Anthropologie fondamentale pour une gnose anarchiste

Alain Santacreu

paru dans lundimatin#339, le 18 mai 2022

Vous êtes de ce monde
et je ne suis pas de ce monde.
– Jean 8, 23

L’homme est un animal social ; en lui, l’humanité n’est pas innée : un enfant élevé par des loups sera plus proche du loup que de l’homme. Mais la solidarité des loups envers cet enfant nous montre que les relations sociales ne sont pas spécifiquement humaines et qu’il est insuffisant de définir l’homme comme un animal social, la socialité étant partagée par d’autres espèces.

La vie en société est-elle un moyen d’affranchissement pour l’individu ou une cause d’asservissement ? mène-t-elle à une extension de la liberté individuelle ou à son amoindrissement ? Telles sont les questions déterminantes qu’une anthropologie anarchiste devrait se poser car, si la société transmet à l’homme la possibilité de son humanité, elle ne le fait qu’en le privant d’une part essentielle de sa potentialité de vivre en humain. Ce qui fait l’humanité de l’homme est l’objet de ce que nous pourrions appeler l’anthropologie fondamentale, science de la reconnaissance du principiel dans l’humain : la conscience de la vie contre le monde.

L’anthropologie anarchiste

L’anthropologie anarchiste est une branche de l’anthropologie politique ; mais, alors que cette dernière prend pour objet toutes les formes d’organisations sociales expérimentées par l’humanité, l’anthropologie anarchiste étudie plus spécifiquement les sociétés qui ont inventé des formes de résistance aux institutions autoritaires de type étatique.
David Graeber (1961-2020) a proposé cette appellation dans son essai Pour une anthropologie anarchiste [1]. Les grands prédécesseurs de l’anthropologie anarchiste sont Pierre Kropotkine (1842-1921) et, plus près de nous, Pierre Clastres (1934-1977). Parmi les anthropologues contemporains, outre David Graeber et Marshall Sahlins (1930-2021), tous deux récemment disparus, on citera Harold Barclay (1924-2017) et James C. Scott.
David Graeber soutient qu’il existe une pratique anarchiste de l’anthropologie qui cherche à se libérer de l’ethnocentrisme de la science politique occidentale. Pour lui, l’anthropologie anarchiste doit s’émanciper du grand récit canonique qui, à partir du texte rousseauiste fondateur, le Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, fait remonter l’origine de l’inégalité sociale au néolithique, c’est-à-dire à l’invention de l’agriculture. Ce récit classique prétend que les hommes de la fin de la période glaciaire vivaient au sein de groupes égalitaires de chasseurs-cueilleurs. L’avènement de l’agriculture, avec la propriété privée, provoqua l’essor démographique, entraînant l’émergence de l’urbanisation étatique. Selon Graeber ce récit ne repose sur aucune donnée scientifique.
« Comment changer le cours de l’histoire ? », telle est la question que doit poser une anthropologie anarchiste. Dans un article, ainsi intitulé, écrit en collaboration avec l’archéologue David Wengrow [2], Graeber reprend plusieurs exemples ethnographiques qui montrent le caractère saisonnier de l’inégalité sociale chez certains groupes de chasseurs-cueilleurs. Il se fonde sur un article pionnier de Marcel Mauss qui établit que les Inuits avaient deux organisations sociales, l’une patriarcale et autoritaire, lors des chasses estivales, l’autre collective et égalitaire, lors de la longue nuit polaire [3].
L’ethnologie étant appelée “anthropologie” par les anglophones, David Graeber a circonscrit l’anthropologie anarchiste à l’ethnologie et à son lignage libertaire.
À la fin du XIXe siècle, juste après la période fondatrice des Godwin, Proudhon ou Bakounine, la doctrine anarchiste s’est enrichie par l’apport d’une génération de géographes soucieux des groupes autochtones et considérant que l’analyse de la nature n’est pas séparable de celle de ses habitants. Nous y retrouvons Pierre Kropotkine avec Élisée Reclus (1830-1905), et Léon Metchnikoff (1838-1888) [4]. Depuis Marshall Sahlins et Pierre Clastres jusqu’à Graeber, les anthropologues anarchistes contemporains ont toujours puisé leurs outils critiques dans le corpus de ces sociétés dites “primitives” mais, ce faisant, ils ont oublié que des institutions contre l’État existaient aussi en Occident, comme dans le droit coutumier de la société médiévale, la commune villageoise, les guildes, les cités libres du XIIe siècle, ce que Kropotkine, par contre, avait su mettre en valeur dans L’Entraide, un facteur de l’évolution (1902) et La science moderne et l’anarchie (1913).

« Que l’anthropologie se proclame sociale ou culturelle, elle aspire toujours à connaître l’homme total  », écrivait Lévi-Strauss [5]. On ne s’interrogera pas ici sur la distinction entre anthropologie sociale et anthropologie culturelle car il ne s’agit que d’une différence de point de vue, selon que l’on considère l’homme comme un animal social qui se dote de coutumes ethnographiques ou bien comme un animal culturel capable de fabriquer des outils. Plus important à nos yeux est l’expression homme total que Lévi-Strauss reprend à Marcel Mauss et qu’il souligne en italique.

