Ménilmontant Football Club 1871

Dimanche Foot sur Lundi Matin.
Entretien avec deux membres du club MFC1871. Par Jules Crétois.

paru dans lundimatin#82, le 21 novembre 2016

Depuis l’été 2014, le Ménilmontant Football Club (MFC) ou encore ’MFC1871’ anime les pelouses d’Île de France. Le club, plus francilien que parisien, a commencé en quatorzième division, comme n’importe quel club nouvellement créé et a débuté dans le district du 93. Cette saison, le MFC est monté dans la sélection, et commence la saison en treizième division.
Mais le MFC, c’est surtout un esprit, forgé dans la rencontre de deux mondes qui semblent s’être trop longtemps tourné le dos : celui du sport et celui de l’engagement politique et social. En plus des fumigènes, passion commune aux manifs et aux tribunes, le MFC mêle cultures footbalistique et antifasciste. Début novembre, le MFC tapait par exemple le ballon en solidarité aux prisonniers du mouvement contre la ’loi travail’.
Esprit de groupe, solidarité, retour aux valeurs sportives, contre-culture - précisons que le MFC est à l’honneur d’un nouveau son et clip de DJ Pone - ou encore besoin de se ressourcer, le MFC devient l’expression de différents besoins et envie.
Une belle promesse de reconnexion au monde, d’ancrage local, de ... ludique, loin des tours d’ivoire militantes et des rendez-vous mornes.

À écouter ci-dessus, le dernier clip de DJ Pone : MFC

Deux membres du club parlent de leur expérience à Lundi Matin.

Quel est le mode de fonctionnement de votre club et en quoi est il original ?
Alex  : Le club fonctionne sur les bases de l’autogestion. Les décisions sont prises entre les divers acteurs du club,les supporters et les joueursChacun est libre de s’investir comme il l’entend. Nous sommes à peu près une vingtaine de licenciés en tant que joueur et nous pouvons compter sur une base de cinquante personnes venant régulièrement et d’une centaine pour les matchs à enjeu. Pour des questions d’indépendance financière nous refusons toutes les subventions auxquelles chaque club peut prétendre et nous nous autofinançons via des cotisations mensuelles de dix euros maximum. Chaque personne proche et investie dans le club peut donner en fonction de ses moyens ce qu’elle peut. Le clientélisme est très présent dans les relations entre les clubs et la ligue ou dans les relations avec les diverses administrations qui délivrent les terrains les subventions et d’autres passent droits. Et forcément un club comme le nôtre, sans dirigeant faisant du zèle se retrouve désavantagé sur certains aspects.

Margot : Le MFC 1871 a pour but de revenir aux sources du football. En dehors de l’aspect sportif, nous demandons à ce que chaque joueur et chaque supporter accepte les valeurs égalitaires du club : antiracisme, antisexisme, anti-homophobie… On en avait marre d’écumer les conférences, manifestations, concerts, festivals qui n’étaient plus, à notre gout, de véritables lieux de rencontres et discussions. Notre volonté était de rencontrer de nouvelles personnes et revenir à des discussions qui ont du sens. Par le biais de nos animations, on souhaite que les valeurs du football puissent se mêler à nos idéaux. Il ne s’agissait pas de créer un énième club de football mais bien d’allier notre passion pour le sport à la politique qui fait partie intégrante de nos vies. Bien sûr, le club est aussi un espace de convivialité où les matchs du dimanche nous permettent aussi de juste souffler de la semaine et des mobilisations de chacun.

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Vous semblez allier le foot à une contre-culture ? Si oui, diriez vous que cette contre-culture se rapproche des cultures ’hooligan’ ou ’ultra’ ?
Alex : Forcément, il y a un délire contre culturel par rapport à ce qu’on peut voir habituellement sur les pelouses et tribunes en football amateur. Nous ne sommes pas pour autant hooligans. Nous ne prônons pas la violence juste pour la violence. Plusieurs joueurs et supporters ont aussi fréquenté les stades de foot dans des virages dits ’ultras’ donc il y a forcément quelques inspirations. Il est possible de trouver un peu de pyrotechnie des animations au MFC mais pas à chaque match...

Margot  : Notre vision du football est multiple. Il s’agit bien d’un sport en tant que tel mais aussi un lieu de rencontre, d’échange, de convivialité et de passion. Nous ne nous identifions pas à la culture ultra ou hooligan même si on peut sembler en avoir les attributs. Après on ne va pas se cacher, l’esthétique des tifos, fumis, pots de fumée, papelitos... ça nous fait kiffer !

