De l’autorité des professeurs

Prolégomènes à la grève du 1er février

paru dans lundimatin#413, le 30 janvier 2024

Alors qu’un mouvement de grève dans l’Éducation nationale est annoncée ce jeudi 1er février, des professeurs exemplaires nous ont adressés ces quelques remarques préliminaires sur l’air du temps, la condition professorale et le rapport sain et nécessaire qu’il s’agit de maintenir quant à l’autorité.

Il arrive que les cordonniers soient les plus mal chaussés. De même, les professeurs, souvent très cultivés, prennent parfois des libertés avec le sens des mots.

“You see in this world there’s two kinds of teachers my friend...”

Ces messieurs qui nous gouvernent leur vendent à intervalles réguliers des promesses de “rétablissement de l’autorité”.
Ces coups de mentons médiatiques se traduisent depuis quelques années par des dérives policières très concrètes
une criminalisation de la jeunesse à faire pâlir une ordonnance de 45,
l’abjecte individualisation croissante de l’échec,
la multiplication d’alertes et de protocoles aussi insensés qu’anxiogènes,
le signalement de comportements cryptoterroristes ...chez des enfants de 8 ans,
le maréchaliste retour du sévice national universel et autres uniformes...

Chers collègues, ceci n’a rien à voir avec l’autorité.
C’est de l’autoritarisme. Et ça ne fonctionne pas. Enfin, c’est bien utile aux démagogues, mais cela nourrit copieusement la défiance qui éloigne les élèves (et leurs familles) de l’Institution Scolaire.

L’autorité que nous défendons – car nous défendons l’autorité comme préalable utile à l’acte d’enseigner - n’est ni une lubie ni un nébuleux fantasme.

Notre autorité est sécurité. Difficile de dire que nous adultes laissons un monde apaisé aux enfants. La planète étouffe. Les guerres font rage. Les fascismes suppurent. Têtus, nous refusons de laisser pénétrer ce climat dans nos classes. Laissons la peur à la porte. Nous ne souhaitons pas mentir à nos élèves, mais leur fournir des outils de construction d’un avenir. Leurs regards curieux, leurs sourires rassurés, confortent notre autorité. Leur fragilité et leur puissance nous obligent.

Notre autorité est respect (et inversement).
Comment exiger que des enfants respectent leurs professeurs quand leurs professeurs eux-mêmes ne se respectent plus ?
Combien de couleuvres avalées,
de mépris supporté,
d’insultes endurées sans relever la tête ?
Les professeurs qui réclament à grand cris – autour de la machine à café - le respect des élèves respectent-ils eux-mêmes leur hiérarchie, obséquieuse et soumise ? L’incompétence crasse flanquée d’idéologie rance des derniers ministres de l’éducation suffit à elle-seule à abolir l’amour propre de tout professeur qui n’aurait pas le courage de les dénoncer – et pas qu’autour de la machine à café.
Bref, pour être respectés de vos “inférieurs”, messieurs les professeurs, commencez par vous faire respecter de vos “supérieurs”.

Notre autorité est confiance. L’indispensable confiance de Pygmalion, sans laquelle rien ne peut efficacement s’enseigner. Mais aussi la confiance dans un avenir enviable que les adultes peuvent contribuer à construire mais dont ils en seront pas les acteurs.

Notre autorité est exemplarité.
Contre les retards, soyez ponctuels.
Contre la “fainéantise”, mettez-vous au travail.
Contre l’inculture, lisez, écoutez, échangez, vivez.
Contre le “consumérisme”, consommez moins.
Contre l’approximation, soyez rigoureux.
Contre la sottise, usez d’esprit critique.
Contre l’apathie, exercez votre puissance d’agir.
Contre la résignation, cultivez la lutte.
Contre les insultes et les violences, bannissez les insultes et les violences.
Contre la bêtise et la lâcheté, donnez-l’exemple.
Pour éviter que les enfants ne se flétrissent le cerveau devant des écrans, questionnez-en votre propre usage.
Pour éviter l’outrage, combattez l’injustice.

« L’enseignant, si suffisant, doit être conscient de son rôle et, surtout, de sa fonction : défendre un ordre des choses qui se fissure de toutes parts ou participer à l’invention de nouvelles solutions (ou solutions renouvelées) pour faire société. Entretenir un fatras de principes moisis ou cultiver un jardin d’idées nouvelles. Avec les parents … et les enfants, que nous avons tou.t.e.s été. »
De la misère en milieu enseignant, lundimatin #202->https://lundi.am/de-la-misere-en-milieu-enseignant)]

M@quis

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