Dans sa leçon inaugurale au Collège de France (1960) Lévi-Strauss, rendant hommage à Marcel Mauss, le fondateur de l’anthropologie sociale, déclarait : « Si votre but dernier, dira-t-on, est d’atteindre certaines formes universelles de pensée et de moralité (car l’Essai sur le don s’achève par des conclusions morales) pourquoi donner aux sociétés que vous appelez primitives une valeur privilégiée ? Ne devrait-on pas, par hypothèse, arriver aux mêmes résultats, en parlant de n’importe quelle société ? »
Le champ de l’anthropologie est l’étude de l’homme dans son universalité, on ne saurait le confiner à l’ethnographie primitive. Il apparaît primordial pour l’anthropologie anarchiste de ne pas se couper de l’approche historienne proposée par Kropotkine car, sous le prétexte de rejeter tout ethnocentrisme, l’erreur serait de ne pas s’apercevoir qu’il y a une corrélation parfaite entre l’émergence de l’État et le processus d’individuation psychologique. Ce n’est que dans la civilisation occidentale que l’histoire du moi humain se confond avec l’histoire “politique” de la société.

La dynamique anti-ternaire de la théologie médiévale

Comme le constate Jérôme Baschet, dans son introduction à son livre Corps et âmes. Une histoire de la personne au Moyen Âge : « L’anthropologie de l’Occident médiéval s’est plutôt construite contre Paul qu’à partir de lui [6]. »
Envisageons-les les différents paradigmes anthropologiques qui jalonnent la cosmovision occidentale :
L’anthropologie moniste comprend trois types : matérialiste, idéaliste et immanentiste. Pour le monisme matérialiste tout est matière en évolution (Marx). Pour le monisme idéaliste, seul l’esprit est réel et la matière n’est qu’illusion (Hegel). Pour le monisme immanentiste, la réalité est unique mais biface, à la fois esprit et matière (Spinoza).
L’anthropologie dualiste, quant à elle, affirme que l’homme est constitué d’un corps et d’une âme, radicalement distincts l’un de l’autre (Descartes).
Enfin, l’anthropologie ternaire confère à l’homme une structure tripartite : corps-âme-esprit (Paul de Tarse) [7].
Le XIIIe siècle marque le point d’inflexion épochal du passage “anthropologique” à la modernité, avec l’émergence de la bourgeoisie et de l’État centralisateur monarchiste. À partir du XIIIe siècle, la théologie chrétienne a imposé la conception binaire de la personne humaine – âme et corps – en rejetant la vision gnostique du christianisme primitif, encore vivante dans le catharisme occitanien, qui distinguait le corps (soma), l’âme (psychè) et l’esprit (pneuma ou noûs). L’Église, en même temps que le dogme de la transsubstantiation des espèces [8], adopte l’anthropologie hylémorphiste de l’aristotélisme thomiste : l’homme est composé d’une âme et d’un corps ordonnés l’un à l’autre dans un rapport de matière (hylé) à forme (morphê). L’âme est la forme du corps.
L’anthropologie ternaire provient des traditions gnostiques de l’hellénisme et du judaïsme. On la rencontre aussi bien dans les épîtres de Paul de Tarse que dans les Ennéades de Plotin.
Jusqu’à la fin de la période romane, soit l’articulation des XIIe et XIIIe siècles, la tripartition anthropologique avait été une référence constante de la théologie chrétienne occidentale, mais la « crise du XIIIe siècle », comme l’a appelée Claude Tresmontant [9], allait préparer le passage irrémédiable vers l’anthropologie biopsychique cartésienne.
La conception tripartite du monde et de l’homme fut transmise simultanément à l’occident roman par les deux sources de la philosophie grecque et de la religion hébraïque. Cependant il y a une distinction très importante, que peu d’historiens relèvent, entre ces deux anthropologies ternaires : contrairement au ternaire grec, où l’âme (psyché) immortelle est liée à l’esprit (pneuma) et séparée du corps (soma), dans le ternaire hébreu, le corps (gouf) et l’âme (nephesh) appartiennent tous les deux au plan de la création et se confondent dans la chair (baschar) – seul l’esprit (rouach) étant du domaine de l’Incréé. Ainsi, le ternaire grec, « soma-psychê-pneuma », où l’âme et le corps ne sont pas issus du même monde – l’âme étant spirituelle et le corps matériel – ne peut qu’apparaître “gnostique” par rapport au judaïsme, où l’âme et le corps appartiennent tous les deux à la création – la rupture essentielle se plaçant ici entre l’âme et l’esprit.
