De Game of Thrones à Google : servir nos maîtres avec gratitude

Bonheur au travail et pouvoir royal
Laurent Denave

paru dans lundimatin#394, le 11 septembre 2023

Si de toute évidence, la ressemblance entre la défunte Elizabeth II, Angela Merkel et Daenerys Targaryen ne semble pas sauter aux yeux, Laurent Denave a décidé de regarder d’un peu plus près les formes du pouvoir qui se déploient dans la série Game of Thrones, et de ce que son immense succès dit d’une certaine fascination pour celui-ci. Que des millions de personnes puissent prendre en sympathie des familles royales aux pratiques et éthiques franchement douteuses et qu’il puisse exister des esclaves heureux de servir une reine juste parce qu’elle a des dragons témoigne, selon l’auteur, de la subsistance d’une légitimité charismatique du pouvoir. De Buckingham Palace en passant par le monde de l’entreprise jusqu’au canapé-Netflix, le chercheur propose une analyse en relief d’une forme de leadership qui semble avoir traversé les époques : ne soyez pas méchant, et soyez heureux d’être gouvernés.

Une série sur le pouvoir qui plaît au pouvoir

En novembre 2020, l’ancien Premier ministre Edouard Philippe est invité au festival « Séries Mania ». Interviewé à cette occasion par le journal Le Point pour un hors-série intitulé « Le pouvoir expliqué par les séries », il affirme être un grand amateur de séries dont il s’est parfois inspiré lorsqu’il était chef du gouvernement, en particulier pour la gestion de la crise sanitaire. Il indique dans le même entretien être particulièrement « fan » de la série Game of Thrones : « Regardez John Snow dans Games of Thrones : le pouvoir ne le corrompt pas. Il est ascétique dans la maîtrise de ses passions » [1]
« J’avais presque l’impression qu’il me faisait son autoportrait », témoigne avec amusement Christophe Ono-dit-Biot, rédacteur du magazine qui l’a interrogé [2]. Rappelons que Game of Thrones est une série adaptée des romans de George Martin, diffusée en 2011-2019 sur la chaîne payante HBO et dont le succès a été mondial. Elle évoque l’histoire de plusieurs familles nobles qui se battent pour conquérir le Trône de Fer du royaume des Sept Couronnes. Il pourrait s’agir d’un récit historique se situant au Moyen-âge, mais sont ajoutés des éléments de fantasy : dragons, morts-vivants, magie, etc. Les gens du commun servent généralement de décor à cette saga aristocratique, ils apparaissent peu à l’écran, sauf pour servir leurs maîtres [3]. Même si dans certaines scènes se fait jour une critique du pouvoir, de la violence d’un monde déchiré par la volonté de puissance et de gloire, où l’on fait usage du mensonge et de la traitrise pour dominer, il demeure que l’intérêt principal de la série repose sur l’histoire des membres de ces familles nobles pour lesquels on se prend d’empathie. Ceci explique sans doute pourquoi cette série centrée sur la conquête du pouvoir passionne notre ancien Premier ministre. Elle a également intéressé un journaliste de la presse patronale, Tim Phillips [4], qui a écrit avec Rebecca Clare un livre intitulé Game of Thrones on Business, traduit en français sous le titre Game of Thrones : Les stratégies des sept royaumes appliquées à la vie professionnelle. Cet ouvrage est présenté par l’éditeur ainsi : « Les royaumes, les situations et les personnages de Game of Thrones sont passionnants d’humanité exacerbée. Cette série mondialement appréciée est ainsi parfaitement utilisable pour réfléchir aux questions de stratégie, de leadership et même de morale dans le monde professionnel d’aujourd’hui. Oui Tywin Lannister a des points communs avec Steve Jobs. Oui Daenerys Targaryen peut nous éclairer sur les rapports au leadership... La vie professionnelle à la lumière de Game of Thrones c’est étonnant et tout à fait instructif : les 30 conseils de ce livre sont non seulement directement applicables mais ils remettent en perspective la vie actuelle ». Ce guide pratique à destination des cadres d’entreprise nous donne en tout cas quelques enseignements sur la gestion du pouvoir.

Se faire aimer pour mieux régner

Le premier chapitre du livre, intitulé « Diriger pour servir », fait l’éloge du leader qui sait se faire aimer de ses sujets. Il s’ouvre par une citation du conseiller de la Reine Daenerys Targaryen : « Votre requête est sensée, vous avez un titre, un droit de naissance, mais plus encore… vous avez un cœur. Vous ne serez pas seulement respectée et crainte, vous serez aussi aimée. Vous pouvez et vous devriez régner. Des siècles pourraient passer sans voir naître une personnalité comme la vôtre » [5]. Tim Phillips & Rebecca Clare s’appuient sur ce personnage central de Game of Thrones pour défendre l’idée suivante :

