« Vis ma (vraie) vie de Marseillais∙e » : du taudis au Airbnb

Victor Collet

paru dans lundimatin#425, le 23 avril 2024

Après avoir excellemment raconté il y a cinq ans les luttes de la Nanterre populaire, Du bidonville à la Cité, Victor Collet a poussé la passion de l’observation participante jusqu’à venir comparer les punaises de lit marseillaises à celles de l’Ile de France, en habitant dans un immeuble que le gestionnaire laissait sciemment se dégrader pour décourager les locataires. Les « anciens » décédés ou partis à l’hôpital, l’entrée toujours ouverte aux grands vents et au petit commerce de la dope, les appartements abandonnés rénovés illico presto et protégés de portes blindées tandis que ceux des derniers locataires étaient offerts aux départs d’incendie… on connaît la chanson, elle a été entonnée depuis près de trente ans à Belleville et ailleurs. Victor était aux premières loges pour l’entendre à Marseille, où elle est devenue chant funèbre, en novembre 2018, avec l’effondrement d’immeubles de la rue d’Aubagne.

Particularité locale, le requiem s’est vite transformé en cri de colère : « Gaudin assassin ! » dans des manifestations qui ont fait tomber le cacique local et toute sa clique de barons et baronnes aux comportements (et/ou acoquinements) mafieux. Il faut dire que « la veille des effondrements de la rue d’Aubagne, un mur s’écroule sous les coups de mistral et de masse d’une centaine d’opposants au projet de la Plaine ». « Vingt millions pour détruire la Plaine, pas une thune pour sauver Noailles ! » La lutte contre la gentrification d’un quartier a opéré sa jonction avec la vague d’indignation des habitants du quartier sinistré, au fur et à mesure qu’on découvrait les dessous crasseux de la politique urbaine de laisser faire-laisser s’enrichir : élus directement intéressés, aveuglement volontaire des responsables techniques… Une politique qui a entraîné la mort d’au moins huit personnes.

Le lien entre la dégradation programmée de l’habitat populaire et l’essor du capitalisme de plate-forme a rarement été aussi bien documenté que dans le livre de Collet. Nourri de paroles d’habitantes et de propos de manageurs, d’affichettes et de récits de manifs, développant une analyse au plus près des brutalités policières comme des tentatives de dépassement numérique des contradictions capitalistes, voilà un bouquin que tout amateur de pittoresque méditerranéen à prix cassés devra mettre dans son sac de plage.

Bonnes feuilles

Les technocrates ont tiré les leçons des échecs du passé. Tenant compte des inerties marseillaises, ils ont su se rallier les appétits de la bourgeoisie locale qui, depuis qu’elle s’est vu confisquer le contrôle du port par l’État, s’est repliée sur le foncier.

Bruno Le Dantec, La Ville-sans-nom, 2007

Je vois des 38 mètres carrés à 950 euros par mois, je me dis que finalement, je ne suis pas plus chère que les autres.

Zouha, propriétaire effectuant des baux « mobilité » pour placer son logement en meublé, MarsActu, 29 septembre 2023

Changement radical : alors que les arrêtés de péril continuent de pleuvoir, l’offre en Airbnb déferle. La plateforme comptabilisait 88 % d’annonces supplémentaires dès l’année suivant les effondrements. En 2020, l’explosion fait de Marseille la deuxième place forte du site, après Paris. Certains quartiers, étrangers aux itinéraires touristiques, se transforment vite en soutiers du mouvement, de la Plaine au cours Julien, de Noailles à Belsunce, en passant par les insalubres Chapitre ou Belle de Mai, ou les plus résidentiels Camas et Conception... jusqu’à la Joliette. Tout le centre ancien est touché. En 2021, 11 000 annonces étaient dénombrées et jusqu’à 16 000 en août 2022, selon la plateforme AirDNA [1].

Touriste : [...] personnes qui ne voient dans notre quartier qu’un territoire branché et labellisé « quartier rebelle » que l’on consomme comme à la Joliette, au Vieux-Port, à Paris ou Berlin. Gaudin en avait rêvé, le Printemps marseillais est en train de le réaliser : faire passer la destruction produite par l’industrie touristique comme une opportunité pour les Marseillais·es. (Sous le soleil, la Plaine, no 6, juin 2021, p. 24)

Nombre d’annonces masquent les propriétaires au profit d’hôtes qui n’en sont que les gestionnaires (les « conciergeries »). Et certains quartiers sont réduits à des mots-valises : Noailles ou Belsunce deviennent de vagues « cœurs de quartier culturel », « hyper-centre » avec « vue imprenable », « à cinq ou dix minutes du Vieux-Port ». Là où les scories des effondrements sont encore si visibles, un effarant spectacle se banalise : le cadenas et la chaîne qui fermaient l’accès au bâtiment côtoient désormais le boîtier à code qui offre les clés du séjour radieux à Marseille. Le cadenas s’efface même parfois devant le boîtier à clés : rue d’Aubagne, sur les hauteurs de Curiol, à quelques pas des immeubles effondrés rue Tivoli. Entre les bâtiments qui ferment et ceux qui s’ouvrent au seul tourisme, le marché locatif se contracte comme jamais.

