PUNK anarchism

Éléments de PUNK philosophie
Annexe, Exercice de critique et Épilogue

Jacques Fradin - paru dans lundimatin#296, le 12 juillet 2021

Le pouvoir corrompt. Le pouvoir stable, durable, « parfait », supposé apporter « l’harmonie », ce pouvoir fixé transforme la corruption en architecture, pour un despotisme établi.
« La véritable démocratie » ne peut se suffire de se déployer contre l’État, ne saurait se suffire d’être anarchie.
« La véritable démocratie », non seulement doit déconstruire l’État, mais doit déconstruire tout état, toute position de stabilité ou toute institution installée, se prétend-elle « la plus parfaite ».
La véritable démocratie » est l’an-archie, le combat permanent contre toutes les institutions supposées « les meilleures » et posées irrévocables, le combat permanent contre les utopies merveilleuses et supposées éternelles. Y compris « les institutions anarchistes ».
Le seul chemin, pour éviter la dégradation de tout rêve en cauchemar, est d’empêcher tout « arrêt », toute stabilité établie, toute fantasmagorie d’une harmonie réalisable.
Le militant de l’an-archie ou du PUNK anarchisme est celui qui s’engage, sans effroi, dans le mouvement de la destitution des institutions, mouvement qu’il faudra, sans cesse, recommencer, sans halte ni fin.
NO FUTURE : tout Empire harmonieux de mille ans, que l’on tenterait de réaliser, puis de stabiliser, engage sur un chemin de corruption ; tout Empire sera désastré.

Annexe

Exercice de critique

 
La révolution n’est pas un problème de technique.
 
