Banalités de bases sur la situation en Palestine

paru dans lundimatin#403, le 13 novembre 2023

1. « Bataclan israélien », « Israël a vécu son 11 septembre » (Olivier Véran), « le mal à l’état pur » (Biden), « Crier "Allah Akbar", que dit la loi ? » (BFM), « Benzema : influenceur islamiste ? » (BFM) : depuis le 7 octobre, l’artillerie médiatique est de sortie. Mais contrairement à ce qui se raconte sur les ondes et les plateaux télé, il n’y a pas de guerre entre Israël et le Hamas. Encore moins un affrontement civilisationnel entre terrorisme islamiste et « la seule démocratie au Moyen-Orient ». Ce qu’il y a, c’est un des derniers États coloniaux au monde à n’avoir pas été renversé, en guerre ouverte contre un peuple non-soumis. [1]

1.1. C’est cette vérité qui est constamment niée depuis quelques semaines sur les plateaux télé. À coups d’injonctions à qualifier l’attaque conduite sous l’égide du Hamas de « terroriste » et d’amendes de 135 euros pour ceux qui auraient des velléités de ne pas rester sagement devant leur télé ou leur fil instagram. L’opération de recouvrement est simple à décoder. Pour tailler en pièces un narratif, il suffit de le rendre invisible, indicible et d’en marteler un autre. Dans la mythologie occidentale moderne, le terrorisme étant l’équivalent du Diable pour les européens du Moyen-Âge, cela donne Hamas = terrorisme = Daech, donc le summum du mal. Circulez, la messe est dite.

2. L’ennemi a le monopole du cadrage de l’information. C’est d’autant plus facilement visible en temps de guerre. Des questions comme « Le Hamas peut-il être défait et qui administrera Gaza après ? » (Le Monde) ne sont pas des questions : ce sont les balises qui préparent les esprits, ferment mentalement d’autres possibles et préparent l’opinion sur le chemin du pire. Des étoiles de David peintes en région parisienne en soutien à Israël [2] se transforment en « tags antisémites » et vont grossir les chiffres de l’antisémitisme aux cotés des Mcdo repeints et des « Free Palestine » qui fleurissent sur les murs. Une fresque murale « Décolonisons la médecine » accompagné d’un « Fuck Antisémitisme ! » se transforment en appel à exclure les médecins et les internes juifs des hôpitaux. Libé, dont chaque article de factchecking concernant la guerre est recouvert de placards publicitaires soutenant Israël [3] ne craignent pas de reprendre le narratif israélien « La chaîne Al-Jazeera, une arme d’information massive au service du Hamas » au moment même où l’hécatombe chez les reporters d’Al-Jazeera (déjà 36 morts), qui couvrent les massacres en cours à Gaza, se poursuit. Des pays comme l’Arabie saoudite profitent de la confusion et tentent de faire oublier leur entente avec Israël en lançant opportunément « une campagne de dons pour les Palestiniens de Gaza ». L’éventuel transfert de deux millions et demi de gazaouis en Égypte ou dans d’autres pays Arabes, soit un nettoyage ethnique en bonne et due forme et l’application du vieux projet de Grand Israël, se transforme en opération humanitaire presque bienvenue. Sans parler des menaces de mort par tracts largués par l’aviation israélienne – « quiconque n’évacue pas vers le sud est complice du terrorisme » – présentées comme des signes de retenue de « l’armée la plus morale du monde ».

2.1. Ici, les échos des bombardements nous parviennent par smartphones et chaînes d’information interposées. Sur les écrans, la guerre se déroule sur le terrain des « cœurs et des esprits », comme disaient les spécialistes de la pacification en Algérie. Dans un conflit asymétrique, c’est le privilège du plus puissant que de modeler le champ de bataille à sa convenance. Si Israël pilonne Gaza pour préparer « l’environnement opérationnel » avant d’envoyer ses troupes au sol, ici, un des premiers terrain d’opération du mensonge dominant est bien celui des perceptions. C’est pourquoi il est si important pour lui de déformer et recoder ce qui se passe depuis le 7 octobre en un conflit entre le Bien (démocratique, éclairé, occidental, innocent) contre le Mal (terroriste, islamiste, coupable). Vous êtes avec les terroristes-meurtriers ou avec le monde civilisé qui se défend, telle est l’alternative de Tsahal, Cnews et Yaël Braun-Pivet – d’où l’hystérie suivie d’une condamnation morale (et parfois pénale) dès que se manifeste un refus de se laisser broyer dans cette alternative (par exemple le refus de céder à l’injonction de qualifier le Hamas de « groupe terroriste »). Ce qui revient à refuser de se soumettre à Samuel Huntington et sa théorie délirante du choc des civilisations pour préférer d’autres options, un autre terrain d’affrontement et d’autres mots pour penser la situation : guerre de libération, soutien à la résistance, lutte contre la spoliation des terres et les colons, etc.