À la suite de la scolastique, Thomas d’Aquin va rejeter la conception ternaire paulinienne. L’âme, définie comme « forme substantielle du corps », d’une manière assez analogue au ternaire hébraïque, n’est plus conçue comme une entité autonome ajoutée au corps : l’homme devient une structure unitaire où l’âme-forme et le corps-matière sont en totale interdépendance. La théologie thomasienne annonce l’anthropologie moderne, elle amorce une dynamique anti-ternaire qui amène à penser positivement la relation de l’âme et du corps, en insistant sur l’unité psychosomatique de la personne humaine.
Dans la lignée des anthropologies marxiste ou structuraliste, le regard ethnologique anarchiste adopte a priori un monisme matérialiste, postulat idéologique dont la valeur épistémologique reste indémontrable. Il reprend de même la distinction avancée par l’anthropologie sociale de Radcliffe-Browne entre l’individu, perçu comme organisme, et la personne, définie comme « un complexe de relations sociales » avec les autres [10].
Dans cette optique, ce sont les personnes, et non les individus, qui sont les unités de base d’une société. Cette conception relationnelle de la personne, en tant qu’être social individué, renvoie à l’article fondateur de Marcel Mauss, « Une catégorie de l’esprit humain : la notion de personne, celle de moi » (1938) [11].
Selon Paul, la structure anthropologique de l’homme est constituée de deux pôles antithétiques, le corps et l’esprit, entre lesquels s’immisce un troisième terme : l’âme : « Que le Dieu de la paix lui-même vous sanctifie totalement, et que votre être entier, l’esprit, l’âme et le corps, soit gardé sans reproche à l’avènement de notre Seigneur Jésus-Christ. » (1 Th 5, 23).
Nous naissons dans l’état du vieil homme, celui que Paul appelle l’homme animal – psychikos anthrôpos – cet “homme psychique”, pourvu d’une pensée réflexive, que les paléontologistes modernes nomment l’homo sapiens sapiens (l’homme qui se sait pensant). Dans une lettre que Paul écrit à la communauté chrétienne de Rome, autour des années 57-58, il explique que le vieil homme doit mourir afin que naisse l’homme nouveau, l’homme spirituel – pneumatikos anthrôpos. Si cette seconde naissance n’a pas lieu, alors l’homme se condamne à cette “seconde mort” dont parle l’Apocalypse (Ap 21,8) ; mais alors, ayant perdu son âme, il perd jusqu’à son humanité. L’homme achevé, l’homme total, le teleios, est celui qui est né à l’esprit. Tel est le projet ontique et existentiel que Paul propose à l’homme.
Ce qui nous importe ici, ce n’est pas tant ce processus de transformation spirituelle (theosis) que l’avènement historique de la notion de personne humaine qui s’est érigée à partir de l’effacement du soi universel et sa captation par le moi individuel.
Paul est l’héritier de l’anthropologie hébraïque. Dans la Première Épître aux Corinthiens, le terme grec sôma (le corps) désigne la personne entière, comme l’hébreu baschar (la chair), c’est-à-dire le couple corps-âme (sôma-psychê).
C’est donc l’esprit (pneuma ou rouach) que la dynamique anti-ternaire de la théologie catholique a évacué. En cela, la transformation sémantique qui s’opère, au début du XIIIe siècle, avec la substitution du mot persona à homo pour désigner l’être humain, constitue un “moment culturel” décisif : la disparition de l’anthropologie ternaire marque la fin de cette période historique que Kropotkine nomme, dans sa brochure L’État – son rôle historique, « la première Renaissance, celle du XIIe siècle ».

