Les rayonnantes

Récits et photos de dix jours de rencontres et d’actions contre le nucléaire près de Bure

paru dans lundimatin#304, le 13 septembre 2021

Un-e participant-e aux rencontres et actions des rayonnantes près de Bure, cet été, nous a transmis cette compilation d’extraits et de textes qui reviennent sur ces dix jours contre le nucléaire et ce qui lui reste de monde.

Rayons partout

Extraits de l’appel à blocs queer pour les rayonnantes, paru sur indymedia Lille

Dix journées de rencontres et plusieurs actions ont eu lieu près de Bure, contre le nucléaire et son monde, en soutien aux populations qui subissent l’industrie de l’atome française depuis des décennies. A cet endroit un des plus grands projets industriels européens doit bientôt être construit : une grande poubelle nucléaire qui consisterait à creuser 275km de galeries souterraines (l’équivalent du métro parisien) pour concentrer au même endroit et enfouir à 500 mètres sous terre des centaines de milliers de m³ de déchets radioactifs. Pour une durée de cent mille ans.

Plus de cinq décennies de production nucléaire ont produit des milliers de tonnes de déchets radioactifs que personne au monde ne sait maîtriser. Le nucléaire colonial français a toujours tout détruit et continue à détruire par son extractivisme d’uranium (notamment au Niger et en Asie centrale), ainsi que par ses essais de bombes nucléaires (notamment en Algérie et sur les atolls de Mururoa et de Fangataufa, en Polynésie).

Nous - qui ne savons pas non plus comment neutraliser ces déchets- proposons plutôt : neutralisons cette industrie mortifère.

Le campement des Rayonnantes a accueilli près de 1000 personnes sur dix jours (avec un pic le week-end avec 700 repas distribués). Il y avait divers ateliers où a pu en apprendre plus sur les luttes antinucléaires, et notamment sur les manières de s’opposer à CIGEO, participer à des chantiers avec le collectif des Semeuses, s’informer sur l’accaparement des terre, sur les enjeux de cybersécurité, sur le colonialisme énergétique, ou encore sur le rapport aux médias. Il y a eu plein d’ateliers en mixité choisie MINT (meuf intersexes non-binaires trans), queer, ou encore entre personnes racisées, pour échanger sur des oppressions précises ou simplement pour se soutenir et partager ses émotions.

Ensemble, nous rayonnons plus fort,

plus fort que l’uranium et vos mensonges
plus fort que vos« déclarations d’utilité publique »
plus fort que vos acronymes à rallonge
et vos conceptions archaïques

All Colours Are Beautifull

Extraits d’un texte paru sur indymedia Lille.

Samedi 21 août 2021, quatre cortèges, Violet, Doré, Vert et Cirque, se sont déployés depuis différents points de départ pour rejoindre la même cible. Dans un contexte où l’Andra tente de faire accepter sa Demande d’Utilité Publique (DUP) et annonce une enquête publique destinée à devenir la vitrine démocratique du nucléaire, nous avons pris pour cible les travaux connexes à Cigéo.

Les cortèges ont marché sur ou autour du tracé de la voie ferrée qui va de Ligny-en-Barrois à Saudron-Guillaumé, en passant par Gondrecourt-le-Château. Il est prévu que cette voie ferrée serve à acheminer les déchets radioactifs à la descenderie pour ensuite les enfouir sous terre. Si la DUP est acceptée, la rénovation de cette voie ferrée pourrait officiellement commencer, de même que l’expropriation des habitations et des champs alentours.

Les cortèges avaient différentes intentions et différentes façons de faire. Des « sans stress », des « sans presse », des accessibles en fauteuil, des bruyants, des rapides, etc. Au sein de ceux-ci, parfois, des groupes queerou sans mec cis, des gens avec différentes mobilités et différentes endurances et des âges divers étaient présents.

Le cortège Cirque est parti d’Horville en tracteur, phénix volant, roulettes et nez de clown, en brandissant des banderoles contre la DUP et contre le nucléaire colonial.

Dans le bloc Doré, toutes sortes de déplacements collectifs ont été mis en pratique pour éviter la flicaille et atteindre la cible, avec succès.

Le cortège Violet, au départ d’Abainville, a été bloqué par les bleus à l’entrée de Gondrecourt, malgré une tentative de passage de lignes de flics par la danse et les percussions. Ce cortège violet était le seul cortège à passer par le centre-ville et il a concentré la majeure partie des effectifs et des efforts de la police.

La banderole « Andra dégage, vive le bricolage » ouvrait la voie au cortège vert sur l’ancienne ligne de chemin de fer d’Abainville à Gondrecourt. Ce « bricolage » a été fructueux : des panneaux de signalisation sont tombés, des rails ont été dévissés et un rail a été tordu à l’aide d’un cric. Ces rails sont nécessaires à la rénovation de la voie ferrée et doivent être utilisés pour le passage de la machine qui servira à les remplacer.

Tous les cortèges ont tenté de rejoindre le dépôt de l’Andra à Gondrecourt-le-Château. Le bâtiment a été attaqué de plusieurs côtés, ses grilles sont tombées et chacun.e a pu alors exprimer à sa manière et de manière créative ce que lui évoque la présence de l’agence et de son projet Cigéo dans cette région.

