Rockwool dégage !

Le soissonnais se soulève pour préserver le vivant !

paru dans lundimatin#411, le 15 janvier 2024

Sur le plateau de Soissons, dans l’Aisne, l’entreprise danoise Rockwell souhaite installer une usine de laine de roche. Au programme : 950 tonnes de polluants toxiques et 22 000 tonnes de CO2 à l’année et en bonus, 200 poids lourds en rotation au quotidien. Étonnement, les riverains se mobilisent pour empêcher que ce projet n’aboutisse. Le comité des Soulèvements de la Terre de Laon, nous a transmis un point d’étape quant à cette mobilisation locale. On y apprend notamment que le terrain sur lequel souhaite s’installer le géant danois se nomme : Le bras de fer !

Plateau de Soissons, dans l’Aisne, là-haut, au milieu des champs de betteraves. Le 9 décembre 2023, on a lancé le « soulèvement du soissonnais » !

Dans cette ville, depuis trois ans, des habitant.es se battent contre un des champions de la pollution de l’air et du greenwashing : le géant danois Rockwool. On lutte contre l’implantation de son usine à faire brûler les cailloux… On s’agite auprès du Tarier pâtre, de la Bondrée apivore, des habitant.es en lutte pour défaire ce désastreux projet capitaliste et toute son absurdité sociale et écologique !

Avec les copain.es du collectif Stop Rockwool, tous et toutes, nous étions joyeuses de découvrir les haies du « bras de fer » à Courmelles [1], ce 9 décembre dernier. Joyeux d’être ensemble, de s’organiser face à Rockwool, face à ces désastres envers l’air, l’eau et les habitant.es du Soissonnais. Accompagné.e.s par une pluie fine et battante, nous avions l’énergie pour manifester contre la multinationale avec la hargne d’une harde d’automne. Nous étions environ 150 sur le plateau, déterminé.e.s à faire monter la pression contre le démarrage des travaux [2].

A en croire les moyens que mettent Rockwool et les pouvoirs publiques, pour protéger le site (barrières de chantier doublées de plots bétons à chaque entrée, caméras de surveillance et vigiles en permanence) et la mobilisation des forces policières en nombre pour la manif, pour eux le projet n’est pas encore gagné !

Mais allons, la laine de roche c’est durable [3], respirable, nickel dans son process’ de fabrication jusqu’à son recyclage et ça fait de l’emploi ! Euh...

Cette jolie laine jaunâtre, qui ne se lasse pas d’isoler les passoires thermiques pendant à peine dix ans, n’a pas de mal à enrichir la multinationale ! Sans état d’âmes pour toutes les catastrophes écologiques que sa fabrication entraîne puisqu’elle souhaite mettre en route sa deuxième usine en France. Elle isole même la guerre et la flotte militaire russe [4], la laine de roche n’a pas d’odeur !

La laine de roche, en vrai, ce sont des cailloux chauffés et fondus à 1500°C [5]. Dans des fours alimentés par une ligne à haute tension de 63 000 volts spécialement créée pour Rockwool, ce qui augmenterait seulement de 73 % la conso du territoire ! C’est de la laine nucléaire à ce compte là ! Additionnons un lot de produits chimiques dangereux, tout cela dans une usine qui s’étend sur 40 hectares. En consommant au moins 80 000 m3 d’eau et en rejetant 814 tonnes de particules toxiques dans l’air par an. Et puis, 80 000 tonnes de gaz à effet de serre [6]. Un projet ambitieux qui permet à Rockwool de se projeter parmi les 10 entreprises les plus polluantes de France [7].

Un vrai costaud du capitalisme ce Rockwool !

Par contre les gens qui habitent dans les alentours, les vallées qui environnent le plateau de Courmelles, eux se projettent un peu moins bien. Les dangers pour la santé humaine sont sérieux, plus de 276 personnes travaillant dans le corps médical se prononcent contre l’implantation de l’usine. A l’heure où nous devons être à l’écoute de nos fragilités, de nos forces et de nos sensibilités, pour composer des mondes désirables entre les gens, les enfants et les espèces qui nous entourent, l’industrie du désastre nous impose ses cataclysmes.

Évidemment des habitant.es s’indignent face aux folies toxiques du capitalisme, c’est la nature qui se défend… Ça bouge, ça ne se laisse pas faire. Des manifestations à plus de 1700 personnes résonnent dans les rues de Soissons.

C’est énorme au milieu des betteraves !