« Daenerys n’est pas animée par une soif de pouvoir mais par ce qu’elle pense être bénéfique à son peuple – les ’petites gens’ qui cousent les bannières et prient pour le retour du règne des Targaryen. Elle incarne ainsi les idéaux du leader-serviteur, un profil décrit pour la première fois par Robert Greenleaf dans les années 70. Greenleaf fait l’hypothèse que le leader idéal est motivé par un désir de servir et que les personnalités qui ont cette motivation servent mieux (une cause, une entreprise, un peuple) en dirigeant. Cette vision du leadership est radicalement opposée au modèle de ’moi d’abord’ qui suppose que l’objectif premier du leader est de prendre les commandes. Greenleaf pense qu’une organisation fonctionne mieux sous la direction d’un leader-serviteur que sous celle d’un dirigeant qui met ses intérêts personnels au premier rang de ses priorités. La première motivation de Daenerys est de servir son peuple, et le meilleur moyen pour elle d’atteindre cet objectif est de prendre le pouvoir plutôt que de le laisser à Viserys, aux Lannister ou aux Baratheon » [6].

Outre le fait que l’on retrouve la croyance selon laquelle celles et ceux qui détiennent le pouvoir détiennent aussi un pouvoir (surnaturel) [7], la Reine Daenerys étant dotée de capacités extraordinaires (le feu ne la brûle pas et elle a donné naissance à trois dragons), retenons ici qu’elle est perçue par ses sujets comme généreuse. A ce propos, nos chevaliers du Nouveau Management en tirent la conclusion suivante : « Le style maternel de management n’est pas l’apanage des femmes. Pour le mettre en œuvre, vous devez être sincèrement attentif aux autres, mais si vous vous y prenez bien, vos équipes vous suivront toujours. Par amour, pas par devoir » [8]. Rappelons que le besoin d’amour est en réalité un besoin de reconnaissance : « c’est ainsi que, sous le regard gentiment critique de nos proches, se creuse notre déficit d’estime de soi. Et que gonfle l’immense besoin d’amour qui cache une demande de reconnaissance » [9]. Le désir de se faire aimer par ses subordonnés, partagé par le gouvernant comme le cadre d’entreprise, cache ou traduit une « demande de reconnaissance », qui n’est autre que la reconnaissance de la légitimité de sa position dominante. Rendue ainsi légitime, cela favorise en principe l’obéissance et l’absence de résistance.


Une scène édifiante : la déclaration d’amour de l’esclave à son maître

L’amour pour la Reine Daenerys peut dépasser la simple admiration que l’on peut ressentir pour un gouvernant [10]. On en a une bonne illustration dans une scène du 4e épisode de la saison 7, au cours de laquelle le Roi du nord (John Snow) et son conseiller (Sir Davos) interrogent la traductrice de la Reine Daenerys (Missandei de Naples) :

— John Snow : « Pourquoi avez-vous quitté votre pays ? »
— Missandei : « J’ai été enlevée par des esclavagistes ».
— Snow : « Navré d’entendre ça… »
— Davos : « Avec votre permission, comment une esclave en est-elle arrivée à conseiller Daenerys Targaryen ? »
— Missandei : « Elle m’a racheté à mon maître puis elle m’a libéré ».
— Davos : « Un geste généreux… quoique, c’est elle que vous servez maintenant, n’est-ce pas ? »
— Missandei : « Je sers ma reine parce que je veux servir ma reine… parce que j’ai foi en elle ».
— Snow : « Et si vous vouliez retourner à Naples demain ? »
— Missandei : « Elle me donnerait un navire et me souhaiterait bonne chance ».
— Snow : « C’est une supposition ! »
— Missandei : « Une certitude ! Nous tous, d’Essos, croyons en elle. Elle n’est pas notre reine parce qu’elle est la fille d’un roi que nous n’avons jamais connu. Elle est la reine que nous avons choisie ».
— Davos s’adressant au roi : « Me pardonnerez-vous si je change de camp ? » 

Visiblement, on peut rester au service d’un dominant non par obligation mais par « choix » et même par amour de son maître…



Dans notre monde contemporain, certaines entreprises font tout pour se faire aimer de leurs employés. C’est le cas de Google, dont la devise, sensée traduire un code de conduite au sein de l’entreprise, est « Dont’t be Evil (ne soyez pas méchant) ». L’entreprise est officiellement attentive au « bonheur » des employés et à cette fin, elle embauche depuis le début des années 2000 des Chief Happiness Officer (« responsables du bonheur »), un métier inventé par l’un des ingénieurs de Google [11]. Pour comprendre en quoi cela consiste, rien de tel que de lire les pages du journal, aussi sérieux que critique, Marie Claire :

