Le vernis s’écaille

Mobilisation des installateurs et installatrices d’œuvres d’art, ouvrier·es de la culture française

paru dans lundimatin#232, le 4 mars 2020

La bannière d’Art en grève porte la lutte commune des travailleur·euses de l’art. L’œuvrière, association des installateur.rices d’œuvres d’art est constituée depuis deux ans. Elle a pour objectif de faire reconnaître ces métiers par les instances publiques afin de trouver une solution légale et appropriée à l’emploi des technicien.nes de l’exposition. Les camarades en lutte installatrices-teurs d’art nous font parvenir cette tribune qui exposent les raisons de leur engagement dans le mouvement actuel contre la soi-disant « réforme » des retraites.

Les fondations se multiplient : Vuitton, Pinault, La Fayette, Carmignac… Les musées ouvrent des succursales un peu partout en France et dans le monde, comme le Centre Pompidou à Metz, à Shanghai, à Malaga, à Bruxelles ou le Louvre à Lens et à Abu Dhabi. C’est un des secteurs les plus rentables en termes de défiscalisation. Aujourd’hui l’art est acheté, exposé, exploité pour faire de l’argent. Il est devenu un placement financier. Les œuvres exposées atteignent des valeurs toujours plus importantes.

Dans le même temps, les travailleurs et travailleuses de l’art se précarisent et s’appauvrissent

 
Nous sommes installateurs et installatrices d’œuvres d’art, ouvrier·es de la culture française, au même titre que les régisseur·euses, socleur·euses, éclairagistes, poseur·euses de signalétique, agent·es d’accueil, médiateur·rices, constructeur·rices, peintres, chargé·es de production, commissaires, critiques, artistes, tous ces métiers sans lesquels il n’y aurait pas d’exposition.

Une lutte à construire et notre métier à défendre

Les conditions d’embauche dans ce domaine en pleine croissance se détériorent et la protection sociale avec. La faute en incombe, comme dans bon nombre d’autres professions, au statut de micro-entrepreneur. Nous sommes les sous-traitant·es des entreprises intermédiaires auxquelles les institutions culturelles confient les montages de leurs expositions.

Nous vivons comme les livreur·euses à vélo, les chauffeurs Uber et autres travailleurs et travailleuses isolé·es des plateformes. La mutation de notre métier n’a pas été accompagnée.

Le métier d’installateurs et installatrices d’œuvres d’art n’est reconnu par aucun organisme public (même si des formations voient le jour). Les spécificités qui le caractérisent ne sont pas prises en compte. Il n’existe ni grille salariale ni convention collective dédiées aux métiers de l’exposition et les installateurs et installatrices d’œuvres d’art relèvent toujours de celle, caduque, des espaces de loisirs, d’attractions et culturels.

Nous voudrions en finir avec les négociations salariales qui se font individuellement avec l’employeur et la multiplicité des statuts d’embauche (Maison des Artistes, intermittence, CDDU, micro-entrepreneur…) qui rend très confus les droits et les devoirs de chacun.e. Nous aimerions enfin travailler en toute légalité, avec la protection sociale dont nous devrions bénéficier, et être reconnu·es pour ce que nous faisons.

Un statut adapté à concevoir ensemble

Le statut de micro-entrepreneur a fait croire à bon nombre d’entre nous que nous serions d’authentiques indépendant·es, mais il n’en est rien. Nous n’avons le choix ni de notre rémunération ni de nos horaires. Un lien de subordination existe entre nous et l’employeur·euse/client·e : nous sommes des salarié·es déguisé·es.

Rappelons que les salarié·es en CDD ont été trop souvent contraint·es par leurs employeur.euses à prendre le statut de micro-entrepreneur afin de pouvoir continuer à travailler, pratique illégale mais rarement sanctionnée. Il est devenu si facile « d’embaucher » des micro-entrepreneur·euses que nous pouvons compter sur les doigts d’une main les employeur·euses respectant la loi et proposant encore des CDD.

Sous couvert de souplesse, le statut de micro-entrepreneur est une véritable catastrophe sociale, une précarisation sans commune mesure pour les personnes qui n’ont d’autre choix que de s’y soumettre.

Le statut de micro-entrepreneur ne donne aujourd’hui accès à aucune garantie sociale dont le salariat bénéficie : allocations chômage, prise en charge des accidents du travail, arrêts maladie, congés-payés, retraites, formations, aides aux transports, tickets-restaurant…

L’œuvrière pour se faire entendre

Face à la situation, aux dangers de la micro-entreprise et de la réforme inconséquente des retraites, nous avons décidé avec d’autres professionnel·les des métiers de l’exposition et du monde de l’art de nous unir. Nous défilons sous la bannière d’« Art en grève » avec les travailleurs et travailleuses de la santé, de la justice, du transport, de l’éducation, ainsi qu’avec les pompier·es, les danseur·euses de l’Opéra, les retraité·es, les chercheur·euses… Nous protestons contre les conditions de plus en plus précaires dans lesquelles nous sommes amené·es à travailler et défendons le futur de nos professions si mal reconnues.

Avec la réforme des retraites, le gouvernement acte la précarisation de la société. Nous sommes à l’ère du petit job rémunéré à la facture et à la retraite au petit point.

Il s’agit désormais de faire reconnaître nos droits et d’endiguer notre paupérisation.

L’Œuvrière, association des installateur.rices d’œuvres d’art

installateurs.oeuvres.art at gmail.com

https://installateurs-oeuvres-art.blogspot.com/

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