WELCOME – Sept personnes inculpées pour « trafic d’êtres humains » témoignent

En Belgique, l’appel du « procès de la solidarité » aura lieu le 23 mars prochain

paru dans lundimatin#280, le 22 mars 2021

Voici quelques extraits du livre WELCOME – Sept personnes inculpées pour « trafic d’êtres humains » témoignent qui sort cette semaine aux éditions Antidote, au moment où doit se tenir (le 23 mars) l’appel du "procès de la solidarité" dans lequel huit personnes sans papiers qui tentaient de rejoindre l’Angleterre depuis la Belgique et quatre bruxelloises qui les ont hébergé ou qui leur ont porté assistance étaient jugés en novembre 2018 à Bruxelles pour "trafic d’êtres humains". Les personnes sans papiers ont été condamnées à des peines allant de 20 à 40 mois de prison et de 40.000€ à 360.000€ d’amendes. Les personnes avec papiers ont été acquittées mais le Parquet a fait appel de toutes les décisions. On trouvera ici quelques témoignages des personnes incriminées qui mettent en avant le fossé entre leurs déclarations et celles de la police ainsi que sur la période passée en prison. L’intégralité du texte est disponible ici : marhaban.bruxxel.org.

« À un moment donné, par exemple, dans une de mes recherches internet je mets une somme et puis j’écris « gineh », la monnaie égyptienne, en arabe on l’appelle gineh. C’était juste pour voir quel était le montant qu’on allait envoyer à la maman de Mahmoud ! Et alors, eux, les enquêteurs, ils pensaient que j’avais envoyé de l’argent en Guinée, tu vois ! » Zakia

Huit personnes sans papiers qui tentaient de rejoindre l’Angleterre depuis la Belgique et quatre bruxelloises qui les ont hébergé ou qui leur ont porté assistance passaient devant la juge en novembre 2018 à Bruxelles pour trafic d’êtres humains. Ce procès politique est surnommé par les soutiens « le procès de la solidarité ». De fait, les faits reprochés sont presque exclusivement des gestes d’entraide, de résilience et de débrouille qui permettent de survivre en situation de clandestinité imposée. Les personnes sans papiers ont été condamnées à des peines allant de 20 à 40 mois de prison et de 40.000€ à 360.000€ d’amendes. Les personnes avec papiers ont été acquittées. Le Parquet a fait appel de toutes les décisions. Le second procès a lieu mardi prochain, le 23 mars, le même jour que l’appel d’un autre procès pour « trafic d’êtres humains » : le procès dit « des 10 Soudanais ». Beaucoup d’autres procès semblables ont eu lieu ces dernières années en Belgique, mais sans hébergeuses, donc sans médias. L’aspect judiciaire de la traque aux migrants, a pour but de les terroriser pour décourager leurs passages par la Belgique, et d’intimider les personnes solidaires, qui sont de plus en plus nombreuses et organisées. Nous vous conseillons ce blog https://stopprocesdelamigration.wordpress.com/ qui propose une campagne contre ce « phénomène » que sont « les procès de la migration » en Belgique.

Ce livre reprend les témoignages de sept des inculpés du « procès de la solidarité », récoltés dans leur langue maternelle, et qui disent le fossé entre les versions officielles largement médiatisées et la réalité de ce qu’elles ont vécu.

La singularité et l’intensité des témoignages oraux retranscrits dans ce recueil, se mêlent aux éléments d’une réelle contre-enquête sur les méthodes des systèmes policier, judiciaire et carcéral belges et le contenu des dossiers du procès. L’aspect tragi-comique qui ressort des anecdotes sur différents moments des interrogatoires narrés par Zakia nous a particulièrement frappé. Nous proposons ici quelques-uns des paragraphes les plus éloquents sur cette partie de leurs vécus, ainsi que sur la période passée en prison. Vous trouverez la version numérique complète du livre en libre accès à cette adresse : marhaban.bruxxel.org

— « Peut-être y a-t-il des gens qui ont compris. Aujourd’hui, ou demain, quand ils verront un énième article sur des « trafiquants d’êtres humains  », peut-être qu’ils pourront faire la différence et le travail de recul pour lire les choses différemment, pour comprendre ce qui se cache derrière, et les volontés politiques d’instrumentaliser ce dossier ! » Zakia

— « Chaque jour, moi je m’inquiète pour lui parce que je sais qu’il veut partir en Angleterre, et il se passe un jour ou deux où il ne vient pas, je l’appelle “Eh ! Mahmoud, ça va ?”, il me répond “Oui, ça va, je reviens, j’ai été chez la police, ils m’ont tapé, ils m’ont frappé, je suis resté deux jours comme ça, maintenant je reviens”. C’était trois mois avant qu’ils nous arrêtent. » Walid

— « Depuis quand traduire un bout de papier t’amène en prison ? Il me semblait qu’il fallait des éléments beaucoup plus sérieux ! » Zakia.

