Cauchemars et facéties #49

Trouvés sur l’internet.

Cauchemardos - paru dans lundimatin#77, le 25 octobre 2016

Les moyens légaux de la répression des manifestants ; les moyens techniques du fichage des manifestants ; des gendarmes prêts à se rouler dans la boue ; des clowns...

Magie magie !

Un article de Rue89 (qui se révèle décevant mais) aborde un sujet a priori passionnant : « nos rapports à nos objets techniques sont imprégnés de pensée magique ». Exemple avec le téléphone portable :

« Laurent, 27 ans, est un jeune homme tout à fait rationnel. Mais un pan de lui insoupçonné se révèle quand il parle de son téléphone :

« Il a une présence dans la pièce. Comme un être humain. Comme un bébé. Parfois je le cache sous du linge sale pour oublier où il se trouve. D’ailleurs, je l’éteins avant d’avoir une relation sexuelle. »

Matthias, la trentaine, confie :

« Je crois que je dors mieux avec les ondes Wifi, c’est-à-dire à proximité de mon téléphone ou de mon iPad. »

Il ajoute :

« J’ai remarqué que mon humeur ou mon niveau de stress est fortement corrélé au niveau de batterie ou de barrettes de signal sur mon téléphone. J’ai la sensation que quelque chose de terrible va m’arriver et que je serai totalement impuissant si je ne l’ai pas ou s’il n’a plus de batterie. »

Ils ne sont pas les seuls. Une majorité de gens reconnaissent éprouver de temps à autre des « vibrations fantômes » sur leur téléphone, ou encore de l’inquiétude à l’idée d’en être loin – les Anglais appellent ça la « nomophobie ».

On a cru que la rationalité avait poussé la pensée magique par la porte mais elle est revenue par la fenêtre. Par l’écran, plus précisément. »

Interdits de manifester

A Rennes, en Bretagne, la suite du mouvement contre la loi Travail, c’est : de l’argent pour les commerçants, la police pour les opposants, comme le rappelle Mediapart.

L’État a débloqué 600 000 euros pour dédommager les commerçants du centre-ville dont le chiffre d’affaires a été défavorablement impacté par les manifestations […] ; tandis qu’en ville, les policiers tournent à la recherche du lieu de résidence des opposants, pour leur remettre sous enveloppe de nouvelles interdictions de manifester prises par le préfet. D’importants moyens ont été engagés par le parquet pour identifier et cibler les auteurs de tags ou de dégradations survenues au printemps. Et plusieurs opérations de police ont été conduites, en septembre, afin d’interpeller des militants.

Les enquête de police, qu’elles aboutissent à des poursuites ou non, semblent avoir avant tout comme but d’empêcher les personnes ciblées de manifester.

Entre les arrêtés préfectoraux et les contrôles judiciaires consécutifs aux poursuites engagées en marge des manifestations, près d’une cinquantaine d’opposants à la loi sur le travail sont désormais interdits de séjour au centre-ville en cas de manifestation. Pour faire bonne mesure, ces interdictions comprennent les rassemblements contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes.

Ainsi, Mediapart cite l’exemple d’une opération de police menée le 14 septembre (veille d’une nouvelle journée de mobilisation) :

« Vers seize heures, la police a bloqué la rue, avec trois fourgons et quatre voitures, et ils sont entrés dans l’appartement avec un bélier et un bouclier, raconte un proche. Il y avait cinq, six enfants de 2 à 4 ans à la maison. »

A la suite de cette intervention, François (l’une des personnes arrêtées), est renvoyé au tribunal (accusé de la dégradation d’une borne de compostage de métro), mais surtout placé sous contrôle judiciaire en attendant son procès (le 22 novembre).

Il doit se présenter une fois par semaine au commissariat et, surtout, « s’abstenir de participer à toute activité sociale ayant pour objet une manifestation publique » !