3. Prêter l’oreille aux outrances actuelles du champ politique peut laisser désemparé. La bassesse des saillies d’un Meyer Habib (« l’antisémitisme est l’aphrodisiaque des masses arabes ») concurrencent celles du ministre de l’Intérieur quand il assène : « la haine du Juif et la haine du flic se rejoignent »… Quand on sait que le climax antisémite en France (arrestations, rafles et déportations) a été l’œuvre de fonctionnaires de police sur ordre du ministère de l’Intérieur, on reste estomaqué. De manière générale, que peut bien cacher ce soutien si inconditionnel et sans limites à l’État d’Israël, toute islamophobie mis à part ? Sans doute une sacré mauvaise conscience. Un besoin de se dédouaner, d’empêcher toute remise en cause sérieuse, d’entamer la délocalisation de l’antisémitisme et les massacres de Juifs dans des contrées lointaines [4]. Ce soutien fait d’une pierre deux coups : assurer le bien-fondé moral d’un État qui pratique l’apartheid et jouer la dernière carte de légitimité morale de la civilisation occidentale. « En Europe, la Shoah est devenue l’image de tout ce que l’Europe n’est pas aujourd’hui : le génocide participe de la dictature, de l’intolérance et de la haine d’Israël. Il n’est pas ce que les Européens savent d’eux-mêmes, mais, grâce à lui, ils savent ce qui est le contraire d’eux-mêmes » (Yitzak Laor, Le nouveau philosémitisme européen).

4. Un des objectifs du siège puis de l’incursion militaire dans Gaza, au-delà de la pure et simple vengeance israélienne, est de soumettre les Palestiniens. Les briser dans leur moral, dans leur détermination. Les écraser si totalement, leur laisser un tel souvenir de terreur que toute tentative de futur assaut contre Israël soit inimaginable. Le massacre en cours à Gaza n’est ainsi pas fait que d’affects vengeurs et d’une haine déchaînée : il a été théorisée par des militaires. C’est la mise en pratique de la doctrine Dahiya [5] qui préconise 1) une riposte disproportionnée et dissuasive à toute attaque, 2) le ciblage des zones civiles et des infrastructures nécessaires à la survie de la population.

4.1. On pourrait presque qualifier cette opération de terroriste, tant le ciblage des zones civiles et l’effet de terreur recherché est manifeste. Mais là aussi, il faut plutôt renverser la perspective. Et dire tout net : le terrorisme n’existe pas. « Il y a des attaques à l’arme lourde et des massacres, il y a des assassinats ciblés et des attentats effroyables, il y a des bombes, il y a des sabotages, mais il n’y a pas de “terrorisme” ni de “terroristes”. Dire cela aujourd’hui est à peu près aussi hérétique que de dire à un européen du XVIe siècle qu’il y a des pratiques magiques, une vieille culture paysanne et païenne, des remèdes ancestraux, d’antiques croyances manichéennes, une résistance populaire au gouvernement, une certaine autonomie féminine, mais ni de sorcières ni de sorcellerie. [...] De même que la figure de la sorcière est le produit de l’appareil inquisitorial, la figure du ’terroriste’ est le produit de l’appareil antiterroriste » (Ce que tout révolutionnaire doit savoir de l’anti-terrorisme). Toute la propagande grossière pour présenter les uns comme des terroristes « tuant intentionnellement » et les autres comme se défendant et « tuant involontairement » se résume à ça : entretenir cette distinction fictive entre terroristes au service du mal contre soldats du bien. De nos jours, le « terrorisme » est donc surtout une insulte, une appellation infamante destinée à décrédibiliser l’adversaire, à terroriser ceux qui pourraient avoir de l’empathie pour lui, trouver sa cause juste. Même les écologistes des Soulèvements de la Terre sont taxés d’« éco-terroristes », c’est dire. Sur l’usage du terme terrorisme, nous ne devons pas accepter le langage de l’ennemi comme étant le nôtre.