— « Je leur demandais d’utiliser les preuves sur mon téléphone, sur Messenger, mes retraits et consultations de mon compte avec ma carte bancaire en juillet en Italie puis à Paris... Je leur parlais de ces preuves, ces détails, ces conversations avec le passeur, qui montrent qu’il y a une erreur, une injustice : le policier ne voulait rien entendre. » Allaa.

— « La juge d’instruction me fait rentrer. On lui explique que mon avocat n’est pas là. [...] C’est alors mon premier contact avec cette femme, qui doit être vachement aigrie dans sa vie, et elle voit une avocate dans le couloir et elle dit : « Mais elle, elle peut être son avocate. » Je me dis, mais c’est quoi ce bordel ? On va désigner des gens dans le couloir et ils vont être mon avocat, comme ça ?! Moi j’ai dit : « Ben non, je ne veux pas. » La juge répond en commençant un peu à s’exciter : « Si c’est comme ça, on va rester ici jusqu’à 19 h ! » [...] J’ai vraiment eu le sentiment que ce n’était qu’une formalité pour elle, parce que sa décision était prise, et qu’elle s’en fichait probablement de tout ce que l’on allait amener comme arguments. [...] Du coup, elle me demande juste si je confirme les informations qui sont sur le P.V. de l’audition. J’ai d’ailleurs appris plus tard que les questions qui m’ont été posées étaient les siennes, qu’elle a rédigées et confiées à la police. C’est pour dire toute son implication dans le dossier ! » Zakia

— « [La procureure] me posait une question et quand je répondais elle me disait « tu mens ». À chaque fois que je répondais, elle disait « Non tu mens ; tais-toi, arrête de parler », des mots très violents. C’était une manière étrange de mener l’interrogatoire. » Mustapha

— « Très rapidement, ce jeune avocat, qui n’est pas du tout une personne engagée – c’est plutôt le pénaliste basique –, est le premier qui va mettre un nom dessus, et me parler de dossier politique.

Il dit, très clairement, que ces gens-là sont proches de la NVA, qu’ils n’ont aucune sympathie pour les migrants : « Vous n’avez vraiment pas de chance, désolé... » Euh ! Il dit aussi  : « La juge d’instruction, c’est une salope, et le procureur c’est un enfoiré. C’est le combo. Avec ces gens-là vous avez tout perdu, et en plus vous êtes à Dendermonde ! » Zakia

— « Le « Je ne sais pas » que j’ai dit, qu’on entend distinctement dans l’enregistrement, a été coupé pour qu’on ne comprenne pas que je n’étais pas impliqué. » Alaa

— « Quand je discutais avec Mahmoud ou Alaa et que je demandais « Tiens, il y a quelqu’un qui est passé ? », c’était vraiment de la curiosité, pour savoir si quelqu’un était passé en Angleterre, si quelqu’un revenait après un échec. Et les enquêteurs l’interprètent comme « Elle se tient au courant des activités de l’organisation criminelle ». D’accord... en fait, il s’agit systématiquement de surinterprétations. À part ça, j’avais l’impression qu’ils ne savaient pas qui ils venaient arrêter ! » Zakia

— « Ces gens-là voulaient seulement profiter de nous, constituer une affaire sur notre dos, ils voulaient juste pouvoir dire  : « Ah, j’ai arrêté une bande, j’ai arrêté des criminels. » Mahmoud

— « On m’a parlé de victimes pour la première fois. Mais je ne comprenais pas qui étaient les victimes... C’est vraiment des choses qui se sont éclaircies dans le temps. Est-ce qu’eux c’étaient des victimes  ? Qui étaient les victimes de qui ? » Zakia