Je viens de lire le texte de Franz Himmelbauer à propos du livre de Christophe Masutti, Affaires Privées aux sources du Capitalisme de Surveillance (LM 274 du 8 février 2021).
Texte qui me servira de support pour un exercice de critique (très limité).
Je pense que la critique du débat style « logiciel libre » s’inscrit parfaitement dans les analyses critiques précédentes que j’ai pu développer, celle sur Latour, sur Grothendieck, et les développements de PUNK philosophie.
Cette lecture croisée me permet, également, de reformuler ma « compréhension » critique de l’esprit (militant) du Groupe Grothendieck (ou PMO) – ainsi que d’autres groupes hacktivistes. Et, plus généralement, des « inventeurs » de néocolonies de SF (telles qu’illustrées dans les romans de SF), néocolonies qui impliquent une multiplicité de techniques entrecroisées.
Je reformule : une analyse détaillée du « système de la surveillance », ou de l’informatisation, etc., une analyse historiographique de détail, qui même si elle ne renvoie pas jusqu’aux « cadastres » (voir la référence à James Scott, L’Œil de l’État, lisibilité, simplification, abstraction réalisée), et en reste aux débuts « prometteurs » de l’informatique, une histoire de détail qui considère historiquement le numérique actuel réalisé comme le résultat d’un mouvement chaotique [1] (mais qui n’est pas théorisé comme « historial »), avec un détail sur « les époques » de l’informatique, et qui indique les erreurs, les impasses, les errances, les fameuses voies non empruntées, les conflits internes, les enchevêtrements de « gouvernance » (toujours le chaos), les conflits de normes ou de normalisations, une telle histoire historiographique interne de détail ou du chaos réalisé (mais qui décrit ce chaos sans l’expliquer), une telle histoire INTERNE du mouvement de la numéricisation, CONTRAIREMENT à ce qui est TOUJOURS affirmé, ne permet pas de dépasser la fameuse inévitabilité (du destin historique de la technique), au contraire, une telle histoire de détail ENFORCE l’idée de « technique neutre et universelle », en l’exprimant sous la forme des « voies non explorées », mais encore techniques.
Cette critique interne (réformiste, mélioriste) augmente la taille du système technique, en lui permettant d’absorber les impasses, les erreurs, et, surtout, les directions abandonnées (dont on ne voit pas pourquoi elles seraient révolutionnaires plutôt que sur-policières).
Cette sorte de critique historiographique interne de la technique, bien loin d’être une critique de la technique, se révèle être le moyen (l’accélérateur, accélérationniste) de renforcer l’emprise technique. Il s’agit d’une critique technique de la technique ; c’est-à-dire, comme pour Yuk Hui, d’un discours d’ingénieur positiviste, qui cherche à améliorer le système (politiquement cette manière de « voir les choses » est totalement réformiste ou réaliste – ce pourquoi la révolution ne peut être un problème laissé à des techniciens, elle n’a rien à voir avec une discussion d’ingénieurs de production qui s’intéressent aux inventions oubliées ou aux « techniques douces » – une telle discussion définissant le stalinisme).
Ce qui passe pour un geste révolutionnaire (mais révolutionnaire seulement pour les ingénieurs) est en fait le maximum imaginable de la dépolitisation, de la stabilisation, du renforcement de l’emprise d’abstraction (ce que signale « la forme de vie » des hackers, des hacktivistes ou des geeks, forme de vie mobilisable au service de la police).
Cette forme de critique INTERNE, certes très intéressante, mon péché principal étant la curiosité (intellectuelle), néanmoins renforce le système en faisant croire qu’il est « auto-régulateur » ; même si l’auto-régulation se fait au moyen de crises internes – encore une fois, on retrouve le modèle économique, celui des crises qui permettent l’innovation.
Mais nous n’avons pas besoin de ces innovations « disruptives » !
Les modèles, INTERNES au système, du logiciel libre ou des services ouverts (mais « ouverts » aux ingénieurs en informatique ou aux « intégristes » du calcul) ne sont la préfiguration de RIEN de « libéré ».
Ce sont plutôt des préfigurations d’un nouveau mouvement de numéricisation ou d’abstraction (la 5e époque de l’abstraction).
Comment peut-on parler de « modèles alternatifs » ?
Communes numériques (smart cities ?), science ouverte (qu’est-ce que cela veut dire ? renvoi à Latour ou à Grothendieck ?), services décentralisés (pour des économies budgétaires), organisation distribuée, coopération (Negri), débats ouverts sur les architectures techniques (mais débats avec qui ? nouvelle « convention citoyenne » ?), etc.
Malgré les « bons sentiments », tout cela n’ouvre pas, mais enferme doublement dans le mouvement destinal (enferme doublement, puisque l’enfermement est inconscient, ou, pire, dénégatif).
Et, encore & encore, enferme d’autant plus que « l’alternative interne » n’est jamais pensée comme COMBAT, mais plutôt comme « action parallèle » à la Musil (avec l’absurdité social-démocrate de la démocratie technique ou du parlement des objets à la Callon-Latour).
Ces « alternatives », si elles veulent dépasser le statut du débat académique entre techniciens, impliquent des préalables lourds en termes d’ÉDUCATION ou de formation dé-technicisée (en traversant les techniques).
Comment généraliser les « conventions citoyennes » en dépassant la simple formation technique (qui est déjà pesante) pour accéder à la pensée critique ?
Il faudrait le préalable d’un « nouveau pouvoir », de « nouvelles formes d’autorité », d’un « nouveau type légal » ou de « nouvelles législations », d’une « nouvelle répartition des richesses », de « nouvelles formes de travail », etc., etc.
Comme nous le répétons sans cesse, le politique (de la lutte) vient toujours AVANT.
Rien n’est accessible par « l’action parallèle ».
Quand on parle « d’encapaciter » (d’empowerment) ou de reprendre la maîtrise (coucou, revoilà l’idée de technique neutre et de « bon usage »), il est clair qu’il s’agit d’une dystopie de hackers.
« La communauté numérique » est une usine, une usine terrible (ou, par exemple, la contribution de temps est extravagante – nous sommes plus près du taylorisme dystopique que du marxisme utopique).
Les communautés informatiques sont des communautés terribles : ce sont des accélérateurs (accélérationnistes) de réification.
Ce sont des communautés de technopathes qui confondent communisme (tribunicien) et mise en commun de « bandes passantes » (le clou de l’abstraction des « bandes »).
Peut-on « ouvrir » un système en restant DANS le système, en n’imaginant même pas qu’il puisse y avoir un « en dehors » ?
Peut-on « ouvrir » un système en se contentant d’en explorer les failles, les fissures, « les erreurs système », alors même qu’un système ne peut se penser que comme un chaos dynamique ? Et que ce système se maintient par le chaos ?
Vérifions le positivisme de « la politique » des ingénieurs :
Pour que ces alternatives, ces voies parallèles (ou souterraines), aient toutes leurs chances, il faudrait (au moins) trois choses :
1 – Un environnement politique, économique et social qui préserve la possibilité de l’innovation responsable (il faudrait un capitalisme « humanisé ») ;
2 – Un contexte favorable à la recherche sur ces thématiques (de la coopération négriste, disons), où les chercheurs (et les chercheuses) pourraient « opérer » dans une démarche multi et inter-disciplinaire ; avec une connaissance technique approfondie et une connaissance fine de l’histoire du numérique ;
3 – Une connaissance historique nécessaire si l’on veut et peut faire « vraiment » quelque chose pour influencer la réalité.
N’est-ce pas toujours la visée affirmative positive qui exclut toute négativité (n’est-ce pas le capitalisme deleuzien) ?
Ou en termes critiques (que nous avons développés longuement) : n’est-ce pas le réalisme de l’immanence absolue ?
 