Et comme si ce contrôle judiciaire ne suffisait pas,

Lors de son interpellation, les policiers remettent aussi à François une enveloppe contenant l’arrêté d’interdiction de séjour pris par le préfet Mirmand. L’arrêté du préfet prononce l’interdiction de séjour de François dans les rues du centre-ville de Rennes « les jours de manifestations contre la loi dite El Khomri, contre les violences policières, contre l’aéroport Notre-Dame-des-Landes », ainsi que « de paraître » sur l’itinéraire de cortèges formés depuis l’université de Rennes 2 sur les mêmes mots d’ordre. « La violation de cette interdiction est punie de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende », avertit le préfet.

François est donc interdit d’ « activité sociale ayant pour objet une manifestation publique » jusqu’à son procès, et de toute façon interdit de manifester à Rennes jusqu’à la fin fin de l’état d’urgence (le 21 janvier). « Un autre militant » a été placé en garde à vue le 14 septembre (il était accusé d’un « feu de palettes » lors du blocage d’un dépot de bus pendant le mouvement). Il n’est finalement pas poursuivi, mais sa garde-à-vue aura servi à lui délivrer « un arrêté d’interdiction de séjour »

Il convient d’écarter M. Frédéric E. des manifestations et rassemblements sur une partie du territoire de la commune de Rennes jusqu’à la fin de la période en cours de l’état d’urgence, en raison des troubles à l’ordre public que sa présence comporte », écrit le préfet Mirmand.

Évacuations

L’exemple de Rennes pose la question : « Tente-t-on d’empêcher ces militants de venir défendre la zad, voire la jungle de Calais, toutes deux menacées d’expulsion imminente ? » Encore faudrait-il que le gouvernement se décide sur le calendrier de ces opérations policières d’ampleur….

Concernant Calais, et selon Libé :

Le démantèlement de la « jungle » de Calais ne débutera pas le 17 octobre, la date qui revenait de manière récurrente parmi les différents acteurs du dossier. Selon nos informations, l’opération pourrait être lancée une semaine plus tard.

Quant à la zad…
Mercredi dernier, le choc :

Le journal Ouest-France montre son agacement face à la cacaphonie gouvernementale :

Après la consultation de juin et la polémique sur l’évacuation de la ZAD, à laquelle Ségolène Royal s’oppose, c’est maintenant le président qui ajoute à la confusion en confiant qu’il pense que le projet de NDDL ne verra pas le jour.

Finalement le journal est (dès le lendemain) rassuré : la parole présidentielle avait été mal interprétée :

Voici ce que dit l’Élysée : « Il y a eu un référendum. Le peuple consulté s’est prononcé en faveur de cet aéroport. Les procédures se poursuivent pour qu’il puisse voir le jour. La mise en œuvre des décisions appartient désormais à la préfecture de Loire-Atlantique et au ministère de l’Intérieur. Mais il n’y a pas de changement, tout au plus un effet de calendrier », précise la Présidence.

L’Élysée assure valider ce que déclarait Manuel Valls, hier, dans nos colonnes : « À partir du moment où le oui l’a emporté, il faut en tirer les conséquences et respecter le choix des électeurs. Sinon, on affaiblit, l’autorité de l’État et la démocratie. L’évacuation c’est pour cet automne. Ça se fera. Il ne peut pas y avoir d’autre voie. »

On n’en sait donc toujours pas plus... Et tous les journaux de nous livrer leur lecture des entrailles de poissons. Pour le journal Challenges, il n’y aura pas d’expulsion, pas de travaux, rien. C’est même certain ! En voilà au moins qui ose parier (on garde l’article au chaud) :

Les désaccords sur l’avenir du nouvel aéroport nantais de Notre-Dame-des-Landes, qui règnent au sommet de l’Etat depuis le 1er octobre masque la réalité : l’abandon du projet.

Le JDD d’hier n’est pas vraiment d’accord :

En tout cas, s’il y en a bien une qui sait ce qu’elle fera si l’expulsion de la Zad est confirmée, c’est l’ex-dirigeante d’EELV et désormais ministre Emmanuelle Cosse. Pour résumer : rien. Se réaffirmant partisante de la non-violence elle ne souhaite ni l’expulsion (violente) de la Zad par la police ; ni sa défense acharnée. Peut-être sait-elle que le projet va être abandonné… Non plus !
Elle fait juste l’éolienne.