— « La policière n’arrêtait pas de répéter : « Ne bouge pas ! Ne bouge pas ! » J’ai répondu « Je ne bouge pas, pourquoi vous avez besoin de vous comporter comme ça avec moi ? » Elle m’a dit « Tais-toi, ne parle pas » et elle m’a donné un coup au visage. Après ce coup, j’étais sonné, je ne voyais plus rien. […] J’étais tombé au sol, ils riaient. Ils ont attendu que je sois immobile par terre, que je me sois tu, et ils m’ont traîné au sol jusqu’à la voiture. Ils m’avaient mis un tissu sur la tête, je ne voyais plus rien. Chaque fois que j’essayais de lever la tête ils tapaient dessus, et ils tapaient fort. Ils me bousculaient, j’avais les mains attachées derrière mon dos. Ils m’étranglaient, j’étouffais, je n’arrivais pas à respirer. » Mahmoud

« Moi j’avais une image très mesurée de la justice. Une image très sérieuse. Et je ne pensais pas qu’on pouvait accuser à tort. [...] Je ne pensais pas me retrouver dans cette pièce où nous avons versé dans le pathos en deux secondes. Tous les rôles étaient flous parce que tu avais sur l’estrade la juge d’instruction qui instruit le dossier, à côté d’elle, y avait le juge, et encore à côté y avait le procureur alors qu’il n’avait rien à faire à côté du juge. On ne comprend pas du coup, parce que ça crée une image de partialité. » Zakia

« J’ai compris que j’étais pris dans une affaire qui n’était pas la mienne et que j’allais payer pour quelque chose que je n’avais pas fait. J’ai expliqué [à la procureure] que je n’avais jamais rien touché ici en Belgique, pas un centime, et encore moins envoyé d’argent. Je suis arrivé ici avec quelques centaines d’euros et j’ai tout perdu. [...] À la fin elle m’a dit que j’étais un individu dangereux pour la société, qu’il fallait que je sois incarcéré à la prison de Dendermonde [...] Je me suis tourné vers mon avocat et je lui ai dit : « Mais je suis innocent, je n’ai rien fait, dites quelque chose [...] » Il a dit : « Désolé, je ne peux rien faire, je ne peux rien dire, je ne connais pas ton affaire, je n’ai pas lu ton dossier. » Mustapha

— « La première fois quand je suis venue voir ces avocates, j’ai dit « Ouais, mais quand même, je dois vous dire la vérité, parce que j’ai quand même fait des choses, euh...  » Et elles me disent « T’as fait quoi ? » et alors j’explique l’anecdote que je t’ai dit, « J’ai acheté une carte SIM, et un jour il m’a demandé de lire une étiquette... » Et alors, c’est limite si elles ne se sont pas moquées de moi, mais gentiment, en me disant « Mais c’est pas grave ! On va pas en prison pour ça ! C’est rien d’exceptionnel. T’as pas gagné d’argent, y a pas eu de gain ? » « Non, non, y a rien de tout ça. » Du coup, elles étaient vraiment offusquées, elles étaient révoltées... Et toute cette frustration, j’ai un peu pu la faire sortir, et je me suis mise naturellement à parler de la situation des mecs, qui me paraissait désastreuse. » Zakia

« Dans un message oral WhatsApp entre moi et une autre bénévole, ils se rendent compte qu’on prévient les personnes si on sait que la police va débarquer au parc Maximilien... Et ça va m’être reproché en me disant « Tu te rends compte, tu t’immisces dans le travail de l’Office des Étrangers, c’est pas votre rôle, c’est pas ça que vous devez faire ». [...] On me reproche des choses qui se passent au parc, mais qui sont plus sur le plan militant, comme prévenir la presse ! « C’est pas correct, c’est pas bien ce que vous faites, vous interférez, etc. » Zakia

« Dès qu’on allait en audience, ils disaient « Nous avons de nouveaux éléments  », alors qu’en fait ils mélangeaient tout, ils nous accusaient de choses insensées. Ils ont accusé Walid d’être venu avec moi au parking, alors que même pour monter un escalier Walid avait des difficultés. » Mahmoud

« Je me rends compte que [les garçons] ont tous des avocats pro deo, bien sûr, jeunes et inexpérimentés. Du coup j’ai aussi beaucoup d’inquiétude vis-à-vis d’eux. [...] Ils plaident vraiment quelques secondes, tellement ils n’ont absolument rien à dire ! » Zakia