5. L’information n’a rien de secrète : Gaza est une prison à ciel ouvert (40km sur 10km) sous blocus depuis dix ans. Entourée d’une muraille de béton, de miradors et de checkpoints. Des gazaouis de quarante ou cinquante ans n’ont jamais eu l’autorisation de sortir de cette enclave. 80% de la population dépend de l’aide internationale pour survivre. Que l’État israélien soit en capacité de couper l’accès à l’électricité, au carburant, à la nourriture et à l’eau de plus de deux millions d’habitants (puis de la rétablir dans la zone sud pour contraindre les mouvements de population) résume assez bien le régime d’oppression et de contrôle qui s’exerce à chaque instant sur les Palestiniens, le pouvoir sans limite de vie et de mort qu’a le gouvernement Netanyahou sur chaque millimètre et chaque minute des existences palestiniennes. À moins de 100km, en Cisjordanie, chaque semaine, un enfant, une vielle dame, un jeune homme est tué, par un colon ou un soldat. Des colonies israéliennes s’implantent en Cisjordanie chaque mois. L’eau est volée, les agriculteurs palestiniens chassés de leurs terres, leurs oliviers arrachés ou expropriés. Des habitants de Jérusalem sont virés manu militari de leurs maisons au profit de colons, des cimetières palestiniens détruits pour laisser place à des parcs et à des musées...

5.1. En face, la société israélienne vit dans la surpuissance et l’immunité. Hormis les échos des soulèvements périodiques qui lui parviennent (intifadas, soulèvement de 2021 parti de Jérusalem…), la vie continue. C’est ce petit nuage de tranquillité, fait de l’anéantissement sourd et continu de tout un peuple, qui s’est disloqué le 7 octobre, à mesure que des brèches étaient ouvertes dans le « mur d’acier ». Quand plus rien ne vous arrive alors que vous commettez crimes sur crimes, sans une force qui pose un « stop », un jour vous êtes surpris et stupéfait. Pourquoi ? Parce que vous n’imaginiez pas que vous puissiez être victimes de ce que vous infligez. C’est cette symétrie qui est d’abord insupportable aux yeux des gouvernants et des tenants de l’ordre établi. D’où les logorrhées médiatiques répétant sans cesse qu’on ne peut pas mettre sur un pied d’égalité le Hamas et Tsahal, qu’une démocratie et un groupe terroriste ça n’a rien à voir, que c’est du terrorisme puisque ce n’est pas un conflit classique entre deux États, etc.

5.2. D’où aussi deux observations (interne et externe) : 1) être un peuple qui a subi, aux cotés d’autres définitivement éliminés, une tentative d’extermination ne vaccine pas contre le projet de prendre la même pente. 2) Passé certains seuils et des degrés dans le conflit, il n’y a plus de cadre, plus de règles, plus de convention de Genève. Juste l’aspiration à causer à l’ennemi le plus de dommages possibles.

6. Là-bas les frappes de l’aviation sur les hôpitaux et les zones résidentielles, les tanks qui avancent à Al-Shati et Beit Hanoun. Ici, la guerre des mots. Toutes les tentatives de ramener ce qui se joue en Palestine au « problème du terrorisme » ou à un conflit de toute façon « complexe » est pure diversion pour masquer l’essentiel et éviter de se positionner simplement : c’est avant tout une lutte de libération. C’est le point clé et il ne faut pas céder là-dessus. Ne pas céder sur les mots colonisation, occupation et résistance. Ce sont les coordonnés de la lutte, la base. Le 7 octobre fait partie de ces coordonnées aussi bien que les massacres sionistes de 1948. Croire que ces coordonnées peuvent être condamnés de loin est une position hors sol, hors sujet et souvent inconséquente.

6.1. Un des problèmes politiques de ce conflit, et de quantité d’autres, est d’être tout le temps ramené aux questions morales et de « condamnations ». Contre ces injonctions, il faut rappeler : à l’échelle individuelle ou même un peu plus collective, nous ne sommes pas des micro-États avec un corps diplomatique et une opinion publique à gérer. Nous n’avons pas à distribuer les bons et les mauvais points (« je soutiens la résistance mais pas de manière inconditionnelle… »). Il ne faut pas se soumettre aux différents checkpoints de moralité. Surtout, il faut se libérer de l’idée d’être dans le camp du Bien [6].