La gendarmerie approuve :

Entente

Du côté du Ministère de la Justice, par l’intermédiaire d’une circulaire, on recommande aux magistrats, contre « les infractions commises à l’occasions des manifestations et autres mouvements collectifs » (notamment les zads), de recourir à l’incrimination d’ « association de malfaiteurs ».

Ainsi :

La saisine d’un juge d’instruction est également pertinente lorsque les premières investigations, souvent réalisées en préliminaire, permettent de suspecter que des casseurs organisés se préparent à commettre des violences ou des dégradations d’ampleur, afin de mettre en évidence le délit d’association de malfaiteurs et d’interpeller les auteurs avant qu’ils ne passent à l’acte.

Dans une annexe de la circulaire sus-citée le Ministère indique une liste de qualifications qu’il peut être pertinent d’utiliser à l’encontre de manifestants ou d’émeutiers : « violation des mesures ordonnées dans le cadre de l’état d’urgence », par exemple, ou « entrave à l’action des secours », ou encore « provocation directe à la rebellion ». Dans cette liste, chaque qualification semble parler d’elle-même, sauf celle « d’association de malfaiteurs », pour laquelle le Ministère se sent obligé de fournir le mode d’emploi :

Ainsi pourraient être placées en garde à vue de ce chef au moins deux personnes interpellées en possession d’un récipient d’essence sur la voie publique, en pleine nuit, au sujet dequelles il existe des raisons plausibles de soupçonner que, dans un contexte de violences urbaines ou de manifestations violentes, elles s’apprêtent à commettre des dégradations par moyen incendiaire ou à fabriquer des cocktails Molotov.

Cette circulaire concernant tous les moyens juridiques adéquats à la répression des manifestations est à lire en intégralité ici.

En version résumée :

Street cred

Selon Libération :

Le 29 mai, le groupe Majin Gang a en effet mis en ligne sur YouTube un clip de rap, Yebi (verlan de « billet), qui respecte les codes du genre : adolescents tenant les murs, armes et munitions, cage d’escalier, billets… Rien de très original. Sauf que trois des participants au clip, dont aucun n’a le visage flouté ou dissimulé, sont soupçonnés d’avoir commis un braquage quelques jours avant, le 22 mai, et que l’une des armes utilisées pour extorquer les fonds est bien identifiable dans la vidéo…

Réseaux sociaux

Selon l’hebdomadaire Télé7jours :

Ce mardi, la branche californienne de l’American Civil Liberties Union (ACLU), la plus importante association de défense des libertés publiques aux Etats-Unis, a offert une publicité non sollicitée à Geofeedia. Jamais entendu parler, évidemment. Cette entreprise de Chicago, qui promet “une analyse en temps réel des réseaux sociaux” sur son compte Twitter, aurait aidé les autorités à identifier et surveiller des militants du mouvement Black Lives Matter à Ferguson et Baltimore, lors des manifestations qui ont suivi la mort de Michael Brown et Freddie Gray, abattus par la police. En bon data broker qui se respecte, Geofeedia lorgnait sur des statuts Facebook, épluchait des tweets frondeurs ou géolocalisait des photos Instagram. Rien d’illégal : les trois plateformes ont signé des accords autorisant la start-up à se brancher sur leur API - l’interface qui permet d’échanger des données.

Une fois son petit marché pas très bio effectué, Geofeedia transmettait ses données à “500 agences ou autorités de police”. Dans un email obtenu par l’ACLU, l’entreprise détaille son modus operandi : “Nous fournissons de l’intelligence sociale (sic) basée sur la géolocalisation, à des fins d’enquête, de surveillance en temps réel ou de cartographie de profils sociaux”. Outre Facebook, Twitter et Instagram, Geofeedia assure avoir accès à 9 autres plateformes et à deux milliards de données. Une mine d’or, pour quiconque veut traquer le dissentiment politique.