— « Le problème, c’est que les policiers ne comprennent pas le système de fonctionnement des passeurs, ou ils font semblant de ne pas le comprendre. » Alaa

« Le procureur va pousser le ridicule jusqu’à dire que mon travail d’assistante sociale « c’est une couverture pour mes activités illégales » ! Que je savais donc, déjà très tôt, que, dans la vie, je voulais être trafiquante d’êtres humains !!! » Zakia

« La procureure a dit « Je ne vois rien ». Je lui ai montré ma jambe, elle était toute gonflée, [...] et je lui ai dit qu’on m’avait frappé au visage. « Tu n’as rien au visage ». J’ai dit « Donc il faut absolument que mon visage soit déchiré ou en sang pour que tu me croies ? », et elle m’a dit « Je ne suis pas stupide au point de te croire. » Mahmoud

« [L’enquêtrice] m’a dit qu’elle était assez déçue de moi, parce que je protégeais mes amis, je prenais leur défense. Et qu’elle était très déçue. Et qu’elle espérait qu’une fois devant le juge je n’adopterais plus cette attitude qui me serait néfaste. Et qui me coûterait cher. Et que j’avais, en gros, tout intérêt à me désolidariser ! » Zakia

« J’ai expliqué au policier mon but : c’est de passer en Angleterre. Je traîne à la Gare du Nord et je veux passer en Angleterre. Donc c’est normal que je connaisse des passeurs, vu que mon but c’est de passer !?! C’est logique ! » Alaa

— « À un moment, la juge d’instruction parle de moi avec plein de dédain, elle est très moqueuse... [...] le procureur aussi se moque, il lève les yeux au ciel.... C’est aberrant pour moi ! Je n’en revenais pas  ! Pour moi, ce n’est pas ça la justice... Il n’y a aucune mesure, aucun sérieux. Il y a vraiment un rapport de force qui fait qu’on n’a même pas le droit au respect, au minimum de respect. En parlant de moi, elle dit : « Voilà, là, Mâââdame, qui est assistante sociale, qui n’est pas censée ignorer la loi... » Sur un ton comme ça... Et là, j’entends des choses, mais vraiment d’une aberration pas possible ! En gros, ce qui a été dit, c’est que ma présence au parc se justifiait par le fait que j’allais y recruter des gens ! » Zakia

« En l’entendant me dire tout ça, tout ce dont j’étais accusé, je me suis mis à rire, je n’en revenais pas de cette idée, que j’aurais pu faire des choses pareilles. J’avais l’impression qu’on me prenait pour Rambo. » Mahmoud

« À aucun moment on ne prouve que j’étais au parc et que je prenais des contacts avec des gens. À aucun moment on ne prouve que je vais sur les parkings. À aucun moment on ne parle de sommes d’argent, qui justifieraient ce genre d’accusations. Donc vraiment, là, tout ce qui sort, sort de la tête de ces personnes, avec des conséquences terribles : parce qu’on demande de me maintenir en détention. Ce à quoi le juge répond que oui, tout le monde retourne en prison. Et là je vois que les garçons sont choqués, ils essayent de parler, mais c’est compliqué, tout le monde parle en même temps, on peut rien dire. « Non, non, non, allez tout le monde dehors ! » En deux secondes tout le monde est remenotté. Parce qu’on nous avait enlevé les menottes juste le temps d’assister à cette mascarade, puis tout le monde est replacé dans sa petite cellule pour retourner en prison. » Zakia

« Le policier m’a dit : « Si tu attends ton avocate, sans faire l’interrogatoire tout de suite, ton dossier restera ouvert pendant encore deux mois, et tu les passeras en prison. » Il a ajouté : « De toute façon, si l’avocate était là, elle ne ferait qu’écouter et ne dirait rien. » Alaa

« Il y a plein de choses que l’enquêteur comprenait de travers. [...] Ils prenaient des conversations téléphoniques complètement banales et ils en faisaient quelque chose d’énorme. Ils m’ont fait écouter beaucoup de conversations, dont certaines qui auraient pu me défendre. » Mahmoud