Quelle est alors la catastrophe ?
De confondre la pensée politique et l’activité technique (positiviste).
De croire qu’il peut exister une « politique affirmative » de construction des mondes harmonieux (si cela existait, on le saurait depuis longtemps !).
De croire qu’il peut y avoir une technique (parallèle, oubliée, enfouie, etc.) révolutionnaire.
La révolution n’est pas un problème technique. C’est, au contraire, la mise entre parenthèses des techniques.
Inutile de chercher les techniques adaptées, ralenties, respectueuses, etc.
Ce seront toujours des « accélérateurs ».
 
La révolution n’est pas un problème DE technique.
Ni ne peut « consister » (con-sister, in-sister, toujours la stabilisation) en installations locales (des petites usines ou des petites fermes), ou en néo-kibboutzim techno-écolo-agricole (de SF, les nouvelles colonies martiennes et la terraformation « économe »), en aménagements de techniques appropriées ou réappropriées, relocalisées, dé-systématisées (passer des « grands » systèmes à de « petits » systèmes ou à des réseaux locaux ˗ comme les monnaies locales), small, low, green, etc.
Cette « consistance », aussi « autonome » (ou autarcique) soit-elle (mais toute la réalité est autonome), est toujours une réalisation.
Ce n’est pas le plaisir des ingénieurs, techniciens, agronomes, bricoleurs écologistes, qui importe, c’est la possibilité POLITIQUE, et jamais technique, de la destitution déconstruction.
Nous délaissons le plaisir des bricoleurs inventifs.
Jamais ce plaisir n’indiquera la SORTIE, l’Exil, la Sécession.
Ce plaisir n’est qu’un moyen détourné (façon ruse hégélienne) de « conforter » l’ordre technique ou de renforcer l’idée qu’il ne peut y avoir de « solution », d’issue (mais sans sortie) que par des constructions, que par « l’affirmation ».
Le projet technique des techniques adaptées est un réalisme positiviste, une queue de météore du réalisme social-démocrate relocalisé.
Et nous retrouvons toujours le débat entre réforme & révolution (nous laissons au lecteur la tâche de reprendre ce débat qui s’infiltre partout dans ce texte ˗ la grande surprise est de découvrir que « le réformisme » est assez envahissant ; mais n’est-ce pas l’effet du conformisme imposé par la réalité et par « le réalisme » ?).
Localisées, réduites, verdies, ralenties, incluses dans le système Gaïa, respectueuses, bouddhistes ou végan, les techniques sont toujours des réalisations.
Ce qui importe n’est pas « le perfectionnement » des arts écologistes, mais leur destruction, sans cesse à reprendre.
Et, toujours, les inventeurs ressusciteront.
 