« Businessman de l’appartement » – Quartier Thiers – Hôte Grégory – logement entier (studio) –

55 €/nuit

Teresa – septembre 2022 – « Le bâtiment est en réparation et le couloir a été saccagé. Il y a beaucoup de bruit venant de la rue et des appartements voisins, le canapé-lit est très inconfortable. »

Hôte – Grégory – janvier 2023 – « Je suis désolé pour vous que l’immeuble soit en restauration mais je pense qu’il s’agit d’un mieux pour tout le monde. Pour ce qui est du bruit, je n’y suis pour rien s’il y a du passage en plein centre-ville ! »

L’insalubrité vivace n’est pas toujours si glamour pour les touristes. Minuscules espaces gorgés d’humidité, caves transformées en studettes sans fenêtre, voisinage nocturne bordélique, « rénovations » à grand renfort de placo sur des vices qui renaissent sans cesse, cohabitation avec des punaises de lit et des cafards qui changent parfois moins vite de destination que les habitants... Le lucratif Airbnb reste des plus douteux dans la grande foire touristique qui s’empare de Marseille.

« Businessman de l’appartement » – Quartier Thiers – Hôte Grégory – logement entier (studio) –

55 €/nuit

Cécile – décembre 2022 – « À éviter absolument ! Surtout si vous espérez dormir. La rue est occupée par des prostituées assises devant chaque immeuble et la nuit par des toxicomanes qui se bagarrent en hurlant et en cassant des bouteilles. Le matin vous pourrez les voir respirer leur gaz hilarant. Il n’y a pas de lit juste un canapé qui ne se déplie pas. Une honte. »

Réponse – Hôte (Grégory) – janvier 2023 – « Je ne sais pas quel type de personne vous êtes mais pour dire que vous avez trouvé tout ce genre de personnes, vous avez dû aller chercher vos doses dans une autre rue que la mienne. »

À se perdre dans le dédale de rues si délabrées, plus ou moins fermées par les arrêtés et les blocs de béton, la airbnbisation semble enjamber les étapes de la gentrification. Nouveau coup de poker du « meublé touristique » : placer des gens bien moins regardants sur les bâtiments ou le quartier, tout en démultipliant les gains comparés à ceux soutirés à des ménages captifs du marché. Comme au numéro 74 de la rue d’Aubagne, face à ce vide que tant de voisins ne souhaitent plus affronter au réveil.

« Vos morts. Nos profits. »
(Une fausse publicité signée avec le logo Airbnb, accrochée sur les grilles de la « dent creuse », rue d’Aubagne, 20 mars 2023)

Un peu plus loin, les mêmes rénovations fleurissent. Le voisinage de cadenas et de périls sidère, là où des années durant ont retenti les batailles judiciaires contre certains marchands d’insalubrité. À Belsunce, quartier si longtemps abonné aux périls, les Airbnb s’immiscent jusque sur la rue Nationale, face à des immeubles effondrés, avec leurs gravats recouverts d’un produit bleu ciel censé empêcher les vapeurs d’amiante de se répandre dans le quartier. La juxtaposition de telles réalités fait blêmir, pour peu qu’on la comprenne. Ce qui n’est pas le cas des nombreux touristes qui font irruption dans le quartier.

Petit studio « immeuble d’artiste » – Noailles (Palud/Aubagne) – arrivée autonome (boîtier à clés) –9m2 –46€/nuit

Benoit – septembre 2022 – « Manque de confort. Pas de lit et de draps corrects.
Bruyant, trop de lumière la nuit. La rue est sale, des rats s’y baladent ainsi que des gens peu fréquentables. »

Réponse hôte – « Super objectivité, le drap est comme indiqué, quant au bruit privilégiez la campagne [...] concernant les rats je ne suis pas le maire de Marseille. Passez votre chemin, les exigences ce n’est pas à 30 €. »

Les boîtiers à clés prennent racine et la relève des périls. La marchandise du sommeil se renouvelle. Les marchands restent parfois les mêmes. Et les dividendes augmentent.