« Insuffler du bonheur au travail et améliorer la qualité de vie des employés ? Cela est possible avec l’happiness manager. Un métier aujourd’hui mal compris, qui mérite d’être pris au sérieux. Bon nombre d’idées reçues circulent sur les happiness managers, notamment concernant les tâches qui leur incombent (l’emplacement idéal d’une plante verte dans la cantine, par exemple). La réalité de ce poste n’a pourtant rien de futile et rime plutôt avec sérieux, rigueur et dévouement. Sophie Lepert évoque d’ailleurs ses missions avec minutie, en essayant de ne rien oublier tant la liste est longue : ’Tout d’abord, il faut veiller à ce que l’équilibre vie personnelle et vie professionnelle soit respecté. Ce sont des frontières parfois très floues, notamment dans les start-up. Il y a également la partie organisation d’événements : apéro, barbecue, etc. Chez Etsy, on fait de petites réunions avec le personnel pour chercher comment améliorer la vie de l’entreprise. L’idée, c’est d’impliquer les salariés : "un employé qui se sent bien, ça se répercute positivement sur sa société", argue-t-elle. Ce qui est aussi important que de fédérer les troupes, c’est l’aménagement du lieu de travail : « J’essaye de créer des espaces qui soient propices à la concentration, par exemple si quelqu’un est plus à l’aise quand il travaille debout, on tentera de trouver une solution. Il y a aussi ceux qui ont mal au dos, on achète alors du matériel adapté. On veut avoir un univers qui permet à chacun de s’épanouir, car si les salariés sont heureux, ils sont plus performants’, ajoute la professionnelle » [12].

En gros, le bonheur des uns (les employés), fait le bonheur des autres (patrons et actionnaires). Le but est donc très clair : il s’agit de rendre l’employé satisfait de son travail et « performant », c’est-à-dire productif, afin de rapporter le plus d’argent possible à son entreprise [13]. Dans un article publié sur un site destiné aux managers, on veut également nous faire croire ceci : « Le responsable du bien-être au travail a pour mission de s’assurer que chaque salarié est bien dans son poste et dans sa tête, que ses relations avec ses collègues et sa hiérarchie sont harmonieuses et qu’il s’épanouit dans ses missions. A lui/elle de faire en sorte que le bonheur, à défaut le bien-être, règne dans son entreprise. A sa charge de créer les conditions optimales au sein de son entreprise pour que chacun ait plaisir à venir travailler » [14]. Les employés adhèrent-ils à cette propagande managériale un peu grossière ? La réponse est positive si l’on se fie aux organes de propagande patronale : « L’un des bons indicateurs du bien-être au travail des collaborateurs est le taux d’absentéisme. En effet, de nombreuses études sont arrivées à la conclusion qu’un salarié heureux est moins absent, moins malade et plus fidèle. Et donc également plus productif » [15]. Les repas gratuits ou la possibilité d’amener son animal domestique, de dormir et de boire de l’alcool au travail, contribuent-ils à rendre heureux et moins absentéistes les employés de Google ? Autrement dit, ces soldats du monde de l’entreprise, que l’on veut persuader qu’ils sont moins mal traités qu’ailleurs, sont-ils satisfaits de leurs conditions de travail ? Sans grande surprise, la sociologie confirme que le bonheur au travail est surtout partagé « en haut » de la hiérarchie sociale : « Nombre de variables qui, sollicitant un jugement général, permettent d’identifier un rapport plus ou moins heureux au travail affichent des distributions aussi ordonnées selon les degrés de la hiérarchie sociale. Le ’sentiment d’être exploité’, l’impression de ne constituer qu’un rouage interchangeable dans l’immense machine de la production nationale (…), l’impression que le mot ’galère décrit bien ma situation professionnelle’ vont croissant à mesure qu’on va de l’univers des cadres, des travailleurs intellectuels, des hauts salaires et des hauts diplômes vers le monde professionnel des employés et des ouvriers. Le bonheur est en haut et le malheur en bas » [16]. Supposons donc les cadres de Google plus heureux que la moyenne des travailleurs américains, il est vrai que l’on parle ici de cadres et non des employés de l’entreprise qui apportent un peu de bonheur à ces derniers, en faisant le ménage par exemple. En tout cas, tout est fait pour les rendre heureux, même s’ils ne sont pas souverains sur leur travail, qui profite avant tout à une poignée de dirigeants multimillionnaires et aux actionnaires.