Mais au fait, qu’est-ce qu’un data broker ? Là encore, l’article de Télérama se montre éclairant :

Vu de notre écran, le web de 2016 fonctionne comme un couple aux relations orageuses. D’un côté, les internautes, vous, moi, eux ; de l’autre, les sites et les plateformes que nous utilisons. Les premiers laissent des traces, sèment des données comme autant de cailloux ; les seconds ont pignon sur rue, et collectent ce que les premiers épandent. Simple comme une partie de Pac-man. Mais ce binôme n’en est pas un. Tapis dans l’ombre, cachés derrières des raisons sociales inconnues du grand public, des data brokers jouent les intermédiaires. Ces courtiers du futur, thuriféraires du big data, ont déserté les romans de William Gibson pour entrer de plain-pied dans la réalité : comme le décrivait GQ dans une enquête parue en début d’année, “les data-brokers acquièrent, extraient, agrègent et raffinent des millions d’informations personnelles”. Par nature et par principe, ils sont secrets, invisibles à l’oeil nu. Sauf quand ils se font pincer.

Enfin, quelles sont les conséquences des révélations de l’ACLU ?

Abondamment reprise dans la presse américaine (et notamment par le Washington Post), l’enquête de l’ACLU a non seulement montré que Geofeedia n’avait pas les fesses très propres, mais elle a également eu des conséquences immédiates : dans la soirée, Twitter a annoncé la suspension de l’accès de Geofeedia à ses données. Même son de cloche du côté de Facebook, qui accuse l’entreprise d’avoir violé ses conditions d’utilisation. Le joujou de Mark Zuckerberg et Instagram, sa filiale photographique, ont tous deux coupé les vivres à Geofeedia le 19 septembre. Celle-ci a beau se défendre dans un communiqué bisounours, le divorce semble être consommé.

Quelle est la part de bonne foi des réseaux sociaux dans cette affaire ? On imagine mal leurs états-majors ouvrir les vannes au premier venu. La naïveté n’étant pas une vertu cardinale de la Silicon Valley - au contraire de la cécité, le récent Yahoogate est là pour le rappeler - ils savaient probablement à qui ils avaient affaire. Du lot, seul Twitter bloque (théoriquement) l’exploitation de ses données à des fins de surveillance. Les patrons du web ont beau bomber le torse et louer la liberté d’expression toutes les semaines, ils doivent essuyer les plâtres à la même fréquence. Cet incident incitera-t-il les Rockefeller du numérique à changer de braquet ? Poussera-t-il les internautes, surtout ceux qui appartiennent à des minorités - politiques ou ethniques - à faire un pas vers la clandestinité ou à mettre en place des stratégies de dissumulation (alors même que le pseudonymat est une espèce en voie de disparition) ?

Carglass

C’est tout un mythe de l’idéologie sécuritaire qui s’écroule. Vous connaissez certainement la théorie de la fenêtre brisée, qui inspira Rudolph Giuliani, l’ancien maire de New York, le maire-courage du 11 septembre, nommé homme de l’année 2001 par Time Magazine. Dont l’Express rappelait l’efficacité dans la lutte contre le crime, en septembre 1999 :

en six ans de règne, ce caractériel notoire, ce sale gosse de 55 ans a rendu la paix à sa bonne ville. Le crime a chuté de moitié, le nombre de meurtres de 65%. Les pluies de balles perdues et les nuages de crack s’éloignent d’Avenue D, d’East Brooklyn et du South Bronx. Times Square embaume la guimauve, et le métro, oui le métro, a vu son taux de délinquance diminuer des deux tiers depuis 1993. New York, forte de 8 millions d’habitants, est devenue, par tête, la ville la moins criminelle d’Amérique. Est-ce donc de sa faute, à Rudy la Poigne, si une bavure, encore une, est venue ternir sa victoire ? Le 31 juillet, Gidone Busch, un juif hassidique totalement dérangé, brandissait un « dangereux marteau » devant quatre policiers, armés, eux, de leur Magnum réglementaire. Lorsqu’il a frappé l’un d’eux, les flics se sont résolus à le calmer. De 12 balles. Rudy Giuliani se serait passé d’un nouveau scandale, de nouvelles manifestations monstres, au moment où il tente encore de se faire pardonner un autre excès de zèle. Est-ce de sa faute, aussi, si Amadou Diallo, un immigré guinéen logé dans le Bronx, est sorti une nuit de février pour ouvrir sa boîte aux lettres ? Une patrouille en civil de la Street Crime Unit recherchait un violeur repéré dans le quartier. La suite, confuse, se résume à deux mauvais chiffres : 41 balles défouraillées par les quatre flics, dont 19 retrouvées dans le corps du malheureux, coupable d’avoir voulu trop vite sortir ses papiers.