Derrière le mythe du AirBnB pour « dépanner », la réalité est tout autre : 80 % des annonces concernent des résidences secondaires. Autour de la Plaine, près de la moitié des annonces proviennent de multipropriétaires détenant jusqu’à 50 appartements sur la ville.
(Faisons face à la gentrification, tract anonyme, automne 2022)

Le cliché des fins de mois difficiles pour petits propriétaires ou locataires désargentés est vite battu en brèche. Longtemps vendue par les communicants du mastodonte numérique pour faciliter son implantation en temps de crise et faire taire les critiques [2], l’argument bute sur la réalité. Pour les locataires, l’interdiction de louer son logement ou son canapé sans l’accord du propriétaire s’accompagne depuis 2014 de lourdes sanctions : 7500 euros d’amende, résiliation du bail, remboursement complet des frais de justice en cas de poursuite. Surtout, arrivé très tard sur le marché, Marseille brûle les étapes. Avec ses 71 % d’abattement fiscal, la niche fiscale est déjà devenue un lieu de report pour investisseurs et multipropriétaires. Le phénomène se renforce avec l’inflation galopante faisant suite au confinement, et une brusque augmentation des taux d’intérêt. L’immobilier reste plus sûr pour garantir les retours sur investissement, d’où l’explosion des transactions en 2020 et 2021. Et quand le marché plafonne, la niche Airbnb devient l’eldorado qui tient bon face à une « rentabilité de l’immobilier en forte baisse ».

Si 60 % de mes biens sont des meublés, c’est parce que la fiscalité est plus douce.
(Fabien Marini, propriétaire de six « biens » à Marseille loués en meublés) 10

À Marseille, le boom immobilier après 2018 se traduit par un rachat effréné de logements et de bâtiments. Des Marseillais souvent médusés voient les visites de leurs appartements s’enchaîner, effectuées par de jeunes branchés ne parlant plus que de prix du mètre carré en terrasse, ou de ces immeubles vendus au prix où l’on achète un appartement à Paris. Quand le marché atteint un pic, les reventes se multiplient avec de substantielles plus-values. D’autres placent leur bien en meublé touristique pour continuer à engranger les profits11. Dès 2022, le nombre d’appartements entièrement mis à disposition sur Airbnb représentait 88 % de l’offre à Marseille. Leur taux d’occupation, de 74 % (un peu moins en 2023, 69 %)12 , rappelle que la majeure partie est louée à l’année, loin du mythe de la résidence principale louée pour donner un « coup de pouce » au petit propriétaire. La plateforme Airbnb serait-elle devenue le plus gros marchand de sommeil à Marseille ?

Marchand de sommeil et hydre capitaliste à l’heure du numérique

Des immeubles ont été vidés, il y a eu des travaux donc la rénovation s’est faite malgré elle, malgré les gens. Surtout si y a pas de contrôle. Objectivement, un propriétaire qui fait des travaux, il a envie de louer plus cher. C’est pas un philanthrope.

Marta S., juin 2022

En tant que directeur de programme à la Soleam [...] et référent sur les questions d’habitat indigne, j’ai été amené à travailler avec les services, les techniciens, les élus, les services chargés de lutter contre l’habitat indigne... Et j’ai connu les failles, les limites de ces procédures, leur lenteur. Et surtout la capacité de certains marchands de sommeil à biaiser ces mécanismes. Ils ont profité de cette aubaine pour convertir pas mal de logements en location courte durée. C’est dix fois plus rentable et ça permettait d’échapper au permis de louer. Au 5 novembre, on a croisé pas mal de gens, quelques centaines qui sont venues dans les assemblées et ont vu le quartier se transformer, des immeubles vidés et puis basculer à la levée du péril en location touristique.