Pourquoi les cadres adhèrent-ils à l’idéologie managériale ?
Dans Travailler pour être heureux ?, Christian Baudelot & Michel Gollac expliquent que « certains entrepreneurs et responsables du management ont compris assez tôt que les entreprises ne peuvent fonctionner sans l’adhésion active de très nombreuses personnes qui n’en touchent pas pour autant les dividendes. (…) Toutes ces études ont convaincu dirigeants et organisations de travailleurs que tous les salariés, quelles que soient leurs qualifications, apportent aux entreprises bien plus qu’un travail contraint : leur enthousiasme, leur intelligence, leur créativité, leur sens des responsabilités. Sans un minimum d’investissement personnel des travailleurs, les entreprises marchent mal » [17]. Comment expliquer une telle adhésion ? Dans une très belle étude, menée en France, sur ces « dominants très dominés » que sont les cadres d’entreprise (occupant une position intermédiaire entre travailleurs et dirigeants [18]), le sociologue Gaëtan Flocco se demande pourquoi ces derniers consentent au capitalisme moderne et adhèrent (plus ou moins) à une « idéologie managériale ». Pour favoriser cette adhésion, les entreprises proposent différentes formations (ayant souvent recours au développement personnel), « destinées à doter leurs salariés d’une culture d’appartenance forte » [19]. Mais cela ne suffit pas à expliquer pourquoi les cadres consentent [20] très largement à faire ce qu’ils font. On observe ainsi que les cadres acceptent les règles du jeu des collectifs de travail auxquels ils appartiennent : « Leur appropriation de ces règles – pour la plupart implicites – conforte leur engagement et leur acceptation : les attributions de primes, mais aussi l’évolution de carrière et de promotion, l’accession à des postes de pouvoir, la personnalisation de telle ou telle fonction par un nouveau venu, l’entretien des réseaux, les alliances et les soutiens… » [21]. Leur travail peut leur procurer de véritables satisfactions : « Travail en équipe, reconnaissance, polyvalence, pouvoir de création et d’imagination, acquisition et valorisation de connaissances, haut niveau technique et déplacements à l’étranger constituent un ensemble de profits symboliques que les cadres retirent de leur travail, quels que soient le genre, l’âge ou la fonction. Ils alimentent alors de façon non négligeable leur consentement à la logique globale de l’entreprise néocapitaliste » [22]. De surcroît, leur sont confiées des responsabilités, ce qui leur octroie du « pouvoir d’action et de décision » : « La valorisation des responsabilités et du pouvoir exercés est donc largement entretenue par la reconnaissance d’une forme de prestige et d’honneur » [23]. Bien entendu, ces rétributions symboliques (mais aussi économiques [24]) sont accordées en échange d’une productivité (profits économiques réalisés par l’entreprise), ainsi les cadres passionnés ne comptent pas leurs heures : « Plus encore, les profits symboliques agissent comme de véritables dérivatifs, d’autant plus efficaces qu’ils nourrissent un consentement s’exerçant en apparence d’abord et avant tout au bénéfice des cadres, et ensuite seulement, comme presque accessoirement, à celui de l’entreprise. Quand bien même ils se rendent compte (…) de l’instrumentalisation de leur enthousiasme au travail par l’organisation, ce sont bien ces multiples significations positives qui leur permettent de se livrer sans barguigner à une ’forme de surtravail et d’auto-exploitation’ (pouvant conduire au stress, au burnout et, dans les cas les plus extrêmes, au suicide), tout en considérant qu’ils travaillent d’abord pour leur propre intérêt » [25]. Par moments, les cadres peuvent être critiques : « En dehors des contextes institutionnels, politiques et syndicaux, les cadres expriment une multitude de critiques sous forme de plaintes et de vives condamnations. Celles-ci constituent une manière de réagir aux contradictions et aux difficultés qu’ils rencontrent dans leur activité » [26]. Par exemple, tous n’apprécient pas nécessairement les séminaires imposés par la direction, ils peuvent y participer sans être dupes des objectifs réels (limiter les conflits, accroître la productivité, etc.). Autrement dit, « la domination n’est pas totale, elle comporte toujours des failles, et les dominés sont capables de s’y engouffrer pour la mettre à mal, l’affaiblir, la déstabiliser, voire la renverser » [27]. Des « pratiques déviantes » ou micro-résistances sont bien constatées au sein de ces entreprises. Toutefois, « ces attitudes de désobéissance sont d’abord individuelles, apolitiques, sourdes et clandestines, et ne possèdent pas véritablement d’interlocuteurs ciblés. Elles demeurent relativement circonscrites et n’ont pas vocation à renverser le système économique en place » [28].


Sous ce vernis, la férocité du pouvoir

Revenons à la Reine Daenerys, que Tim Phillips & Rebecca Clare comparent à l’ancienne chancelière de l’Allemagne, Angela Merkel : « Bien que fort différente de Daenerys par bien des aspects, la chancelière Angela Merkel est affectueusement surnommée ’Mutti’ – ’Maman’ – par les Allemands. Bien que peu charismatique, Merkel est à l’évidence un leader qui inspire un sentiment d’affection, une personnalité dont les Allemands pensent qu’elle est un gage de sécurité et qui défend avec conviction leurs intérêts. Daenerys a libéré les esclaves. Merkel a maintenu l’économie allemande à flot à travers la crise financière qui a frappé l’Eurozone » [29]. Mais les auteurs nous avertissent que cette forme de leadership ne suppose aucune faiblesse :

« De la même façon qu’un leadership serviteur ne signifie pas que l’on adopte une attitude servile, un leadership maternel ne sous-entend pas une quelconque mollesse. Un leader faible ne saurait défendre son entreprise contre un concurrent et, en interne, un manager qui laisserait ses équipes faire ce que bon leur semble se trouverait rapidement à la tête d’une organisation ingérable. Mais une autorité qui sait également se montrer attentive inspire la confiance des gens qui sont dès lors prêts à soutenir celui qui l’exerce. Susan Wojcicki, la présidente de Youtube, propriété de Google, se définit comme la ’Maman’ de Google, en référence à son style de management (elle a d’ailleurs été la première employée de Google à avoir des enfants), mais certains de ses anciens collègues soulignent que cela ne signifie pas qu’elle soit faible. Elle a la réputation d’être gentille mais comme l’a précisé Tim Armstrong, le président directeur général d’AOL qui a travaillé avec elle chez Google, ’sous ce vernis, elle est une compétitrice féroce’. Cela ne surprendra personne – nul n’irait bien loin chez Google en étant juste ’gentil’, et depuis qu’elle a été nommée à son poste en février 2014, Susan Wojcicki a dû restructurer l’entreprise, ce qui ne s’est pas fait sans casse » [30].