Giulliani a appliqué « une stratégie étudiée par les criminologues de Harvard » qui a pour nom la « théorie de la vitre brisée » :

de même qu’un carreau cassé appelle à plus de vandalisme contre un bâtiment, les comportements antisociaux mineurs trahissent une tendance à la délinquance grave. Sus au petits délits ! Bratton met ses troupes en planque devant les tourniquets du métro, et, surprise : 1 fraudeur sur 7, dûment arrêté, fait déjà l’objet d’un mandat d’arrêt récent ; 1 sur 15 porte une arme prohibée. C’était donc vrai. Avec Giuliani, le système est appliqué en surface. Aux quatre coins de New York, les pandores, scindés en BPP (beer and piss patrols), tombent sans faiblir sur le menu fretin de la débauche urbaine ; ceux qui urinent contre les murs ou boivent leur bière sur le trottoir sans le réglementaire sac en papier voient leur identité systématiquement contrôlée au fichier central.

Bien entendu, de nombreuses politiques sécuritaires s’inspireront de la réussite de Giulliani, et de son fondement idéologique : la théorie de la fenêtre brisée. Une théorie qui serait en fait.. infondée.

En juin dernier, un rapport du Vérificateur général de New York concluait à l’absence de lien mesurable entre une réduction de la criminalité et la politique poursuivie depuis deux décennies par la police — arrestations pour des délits mineurs tels qu’uriner en public ou marcher en état d’ébriété. Les policiers ont contesté les conclusions, mais il se pourrait qu’ils doivent se préparer à un vrai débat : le magazine Undark a recensé un grand nombre d’études analysant différentes politiques policières nées de la théorie de la fenêtre brisée, et plusieurs de ces études se contredisent ou ne s’appuient que sur des anecdotes. La criminologue Cynthia Lum et ses collègues de l’université George Mason expérimentent une série d’indicateurs qui permettrait, espèrent-ils, d’injecter un peu de science dans la fenêtre brisée.

Joker

Comme il y a deux ans à la même époque, voici (re)venus les clowns maléfiques pré-Halloween (phénomène qui serait en voie de s’étendre au Royaume-Uni, mais qui n’a pas encore atteint les côtes françaises… pour l’instant).

D’un incident isolé dans la campagne de Caroline du Sud au creux du mois d’août, c’est devenu une étrange épidémie qui touche quasiment tous les Etats-Unis : des hommes en costumes de clowns effrayants ont été vus errant autour d’écoles ou dans des universités ; ou encore filmés depuis une voiture à l’orée des bois, en pleine nuit, par des automobilistes hystériques ; des témoins prétendent également avoir été poursuivis par des clowns armés de machettes ; des parents paniqués jurent que des clowns ont tenté de faire monter leurs enfants dans une camionnette.

L’« épidémie » désigne en fait, selon le Monde, plus une psychose généralisée (amplifiée par l’internet), qu’une véritable multiplication des attaques de clown...

Aux Etats-Unis, les autorités locales ont pris l’histoire au sérieux, notamment parce que plusieurs menaces ont été proférées en ligne, depuis des comptes Facebook de « clowns », contre des établissements scolaires. De leur point de vue, c’était l’équivalent d’un risque terroriste, quel que soit le costume de l’agresseur.
Depuis la rentrée de septembre, des dizaines d’établissements scolaires ont été fermées dans l’Ohio, à New York, en Alabama, en Pennsylvanie ou en Floride en raison de menaces, d’agressions supposées ou du terme surréaliste de « clown-related activity » ou « activité en lien avec des clowns ».
A l’université de Pennsylvanie, une sorte de psychose collective a frappé près de cinq cents étudiants qui sont descendus de leurs chambres, armés de battes de base-ball, pour chasser un clown qui aurait été aperçu dans le campus. « L’information » avait circulé via WhatsApp, YakYak, Facebook. Pour éviter une émeute, l’université a été placée sous confinement. La police n’a jamais retrouvé le moindre clown.

