Miettes 5
(néoplatonicienne)
Considéré comme introduction au monisme à dualité.
La « sécularisation » de la théologie négative s’effectue par les étapes suivantes :
dieu N’est PAS ; dieu est mort ;
dieu est le NE PAS, le RIEN, le VIDE ;
Il n’est pas de dieu ;
Le NE PAS, le RIEN, le VIDE est « la formule » de l’au-delà ;
L’au-delà, attribué à dieu, qui N’est PAS, se pense comme en-dehors ; L’en-dehors n’est pas une hypothèse théologique, mais une hypothèse
scientifique, hypothèse nécessaire pour expliquer une série de phénomènes de la réalité ; cette réalité ne pouvant s’expliquer « en elle-même » (par l’immanence absolue).
[Cette hypothèse est analogue à l’hypothèse newtonienne de la gravitation, dont on sait la provenance théologique et son mode critique de la théologie.]
Les phénomènes, le monde, les institutions, les structures et les systèmes, l’Éco-Nomie, etc., exigent, pour être expliqués « scientifiquement », à partir de la critique des observations empiriques ou des modélisations empiristes (style économétrie) ET en remontant à une construction théorique (« spéculative », voir le nouveau réalisme spéculatif), donc exigent d’adjoindre à la réalité un « hors monde ».
Le complexe analytique hors-monde / monde (événement / être) conserve la structure discursive, apophatique, de la théologie négative.
Cette structure discursive n’est, cependant, aucunement « théologique ».
Elle ne fait pas appel à l’hypothèse de « dieu », ou peut se passer de cette hypothèse.
Ou, si elle fait appel à l’hypothèse de « dieu », c’est en posant que « dieu » N’est PAS.
Elle fait appel à une hypothèse du style de la physique newtonienne : les mouvements phénoménaux, observables, modélisables (à la manière de Galilée) de manière mécanique ou statistique, exigent, pour être expliqués, « théorisés », de POSTULER (ou poser axiomatiquement) « des forces », invisibles mais agissantes.
Newton avait déjà compris que la structure « théologique » de cette postulation (ou axiomatisation) n’avait rien de « théologique » – les forces invisibles ne renvoyaient à aucun dieu, mais ne renvoyaient « qu’à elles-mêmes » (en immanence radicale, qui exige de postuler un en dehors des phénomènes observables ou modélisables pour expliquer ces phénomènes).
Après une série bi-séculaire de « nettoyages », de la physique newtonienne à la physique quantique – mais le mouvement historique de la science n’a pas de fin – nous arrivons au schéma du monisme à dualité.
L’explication des phénomènes économiques, sociaux, politiques (ceux qui nous intéressent) exige DEUX axiomes : l’adjonction d’un « en dehors », nommé RÉEL, aux phénomènes, visibles, formalisables, pré-conceptualisables et critiquables, de la RÉALITÉ.
La théorie organisant le système discursif à DEUX axiomes peut être nommée : monisme à dualité, avec une dualité non dualiste (non commutative) que l’on peut nommer (par référence à Hegel, dont le spectre nous pousse) : dialectique coupée.
Le mouvement historique de la théologie négative, disons depuis Platon et son dualisme (relire le grand classique de Simone Pétrement), puis les néoplatoniciens et l’introduction massive de l’apophatique, les débats gnostiques, etc., conduisent, lors d’un déplacement permanent (un historial chaotique) de plus de DEUX millénaires, déplacement qui peut être théorisé, après coup, comme un « dépassement » de l’hégélianisme et de la dialectique dualiste qui mène du DEUX à l’UN (Hegel avec Platon), ce déplacement conduit à reformuler la position gnostique, par généralisation et sécularisation, en dualité : toujours l’UN se divisera en DEUX.
Formule générale de la guerre.
Si donc « guerre » est un nom possible pour le Réel, nous pouvons dire : l’antagonisme est la « source » de toute réalité (source à théoriser en termes du monisme à dualité).
Retour aux présocratiques, si chers à Heidegger.
Héraclite : la guerre est le père de toute chose.
Héraclite appelait jeux d’enfants les pensées des hommes.
Répétons un point :
L’en-dehors, le Réel posé axiomatiquement est une hypothèse scientifique nécessaire à l’explication des phénomènes sociaux politiques observables.
Ou, pour le dire autrement, ce sont les difficultés, erreurs, impasses, contradictions, hypothèses cachées, etc., des explications empiristes ou positivistes – qui, elles, postulent que n’existe que le plan de la réalité, sans en dehors – qui exigent l’adjonction du Réel à la réalité.
C’est pourquoi il nous a fallu, d’abord, vingt années d’analyse critique de l’économique (considérée comme le prototype de toute science sociale positiviste) pour en arriver à une analyse complète. Encore une fois, en suivant la voie de Lacan, du symbolique au Réel.
L’analyse critique des explications scientifiques empiristes (ou empirico-déductives) est une étape obligée.
Et cette critique (déployée comme pour l’analyse critique de Francfort) est la forme contemporaine de l’apophatique.
Pour suivre le vocabulaire de Badiou, nous « suturons » la philosophie à la science sociale, exactement à la science critique.
Et, en passant, nous réduisons les « quatre conditions » de Badiou, science, politique, art, amour, à DEUX, la science et la politique.
La science comme art, Paul Feyerabend, notre analyse de la révolution Grothendieck ; lire ce présent texte comme un « poème philosophique » ou un poème présocratique.
Et notons que cette définition, à la Feyerabend, permet de séparer « science » (de la dualité Réel / réalisé ou de l’immanence radicale) et « technoscience » (de l’immanence absolue ou de l’ontologie plate).
La politique comme « connaissance » (par l’affrontement) de l’impossible, ou du possible et de l’impossible entrelacés, et donc « connaissance » de l’ambiguïté, de l’ambivalence, l’affrontement à la question centrale de « la corruption ».
Si l’on veut la politique est le « dévoilement » (au sens heideggérien, « le soulèvement ») du chaos et de la corruption.
Et, donc, la politique est « la connaissance » du monde comme formation (de domination) historiale erratique. Cette politique devant être « dualysée », révolutionnaire ou subversive en Réel, police dès que réalisée et « force de l’ordre ».
Et pour finir, « l’amour », tellement aimé par Badiou.
« L’amour » doit être radicalement déconstruit comme machinerie machination du pouvoir religieux.
Avis aux amoureux !