Le dualisme socio-historique de Pierre Kropotkine

Martin Buber est un des rarissimes auteurs qui aient souligné l’influence exercée sur Kropotkine par les philosophes slavophiles Ivan Kireïevski et Alexeï Khomiakov. Selon Buber, c’est en s’inspirant de leur présentation de la dualité historique que Kropotkine aurait simplifié les multiples “antinomies sociales” proudhoniennes par le dualisme fondamental entre le principe de la lutte pour l’existence et celui de l’aide mutuelle [12].
Khomiakov, dans son Mémoire sur l’histoire universelle, pensait que l’histoire de l’humanité se joue entre deux principes qu’il nomme “Iran” et “Koush”, ces termes géographiques désignant les lieux de leur émergence – l’Iran allant de l’Himalaya au fleuve Euphrate et Koush étant le nom biblique de l’Éthiopie, le berceau de la civilisation égyptienne. Toutes les croyances religieuses et les idéologies se diviseraient en ces deux catégories : le culte iranien de l’esprit comme liberté créatrice et le culte koushite de la matière comme nécessité indéfinie. L’histoire humaine serait le produit de la tension antagonique entre ces deux pôles. Dans le koushitisme, Khomiakov voyait la religion de la nécessité, du déterminisme de la nature, de la magie ; dans l’iranisme, la religion de l’esprit, de la liberté et de l’amour. Le catholicisme latin provient du koushitisme, l’orthodoxie gréco-russe de l’iranisme. Le monde occidental n’a pas recueilli le vrai christianisme en son essence. Mis en présence, au cours des âges, ces deux principes antinomiques s’altèrent par tensions ou concessions réciproques.
On mettra en parallèle cette vision avec ce passage de La science moderne et l’anarchie où Pierre Kropotkine écrit : « À travers toute l’histoire de notre civilisation, deux tendances opposées se sont trouvées en présence : la tradition romaine et la tradition populaire, la tradition impériale et la tradition fédéraliste, la tradition autoritaire et la tradition libertaire [13]. »
Au Moyen Âge, ce dualisme socio-historique fut illustré durant deux siècles par la lutte entre les institutions communales d’entraide et le césarisme étatique politico-religieux. Le mouvement des communes libres, commencé au XIe siècle, se prolongea ainsi jusqu’au XIIIe siècle. Cette “première Renaissance” est demeurée obscure parce qu’ignorée de l’histoire officielle [14].
La révolution libertaire des communes urbaines, issues de l’union entre la commune de village et les associations artisanales et marchandes, fut une négation absolue de l’esprit centralisateur romain. L’Européen du XIIe siècle, dira Kropotkine, était « essentiellement fédéraliste. Homme de libre initiative, de libre entente, d’unions voulues et librement consenties [15]. »
Le mouvement commença en Italie (Toscane et Lombardie) et dans le Midi occitanien où des villes s’affranchirent de toute tutelle seigneuriale, pour se propager très vite dans toute l’Europe du Nord où les guildes furent le vecteur de l’émancipation sociale. On donnait aux villes indépendantes, capables de lutter contre les grands seigneurs, le nom de communes, celles qui se plaçaient sous la protection d’un seigneur ou du roi étaient appelées villes de bourgeoisie.
En marge du système féodal, les communes étaient de véritables seigneuries collectives qui s’administraient de façon autonome, nommant leurs propres juges et se fédérant entre elles. En Italie du Nord, il y eut la Ligue lombarde, en Allemagne la Ligue hanséatique. En Occitanie, comme les villes n’étaient pas fédérées, et craignant que ce rôle fédératif puisse être assumé par le catharisme, l’Église romaine promulgua la croisade des Albigeois qui anéantirait la civilisation occitanienne des XIIe et XIIIe siècle.
Pierre Kropotkine ne semble pas avoir perçu cette concomitance des hérésies dualistes avec le communaliste médiéval. Pourtant, la “première Renaissance” européenne fut aussi celle des mouvements hérétiques qui traversèrent l’Europe de part en part, menaçant l’unité de l’Église romaine et le système féodal qu’elle tentait d’imposer. Ce fut avec la même férocité que l’Église et les rois écrasèrent les communes populaires et les hérésies religieuses. L’invention de l’Inquisition, promulguée par Grégoire IX en 1231, marque l’avènement de la machinerie étatique du contrôle social. Par la suite, tous les totalitarismes utiliseront le même dispositif terroriste. L’institution politico-religieuse de l’Inquisition a induit la naissance de l’État centralisateur.
La religion cathare, adoptant l’anthropologie ternaire du christianisme primitif, se fondait sur le dualisme gnostique de Marcion. Il est remarquable que le mouvement des communes se soit éteint en même temps que cette hérésie. À l’avènement de Philippe VI de Valois, en 1328, il ne restait plus en France de véritables villes libres, toutes les communes étaient devenues des villes de bourgeoisie “les bonnes villes du roi”. Le dernier cathare, Guilhem Bélibaste, fut brûlé vif, en 1321. Cette synchronisation entre le mouvement communaliste médiéval et ce qui a été la dernière expression de la pensée dualiste en Occident n’est pas sans intérêt dans la perspective de notre recherche d’une gnose anarchiste.