6.2. Parce que Karim Benzema a fait un tweet de soutien aux Gazaouis et pas à Israël, Darmanin l’a accusé d’être lié aux Frères musulmans. Le ministre a ensuite proposé un deal : il retirera ses mensonges si le footballeur tweete sur l’assassinat de Dominique Bertrand… C’est exactement avec ce type de chantage que Gérald a obtenu des relations sexuelles contre des promesses de logement HLM. Ayant retenu la leçon (les femmes qui ont cédé n’ont finalement jamais obtenu d’appartement), Benzema n’a heureusement pas cédé.

6.3. « Ces actes du Hamas ne sont sous aucune forme des actes de résistance. Face à la barbarie nazie, pas un seul résistant français n’aurait imaginé torturer un ennemi » (Gérard Miller dans “C ce soir”). Voilà le nœud du problème : vouloir distribuer tout le bien et tout le mal à des entités distinctes. Le Hamas ne peut pas être du coté du Bien. Les résistants français, eux, sont complètement du coté du Bien, et donc ils ne pourraient jamais faire des actes au service du Mal. Au delà du fait que l’on peut se poser la question de ce qu’auraient fait nos résistants si des familles allemandes, avec nourrissons et grand parents, étaient venues installer des colonies de peuplement dans les villages français, sur des terres confisquées, on sait aujourd’hui que des résistants ont torturé en Algérie. Réfléchir en termes politiques et non-moraux est nécessaire et implique de reconnaître 1) qu’il n’y a pas de guerres propres, que le propre des armées est de s’en prendre, à l’occasion, aux civils 2) qu’évidemment la question principale de la guerre, pour qui refuse le rôle de spectateur, est celle des moyens adéquats à la victoire.

6.4. Qu’on le veuille ou non, les coordonnées de la lutte ici sont les suivantes : la « cause palestinienne » est une lutte de libération et une lutte de survie. Si la résistance est vaincue, le peuple palestinien aura le même destin que les peuples autochtones d’Amérique du Nord dont la résistance a été défaite il y a un siècle et demi : en partie décimés, parqués dans des réserves, pour une part intégrés dans la société dominante, pour d’autres subissant les affres de l’alcoolisme et de la dépression. Pendant la conquête de l’Ouest, alors que l’extermination des « Indiens » et le vol de leurs terres allaient bon train, il y avait de belles âmes pour s’horrifier de tel ou tel massacre de colons (chaumière brûlée, mari tué, femme violée, enfant kidnappé) et de gloser sur la barbarie de ces sauvages. Avec le recul, il est facile de voir aujourd’hui ce qu’occultaient massivement de tels récits stéréotypés : l’anéantissement des peuples autochtones. Comme l’État d’Israël aujourd’hui, l’Amérique blanche [7] se racontait à l’époque qu’elle avait « bien le droit de se défendre ». Et ce n’est pas un hasard que ce soit le même genre de récits qui soit brandi par la propagande occidentale directement après les attaques du 7 octobre : ils correspondent à la structure mentale du colon, à ses peurs viscérales, à sa fin du monde.

6.5. Ensuite, la violence de l’occupant n’est condamnée que dans ses excès, jamais dans son principe. On dira : « Israël a le droit de se défendre, mais il est vrai qu’il est regrettable qu’il y ait des victimes collatérales ». N’importe qui s’amusant à tracer une symétrie et à proclamer que les civils tués par le Hamas sont aussi des « victimes collatérales », serait automatiquement passible de poursuites pour « apologie du terrorisme ».

6.6. Le dernier paramètre à prendre en compte tient au fait que la seule identification aux Palestiniens encore tolérée est celle de la pure victime : des gens qui subissent de la violence sans pouvoir se protéger (notamment les enfants). Ça, il est encore possible de s’en émouvoir, d’être tristes pour les morts civils, sous-entendu pour les pures victimes innocentes. L’État est prêt, en prenant sur lui, à tolérer des manifestations dont les mobiles sont ceux-là : compassionnel et humanitaire. Mais par contre, dès que l’on assume la résistance face à l’occupation, ce qui est la base minimale du combat politique (identifier la cause de ses malheurs, la combattre directement, se donner la possibilité de gagner), alors là c’est la condamnation morale, les arrestations au petit matin pour « apologie du terrorisme » [8] et manifestations interdites pour le plus grand nombre.

