« Mort » d’écrivains poètes : Nour EL-Din Haggag et Refaat Alareer

« Ces membres d’un peuple qu’on n’ampute pas... »

paru dans lundimatin#407, le 13 décembre 2023

Gaza dernière heure...
Le jeune écrivain poète Palestinien Nour El-Din Haggag vient de mourir le 5 décembre, suivi le 7 décembre du poète Refaat Alareer, après le bombardement de leur maison à Gaza. Un des derniers écrits, de Nour El-Din explicitait pourquoi au risque de sa vie, il refusait de quitter sa terre et demeurait à Gaza.
Ces écrivains-poètes en qui le peuple palestinien se reconnaissait à hauteur de leur résistance par le poème, sont ce jour parmi les 17000 victimes de la guerre ordonnée contre les palestiniens.

A ce titre, ils ne sont pas plus à pleurer que toutes les autres victimes et avec elles, les 6000 enfants massacrés sans compter les milliers de mutilés.

Compte tenu de l’usage de l’intelligence artificielle à dessein de cibler des bombardements avec les projections que cela offre, les prévisions que cela donne sur les cibles visées, on ne peut s’empêcher de penser qu’il était intentionnel de la part de l’agresseur de cibler la maison des poètes avec toute la charge symbolique que cela implique.

Si ce voulait être ici la preuve d’un « esprit » de l’IA, tel esprit n’aura été que bien artificiel dans sa fonction symbolique. En effet c’est oublier d’une part que Nour El-Din Haggag et Refaat Alareer au nom du traumatisme de la Nakba, représentent comme d’autres palestiniens le refus d’abandonner terre et maison sous la contrainte de l’oppresseur mais c’est surtout ne rien comprendre à l’esprit palestinien, à la culture palestinienne de résistance et ses figures symboliques.

Depuis 75 ans, toute l’histoire culturelle des palestiniens est habitée du poème. Le poète y est perçu tout autant comme celui qui inspire son peuple que comme celui que le peuple dans sa résistance, inspire. Il n’est qu’à lire et relire le lien qui unit la poésie palestinienne et son peuple comme jadis en leur temps des Villon, Hugo, Eluard, tant d’autres et le peuple des français résistants, se sont mutuellement inspirés.

Si Aujourd’hui Gazaouis, palestiniens de Cisjordanie et tous ceux de la diaspora pleurent Nour El-Din Haggag et Refaat Alareer, ils pleurent l’Homme comme tous les autres parmi leurs frères, ils pleurent ce qui à travers eux, est atteint de la poésie. Ils pleurent sur ce qui en eux-mêmes a voulu être brisé de leur lien poétique à la nature, à l’olivier, au citronnier, au jasmin, à leurs parfums issus de la terre sur laquelle ils sont nés, dont ils cultivent, chérissent les fruits autant naturels que spirituels.

Mais ces pleurs désaltèrent la terre et son esprit, meurtris par les bombes ; cela l’intelligence artificielle, jamais ne saura l’intégrer, le faire rentrer dans ses données insensibles à la présence.

Tuer le poète encensé par son peuple n’aura d’autre effet que la poursuite confirmée, voire renchérie du poème de résistance écrit par le peuple palestinien depuis si longtemps.

Nour El-Din Haggag et Refaat Alareer sont ce jour spirituellement plus vivants que morts. Leur plume tombée de leurs doigts resurgit d’entre toutes les mains que leur esprit guide à travers les pages d’histoire vivante que l’IDEE palestinienne écrit et écrira pour le meilleur d’un peuple-poème de libération

Tout regard funèbre ne voit que la concurrence des yeux clos avec les yeux ouverts

Il ignore l’entrée du rêve dans le vivant

La mort n’interrompt pas
le poème dont court le fleuve
et jamais ne s’attarde
à ses reflets

Loin avec lui
est la porte donnant sur le réel

Philippe Tancelin
Poète-philosophe
7 décembre 2023
18h

Photo : Bernard Chevalier

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