 
 

Épilogue

 
Ce qui précédait ne pouvait être qu’une introduction réduite, sous le régime de la fainéantise, à la théorie de l’anarchisme PUNK ; théorie dite du monisme à dualité.
Comme nous développons depuis longtemps cette théorie, par exemple au moyen d’une analyse critique du despotisme (Qu’est-ce que le despotisme ?) ou d’une critique de l’économie, nous avons décidé, ici, toujours par fainéantise, de ne pas reprendre des thèmes développés auparavant, comme les thèmes de l’analyse critique.
En conséquence, chaque page de cette petite introduction exigerait d’être étendue, chaque page exigerait un chapitre entier d’un livre « à venir ».
Nous fantasmons, depuis longtemps, également, d’écrire une « encyclopédie PUNK anarchiste ». Mais la destinée des fantasmes est de rester fantasmagoriques (ou de ne se « réaliser » que de manière PUNK, ou « rogue »).
 
Contrairement à beaucoup de nos articles, qui comprennent de grosses bibliographies, il n’y a eu, ici, aucune référence explicite, sauf à nos deux auteurs fétiches, ou auteurs matériaux, Agamben & Badiou.
 
Mais par démangeaison, indiquons quelques références, qui sont restées implicites dans l’ensemble des Miettes.
Comme cette introduction limitée peut être envisagée comme « une traversée » du champ spirituel néoplatonicien (nous renvoyons à un de nos articles qui présente les éléments pour « la généralisation » du gnosticisme), la bibliographie devrait introduire à ce champ néoplatonicien (et anti-aristotélicien).
Nous ne citerons que deux ouvrages (avec leurs compléments) pour « préparer » la traversée ; sachant que cette question néoplatonicienne pourrait occuper toute une bibliothèque du style Sainte Geneviève :
Le classique :
Simone Pétrement, Le dualisme chez Platon, les Gnostiques et les Manichéens, 1947.
Que l’on pourrait compléter par :
Adolf von Harnack, Marcion, l’évangile du Dieu étranger, 1924.
Et, plus récent :
Jean-Marc Narbonne, Hénologie, Ontologie et Ereignis, Plotin, Proclus, Heidegger, 2001.
Que l’on pourrait compléter par :
Bernard Sichère, l’ensemble de ses écrits, dont :
 Le moment lacanien, 1983 ;
 L’Être et le Divin, 2008.
 
Comme nous développons une critique implicite d’Emmanuel Lévinas, ou comme nous élaborons une pensée de « l’éthique politique », opposée à la pensée « éthique » de Lévinas, comme cette introduction peut être lue comme une critique (implicite) de « l’éthique première » de Lévinas, nous renvoyons (pour une introduction à Lévinas) à :
Simon Critchley, l’ensemble de ses écrits (en anglais), dont :
The Ethics of Deconstruction, Derrida and Levinas, 1992, third edition 2014 ;
The problem with Levinas, 2015.
 
Signalons, une fois de plus, que l’essentiel de la bibliographie sur l’école néoplatonicienne, ainsi que sur tous les autres thèmes introduits, comme la critique de la dialectique hégélienne ou comme l’étude des éléments de « la déconstruction » de Derrida, etc., est, encore et encore, anglo-saxonne, américaine principalement.
Citons un ouvrage indispensable :
Jonathan Greig, The First Principle in Late Neoplatonism,
 A Study of the One’s Causality in Proclus and Damascius, 2019.
 
Damascius pouvant être considéré comme un jalon essentiel pour « déthéologiser la théologie négative » (voir Miettes 5).
 