« Pendant cet interrogatoire où j’avais dit à l’enquêteur que je n’avais jamais mis les pieds dans un parking, il m’avait répondu que les gens qui réfléchissent ne sont pas ceux qui se salissent les mains ! J’ai dit « Pardon, je comprends pas. » Il a répété ça. Pour lui, les garçons étaient la petite main d’œuvre, et moi je les envoyais trafiquer sur les parkings ! Bien sûr, ça me paraissait tellement énorme comme accusation, que je me disais, allez, non non, c’est pas possible ! » Zakia

« [Le policier] m’a dit : « Combien d’argent as-tu dépensé [pour venir] ici ? » J’ai dit : « J’ai dépensé 70.000 ginih. » Sa réponse a été la suivante : « Ok, dis-moi, si je te paye cette somme, tu es prêt à reconnaître que tu es passeur ? » Dès que j’ai entendu ça, je suis sorti de mes gonds. » Mahmoud

« Au début on aurait vraiment dit qu’ils voulaient nous rendre fous. Je te jure, pendant les premiers mois j’étais certain qu’ils voulaient nous déstabiliser psychologiquement, que l’objectif était vraiment de nous rendre fous. Eux-mêmes sont fous, leur regard, leur manière d’être, ces gens sont vraiment comme possédés. Ils ont besoin de donner des ordres, de rabaisser. » Mustapha

« Quand on est aussi amateur... ça ne m’étonne même pas que je me retrouve dans cette affaire, vu le nombre d’erreurs ! Plein de choses découlaient de malentendus, de mauvaises interprétations. » Zakia

« Le traitement à l’intérieur de la prison était vraiment mauvais, à tel point que j’ai vu des gens en mourir. on attend que le policier vienne, il prend son temps, une demi-heure, il vérifie je ne sais quoi, il va à droite à gauche, puis il appelle les urgences, les urgences arrivent, ça met parfois une heure ou deux, et entre-temps le malade est mort. C’est ça la vérité, à Dendermonde. Ils ne savent pas ce que ça signifie la vie d’un être humain, d’être responsable de la vie d’un être humain. » Mahmoud

— « Tu ne sais absolument pas quand ça va s’arrêter. C’est ce qui est terrible avec la détention préventive. Et c’est pour ça qu’elle doit être appliquée dans un cadre très très très limité. Mais on se rend compte que ce n’est absolument pas le cas, en Belgique. [...] On sait que pour des dossiers comme ça, la période d’enquête peut prendre des mois. Donc tu n’as aucune certitude. Ce sentiment d’urgence, de désespoir, il est vraiment énorme, il est terrible. » Zakia

— « Les gardiens nous traitaient mal. Ils étaient très racistes avec nous. Je ne veux pas faire la même chose qu’eux, donc je pense que ce n’est pas le cas de tous les Flamands. Mais ceux-là étaient injustes avec les Arabes et les musulmans. » Mustapha

— « Quand tu rentres en prison, tout le monde te demande « Toi, c’est quoi ? », et quand tu dis « Dendermonde », tout le monde te regarde avec des yeux du genre « Merde, t’as pas de chance ! » On parlait de Dendermonde comme de quelque chose de terrible. » Zakia

— « Avec moi le traitement était plus dur parce que je leur tenais tête, je leur disais : « Pourquoi vous faites ça ? Vous êtes racistes ? Parce que je suis Arabe ? Parce que je suis musulman ? Égyptien ? Vous, quand vous venez chez nous, vous êtes bien traités, on vous accueille, on prend soin de vous... Pourquoi vous faites ça ? » Ils me répondaient « Tais-toi ! Ne parle pas ! » J’étais à terre, ils se moquaient de moi. » Mahmoud

— « Quand les gars ont parlé [du transfert du dossier] à d’autres personnes qui étaient incarcérées avec eux, ils leur ont dit : « Si vous avez la chance d’aller vers Bruxelles, fuyez ! Partez ! Prenez vos jambes à vos cous, ne restez pas ici ! » Zakia

— « Au moment où il y a eu la demande de liberté conditionnelle acceptée par le juge, j’ai réalisé que légalement, et depuis le départ, rien ne s’opposait à ma libération. Mais à Dendermonde à cause de cette hostilité, ils ne m’auraient pas laissé sortir. » Mustapha

— « C’était un peu ridicule parce que les policiers ont vraiment joué à ce truc du « bon flic versus mauvais flic », [...] Il va m’être aussi reproché durant cet interrogatoire de ne pas être une bénévole, parce qu’ils disent qu’une bénévole, c’est juste quelqu’un qui donne du pain et qui rentre chez elle. Moi, il y a une implication, et cette implication prouve, selon la police, que je ne suis pas bénévole. Et tout ça se dit en me criant dessus ! » Zakia.