7.Malgré les apparences, toutes les revendications du type « il faut qu’Israéliens et Palestiniens reviennent à la table des négociations », « il faut une solution à deux États [9] » sont glissantes. Pourquoi ? D’une part, parce qu’ils évacuent l’essentiel : la question de la libération des territoires, donc de la lutte, donc des moyens. (La libération de plus de mille prisonniers palestiniens en 2011 est le résultat de la prise d’otage d’un militaire israélien). D’autre part, parce qu’ils vont dans le sens d’Israël : le gouvernement israélien veut aussi la paix. Une paix armée, où la situation d’apartheid perdure, où il contrôle la plus grande partie de la Palestine, où la colonisation continue, silencieusement sans trop de vague, où chaque semaine des Palestiniens sont tués, où les populations arabes sont soumises au blocus, vivent entourés de murs. Paix et libération ne sont pas synonymes. On peut vivre « en paix » sous le joug du colon. D’ailleurs, une fois sa domination installée, celui-ci n’aspire souvent qu’à la paix et au statu quo. Depuis la fin de la seconde intifada, les électeurs israéliens ont fait confiance à des politiciens qui leur ont vendu l’idée que par un programme sécuritaire hardcore et technologique, on pourrait étouffer « la question palestinienne » et vivre « en paix », c’est-à-dire sur le dos des Palestiniens.

7.1 « Un peuple en vie ne fait d’énormes concessions sur des questions aussi décisives que lorsqu’il n’a plus d’espoir. C’est seulement lorsque plus une seule brèche n’est visible dans le mur de fer que les groupes extrémistes perdent leur emprise, et que l’influence est transmise aux groupes modérés. […] En d’autres termes, pour nous la seule voie vers un accord dans l’avenir est un refus absolu de toute tentative d’accord maintenant. » (Vladimir Jabotinsky, un des pères du sionisme de droite dure, 1923).

8. « Je rêve d’un monde où je pourrais manifester pour le peuple palestinien, le peuple israélien et pour la paix sans être amalgamée à des gens qui crient "Allah Akbar", place de la République hier, ce qui est débile et choquant. » (Marie Tondelier, patronne de EELV). La gauche ne comprendra jamais cette vérité : les gens, surtout quand ils se révoltent vraiment, sont entiers. Elle aura beau grogner devant les marseillaises et les drapeaux français des gilets jaunes, se pincer le nez devant les « Allah Akbar », le fait est là. Quand ils sortent, les révoltés n’ont généralement pas les bonnes manières, ne s’excusent pas d’être là et, plus impardonnable, ils ramènent leur monde avec eux. Quel manque de savoir-vivre au pays des bonnes manières et de l’universel.

8.1. Les derniers grumeaux de la gauche bourgeoise façon EELV et PS rêvent de rassemblements où tout le monde pourrait communier pour la paix au Proche-Orient sans condamner la colonisation et le régime d’apartheid, sans « Israël assassin » et slogans en arabes. Les manifestants font preuve de beaucoup de gentillesse et d’indulgence en les tolérant encore.

9. Depuis une petite dizaine d’année, surtout depuis l’entrée dans la macronie, la possibilité même de la contestation est directement contestée. De dissolutions (CCIF, Barakacity, CRI, Gale, Bloc lorrain, Soulèvements de la Terre, etc.) en interdiction de manifester, en passant par les lois sécuritaires (et une complaisance, jamais vue jusque là, pour tous les caprices des syndicats policiers), le verrouillage se fait plus pressant. On n’est pas loin d’atteindre le niveau russe ou chinois. Ce n’est pas en Cisjordanie mais dans une station de métro parisienne qu’une femme voilée, parce qu’elle tenait des « propos menaçants » et refusait d’obtempérer face à des policiers, s’est prise deux balles dans le corps, le 31 octobre dernier.

9.1. Macron peut bien ressusciter le fait du prince et justifier l’interdiction des manifestations par « un délai de décence » sans que cette absurdité suscite d’indignations particulières. Et son valet, préfet de police de Paris, dit peu ou prou la même chose : « ce n’est pas une question de maintien de l’ordre [...] Le critère est immatériel, il est moral. Le trouble à l’ordre public depuis une jurisprudence qui remonte aux années 80 peut être immatériel. Et le simple fait que dans une manif on puisse tenir des propos négationnistes, antisémites ou de soutien au terrorisme est pour nous un problème et c’est ce qui justifie ces interdictions ». Ce qui était de l’ordre de la science-fiction et d’un roman comme Minority Report est devenu notre réalité : une manifestation est aujourd’hui préventivement interdite pour empêcher un possible « crime » de se produire. Comme nombre de gilets jaunes ont été préventivement arrêté pour « participation à un groupement en vue de commettre des violences ».