Nous avons choisi l’entrée « théologie négative », sous sa forme sécularisée, pour « limiter les dégâts ».
Une autre entrée aurait été possible, par exemple celle du « nihilisme », entrée complémentaire de celle de « la politique négative ».
L’anarchisme PUNK, an-archiste, est « nihiliste ».
Mais la question du « nihilisme », ouverte par Nietzsche, avec sa « nihiline », nous aurait entraîné dans la visite d’une autre bibliothèque gigantesque.
Il aurait fallu partir de l’ouvrage de :
William Franke, On the Universality of What is Not, The Apophatic Turn in Critical Thinking, 2020.
Ouvrage qui fait le lien entre « apophatique » et « nihilisme ».
Puis continuer :
Thomas Lynch, Apocalyptic Political Theology, 2019 ;
Arthur Willemse, The Motif of the Messianic, Law, Life and Writing in Agamben’s Reading of Derrida, 2018 ;
Leslie Hill, Nancy, Blanchot, A Serious Controversy, 2018 ;
Brian Schroeder, Between Nihilism and Politics, The Hermeneutics of Gianni Vattimo, 2010 ;
Arthur Bradley, Negative Theology and Modern French Philosophy, 2004.
 
Nous avons donc présenté des éléments « d’éthique PUNK ».
Ces éléments d’éthique politique auraient pu être complétés par une introduction à « l’esthétique PUNK », comme le Rock PUNK.
Avec les recherches de Greil Marcus,
 Mystery Train, Images de l’Amérique à travers le Rock’N’Roll ;
 La République Invisible, Bob Dylan et l’Amérique Clandestine ;
Ces recherches étant tout à fait magnifiques, nous nous contenterons d’y renvoyer (pour l’aspect « esthétique » que nous n’aborderons pas).
Mais éthique et esthétique sont inséparables et constituent « l’esthéthique PUNK ».
Esthéthique (forme de vie, militance, office) que nous avons introduite « clandestinement » sous le nom de Révolution Grothendieck, voir notre article Mathématique et Apocalypse, LM 272, 25 janvier 2021.
Grothendieck était alors notre Johnny Rotten, et Bourbaki la punk rock band The Sex Pistols (Anarchy in the UK date de 1976, l’époque de la sécession de Grothendieck).
 
D’une manière sauvagement PUNK résumée, l’esthéthique PUNK combine une esthétique romantique, l’esthétique des ruines, nous n’avons pas peur des ruines, ET l’imagination symboliste, magnifiée par Wallace Stevens, le grand poète américain, héritier hétérodoxe des symbolistes français, Baudelaire, Mallarmé, Apollinaire.
Cette poésie symboliste, et ses forêts de symboles, pouvant être rapprochée de la conception Bourbaki de la mathématique, la musique de l’esprit imaginatif, la mathématique Grothendieck étant un chef d’œuvre de poésie PUNK.
 
Accolons, alors, deux poèmes, le premier représentatif de l’esthétique des ruines, faire face au chaos et à la corruption monde, le second représentatif du symbolisme, de la puissance créative que l’on associe généralement à la poésie et qui, ici, dans ce symbolisme, conduit, tangentiellement à la mathématique.
Notons l’importance du symbolisme (Mallarmé, Stevens) pour les développements de Badiou.
Et renvoyons aux anciennes (vers 1970) recherches de Michel Benamou (recherches que l’on ne peut plus trouver que republiées en anglais) :
Wallace Stevens and the Symbolist Imagination, 1972.
 

Jadis, un voyageur d’une contrée antique
Vint me dire : « Il y a, dans ces lieux désertiques
Deux jambes de granit dépossédées de buste ;
À leurs pieds git encore un visage robuste
 
Qui fronce les sourcils, la bouche autoritaire :
Le sculpteur a su lier les traits au caractère
Qui subsiste aujourd’hui dans ces vestiges froids
Et la main et le cœur le conçurent deux fois.
 
Au bord du piédestal on déchiffre ces mots :
« Je suis Ozymandias, Roi des Rois. Admirez
Mon œuvre, ô tout puissants, et en désespérez ! »
 
Il ne reste plus rien au-delà des morceaux
Du colosse brisé que l’immensité nue
Du sable, à l’infini, qui fuit vers l’inconnu. »
 
Percy Shelley, Ozymandias, 1818, version française Nabolo, modifiée Jérémie, 2010 (jayworldman.com).