Autrement dit, un bon dirigeant sait aussi se faire respecter par la violence pure et dure : la Reine Daenerys peut faire exécuter celles et ceux qui ne lui obéissent pas, la « Reine du tout petit écran » [31], Susan Wojcicki (qui possèderait plus de 765 millions de dollars en juin 2022 [32] et ferait partie des dix « femmes les plus puissantes du monde » selon le magazine Forbes) peut licencier ses employés sans trop d’état d’âme…

Ainsi, suite à leur licenciement, certains salariés de Google ayant pris la devise de l’entreprise un peu trop au sérieux poursuivent leur ancien employeur en justice : « Trois anciens employés de Google ont poursuivi l’entreprise, alléguant que la devise de Google ’Ne soyez pas méchant’ équivaut à une obligation contractuelle que le géant de la technologie a violée. Au moment où la société a embauché les trois ingénieurs logiciels, Rebecca Rivers, Sophie Waldman et Paul Duke, ils ont signé des règles de conduite qui comprenaient une disposition ’Ne soyez pas méchant’. Le trio a déclaré qu’ils pensaient se comporter conformément à ce principe lorsqu’ils ont organisé la protestation des employés de Google contre des projets controversés, tels que le travail pour le U.S. Customs and Border Protection sous l’administration Trump. Les travailleurs ont fait circuler une pétition appelant Google à s’engager publiquement à ne pas travailler avec le CBP » [33]. Selon Google, ils auraient commis une faute professionnelle, en faisant fuiter des informations confidentielles notamment. Mais il semblerait que ce soit surtout l’idée de pétition ou de protestation qui ait motivé le licenciement. Le contexte est en effet celui d’une augmentation de l’activisme dans ce type d’entreprise : « La plainte arrive dans un contexte où les cols blancs (employés de bureau et les cadres d’entreprise) s’organisent chez Google, Amazon, Microsoft, Netflix, Facebook et d’autres entreprises technologiques, pour discuter de questions éthiques, telles que les contrats avec les sociétés pétrolières et gazières, le harcèlement sexuel et la désinformation. Cela coïncide également avec un procès en cours du National Labor Relations Board qui allègue que Google a licencié illégalement les trois mêmes militants en 2019 pour avoir participé à des activités d’organisation syndicale, qui sont protégées par la loi nationale sur les relations de travail » [34]. Finalement, est pris qui croyait prendre : « Google s’est rendu compte que ’don’t be evil’ lui coûtait à la fois de l’argent et incitait les travailleurs à s’organiser », ont déclaré lundi les ex-Googlers dans un communiqué. Mais « plutôt que d’admettre que leur position avait changé et de perdre les avantages qui en découlent pour l’image de l’entreprise, Google a licencié des employés qui vivaient la devise ». Ce procès va-t-il égratigner l’image de l’entreprise et son management « bienveillant », en dévoilant la réalité de la violence des rapports de subordination ? La croyance en la légitimité des règles de l’entreprise est-elle ébranlée chez ces petits soldats du monde capitaliste ? Pour le dire autrement, en nous appuyant de nouveau sur la série Game of Thrones, produite d’ailleurs par une entreprise capitaliste (HBO [35]) dont le but est l’accumulation illimitée du profit par une poignée d’individus qui vivent comme des rois : se rendre compte que la Reine n’est pas aussi gentille et désintéressée qu’on le croyait nous conduit-il à mettre en question son règne et, plus radicalement, la monarchie, système fondamentalement inégalitaire et injuste, comme l’est toute société de classes ?

Post-scriptum : « Rire au nez du pouvoir »