 La contre théologie politique de Michael Bakounine

Dans La science moderne et l’anarchie, Pierre Kropotkine critique les penseurs de « l’école allemande » pour lesquels toute forme d’organisation sociale est une structure étatique en puissance [16]. Dans sa mire, il y a le géographe Friedrich Ratzel (1844-1904) dont Carl Schmitt reprendra les thèses.
Friedrich Ratzel est un des principaux instigateurs de la géographie humaine – qu’il appelle “anthropogéographie” [17]. Dans sa géographie politique [18], il assimile à la conformation sociale de l’État la variété de toutes les organisations socio-politiques, depuis les peuplades primitives jusqu’aux structures politiques modernes. Selon lui l’État est un organisme vivant, un système biologique dont l’expansion spatiale est une nécessité vitale d’où la notion de Lebensraum (espace vital) qui sera plus tard récupérée par l’idéologie nazie.
Contrairement à Ratzel et à « l’école allemande » dans laquelle il faut inclure les socio-démocrates marxistes , Kropotkine n’assimile pas la société à L’État. La société est donnée par la nature. L’homme n’a pas créé la société : la société est antérieure à l’homme. L’État n’est qu’une des formes que la société s’est donnée dans l’histoire humaine : « L’homme a vécu en sociétés durant des milliers d’années, avant d’avoir connu l’État […] Les périodes les plus glorieuses de l’humanité furent celles où les libertés et la vie locale n’étaient pas encore détruites par l’État, et où les masses d’hommes vivaient en communes et en fédérations libres [19]. »
Ce dualisme entre la souveraineté étatique et la libre association fédérative que l’on relève entre Kropotkine et Ratzel est une sorte de miroir de l’antagonisme qui se découvre entre Carl Schmitt et Michael Bakounine.
Il faut se rappeler que l’idée d’une théologie politique a surgi dans l’esprit de Carl Schmitt à partir d’une critique dirigée contre Michel Bakounine, auteur de La théologie politique de Mazzini et l’Internationale (1871). Dans son ouvrage de 1922, Schmitt reprend l’expression “théologie politique” en la retournant contre celui qu’il désigne comme son ennemi absolu.
Dans le chapitre intitulé « La philosophie de l’État dans la contre-révolution » de sa Théologie politique [20], Carl Schmitt pointe que la contre-révolution et l’anarchisme partagent l’idée de l’absolutisme de tout gouvernement : « Toute souveraineté agit comme si elle était infaillible, tout gouvernement est absolu – une proposition qu’un anarchiste aurait pu reprendre mot pour mot, fût-ce dans une visée tout à fait différente [21]. » Cette divergence de “visée” tient à leur conception opposée de la nature humaine : « Toute idée politique prend, d’une manière ou d’une autre, position sur la “nature” de l’homme et présuppose qu’il est ou “bon par nature” ou “mauvais par nature” [22]. » À l’anthropologie optimiste des anarchistes s’oppose l’anthropologie pessimiste des conservateurs.
Alors que, dans sa Théologie politique de 1923, Carl Schmitt désignait l’antagonisme entre Donoso Cortès et P.-J. Proudhon comme le conflit paradigmatique du politique, dans Parlementarisme et démocratie (1926) il précisera que cette opposition, n’est valable que « dans le cadre des traditions culturelles occidentales […] C’est seulement avec les Russes, notamment avec Bakounine, qu’apparaît l’ennemi proprement dit de toutes les idées reçues de la culture européenne [23]. »
Ainsi, Bakounine se voit promu au rang d’ennemi absolu [24], parce qu’il incarne, selon Schmitt, la volonté d’en finir avec le politique assimilé à l’étatique – l’État n’étant, pour Bakounine, qu’une sécularisation théologique. Cette “dépolitisation” supposée permet à Schmitt d’amalgamer l’anarchisme avec le libéralisme et le marxisme : « Rien n’est plus moderne aujourd’hui que la lutte contre le politique. Financiers américains, techniciens de l’industrie, socialistes marxistes et révolutionnaires anarcho-syndicalistes unissent leurs forces avec le mot d’ordre qu’il faut éliminer la domination non objective de la politique sur l’objectivité de la vie économique [25]. »
Schmitt a trouvé chez Bakounine le schème de sa théologie politique. Un passage de Fédéralisme, socialisme et antithéologisme souligne en effet que l’État et la théologie présupposent la nature intrinsèquement mauvaise de l’homme : « N’est-ce pas chose remarquable que cette similitude entre théologie – cette science de l’Église – et la politique – cette théorie de l’État –, que cette rencontre de deux ordre de pensées et de faits en apparence si contraires, dans une même conviction : celle de la nécessité de l’immolation de l’humaine liberté pour moraliser les hommes et pour les transformer – en des saints, selon l’une, et de vertueux citoyens, selon l’autre [26]. »
Bakounine, en inversant l’axiome anthropologique de la théologie ne s’émancipe pas pour autant du discours théologique ; d’où son apologie de Satan, expression de son romantisme révolutionnaire antithéologique. Cela permettra d’ailleurs à Carl Schmitt de terminer son chapitre « La philosophie de l’État dans la contre-révolution » par cette pirouette : « pour le plus grand anarchiste du XIXe siècle, Bakounine, on arrive au paradoxe étrange qu’il devait nécessairement devenir théoriquement le théoricien de l’antithéologie et, dans la pratique, le dictateur d’une antidictature [27]. »
Bakounine, comme Jean-Christophe Angaut [28] l’a fort judicieusement relevé, envisage la question anthropologique, non du point de vue éthique, où tente de l’enfermer Schmitt, mais du point de vue politique : l’humanité est-elle capable de parvenir librement, sans autorité coercitive théologique ou étatique à son autonomie collective ? À cette question, l’anthropologie anarchiste répond par l’affirmative : l’homme est capable de concevoir un bien athéologique. Alors que pour Carl Schmitt, dans la lignée de « l’école allemande », il ne peut y avoir de société humaine sans un embryon d’État, Bakounine énonce une contre théologie politique qui repose sur les capacités révolutionnaires de l’Être collectif. Bakounine fait de la commune, le socle d’une politique anarchiste athéologique qui se fonde sur la capacité sociale à l’auto-organisation.

