A ce titre, ils ne sont pas plus à pleurer que toutes les autres victimes et avec elles, les 6000 enfants massacrés sans compter les milliers de mutilés.
Compte tenu de l’usage de l’intelligence artificielle à dessein de cibler des bombardements avec les projections que cela offre, les prévisions que cela donne sur les cibles visées, on ne peut s’empêcher de penser qu’il était intentionnel de la part de l’agresseur de cibler la maison des poètes avec toute la charge symbolique que cela implique.
Si ce voulait être ici la preuve d’un « esprit » de l’IA, tel esprit n’aura été que bien artificiel dans sa fonction symbolique. En effet c’est oublier d’une part que Nour El-Din Haggag et Refaat Alareer au nom du traumatisme de la Nakba, représentent comme d’autres palestiniens le refus d’abandonner terre et maison sous la contrainte de l’oppresseur mais c’est surtout ne rien comprendre à l’esprit palestinien, à la culture palestinienne de résistance et ses figures symboliques.
Depuis 75 ans, toute l’histoire culturelle des palestiniens est habitée du poème. Le poète y est perçu tout autant comme celui qui inspire son peuple que comme celui que le peuple dans sa résistance, inspire. Il n’est qu’à lire et relire le lien qui unit la poésie palestinienne et son peuple comme jadis en leur temps des Villon, Hugo, Eluard, tant d’autres et le peuple des français résistants, se sont mutuellement inspirés.
Si Aujourd’hui Gazaouis, palestiniens de Cisjordanie et tous ceux de la diaspora pleurent Nour El-Din Haggag et Refaat Alareer, ils pleurent l’Homme comme tous les autres parmi leurs frères, ils pleurent ce qui à travers eux, est atteint de la poésie. Ils pleurent sur ce qui en eux-mêmes a voulu être brisé de leur lien poétique à la nature, à l’olivier, au citronnier, au jasmin, à leurs parfums issus de la terre sur laquelle ils sont nés, dont ils cultivent, chérissent les fruits autant naturels que spirituels.
Mais ces pleurs désaltèrent la terre et son esprit, meurtris par les bombes ; cela l’intelligence artificielle, jamais ne saura l’intégrer, le faire rentrer dans ses données insensibles à la présence.
Tuer le poète encensé par son peuple n’aura d’autre effet que la poursuite confirmée, voire renchérie du poème de résistance écrit par le peuple palestinien depuis si longtemps.
Nour El-Din Haggag et Refaat Alareer sont ce jour spirituellement plus vivants que morts. Leur plume tombée de leurs doigts resurgit d’entre toutes les mains que leur esprit guide à travers les pages d’histoire vivante que l’IDEE palestinienne écrit et écrira pour le meilleur d’un peuple-poème de libération
Il ignore l’entrée du rêve dans le vivant
La mort n’interrompt pas
le poème dont court le fleuve
et jamais ne s’attarde
à ses reflets
Loin avec lui
est la porte donnant sur le réel
Philippe Tancelin
Poète-philosophe
7 décembre 2023
18h
Photo : Bernard Chevalier
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