9.2. Il n’est sans doute pas si lointain le temps où les vidéos de bombardements, de blessés, d’enfants morts, de parents gazaouis anéantis seront retirés des réseaux sociaux pour ne pas entraîner de débordements et de « futurs actes antisémites ». La Knesset vient d’ailleurs d’amender sa loi antiterroriste, en punissant désormais la « consommation numérique » de contenu « terroriste » avec une peine pouvant aller jusqu’à un an d’emprisonnement [10].

9.3. Que le drapeau israélien ait été projeté sur la tour Eiffel et l’assemblée nationale dans un contexte où des manifestants se faisaient contrôler et verbaliser pour s’être rendus à des rassemblements de solidarité avec la Palestine est un sale petit jeu bien dangereux de la part des autorités. Il se situe là le réel encouragement à l’antisémitisme.

9.4. Le danger qu’il y aurait à « importer le conflit israélo-palestinien » fait partie des multiples stratagèmes de l’État israélien pour défendre son existence, aux cotés du chantage à l’antisémitisme. Ce conflit est déjà-là. La police française ne se prive pas de demander des conseils à ses homologues israéliens quand les émeutes pour Nahel éclatent. Des politiciens ont déjà appelé publiquement (après le 13 novembre) à « israéliser » la sécurité en France.

Soutenir là-bas veut dire attaquer ici – donc la question des moyens et des cibles.

[1NDLR : Si l’essentiel des banalités exposées dans cet article nous paraissent relever du bon sens le plus élémentaire, certaines constituent, à notre avis, des apories qui mériteraient d’être contournées, dépassées ou au moins complexifiées, notamment sur la question de la morale, de la définition de la guerre et des termes de l’asymétrie ; diviser la division, comme dirait l’autre. C’est ce que nous tenterons de faire dans un prochain article à paraître.

[2NDLR : L’interprétation de ces étoiles de David peintes au pochoir à Paris et dans ses environs est sujette à caution. D’abord présentées comme des tags antisémites, elles ont ensuite étaient revendiquées comme des marques de soutien à Israël par leur « commanditaire » moldave présumé Anatolii Prizenko. Le Quai d’Orsay y voit néanmoins une opération d’influence russe visant à attiser les tensions antisémites en France.

[3NDLR : Au moment de la publication de cet article, les publicités en question apparaissaient à 7 reprises sur un seul et même article. Un panneau clignotant y indique en rouge sur noir : Hamas = ISIS, stand with humanity, stand with Israel.

[4Comme le soutenait, il y a quelques temps, l’écrivain Stéphane Zagdanski ici-même dans un texte détestable : « Les Juifs d’Europe avaient été quasiment exterminés, avec la complicité de bien des dirigeants arabes et des populations arabes de Palestine, farouchement hostiles à l’immigration juive. Certes, Hitler n’était pas musulman, mais il y a une nette coresponsabilité arabe dans l’extermination des Juifs [...] ». À ce niveau-là, on est plus très loin du négationnisme.

[5Du nom d’un quartier de Beyrouth rasé sous les bombes israéliennes durant la guerre de 2006 contre le Hezbollah.

[6Ce camp ne regroupe personne, pas même les Palestiniens. Penser qu’un tel camp existe ne peut conduire qu’au complotisme le plus stupide comme par exemple voir le 7 octobre comme une opération du Mossad, un piège tendu aux Palestiniens...

[7Les mêmes exactions commises par les Blancs n’étaient évidemment pas rapportées et qualifiées à travers les mêmes termes, ni ne généraient les mêmes images.

[8Plusieurs arrestations ont eu lieu depuis un mois de militants pro-palestiniens, dont un cégétiste et Mariam Abou Daqqa (72 ans membre du FPLP) arrêtée dans la rue après que les crapules du Conseil d’État ait donné leur feu vert.

[9De plus, il existe déjà un embryon d’« État palestinien » : l’Autorité palestinienne discrédité (qui enferme dans ses geôles d’authentiques résistants palestiniens) et corrompue (qui ne survit que par les perfusions économiques des USA et de l’UE). De même que le Hamas avec sa branche militaire et ses administrations assurent déjà des fonctions étatiques.

[10Un changement de statut Whatsapp (« Que dieu leur garantisse la victoire et les protège ») entraîne en Israël l’arrestation d’une Palestinienne et de son mari là où ici des posts facebook de soutien à la résistance palestinienne entraîne convocations et arrestations.

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