L’actualité peut nous faire douter d’une mise en question de la domination symbolique dans le monde contemporain. En effet, les funérailles de la Reine d’Angleterre, Elisabeth II (décédée le 8 septembre 2022) nous ont rappelé que la démonstration d’amour pour un roi ou une reine n’est pas encore chose du passé… On apprend ainsi par la voix de BFM-TV que le cercueil de la Reine repose au palais de Westminster « où le peuple britannique pourra venir s’y recueillir 23 heures sur 24 ». L’hommage a été fait pour « pleurer et réfléchir sur la vie et l’héritage de la reine Elizabeth II », a déclaré Downing Street. « Le Royaume-Uni s’est figé pour une minute de silence dimanche soir, à la veille de funérailles d’Etat de la reine qui s’annoncent grandioses avec une foule immense et des dignitaires venus du monde entier » nous informe Le Dauphiné. Le magazine Gala, qui alimente notre passion pour les « Grands » de ce monde, décrit euphoriquement ces funérailles : « C’est un moment que personne au monde n’oubliera : où que l’on soit, d’où que l’on regarde la cérémonie, chacun d’entre nous se souviendra de cette journée exceptionnelle dans l’Histoire du monde contemporain : des funérailles d’État pour un souverain britannique telles qu’il n’y en avait pas eues depuis 70 ans. Des générations et des générations de gens qui n’ont jamais vu une telle cérémonie, sauf en photos dans les livres d’histoire et les journaux d’époque. (…) C’est un grand jour pour la monarchie, mais aussi pour l’Histoire. Les funérailles d’État de la reine Elizabeth II ont lieu ce lundi 19 septembre 2022. (…) Seule surprise peut-être au cours de cette semaine minutieusement préparée : les centaines de milliers de gens ayant fait la queue pendant parfois 14 ou 15 heures pour pouvoir s’incliner respectueusement pendant deux ou trois secondes devant le cercueil d’Elizabeth II ». On aimerait croire à de la pure propagande et donc à une description mensongère de ces funérailles, malheureusement les images confirment qu’elles ont été très populaires.

Il y a visiblement encore du chemin à parcourir avant que la population ne cesse d’admirer les dominants et prenne conscience que l’on contribue nous-mêmes à la reproduction de notre servitude [36] en accordant une importance démesurée à ce qui ne devrait pas retenir notre attention ou devrait même provoquer un grand éclat de rire… Avec dépit, Monique Pinçon-Charlot semble constater « la capacité à courber l’échine, la capacité de la servitude volontaire, la capacité des êtres humains à obéir, à avoir peur (…) et pour ça [les bourgeois] nous ont bien préparés, on a été manipulé pendant des années [par les médias], avec la propagande, la propagande, la propagande (…) ; ça marche, de sorte qu’aujourd’hui les gens obéissent… » [37]. Ce constat très pessimiste semblait être confirmé par le couronnement de Charles III (le 6 mai 2023), héritier de la Reine Elizabeth II, qui est monté sur le trône à l’occasion d’une cérémonie fastueuse (pour la modique somme de 285 millions d’euros !), après avoir paradé en carrosse dans les rues de Londres et s’être fait acclamer par le peuple anglais venu en masse… Il y a eu pourtant un signe indiquant peut-être que l’on n’est pas éternellement condamné à la servitude. Cette cérémonie a en effet été perturbée par des manifestants qui ont crié « Not my King ! » (avant d’être interpellés par la police). Refus de reconnaître la légitimité du roi qui s’inscrit dans la longue et riche histoire mondiale des résistances à la domination. Si l’on s’en tient au seul cas français, on ne peut que constater ces dernières années que les mouvements sociaux se suivent pratiquement sans discontinuer, et peuvent même être victorieux (comme le mouvement des Gilets jaunes [38]). Des bataillons d’historiens et de sociologues n’ont jamais pu prévoir le moment où la machine s’enraye et semble s’arrêter. Ils constatent avec surprise que l’on a atteint le point de bascule où commencent à se défaire les chaînes qui nous lient à ce système d’exploitation. Nous savons désormais que « toute rupture sociale profonde commence par la rupture instantanée avec la servitude volontaire indispensable au maintien de la domination » [39]. L’auteur de ces lignes, l’écrivain et militant Serge Quadruppani, évoque dans ses mémoires différents moments politiques (mai 68 notamment) où l’on a pu « rire au nez du pouvoir », lorsque se défait « la peur quotidienne où nous maintiennent la concurrence et la précarité générales. Ce vent de liberté, quiconque en a senti la caresse un jour, le reconnaîtra toujours : quand, brusquement, il se lève, c’est le signal que, enfin, les choses sérieuses peuvent commencer » [40].

Laurent Denave

[Laurent Denave est chercheur indépendant et militant, docteur en sociologie (EHESS). Il est notamment l’auteur de S’engager dans la guerre des classes (Raisons d’agir, 2021)]

[1« Edouard Philippe : ’Est-ce que le pouvoir corrompt ? Regardez John Snow’ », Le Point, Hors-série « Le pouvoir expliqué par les séries », 17 novembre 2020 (en ligne).

[2L’ancien Premier ministre ajoute : « Attendez, c’est du loisir, il ne faut pas prendre cela au pied de la lettre. Mais quand même, je m’inspire un peu de ça », confie-t-il au journaliste. Pour ce dernier, aucun doute, « on sent qu’Edouard Philippe est guidé par cela ».

[3Ce qui renforce le sentiment de notre impuissance et de notre dépendance à l’égard des « grands » de ce monde (personnages intelligents, puissants et courageux) qui font l’Histoire… A l’inverse, nous voyons les gens du peuple comme étant serviles, bêtes et faibles (les puissants doivent les protéger), incapables de prendre leur destin en mains et de gérer leurs propres affaires. C’est une forme de mépris de classe décomplexée.