La dialectique proudhonienne de la gnose anarchiste

Le dualisme socio-historique kropotkinien pourrait se circonscrire à celui entre société et communauté. La société est une “union d’intérêts” alors que la communauté est une “union de vie”, a écrit Martin Buber [29]. Carl Schmitt ne saurait admettre une telle définition, comme le montre un de ses articles peu connu : « Le contraste entre communauté et société en tant qu’exemple d’une distinction dualiste [30]. » 
Dans ce texte, Schmitt reprend l’opposition que Ferdinand Tönnies a théorisée dans Gemeinschaft und Gesellschaft (1887) entre les modes communautaire et sociétal. Alors que la communauté s’organise autour du droit coutumier local, la société se soumet au droit juridique centralisé. Selon Schmitt, la relation dualiste entre société et communauté ne peut se résoudre qu’à partir d’un jugement de valeur, en considérant l’un des termes comme supérieur à l’autre. Seule la valeur permettrait de surmonter le clivage dualiste, puisque la dialectique hégélienne aurait été délaissée : « Il nous semble que c’est un trait général de cette époque de la pensée allemande qui se termine en 1914, lors de la première Guerre mondiale, de préférer des antithèses simples et dualistes aux schèmes triasiques de la philosophie précédente [31]. »
S’il fut un lecteur attentif de Bakounine, Carl Schmitt semble avoir lu Proudhon avec moins d’acribie, lui reprochant sa conception morale de la réalité sociale. Toutefois, Proudhon, bien avant Schmitt et même Bakounine, avait perçu que la théologie politique fondait le pouvoir de l’État : « Il est surprenant qu’au fond de notre politique nous trouvions toujours la théologie », déclare-t-il dans les Confessions d’un révolutionnaire [32].
La dialectique ami/ennemi, qui définit l’essence du politique pour Carl Schmitt, est de nature hégélienne (l’ennemi de mon ennemi est mon ami) et demeure figée à la logique aristotélicienne du tiers exclus. Dans De la Justice dans la Révolution et dans l’Église, Proudhon dénonce ce qu’il estime être l’erreur de Hegel : ne pas avoir compris que « l’antinomie ne se résout point mais qu’elle indique une oscillation ou antagonisme susceptible seulement d’équilibre [33]. »
Selon Proudhon, toute synthèse du couple antagoniste est négatrice de la liberté. L’auteur du Système des contradictions économiques anticipe la rupture épistémologique de la théorie quantique qui, au début du XXe siècle, a remis en question la logique aristotélicienne. Jean Bancal, qui fut un des meilleurs exégètes de Proudhon, l’avait bien compris, qui n’hésitait pas à déclarer : « La théorie de la particule et de l’antiparticule constitue en physique moderne une confirmation de la théorie proudhonienne de l’organisation antinomique du monde [34]. » Il faudrait lire toute l’œuvre proudhonienne à l’aune de cette donnée.
Proudhon oppose le système de la transcendance, qui est celui de l’Église, au système de l’immanence, qui est la doctrine de la Révolution. Du point de vue de la transcendance, la justice se fonde a priori sur la parole de Dieu interprétée par le sacerdoce, c’est le “droit divin” qui a pour maxime l’autorité. Dans la vision de l’immanence, la justice est le produit de la conscience et constitue le “droit humain” qui a pour maxime la liberté. L’autorité sécularisée du droit divin prend la forme de la propriété et du Capital, en économie, et de l’État, en politique. Au contraire, la liberté du droit humain engendre le mutuellisme, en économie, et le fédéralisme anarchiste, en politique.
On peut considérer Proudhon comme le promulgateur du sens politique du mot anarchie qui apparaît dans son premier ouvrage, Qu’est-ce que la propriété ? (1840). Alors que l’anarchie, dans son sens courant, signifie le désordre et le chaos, Proudhon émet une idée paradoxale qui définit une forme positive de l’anarchie : « La plus haute perfection de la société se trouve dans l’union de l’ordre et de l’anarchie. » L’anarchie est donc à la fois, pour Proudhon, ordre et désordre. Un tel prédicat s’oppose par conséquent au principe d’identité (A est A) et de non-contradiction (A n’est pas non-A). Et l’on comprend que l’on ne puisse pas saisir la signification du terme anarchie, sinon par ce que le philosophe Stéphane Lupasco a appelé une logique des contradictoires que Proudhon avait intuitionnée avec sa dialectique des antinomies [35].
Proudhon démontre que l’ordre social véritable, l’anarchie positive, ne peut pas être imposé par une archè extérieure, transcendante à la société humaine. Sur le plan socio- politique, il précise que l’anarchie négative, identifiée au désordre et au chaos, est nécessaire à la légitimation de l’archè. L’anarchie négative, le désordre, est relié à l’autorité par un lien de cause à effet. Le désordre est la justification de l’autorité. Proudhon s’appuie sur une dialectique du contradictoire, qu’il appelle dialectique sérielle, pour libérer la force sociale de l’autorité politique afin que la société retrouve ses capacités naturelles d’autocréation et d’autonomie et que la réciprocité contractuelle de la justice se substitue au décisionnisme autoritaire.

Le nomos du monde et l’anomos de la vie

La théologie du monothéisme judéo-chrétien a consacré l’oikonomia du monde occidental, ce dispositif de domination politique qui est le nomos de la terre, d’après Carl Schmitt [36]. « Dieu, c’est le mal », affirmera quant à lui Proudhon, dans son Système des contradictions économiques, faisant profession d’antithéisme et non d’athéisme, puisque s’opposer revient à reconnaître l’existence de ce que l’on combat.

Proudhon souligne la « profonde misanthropie » [37] de la providence divine qui, en fixant l’implacable rigueur des lois de l’économie, a étouffé l’aspiration des hommes à une juste répartition des biens. Certains passages laissent entendre que le Dieu chrétien pourrait être le créateur du mal. Dans un de ses Carnets, il ose cette affirmation d’inspiration cathare : « Il n’y a pas un Dieu, il y a deux Dieux antagonistes [38]. » Cependant, bien que le Dieu de l’Évangile, identique à celui de l’Ancien Testament, soit le contradictoire absolu de l’homme, il reste dialectiquement nécessaire, afin que l’homme puisse lutter contre tous les absolutismes, à l’intérieur comme à l’extérieur de lui-même. C’est pourquoi Proudhon inclut l’absolu dans un système anthropologique ternaire, corps-âme-esprit, où la tension antagoniste s’exerce entre l’immanence de la vie en l’homme une âme dans un corps et l’esprit, en tant qu’idée de la transcendance de Dieu inhérente à la psychologie humaine. Cela signifie que le véritable Dieu proudhonien, se confondant avec la Justice, ne devra plus accabler l’être humain sous les jougs conjugués de la peur et de la servitude mais sera sans cesse à réinventer : « Le Dieu que nous cherchons ne peut plus être tel que l’enseigne la vieille théologie ; il doit être tout autre que ce que l’on fait les théologiens [39]. »

Dans sa Correspondance (lettre du 28 août 1851), Proudhon fait allusion à un ouvrage qu’il n’a jamais eu le loisir d’écrire et dont le sujet aurait porté sur « la théologie humanitaire, le X qui doit remplacer le vieux catholicisme [40]. » Quel est ce X, sinon le Dieu étranger de Marcion, ce Dieu d’amour des hérésies dualistes médiévales que le Léviathan de Hobbes a tenté d’effacer définitivement de la mémoire des hommes ?

