Bestiaire érotique

Corinne Morel Darleux | mastO | Elizabeth Saint-Jalmes

paru dans lundimatin#420, le 19 mars 2024

Si la subversion avait une vertu cardinale, elle consisterait à provoquer des rencontres. le label iconique Archives de la zone mondiale a eu la grande idée de mixer Corinne Morel Darieux, mastO le saxophoniste des Bérurier Noir et la dessinatrice Elizabeth Saint-Jalmes. Ca donne un Manifeste Tectonique, un Bestiaire Erotique, 45 tours, 28 pages, numérotés. Un objet épatant dont on vous fait lire et écouter la Face B.

BESTIAIRE ÉROTIQUE

Des caps pris en beauté malgré les déferlantes,
Larguée, un peu cramée, quarantaines rugissantes,
Se laisser glisser pour ressurgir en grande orque,
Une ode au punk à l’aube des cinquantièmes hurlantes.

Envie folle d’un bestiaire érotique et braque,
D’alexandrins stylés qui déchirent et qui claquent.
D’un poème utérin sur fond de ménopause,
De plombs fondus, fantasmes, et de métamorphoses.

Loin des mines compassées, de la pondération,
Des salons trop feutrés, de la mort des saisons.
Le délire situé d’une nature ni douce, ni con.

Y fourrer l’illusion de complétude visuelle,
Qui défait le réel et oxyde la raison.
Un brin de rêves mystiques et de cauchemars séquelles,
Raptus anxieux passé sous les démangeaisons.

Canines vulpines, cauchemars, corps de chiens mutilés,
Avenir radieux fuyant à vives et grandes foulées.

L’hystérie née d’esprits tordus de mâles pétés,
Imagine les fureurs viscérales d’un loir,
Bestiole en quête de sang, s’agitant tard le soir
De la tête à la vulve de la femme infertile,
Fou de manque, vomissant l’aménorrhée, fébrile.
Vives bouffées de chaleur, subite mélancolie,
Bûchers, internements, vapeurs et insomnies.

Musculosité crasse et flambées d’urticaire,
Herbacées maléfiques et vipérine vulgaire,
Hermaphrodite velue, érigée, narcotique,
Mucosités visqueuses et rêv(es) fous de mastic.

Là, des licornes en joie chient des paillettes dorées,
De petites chattes bourgeoises suc(ent) des cadavr(es) rongés,
Une foule de galériens accrochée à leurs pieds.

La glande supra-caudale de renardes violettes,
La danse d’animalcules sur une peau offerte,
Créatures de ténèbres, de chimères, de nuées -
Noms féminins pluriel aux racines emmêlées.

Les flashs lubriques de mille lucioles dévergondées,
Leur désir débridé, palpitant et veiné
Luminescences fiévreuses pleines de luciférine
Diaboliques femelles déguisées en ballerines.

La flamboyance de nos crises clastiques et cosmiques,
L’endurance inouïe de la manie psychotique.
Imperturbablement. « Le jour, le soir, la nuit ».

Orques ménopausées au mitan de leur vie,
Lourdes globicéphales, bélugas aquatiques,
Libérées des contraintes et rapports domestiques,
Menant leur espèce en cheffes claniques respectées.
Elles arborent au melon, comme un grand vit dressé,
Une palanquée d’humaines pleurant leur puits séché.

Un troupeau de mille poulpes, cerveau tentaculaire,
Et des pieuvres mourantes qui ne seront qu’une fois mères.
Des castors résistant à la binarité,
Munis d’un habile trou polyactivités,
L’œuvre d’un dieu foutraque, nommée pseudo cloaque.

Le moine d’Alexandra David-Neel au Tibet,
Enfanté de rêves zen et de méditation,
Le Morel de Gary et sa Mademoiselle
Repeuplant les bloks d’un camp de concentration.
Les mésanges de Rosa, le lierre de Cyrano,
Les mouches de Jack London et de son vagabond,
Des tulpa, des chenils, des égrégores, des vifs,
Notre insatiable besoin d’une consolation...

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