[4Tim Phillips est journaliste pour différents journaux comme le Wall Street Journal Europe, et collabore pour des magazines de « business » comme Management Today ou Business 2.0 ; il est l’auteur de plusieurs livres sur le « business » et l’entreprise.

[5Tim Phillips & Rebecca Clare, Game of Thrones : Les stratégies des sept royaumes appliquées à la vie professionnelle, Maxima Laurent du Mesnil, 2016, p. 15.

[6Ibid., p. 15-16.

[7« Tout pouvoir requiert une forme de légitimation. Et comme dans la plupart des sociétés, l’idéologie dominante est religieuse, l’idéologie de la royauté est aussi religieuse » (Alain Testart, La servitude volontaire II. L’origine de l’État, Paris, Errance, 2004, p. 27). Cf. à ce sujet : Marc Bloch, Les rois thaumaturges : Étude sur le caractère surnaturel attribué à la puissance royale, particulièrement en France et en Angleterre (Gallimard, 1983 [1924]).

[8Tim Phillips & Rebecca Clare, Game of Thrones, op. cit., p. 17.

[9Jean-Claude Kaufmann, L’étrange histoire de l’amour heureux, Paris, Pluriel, 2010, p. 146. Notons à ce propos que la religion apporte de l’amour (« Dieu est amour ») à celles et ceux qui en ont le moins (Marx disait qu’elle est « le cœur d’un monde sans cœur »), cela comble sans doute un immense besoin de reconnaissance…

[10On pourrait parler ici de « légitimité charismatique » du pouvoir. S’appuyant sur les théories de Weber, Loïc Hoedaert a tenté de « démontrer en quoi le personnage de Daenerys Targaryen incarne la légitimité charismatique » (Loïc Hoedaert, Sciences politiques et relations internationales dans ’Game of Thrones’ : Légitimité, puissance et stratégie au cœur de la course au trône, Faculté des sciences économiques, sociales, politiques et de communication, Université catholique de Louvain, 2021, p. 13-14).

[11Pour une critique de cette « nouvelle norme » du bonheur, cf. Edgar Cabanas & Eva Illouz, Happycratie. Comment l’industrie du bonheur a pris le contrôle de nos vies (Premier parallèle, 2018). Cette idéologie, compatible avec le néolibéralisme, est aux antipodes de l’« économie du bonheur » rêvée par Bourdieu, « qui prendrait acte de tous les profits, individuels et collectifs, matériels et symboliques, associés à l’activité (comme la sécurité), et aussi de tous les coûts matériels et symboliques associés à l’inactivité ou à la précarité (…). On ne peut pas tricher avec la loi de la conservation de la violence : toute violence se paie et par exemple la violence structurale qu’exercent les marchés financiers, sous forme de débauchages, de précarisation, etc., a sa contrepartie à plus ou moins long terme sous forme de suicides, de délinquance, de crimes, de drogue, d’alcoolisme, de petites ou de grandes violences quotidiennes » (Pierre Bourdieu, Contrefeux, Paris, Raisons d’agir, p. 46).

[12Julia Kadri, « Je suis Chief Happiness Manager », Marie Claire, non daté (en ligne).

[13Et cela semble marcher : « Plus un employé est heureux, plus il est efficace dans son travail. Ce n’est pas une surprise, mais c’est ce que démontre une nouvelle étude menée par le département d’économie de l’Université de Warwick, au Royaume-Uni. En réalisant un certain nombre d’expériences, dont les résultats vont être publiés dans le Journal of Labor Economics, l’équipe de chercheur a déterminé que le fait d’être heureux augmentait la productivité de près de 12 % » (Salomé de Véra, « C’est prouvé, être heureux au travail augmente la productivité », Huffpost, 22 mars 2014, en ligne).

[14En ligne sur manager-go.com. On pourrait multiplier les exemples de propagande de ce type. Un petit reportage de France 2 consacré aux Bullshit jobs (David Graeber) montre Christelle, responsable du bonheur dans une start-up d’Ivry-sur-Seine : « Grâce à elle, ses collègues informaticiens ou chefs de projet peuvent bénéficier d’un potager partagé sur la terrasse et d’un ’espace détente’ avec PlayStation et table de ping-pong. Ces petites améliorations du quotidien au bureau sont permises, selon elle, par une relation d’égal à égal entre la direction et les collaborateurs. Tant que le travail est fait, il n’y a pas de raison qu’ils ne puissent pas passer 10, 15 minutes à faire un ping-pong’ » (« Responsable du bonheur en entreprise : ’bullshit job’ ou argument pour garder les collaborateurs ? », France Info, 15 novembre 2019 [en ligne]). Une « relation d’égale à égale avec la direction » ? Quelle imposture…

[15« Lentement, mais sûrement, les Chief Happiness Officer s’imposent », jobup.ch, 8 février 2021 (en ligne).