La gnose marcionite ne nie pas la réalité du monde (acosmisme) mais elle le refuse et s’oppose à lui (anticosmisme) [41]. Cela entraîne un dualisme radical qui repose sur l’affirmation que le monde est ontologiquement mauvais car il n’est pas la création du Dieu bon mais d’un démiurge identifié au Dieu créateur de la Genèse.

Pour Marcion la théodicée se résout à travers le bithéisme qu’il croit déceler chez Paul : l’antagonisme absolu entre le dieu de la loi du monde (le démiurge) et le dieu de la liberté de l’esprit (le dieu étranger). La thèse centrale de Marcion est que Jésus-Christ n’est pas venu accomplir mais abolir la Loi, en dévoilant la contradiction ontologique entre la Loi et l’Évangile : « Le Christ a clairement exprimé qu’il est venu pour annuler la Loi et les prophètes [42]. » À cela s’ajoute la croyance eschatologique que la réalité historique du démiurge, le dieu créateur, sera limitée dans le temps : le Christ provoquera la décomposition du monde et sa délivrance spirituelle.

La vision gnostique de l’antithéisme anarchiste surgit de ce questionnement aporétique : pourquoi le mal est-il omniprésent dans un monde créé par un Dieu tout-puissant, juste et bon ? Comment ce Dieu peut-il justifier l’ordre de ce monde où triomphe les scélérats, où les innocents sont opprimés, où les forts exploitent les faibles ? Au scandale du mal, la gnose apporte une réponse très claire : le Dieu créateur de ce monde mauvais et le Dieu bon qui, à la fin des temps, décidera de sa destruction, ne peuvent être logiquement la même personne. En cela, la destruction du nomos de ce monde mauvais participe à l’advenue de l’anomos de la vraie vie communielle entre les hommes : « La passion de la destruction est en même temps une passion créative », c’est par ces mots que Bakounine conclut en 1842 son premier texte révolutionnaire, La Réaction en Allemagne.

Jacob Taubes, dans Eschatologie occidentale, montre que « l’apocalyptique est essentiellement révolutionnaire [43]. » L’esprit apocalyptique contient et unit en soi une puissance destructice des figures de l’autorité et une puissance créatrice des figures de la liberté. Mais il faut impérativement que l’esprit révolutionnaire poursuive un telos, un idéal dirait Proudhon, s’il ne veut pas aboutir à une révolution nihiliste. Au point de vue socio-politique la communauté est porteuse du telos de la révolution. Une communauté advient quand les hommes cessent de se regrouper selon leurs intérêts individuels mais choisissent de mettre leur vie en commun pour la vivre ensemble : « Quand des hommes sont vraiment unis par des liens mutuels, quand ils font ensemble l’expérience des choses et qu’ils réagissent ensemble à cette expérience par leur vie concrète, quand des hommes disposent d’un “centre vivant” autour duquel ils ont leur place, c’est alors que se forme en eux une communauté [44]. »

La dynamique anthropologique antiternaire de la théologie catholique médiévale a fabriqué l’individu biopsychique de la société occidentale en étouffant la force de l’idéal révolutionnaire. En quelque sorte, l’histoire de notre civilisation se laisse lire comme une aliénation continue de la structure anthropologique ternaire et du désir communautaire anarchiste. Nous ne pourrons retrouver le telos révolutionnaire que par une dialectique du tiers inclus, c’est-à-dire la mise en tension paroxystique de la chair de l’homme avec l’esprit du monde. Proudhon a exprimé d’une façon très explicite cette “équilibration des contraires” : « Les termes opposés ne font jamais que se balancer l’un l’autre ; l’équilibre ne naît point entre eux de l’intervention d’un troisième terme mais de leur action réciproque. » (Pornocratie, chap. V). Le tiers inclus est cet état de tension extrême qui survient au point d’équilibre de tout système antagoniste et ouvre le passage à un autre “niveau de réalité” [45]. On peut rapprocher analogiquement le tiers inclus lupascien du Dieu inconnu de Marcion ou de la Justice chez Proudhon ; car la “guerre” contre le Dieu créateur permet d’atteindre cet état d’être contre le monde pour la vie qui est la praxis de la gnose anarchiste.

[1Traduction française parue en 2006 aux Éditions Lux [Fragments of an Anarchist Anthropology, Prickly Paradigm Press, 2004].

[2Cf. David Graeber et David Wengrow, « Comment changer le cours de l’histoire (ou au moins du passé) ? », Revue du Crieur, n° 11, Mediapart-La Découverte, octobre 2018, pp. 6-29.

[3Mauss, « Essai sur les variations saisonnières des sociétés Eskimos », 1904-1905.

[4Sur les géographes anarchistes du XIXe siècle, voir Philippe Pelletier, Géographie & anarchie. Reclus, Kropotkine, Metchnikoff, Éditions du Monde libertaire/Éditions libertaires, 2013.

[5Anthropologie structurale, Paris, Plon, 1958, p. 389.

[6Jérôme Baschet, Corps et âmes. Une histoire de la personne au Moyen Âge, Flammarion, 2016, p. 7.

[7Dans le vocabulaire religieux des langues occidentales, comme le français, les termes âme et esprit sont fluctuants. Si l’on pose seulement deux termes (le corps et un principe immortel qui diffère de lui), on utilise généralement le mot âme ; mais, quand on pose trois termes (corps-âme-esprit), l’âme renvoie à la partie intermédiaire entre le corps et l’esprit, ce dernier terme correspondant alors à l’âme immortelle dans l’anthropologie dualiste.