— « On ne connaissait pas la date du procès à Bruxelles. Ça allait prendre du temps, surtout pour la traduction des dossiers, du néerlandais vers le français. Cette traduction s’ajoutait à la traduction déjà douteuse de l’arabe vers le néerlandais, ça risquait d’aggraver les déformations de sens. » Alaa

— « Question suivante : « Est-ce que tu as déjà acheté à Mahmoud, ou à quelqu’un d’autre, quelque chose pour l’aider dans ses activités de passeur ? » Ha ! C’est vraiment à se taper la tête contre le mur... donc ils considèrent que si j’ai acheté un sac à dos à Mahmoud, ou à quelqu’un d’autre, c’est l’aider et lui faciliter ses activités de passeur ! Je me disais « Mais on est où  ? Qu’est-ce que c’est comme aberration  ?  » Ils se sont rendus compte à ce moment-là que c’était complètement ridicule. Ils savaient, ils savaient très bien. Quand tu mets un pied dans la gare du Nord, au parc ou dans tous les lieux où traîne ce public, le sac à dos, c’est un peu le b.a.-ba : toute leur vie est dans un sac à dos ! » Zakia

— « Un jour, quelqu’un s’est suicidé en prenant des médicaments. Il avait appelé au secours, il a sonné de 10h du matin à 18h le soir, mais personne n’a répondu. À 18h, ils l’ont trouvé mort dans sa cellule. [...] Dans cette prison, ils [...] ne voulaient parler que néerlandais devant moi et avec moi, [...] ils n’aimaient pas les Arabes, clairement. Il y a avait sans cesse des rapports contre moi, basés sur des reproches infondés, et qui impliquaient des punitions. Ce chef de quartier s’appelait Dirk, je ne l’oublierai jamais. » Alaa

— « Ils n’ont pas voulu, à un moment, se dire qu’en tant que bon enquêteur, ou bon juge d’instruction, « on fait comme il faut faire, à charge et à décharge ». Non, ce dossier, il est 100 % à charge, il n’y a rien à décharge ! Dans le dossier d’Alaa, c’était complètement révoltant. [...] On s’est retrouvés à devoir payer un traducteur presque 800€ pour traduire ses conversations Messenger qui le disculpent ! Pour moi c’est très grave ! C’est une volonté que de ne pas vouloir voir ce qui aurait pu bouger les lignes de leur postulat de départ. Sinon il se seraient intéressés à ces conversations, parce qu’ils ont eu accès à absolument toute notre vie, via nos téléphones et nos réseaux sociaux, etc. Tu vois, quand une juge d’instruction en vient à te reprocher d’avoir félicité des gens qui sont passés en Angleterre, c’est encore la preuve qu’on n’est pas juste dans les faits, dans la loi, la loi qui punit tel acte... Non, on va beaucoup plus loin en fait, on va jusqu’à te reprocher d’avoir félicité des gens ! [...] Et ça, ça va se retrouver dans un dossier pénal. Pour moi ça n’a absolument rien à faire dans un dossier pénal ! Que je félicite les gens qui sont passés en Angleterre, ce sont mes affaires. » Zakia

— « C’était le pire moment de ma vie, cette confrontation avec la procureure. Comment peut-on parler de droit, de conditions juridiques avec une personne pareille ? Tu es censée être responsable, représenter la justice, comment tu peux agir ainsi ? Honte à toi, vraiment. » Mahmoud

— « L’enquêtrice me dit « Moi j’ai vu un peu ton téléphone, les choses que tu fais, etc., et pour te dire la vérité, heureusement qu’il existe des gens comme toi ! Heureusement qu’il y a des gens qui se préoccupent d’autres personnes, mais – car il faut toujours un mais – tu as franchi la ligne. » Zakia.

— « Pour le Parquet, l’enjeu de notre procès c’est de délimiter ce qui est légal ou pas ! Alors moi je vais te dire la vérité : à l’issue des trois jours de procès, je n’ai toujours pas compris ce qui est autorisé ou pas. »  Zakia

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