Emmanuel Patris, « Un centre-ville pour tous », juin 2023

Rappelons-le, Airbnb n’est qu’un symptôme – certes extrême – du capitalisme de plateforme (et du marché immobilier). Son succès vient d’avoir pensé et réussi à marchandiser l’ancestrale hospitalité en surfant sur les origines pourtant gratuites du couchsurfing [3]. À l’heure du tourisme mondialisé, son réel tour de force est d’avoir utilisé une niche, juridique et fiscale, un entre-deux existant depuis les années 1970 entre l’hôtellerie et le logement ordinaire, pour s’ouvrir de nouvelles parts de marché. La plateforme s’impose comme l’intermédiaire numérique des transactions, qu’elle facilite auprès des propriétaires en leur évitant tout un tas de taxes, de réglementations, d’agences, de portefeuilles à gérer. Magique ou presque : on profite des prix de l’un – l’hôtel – en mettant à disposition l’autre – le logement longue durée. L’incroyable force de cette mécanique est de se placer à la tête d’un nombre infini d’agents – les propriétaires – qui œuvrent pour la plateforme en plaçant leurs biens et l’alimentent à chaque transaction. Un facilitateur pour les uns, un parasite pour les autres. Plus le parc de logements grossit, plus les dividendes s’accumulent. En 2019, douze ans après son lancement à San Francisco, Airbnb dénombrait 7 millions d’annonces dans 30 000 villes et 190 pays. À son entrée en Bourse à l’été 2020, elle était cotée à 18 milliards de dollars.

Autant dire qu’à ce rythme, la plus grande conciergerie du monde transforme des paysages entiers du parc immobilier. Le phénomène est connu et documenté depuis un moment. Censée donner un coup de fouet financier à des propriétaires-occupants, la dérégulation massive de l’offre touristique allèche les investisseurs. Une telle rentabilité est en effet inattendue sur un marché immobilier jusque-là assez inamovible, entre hôtellerie d’un côté et logement de l’autre. En surfant sur les limites de la notion de « meublé », de la résidence principale et secondaire, la plateforme offre des rentabilités record. Et elle conduit les propriétaires à remodeler les logements, les contrats de bail, pour fonctionner à flux tendu : ici en plaçant les résidences secondaires toute l’année ; là en créant des faux profils pour continuer. Et quand les restrictions se font plus sévères, les propriétaires font passer l’ensemble en bail dit « mobilité » – bail allant de un à dix mois, non renouvelable –, qui évite d’avoir à quémander un changement d’« usage » (de logement en commerce). En bref, le logement est « optimisé ».

Petit studio « immeuble d’artiste » – Noailles (Palud/Aubagne) – arrivée autonome (boîtier à clés) –9m2 –46€/nuit

Cezar – septembre 2022 – « Ne vous laissez pas berner par les photos. C’est TRÈS PETIT, juste pour une personne max.! Ce n’est certainement PAS un studio. Le quartier, il s’agit d’un bazar en journée jusqu’à 23 h. Si vous voulez dormir un peu pendant la journée... bonne chance. Allez ailleurs. »

Avec le temps et les excès constatés, les abattements fiscaux record pour les meublés commencent à faire jaser nombre de communes, sans pour autant être remis en question. Quant à la plateforme, les taxations sont dérisoires : basée dans le paradis fiscal irlandais, Airbnb évite soigneusement la qualification de société immobilière en gagnant ses procès qui rappellent, comme en novembre 2019, qu’elle n’est qu’une interface numérique. Airbnb permet aux propriétaires de minimiser les frais, et d’éviter tout intermédiaire. Jusqu’au ménage et à la remise des clés, pour lesquels la plateforme propose fréquemment ses services de conciergerie. À défaut, ce fameux boîtier à codes, trente euros en supermarché pour se passer de toute contrainte ou interaction humaine.

Le Nid/NocNoc » – cours Julien – 3 niveaux – 120 m2 – 12 à 14 personnes – 5 000 €/nuit [4]

Idéalement situé dans le célèbre quartier du cours Julien, le rendez-vous des artistes [...], un appartement somptueux de 120 m2 climatisé pouvant accueillir jusqu’à douze personnes. Le check-in/out pourra se faire de manière autonome grâce à une boîte à clefs. Pour un accueil personnalisé, nous demandons un supplément de 10 € par heure pour les check-in tardif. [...] Vos bagages vous encombrent ? Déposez-les dans la consigne à bagage sécurisée Nannybag et bénéficiez de 10 % de remise. Chez NOCNOC, nous gérons la location de plus de 80 appartements et maisons dans huit villes en France. Une caution de 1 200 € est demandée pour l’appartement, une pré-autorisation sur votre carte sera faite la veille de votre arrivée. Nos appartements sont désormais équipés de décibelmètre Minut qui déclenche une alarme dès que le niveau sonore maximum autorisé est dépassé. En cas de fête ou de plainte du voisinage pour le bruit après 22 heures, la totalité de la caution sera débitée.