Pourquoi aller au dépôt ?

Extraits d’un texte paru sur bureburebure.info

Le dépôt, comme on l’appelle, est en fait une ancienne usine de meubles. Meuse Omni Style était, au milieu des années 90, une entreprise florissante, basée ici à Gondrecourt-le-Château. C’était le plus gros employeur du canton avec plus de 1000 personnes qui travaillaient sur ce site.

Ensuite, les scieries ont commencé à fermer et avec elles presque toutes les menuiseries qui existaient dans la région. Ces petites entreprises n’étaient plus compétitives sur un marché mondialisé et elles ont peu à peu coulé. Meuse Omni Style a fait plusieurs plans sociaux au début des années 2000 avant d’être rachetée par un groupe industriel qui l’a conduite à la liquidation judiciaire en 2011. Des centaines de personnes ont perdu leur boulot sans perspective d’en retrouver un localement.

Dès 2013, l’ANDRA s’est jetée sur ce lot inespéré, qu’elle a dès lors qualifié de « friche industrielle, insalubre et désaffectée ». L’ANDRA a acheté ça pour une bouchée de pain, expliquant qu’elle manquait de place sur son site du laboratoire de Bure-Saudron afin de stocker des machines et des « carottes », échantillons issus des forages géologiques. Elle a ensuite demandé et obtenu des permis de démolition pour la plupart des bâtiments, ne conservant que deux ou trois hangars et un petit château d’eau.

On s’en doute, ce n’est pas pour ranger ses machines que l’Andra avait besoin de cette usine qu’elle appelle désormais sa future « PLATEFORME MULTIMODALE ». C’est en réalité une prise capitale pour elle car située au bord de l’ancienne voie ferrée qu’elle entend remettre en fonction pour convoyer les matériaux du chantier titanesque de Cigéo et, à terme, les déchets radioactifs qui y seraient enfouis. Précisément, l’ancienne usine se trouve à la fin de la portion de voie qui sera rénovée par la SNCF et au début de la voie privée qui n’appartiendra qu’à l’ANDRA et qui ira sur une quinzaine de kilomètres, de Gondrecourt jusqu’à Bure en passant notamment par le terrain de l’ancienne gare de Luméville-en-Ornois, là où se déroule ces jours-ci le camp des Rayonnantes.

Pour l’instant, l’ANDRA ne stocke ici que quelques machines et les anciens murs avec lesquels l’agence avait cru, en 2016, empêcher l’accès au bois Lejuc. Bientôt, si son plan abouti, si le projet Cigéo est reconnu d’utilité publique, s’il obtient ensuite son autorisation de création, il devrait y avoir ici une plateforme ferroviaire. À quelques centaines de mètres des habitations, passeraient alors, chaque jour et pour au moins un siècle, des trains de marchandises convoyant matériaux et gravats puis, des convois de déchets hautement radioactifs.

Pour nous, c’est donc un enjeu symbolique et stratégique que de se retrouver ici aujourd’hui. Ce lieu porte à la fois la mémoire d’une histoire passée – industrielle et sociale, celle des savoir-faire ouvriers et artisans, de la filière bois qui a permis à beaucoup de gens de rester vivre là quand l’agriculture intensive vidait les campagnes – et la marque d’un projet mortifère qui s’accommode parfaitement de la désertification de cette région.

Ici, on peut percevoir la Meuse dont rêve l’Andra : un territoire dépeuplé, une « plateforme » de béton où des trains circuleront sous le contrôle de compteurs Geiger jusqu’à une descenderie où des robots se chargeront de déplacer les fûts contaminés. Et tout ça sous l’œil des flics, qui ne sont jamais loin quand on parle de nucléaire : à deux cent mètres d’ici, une caserne de gendarmerie est en train d’être construite. Elle sera accompagnée de dix pavillons pour loger les bleus et leurs familles. Elle leur permettra surtout de garder en permanence un œil sur le futur chantier de la voie ferrée et sur celles et ceux qui s’y opposeront.

Il y a vingt ans, des opposant.e.s renversaient les grilles des premières plateformes de l’Andra, à Bure. Aujourd’hui, le labo est devenu une forteresse imprenable. Il ne fait aucun doute qu’il en adviendra de même de l’endroit où nous sommes aujourd’hui, du bois Lejuc, et de toutes les terres que ce projet engloutira. C’est maintenant qu’il nous faut agir, tant que nous avons encore des prises !

Ceci est une compilation de premières impressions. Les analyses et retours critiques suivront.

* * *

Photos issues de : https://www.flickr.com/people/rayonnantes2021/

Et de https://bureburebure.info/

Quelques article sur le même sujet :
https://lille.indymedia.org/spip.php?article33801&lang=fr

https://lille.indymedia.org/spip.php?article33786&lang=fr

https://bureburebure.info/petite-histoire-du-depot-ou-pourquoi-nous-y-sommes-alle%c2%b7e%c2%b7s/

Pour aller plus loin
bureburebure.info
notamment : zbeule ton enquête publique

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