Des collectifs s’organisent, tractent, affichent dans le pays leur indignation. Des réunions d’informations sur les conséquences, sur les raisons de s’opposer se multiplient. Rockwool est attaqué en justice de tous les côtés [8]. La commune la plus proche [9] s’oppose officiellement au projet, douze autres se prononcent contre, cinq attaquent le permis de construire. Le maire de Courmelles écrit un livre avec un journaliste pour dénoncer l’affaire [10] ! On se rassemble. Une dynamique de lutte anime le territoire, les idées fusent...

Le déni de démocratie, le déni de liberté d’expression, c’est un classique de tous les territoires en proie à l’industrialisation et aux enquêtes publiques [11]. Lors des trois consultations, les oppositions font 84, puis 88, puis 97 % [12]. Trois ans de lutte légaliste, cinq recours juridiques toujours en cours mais non suspensifs, le juge administratif vient de donner l’autorisation de commencer les travaux en novembre 2023. Ni une ni deux, les pelleteuses sont arrivées... On imagine que les 40 hectares de terre grognent ! Qu’ils refusent ce béton qui va les étouffer !

Lutter contre Rockwool, c’est aussi être l’eau qui se défend !

On entend l’eau qui gronde ! Elle a évidemment d’autres aspirations que d’aller refroidir des brasiers de cailloux. Dans l’Aisne les nappes sont basses depuis plus de trois ans à cause des sécheresses et eux veulent pomper plus de 30 % de la capacité du réseau  [13] ! Alors même que le chloridazone et les Pfas se chargent déjà de la polluer [14]... L’eau nous manque, il faut la préserver et mesurer soigneusement son utilisation. Et la laisser tranquille quand il le faut ! Mais elle est sacrifiée sur tout les autels du monde productiviste. Là aussi il y a un enjeu majeur de la lutte contre Rockwool qui la relie à toute les autres luttes pour l’eau !

Lutter contre Rockwool, c’est aussi être la Terre qui se défend !

Dans nombre de soulèvements historiques les paysan.nes sont au cœur des révoltes ! Ici, en octobre 2023, plus de 70 agriculteurs.ices du soissonnais se positionnent dans un manifeste contre la pollution de la terre par cette usine, notamment car dispersion « ne veut pas dire disparition » et ne change rien aux polluants dégagés par ces cheminées. Lubrizol aussi avait déposé ces poussières toxiques dans l’Aisne et ça reste dans les mémoires. Dans le manifeste, ils s’engagent pour un projet « qui consisterait à fabriquer les isolants de demain à partir de matériaux naturellement fibreux et biosourcés, par exemple : le lin, le chanvre ou les pailles de céréales. Ces cultures, nécessitant peu d’intrants et peu gourmandes en eau, stockent le carbone. » [15]. Lutter ensemble c’est fabriquer un avenir plus désirable pour l’agriculture soissonnaise, proie des fourches techno-industrielles qui privent les paysan.nes depuis des dizaines d’années voir des siècles de leur autonomie, étant contraints de répondre du modèle dominant. Aujourd’hui, ils affirment vouloir « préserver et même améliorer la qualité des produits » de leurs fermes, « sans prendre de risques avec la santé ». Dans cette lutte, des ponts se construisent entre des mondes différents qui cherchent à composer et à vivre avec le vivant.

Le soissonnais se soulève pour préserver le vivant !

Le 9 décembre, on aurait même pu entendre l’air siffler, crier, cracher sur cette future usine toxique que veut nous imposer Rockwool ! Les haies qui entourent le terrain, pourraient quant à elles s’épaissir et préparer la défense. Les terres qui l’entourent, se gorger d’un feu de révoltes que les blés n’ont pas vu depuis bien des années…

C’est dans ce contexte que le comité local des Soulèvements de la Terre rejoint la lutte locale. Avec l’idée de la renforcer, de la soutenir, de l’agrandir. De faire corps. Jusqu’à ce qu’ils reculent. De composer avec celles et ceux qui veulent la fin de Rockwool et son monde ! Sur le plateau du « bras de fer », avec les vivants qui l’habitent.

Rockwool on est plus chaud.es, plus chaud.es que tes cailloux !

Soulèvements de la Terre – Laon


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[1C’est fou mais sur les cartes le terrain de Rockwool sur le plateau de Courmelles se nomme : Le bras de fer !

[2A l’heure actuelle, les travaux consistent a installer la base de vie et le cloturage du site.

[5Les cailloux utilisés c’est du basalte.

[9La commune de Courmelles

[10Le village contre la multinationale, Arnaud Svreck et David Breger, Seuil, novembre 2022.

[12Voir dossier de presse, stop rock wool, novembre 2023.

[14Aisne nouvelle du 11 novembre 2023.

[15Préservons le vivant, Manifeste d’agriculteurs du Soissonnais, opposés à la construction d’une usine de laine minérale Rockwool sur les hauteurs de Soissons.

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