Avec tant de romantisme, comment ne pas se ruer sur Marseille ? Mais, en fonctionnant à la nuitée et en visant une autre clientèle que des locataires, Airbnb déploie une hybridité à rentabilité extrême, qu’elle sait parfaitement agiter sous le nez des propriétaires : la plateforme et un nombre incalculable de sites comme AirDNA projettent gratuitement les profits annuels pour chaque logement placé. En 2019, dans des villes comme Marseille où la réglementation était inexistante, certains sites rappelaient ces détails très précisément :

La résidence principale que vous habitez au moins huit mois par an. La loi sur la location Airbnb à Marseille ne vous impose absolument aucune autorisation. Vous pouvez louer 120 jours par an. [...] Cependant, Marseille ne fait pas partie des villes où Airbnb suspend automatiquement votre annonce en cas de dépassement de la limite. Attention, c’est à vos risques et périls car des amendes importantes peuvent être prononcées !

La loi Airbnb à Marseille est plus flexible qu’à Paris ou à Lyon : vous pouvez louer votre résidence secondaire toute l’année dans la limite de huit mois consécutifs à un même locataire. Au bout des huit mois, vous êtes obligé de changer de locataire. [...] À noter, la ville de Marseille n’applique pas la règle de la compensation.

Une possibilité à étudier : le bail mobilité. Vous pour- rez louer sans être contraint par les nombreuses formalités imposées par la législation ! (« Tout savoir sur la réglementation Airbnb à Marseille », HostnFly, octobre 2019)


Avec de si « lourdes » formalités (deux déclarations par mail à la direction fiscale et en mairie), on comprend combien le rendement séduit certains habitués du contournement des règles. En 2023, la nuit moyenne atteignait à Marseille 110 euros, le double de son prix cinq ans plus tôt ; sur l’année, le meublé permettait d’empocher plus de 20 000 euros en moyenne. À ce jeu-là, la cité phocéenne, au prix du mètre carré proche de celui d’Aubervilliers, offrait un potentiel touristique autrement plus alléchant que la commune de Seine-Saint-Denis. Et un taux de rentabilité deux fois supérieur à celui de Paris [5].

Ça parle plus que des ménages dans le quartier... C’est devenu la principale activité, les ménages dans les Airbnb. (Une habitante, quartier Baille, juillet 2023)

Recherche. Femme dynamique pour effectuer le ménage dans des logements de location saisonnière. Fréquence des missions variables. Emploi : femme de ménage avec très bonne présentation, sérieuse et sachant prendre des initiatives. Disponibilités : en semaine et dimanche compris Lieu : Belle de Mai et Vieux-Port

Âge : 45 ans environ
Langue : français
Tarif horaire : 11 €
Condition : période d’essai. (Une affiche, Vieux-Port, septembre 2023)

Les profits des uns font les emplois précaires des autres, et font vite disparaître nombre d’habitats et d’habitants. Si les offres illégales pullulent comme les usages plus « déviants » (prostitution, etc.), l’effet numéro un demeure : en réduisant l’offre locative à son plus bas niveau en peu de temps, la plateforme crée une rareté extrême. Sans programme de construction massive (en particulier sociale) ou d’encadrement strict, l’élévation des prix est mécanique, sur un marché déjà tendu.

[1La mairie de Marseille, avec le numéro d’enregistrement, en comptabilisait 11 500, l’écart pouvant révéler différents systèmes de comptabilité et/ou une part non négligeable de numéros d’enregistrement frauduleux et d’annonces non déclarées en municipalité. En juillet 2023, la mairie de Marseille relevait ainsi près de 1500 annonces illégales

[2C’est en particulier la communication que produit Airbnb dans les pays en crise, notamment au Sud, après la crise des subprimes.

[3Créée en 2004 à San Francisco, la plateforme de couchsurfing vend une mise en lien numérique pour fournir un hébergement temporaire chez l’habitant. Partiellement mais essentiellement gratuite, la structure pave à la voie à son extension payante, Airbnb, qui verra le jour quatre ans plus tard.

[4Sur le site Booking.com, la même annonce comporte un zéro de moins, et monte parfois jusqu’à 1 200 euros, soit entre 10 à 20 fois le prix sur le marché de la longue durée pour une même surface, avec une optimisation de l’espace, qui dépasse tout juste les 9 m2 carrés légaux.

[5Après de longues années de bienveillance, la capitale a vertement déchanté et mène une âpre bataille judiciaire contre le géant numérique, butant inlassablement sur l’absence de législation claire jusqu’en 2023, et dans les tribunaux contre les changements de destination de certains logements (encore en septembre 2023) malgré des condamnations à des amendes record (8 millions d’euros) pour 1 105 annonces sans numéro d’enregistrement en 2021. Elle envisageait la fixation de quotas par quartier au printemps 2023.

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