Avez-vous des modèles historiques ou des exemples actuels en tête ?
Alex  : On n’a pas de modèle historique mais on a un œil et du respect sur ce qui se fait en Italie,que ça soit à Rome, à Naples, Florence ou ailleurs. Pour y avoir fait un tour,on a vraiment affaire à des clubs populaires,bien ancrés et continuent à marcher depuis plusieurs années, sur les plans sportifs et extrasportifs et qui misent beaucoup sur l’aspect social la solidarité ou sur des évènements culturels que ce soit avec les plus démunis ou des migrants par exemple. Ils ont réussi à créer une alternative au football en Italie. Les stades se sont vidés et la ferveur a disparu à cause de la répression qu’ont subi les supporters et ultras italiens. Le pays a été un laboratoire en Europe pour tout l’arsenal répressif qu’on a vu apparaitre plus tard, notamment en France.

Margot : En effet, l’Italie est vraiment précurseur sur ce terrain-là avec des clubs comme l’Ardita, San Lorenzo, l’Afro-Napoli United ou Lebowski par exemple. Cependant, le football populaire ne se limite pas à l’Italie et il se développe de plus en plus dans tous les pays d’Europe. On peut citer le United Glasgow FC en Grande Bretagne, le FC Lampeduza en Allemagne, le FC Tarraco en Espagne ou encore le FC Vova en Lituanie. En Grèce, il existe une véritable ligue de football pour les clubs de football populaire. On espère pouvoir se rapprocher de l’histoire de ces clubs à long terme même si le chemin est long. On ne parle pas de modèles, mais on est admiratifs des réussites de certains clubs de football populaire. Ils ont crée une véritable alternative au football moderne et on réussi à créer de véritables projets ancrés sur un plan local, social et culturel.

Pour vous que représentent le foot pro et ses institutions comme la FIFA ?
Alex : Le football professionnel n’est plus que dicté par les intérêts financiers et s’aseptise à grande vitesse depuis bien trop longtemps. Sans tomber dans la démagogie, le montant des droits TV en Angleterre dépasse le milliard d’euros c’est astronomique et ça frôle l’indécence. Le football est un sport universel mais aujourd’hui, il esr aussi marchandé dans le but de toujours faire plus d’argent. Les joueurs deviennent des marques et de parfaits ambassadeurs de la société de consommation. Quant à la FIFA, c’est l’oligarchie footbalistique par excellence. Des bureaucrates d’ici et d’ailleurs qui détiennent toujours plus de pouvoir toujours plus d’argent,marchandent le football ses valeurs et au final, le rendent détestable. La dernière Coupe du monde au Brésil par exemple s’est fait sur le dos du peuple et contre lui. Des stades ont été construits sur des habitats occupés,des familles ont été déplacées,humiliées. Des sommes pharaoniques sont dépensés pour des stades qui ne servent plus à rien par la suite.Ne parlons pas des conditions de préparation de la prochaine Coupe du monde au Qatar, où des ouvriers immigrés sont réduits à l’esclavage... Le business a tué ce sport.

Pour vous, qu’apportent le sport aux luttes sociales et inversement ?
Margot : Les luttes sociales se cantonnent souvent aux manifestations, rassemblements et parfois à des concerts de soutien. On trouvait cette dynamique de lutte un peu monotone, si ce n’est virant à l’entre soi.Le football, comme d’autres sports, est un vecteur de socialisation, où les valeurs d’entraide et de solidarité sont fortes. Le club est un moyen d’apporter une bouffée d’oxygène, de créer des rencontres, des discussions. C’est un moyen pour passer des moments agréables derrière la main courante ou en tribune avec ses potes pour rencontrer de nouvelles personnes. Et puis avec le club, nous amenons les gens à s’intéresser à certains sujets grâce à nos messages et tifos par exemple. Les valeurs égalitaires interpellent parfois les autres clubs que nous rencontrons dans le cadre de la compétition. Il ne s’agit pas de « politique classique » mais plutôt d’échanger sur la vie de tous les jours, ce qui se passe dans les quartiers...
Vous êtes liés à d’autres clubs, en France, en Europe ou ailleurs, qui partagent vos principes ?
Alex : Nous ne sommes pas liés de manière officielle à qui que ce soit. Mais l’an dernier une dizaine d’anglais du club de Clapton sont venus nous voir, des napolitains du Stella Rossa et des gars du club de Lebowski aussi. À titre collectif nous n’avons pas de liens officiels mais certains d’entre nous connaissent des gens qui font partie de clubs ou de groupes de supporters partageant nos principes.
Vous semblez vous inscrire dans une tradition de lutte antifasciste ? En quoi un club de sport peut il enrichir cette lutte et inversement, cette lutte enrichir la vie sportive ?
Alex  : Le sport est un bon vecteur pour communiquer et avoir des approches différentes pour sensibiliser des gens qui seraient pas forcément venus vers nous. Et sportivement ça nous permet d’être un peu meilleur d’accueillir des gens avec une expérience sportive antérieure et  qui sont intéressés de faire partie des nôtres.
Pourquoi ’1871’ figure sur le logo du club ?
Margot : 1871,c’est la date de la Commune de Paris. C’est pour nous un symbole, celui d’une alternative égalitaire.

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