[8Sur le rôle de la transsubtantiation dans la généalogie de la marchandise capitaliste, voir mon article Profaner le Graal, Contrelittérature n° 2, 2020, pp. 41-59.
En ligne : http://www.contrelitterature.com/archive/2020/02/29/le-mythe-germinal-de-la-marchandise-6216285.html

[9Claude Tresmontant, La métaphysique du christianisme et la crise du XIIIe siècle, Éditions du Seuil, 1964.

[10Alfred Radcliffe-Brown, Structures et fonction dans la société primitive [1952], Paris, Minuit, 1969, p. 149.

[11Article repris dans Sociologie et anthropologie, PUF, 1985, p. 331-362.

[12Voir Martin Buber, Utopie et socialisme, Aubier Montaigne, 1977, p. 71.

[13Pierre Kropotkine, La science moderne et l’anarchie, P. V. Stock & Cie, 1913, p. 227.

[14Sur cette période, Augustin Thierry est la référence historiographique de Kropotkine.

[15Pierre Kropotkine, La science moderne et l’anarchie, op. cit, p. 203.

[16Pierre Kropotkine, La science moderne et l’anarchie, op. cit., p. 310.

[17Friedrich Ratzel, Anthropogéographie, Munich, Oldenbourg, 1882 (vol. 1) et 1891 (vol. 2).

[18Politische Geographie, Munich, Oldenbourg, 1897.

[19Pierre Kropotkine, La science moderne et l’anarchie, op. cit., p. 170-171.

[20Carl Schmitt, Théologie politique [1922], trad. Jean-Louis Schlegel, Paris, Gallimard, 1988.

[21Carl Schmitt, ibid., p. 64.

[22Carl Schmitt, ibid., p. 65

[23Carl Schmitt, Parlementarisme et démocratie, trad. Jean-Louis Schlegel, Paris, Seuil, p. 87.

[24[[ Sur l’interprétation schmitienne des grands thèmes bakouniniens, on se reportera à l’article de Jean-Christophe Angaut, « Carl Schmitt, lecteur de Bakounine », Astérion, École Normale Supérieure de Lyon, 2009.

En ligne : [https://journals.openedition.org/asterion/1495].

[25Carl Schmitt, Théologie politique, op. cit., p. 73.

[26Michel Bakounine, Fédéralisme, socialisme et antithéologisme, dans Œuvres, vol. 1, Paris, Stock, 1980, p. 166-167.

[27Carl Schmitt, Théologie politique, op. cit., p. 74-75.

[28Jean-Christophe Angaut, op. cit.

[29Martin Buber, « Comment une communauté peut-elle advenir ? » [1930], dans Communauté, Éditions de l’éclat, 2018, p. 63.

[30Cet article, hommage à Luis Legaz y Lacambra, est paru en 1960. Voir Res Publica : revue de l’Institut belge de science politique, 17, n°1, 1975, p. 99-119. https://ojs.ugent.be/RP/article/view/19556/16936]

[31Voir Res Publica, op. cit, p. 107.

[32P.-J. Proudhon, Les confession d’un révolutionnaire, Paris, Au bureau du journal La voix du peuple, 1849, p. 61.

[33P.-J. Proudhon, De la justice dans la Révolution et dans l’Église [1848], t. 1, Fayard, 1988, p. 35.

[34Jean Bancal, Proudhon, pluralisme et autogestion, t. 1, Aubier, 1967, p. 118.

[35Sur le parallélisme entre Lupasco et Proudhon, voir mon intervention au Troisième Congrès Mondial de la Transdisplinarité, « Vers un anarchisme transdisciplinaire » :

[http://www.contrelitterature.com/archive/2021/04/26/proudhon-lupasco-interferences-electives-6312041.html]

[3636. Carl Schmitt, Der Nomos der Erde im Völkerrecht des Jus Publicum Europaeum, 1950. Édition française : Le Nomos de la Terre, Paris, PUF, 2001.

[37Système des contradictions économiques ou philosophie de la misère, t.1, Paris. Marcel Rivière, 1923, p. 114.

[38Voir Carnets de P.-J. Proudhon (carnet 5, 1847), Rivière, 1960, p. 159.

[39P.-J. Proudhon, Philosophie du progrès, Rivière & Cie, Paris, 1946, p. 69.

[40Cité dans Bernard Voyenne, Proudhon et Dieu. Le combat d’un anarchiste, Cerf, 2004, p. 69.

[41Cette distinction est primordiale : l’anticosmisme ne doit pas être confondu avec le concept d’acosmisme de Hannah Arendt qui serait, d’après elle, le corollaire du totalitarisme moderne.

[42Adolf von Harnack, Marcion. L’évangile du Dieu étranger, Cerf, 2003, p. 149.

[43Jacob Taubes, Eschatologie occidentale, Éditions de l’éclat, 2009, p. 11.

[44Martin Buber, « Comment une communauté peut-elle advenir ? » (1939) dans Communauté, Éditions de l’éclat, 2018, p. 68.

[45Sur la notion de “niveau de réalité”, voir Basarab Nicolescu, « Le tiers caché dans les différents domaines de la connaissance  », Le Tiers caché, Le bois d’Orion, 2016, p. 7-16.

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