Rectorats et agents de police ont bien tenté de rassurer publiquement parents d’élèves et grand public, avec souvent pour effet inverse d’inquiéter ceux qui n’avaient pas encore entendu parler de cette vague de clowns maraudeurs. Le préfet de police délégué de New York, John Miller, déclarait alors début octobre que des écoles de la région renforçaient leur sécurité :
« Nous surveillons la situation, mais nous ne voyons pas vraiment de risque réel. Nous avons essayé de ne pas tomber dans le piège de mettre plus de protection policière dans les endroits concernés. Notre principal message est ne croyez pas tout ce que vous entendez. Et n’ayez pas peur des clowns ».
L’affaire est remontée jusqu’à la Maison Blanche, où un porte-parole a dû répondre à une question sur les clowns qui hantent les ruelles sombres de l’Amérique. Il s’en est remis au FBI, reconnaissant que c’était quand même « une situation que les forces de l’ordre considéraient assez sérieusement ».

Par ailleurs ce phénomène ne profite pas en tout cas à l’image de … la société McDonald’s. Ainsi, nous apprend LCI :

McDonald’s et ses franchises sont conscients du climat actuel autour des clowns aperçus par des habitants, et ils réfléchissent aux participations de Ronald McDonald aux activités organisées avec des habitants.

3e âge

Pendant ce temps

Bip bip

Le bondyblog nous rappelle les conditions de travail des caissières dictées par le management et… les caméras. Ce sont en effet ces dernières, justifiées initialement par la lutte contre le vol, qui normalisent les comportement des employées :

Cette invisibilité, nous avons fini par nous y habituer. Il faut surtout faire face à la pression qui n’est pas des moindres. […] Je ne compte plus le nombre de fois où un responsable nous a demandé d’enlever un chewing-gum ou de cesser de regarder notre téléphone alors même qu’il ne se trouvait pas à nos côtés. Cela m’est arrivé la semaine dernière. “On t’a vue à l’écran“, reconnaissait une des chefs. Ces caméras avaient pour première utilité de renseigner les vigiles sur les vols. Nous sommes devenus des sortes de candidats de téléréalité assis sur nos chaises n’ayant pas le droit à l’erreur de peur d’être éliminés. C’est ainsi qu’Eloise*, une de mes collègues, m’a confié avoir été rappelée à l’ordre par les supérieurs car elle a osé bailler devant un client. Ce jour-là, Eloïse avait commencé sa journée à 11h30, finissait à 20h30 avec deux heures de coupure.

Beaucoup d’attente en caisse ? Et c’est manager qui pête un plomb devant les mesures de productivité :

La pression ne s’arrête pas là. A la caisse centrale, un classement est disponible. Il établit la liste des caissiers du plus rapide au plus lent. Le premier caissier sur la liste est celui qui passe le plus d’articles par minute. Dans le dernier supermarché où j’ai travaillé, le nombre d’articles exigé est de 21 par minute. Un nouveau classement est établi chaque jour en fonction des résultats de la veille. Tous les matins, au moment de récupérer sa caisse pour se rendre à son poste, les chefs rappellent le chiffre de 21 à atteindre, donnent les statistiques et les résultats de la veille. Ce chronométrage est biaisé. En effet, il est déclenché dès le premier article et jusqu’au dernier. Mais pendant ce temps, nous devons aussi soulever des articles lourds, renseigner les clients, les aider notamment les personnes âgées. Des actions tout autant dévalorisées au dépend de notre humanité pour faire de nous des machines. Ce classement nous dit autre chose. Il nous sépare. Il crée de la concurrence entre les employés, une distinction très claire entre les meilleures machines et les mauvaises machines, entre celles qui tiennent le rythme et les autres. Ce système vieux comme le monde du “diviser pour mieux régner” se retrouve lorsque la direction promet de meilleures postes, une caisse plus chaude en hiver ou encore d’accorder plus facilement des congés.