[16Christian Baudelot & Michel Gollac, Travailler pour être heureux ? Le bonheur et le travail en France, Paris, Fayard, 2003, p. 73.

[17Ibid., p. 31.

[18Jusqu’à récemment, les cadres (appelés « cols blancs ») « participaient à l’organisation de la reproduction du capital qu’ils ne possèdent pas » : « comme les ouvriers, les cadres et employés de bureaux étaient dépossédés des moyens de production, n’avaient pas la possibilité de les maîtriser pleinement et encore moins de jouir à leur guise des résultats de leur travail » (Gaëtan Flocco, Des dominants très dominés. Pourquoi les cadres acceptent leur servitude, Paris, Raisons d’agir, 2015, p. 18). « L’employeur leur déléguait une partie de son autorité afin qu’ils puissent l’exercer auprès des fractions subalternes du salariat. En échange, les cadres lui exprimaient leur loyauté et leur implication, bénéficiant d’avantages qui les distinguaient du rapport salarial classique (…). Or, depuis les années 1990, tout indique que cette relation de confiance est compromise » (ibid., p. 17). Les carrières ne sont plus autant garanties, une « conscience salariale » (commune aux cadres et autres employés) a émergé et donc une prise de distance d’avec leur direction.

[19Ibid., p. 43.

[20« Néanmoins, le consentement n’est pas assimilable à de la stricte adhésion, c’est-à-dire une approbation consciente. Il peut ainsi y avoir consentement sans adhésion. Les individus peuvent accepter une cause, s’engager activement dans une entreprise, mais à contrecœur, sans être véritablement convaincus, ou considérant dans leur for intérieur qu’il ne s’agit pas du bon choix. Cela ne signifie pas non plus que toute forme de contrainte est exclue » (ibid., p. 19-20).

[21Ibid., p. 63.

[22Ibid., p. 108.

[23Ibid., p. 101-102.

[24Salaires qui leur assurent des conditions matérielles d’existence certainement très agréables.

[25Ibid., p. 109.

[26Ibid., p. 76.

[27Ibid., p. 83.

[28Ibid., p. 84. En l’occurrence, « les cadres poussés à la défection ne la vivent pas toujours comme un acte d’opposition, mais davantage comme l’incapacité d’avoir pu supporter le fonctionnement d’une organisation capitaliste » (ibid., p. 86-87). L’auteur parle aussi de « critique neutralisée » : « nombre d’enquêtés battent leur coulpe en endossant individuellement la responsabilité des difficultés rencontrées au travail » (ibid., p. 89). « Insatisfaction attribuée à des causes individuelles, atténuation de son importance et sentiment d’impuissance face à la logique économique, telles sont les représentations annihilant la critique et la contestation chez les cadres » (ibid., p. 93).

[29Tim Phillips & Rebecca Clare, Game of Thrones, op. cit., p. 16.

[30Ibid., p. 16-17.

[31« Susan Wojcicki, du garage Google aux manettes de Youtube », Le Monde, 16 juillet 2018 (en ligne).

[32« Susan Wojcicki », portrait sur le site Internet de Forbes.

[33« D’anciens employés de Google poursuivent l’entreprise en justice pour avoir trahi la devise Don’t Be Evil », Developpez.com, 30 novembre 2021 (en ligne).

[34Signalons qu’en mai 2023 a été déclenchée par la Writers Guild of America, syndicat des scénaristes américains, une grève illimitée qui impacte directement les plateformes de comme Netflix ou HBO, qui ont dû repousser la production de certaines séries, notamment House of Dragon, série dérivée de Game of Thrones

[35La chaîne HBO fait partie du groupe Warner (Warner Bros. Discovery depuis 2022), l’un des plus grands groupes de médias au monde (cinéma, télévision).

[36Autre exemple de servitude involontaire : une grande partie de la population ne voit pas les riches comme des parasites et des exploiteurs (ce qu’ils sont pourtant objectivement). Ainsi, selon une étude de l’historien et sociologue Rainer Zitelmann, « la moitié des Français voient les riches avant tout comme travailleurs et intelligents » (« On les envie, on les critique... les riches, ces mal-aimés », Le Monde, 19 avril 2019, en ligne). Il est vrai que moins d’un Français sur 5 « considère que la société bénéficie des millionnaires » (contre la moitié aux Etats-Unis et en Angleterre). Les Français ne sont pas contre l’accumulation de la richesse, mais sa répartition inégale. Et, selon un sondage Odoxa (réalisé en 2020), « les trois-quarts des Français demandent un impôt spécial pour les riches » (en ligne sur le site d’Odoxa). Pourtant on sait que taxer le Capital, c’est le légitimer ! On est donc encore très loin de l’idéal partagé d’une société égalitaire…

[37« Le jour d’après de Monique Pinçon-Charlot », vidéo citée.

[38Cf. Laurent Denave, S’engager dans la guerre des classes (Raisons d’agir, 2021).

[39Serge Quadruppani, Une histoire personnelle de l’ultragauche, Paris, Divergences, 2023, p. 38.

[40Idem.

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