envoyer ensuite sur un autre compte qu’il a sur la Banque de Palestine. Commission. Commission. Commission. Je vous raconte. Non, avant de vous raconter, je termine avec Western Union. Ma banque m’a envoyé un sms de vérification, à peine avais-je cliqué comme il fallait sur le site de WU pour que l’argent file vers Gaza. J’ai dû rappeler ma banque. Une pauvre petite banque de fonctionnaires qui me vole légalement, coutumièrement, sur chaque petit service qu’elle me rend, je m’y suis habituée avec le temps, j’ai 52 ans. J’ai dû l’appeler, la banque ; pour lui dire : « oui, c’est moi qui cherche à envoyer 500 balles à Abu Dhabi ». Au téléphone, on m’a dit « ok ». Je me suis aussi dit dans ma tête : « ok ». Je me suis dit « ok » mais en réalité je suis assez contente. On m’avait dit : « Taka essayer Boursorama ». « Taka essayer Paypal ». « Taka ». Taka. Taka. Wu : ça marche !! Je me suis précipitée sur ma messagerie sécurisée pour prévenir les gens auxquels je veux envoyer de l’argent. Depuis l’expansion de la guerre au Liban, je vis dans l’angoisse du gruyère des télécommunications mondialisées. Et si le téléphone de mes correspondants sur place à Gaza explosait à cause de whatsapp pour les mutiler et les tuer ? Tout est possible. Tout. Moi qui ai toujours trouvé parano et l’extrême gauche avec sa peur de l’espionnage, je suis devenue une immense paranoïaque. Donc, je vais sur ma messagerie sécurisée et j’annonce « OUAIS j’ai réussi ! ». L’honorable correspondant s’est pointé le lendemain matin à Abu Dhabi pour prendre l’argent. En fait, non. J’avais pas réussi. On lui a dit que l’argent était bloqué en France.
Or c’était déjà la troisième fois déjà que j’essayais, le troisième moyen que j’essayais pour envoyer de l’argent à Gaza.
La semaine dernière, le gars qui a écrit Le Temps des pourris qui sort en ce moment dans toutes les bonnes librairies avait envoyé pour moi la même somme depuis sa banque. Au départ, ça se profilait bien, paf, on a mis l’Iban du dispatcher sur place à Gaza. Le formulaire a avalé l’IBan, le swift et le Bic. Mais ensuite, plus rien. Plus rien ne s’est passé. Quelques jours plus tard, des questions en anglais ont été adressées au mec en question qui a écrit le livre sur les pourris d’aujourd’hui : Qui ? Pourquoi ? Combien ? Marie nous a appris que c’était une banque intermédiaire qui posait ces questions, comme dans un aéroport en transit, faut que tu remontres pattes blanches en cours de transaction. On a répondu, on a appelé la banque, la banque a dit « ok », on a répondu « ok », et je m’étais ensuite précipitée pareil sur la messagerie sécurisée pour dire « OUAIS c’est ok » comme je ferai ensuite avec WU. Et puis en fait ce n’était pas « ok » bien sûr. A l’heure où j’écris, ça bloque toujours.
J’avais prévu ici de raconter les autres moyens qu’on a utilisés depuis. Tous les détails, tous les « ok », « pas ok ». Pour dire ensuite ce qui a marché, ce qui n’a pas marché. Mais j’ai déjà plus le courage, pardon. Là-bas, sur la messagerie sécurisée, ils sont gentils. Ils sont patients ? Je sais pas. Il crient pas. Ils attendent. Silence. Silence. Silence.
7 septembre 2025
Arthémis Johnson