 

Oui, c’est pour moi, pour moi que je fleuris, déserte !
Vous le savez, jardins d’améthyste, enfouis
Sans fin dans de savants abîmes éblouis,
Ors ignorés, gardant votre antique lumière
Sous le sombre sommeil d’une terre première,
Vous, pierres où mes yeux comme de purs bijoux
Empruntent leur clarté mélodieuse, et vous
Métaux qui donnez à ma jeune chevelure
Une splendeur fatale et sa massive allure !
Quant à toi, femme née en des siècles malins
Pour la méchanceté des antres sibyllins,
Qui parles d’un mortel ! selon qui, des calices
De mes robes, arôme aux farouches délices,
Sortirait le frisson blanc de ma nudité,
Prophétise que si le tiède azur d’été,
Vers lui nativement la femme se dévoile,
Me voit dans ma pudeur grelottante d’étoile,
Je meurs !
 
Stéphane Mallarmé, Hérodiade, 1887.

 
Voir la fiche de police d’Hérodiade sur Wikipédia : Selon les Évangiles de Marc et de Matthieu, c’est Hérodiade qui demande et obtient par l’intermédiaire de sa fille Salomé, l’exécution par décapitation de Jean le Baptiste.
Pour compléter l’atmosphère « symboliste » de notre recherche PUNK, proposons au lecteur d’écouter Salomé, de Richard Strauss (1905), opéra construit sur la Salomé, pièce d’Oscar Wilde (1891).
Si l’on veut : atmosphère viennoise d’avant le démembrement de l’Empire.
Pour l’atmosphère d’après le démembrement, atmosphère qui nous concerne encore plus, voir Lulu d’Alban Berg (1929-1935), d’après le très grand poète autrichien scandaleux Frank Wedekind, La Boîte de Pandore (1902), L’esprit de la terre (1895).

[1Là, on peut renvoyer aux Science Studies :

Dominique Pestre, Introduction aux Science Studies, collection Repères, 449 ;

Science, argent et politique, un essai d’interprétation.

Chacun sait qu’un des sociologues de cette discipline (des Science Studies) est Michel Callon (l’alter ego de Bruno Latour, pour la théorie de l’acteur réseau, par exemple, mais également pour la doctrine de la démocratie technique).

Michel Callon est le père de l’idée de « démocratie technique » (qui sera reprise par Latour, dans le cadre de l’écologie intégrale, avec la fameuse « démocratie écologique »).

Callon, Lascoumes, Barthe, Agir dans un monde incertain, Essai sur la démocratie technique.

Callon, Struggles and negotiations to define what is problematic and what is not, in Knorr, Krohn, Whitley, The Social Process of Scientific Investigation.

Nous avons introduit à la critique de l’idée de « démocratie technique » en analysant l’exemple de Bruno Latour.

Il existe une sorte d’Erik Wright des techniques, en la personne de Geoffroy Bowker :

Social Science, Technical Systems and Cooperative Work, Beyond the Great Divide, 1997.

Memory Practices in the Sciences, 2005.

Nous nous approchons des thèses à la Negri.

Mais plutôt que Negri, il vaut mieux lire (celui qui a inspiré Negri) :

Nick Dyer-Witheford, Cyber-Marx, cycles and circuits of struggle in high-tech capitalism, University of Illinois Press, 1999 ; en particulier : chap.8, Alternatives.

Nick Dyer-Witheford est ce qui se rapproche le plus d’une véritable analyse critique (contrairement à Masutti).

Voir, peut-être, Félix Tréguer, l’Utopie Déchue. À envisager comme « contre histoire » (et non pas « histoire alternative », histoire purement potentielle – et c’est ce « potentiel » qui n’est pas compris).

C’est toujours l’idée de comprendre le détail de la surveillance (ce qui est un travail qui valorise les techniciens) et de découvrir DANS le système des voies alternatives (encore et toujours techniques) qui mène à l’impasse politique (ou à la récupération policière des hackers).

Ceci vaut, bien entendu, pour les ingénieurs agronomes à la fibre écologiste.

Jacques Fradin Économiste anti-économique, mathématicien en guerre contre l'évaluation, Jacques Fradin mène depuis 40 ans un minutieux travail de généalogie du capitalisme.
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