Silence

Libération nous apprend que :

Salah Abdeslam, dernier membre en vie du commando des attentats de Paris, n’a plus d’avocat. Mercredi, ses défenseurs belge et français, Me Sven Mary et Me Frank Berton, ont annoncé conjointement qu’ils renonçaient à poursuivre leur travail dans le dossier. En cause : le silence du suspect clé.

Et le journal de rappeler quelques éléments importants concernant le « droit au silence » :

En France, l’obligation de notifier le droit au silence date de la loi Guigou de 2000. Il s’agit d’un corollaire de la présomption d’innocence qui exige, d’une part, que les juges n’aient aucune idée préconçue quant à la culpabilité d’un suspect et, d’autre part, que la charge de la preuve incombe à l’accusation. Cependant, ce principe n’est pas resté gravé bien longtemps. La loi du 18 mars 2003 est venue abroger toute obligation de notifier à la personne gardée à vue le droit de se taire, tout en maintenant l’existence d’un droit au silence. Difficile tout de même pour un suspect de se prémunir d’une prérogative dont il ignore l’existence… Il faudra attendre la loi de 2011 relative à la garde à vue pour que l’obligation de notifier ce droit soit réintroduite.
[...]

Ces tergiversations traduisent bien l’écartèlement du législateur entre la volonté de préservation de l’enquête et la nécessaire protection de la présomption d’innocence. Il s’agit de concilier deux antagonismes : la quête de vérité - judiciaire du moins - et les droits fondamentaux du suspect. Une gageure dans notre système inquisitoire où l’aveu est traditionnellement considéré comme la « reine des preuves », selon l’adage juridique. Nous avons cédé « à la superstition de l’aveu », écrivait Me Maurice Garçon un célèbre avocat du XIXe siècle. L’homme est devenu « une bête d’aveu », avançait encore le philosophe Michel Foucault.

Le silence face à l’institution judiciaire, fut-il un droit, a mauvaise image :

En théorie, le silence ne présage donc pas d’une culpabilité mais reste une position comme une autre. Un suspect a parfaitement le droit de s’exprimer, de se taire et même de mentir. Dans la pratique, ce n’est pas aussi simple. On attend non seulement qu’un crime trouve son coupable, mais aussi que ce dernier reconnaisse son forfait. Ce sont les deux pièces d’un puzzle que seul l’aveu permet d’emboîter parfaitement.[...] Il suffit de relire cet extrait de la Théorie des peines et des récompenses de Jeremy Bentham, important théoricien de la philosophie du droit au XVIIIe siècle : « [...] Silence est synonyme d’aveu. L’aveu est une confession de bouche, le silence une confession de fait. »

Ce droit peut pourtant s’utiliser en garde-à-vue, face à un juge d’instruction, voire même devant la cour :

En septembre, deux membres présumés de l’organisation séparatiste basque ETA, accusés de tentative de meurtre sur des gendarmes en 2011 en relation avec une entreprise terroriste, sont ainsi restés mutiques devant la cour d’assises de Paris.

Dans le cas d’Abdeslam :

Mais son refus de collaborer n’empêche pas l’enquête de progresser. Sa parole n’est pas la condition ni même un préalable nécessaire pour que l’instruction aboutisse, pas plus qu’elle ne sera gage de vérité. Il ne s’agit que d’un élément du dossier parmi d’autres.

Pourtant son attitude « ne semble plus être perçue comme un droit - même par ses propres avocats - mais comme un affront à des victimes endeuillées ».

Et le journal de conclure :

« porter le silence », pour reprendre l’expression de Me Berton, aussi lourd soit-il, ne fait-il pas partie du fardeau de l’avocat ? N’est-il pas, justement, la seule voix d’Abdeslam, celle qui le rattache encore à l’extérieur ? Avec cette défection, l’instruction s’annonce a priori longue et silencieuse.

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