La superette

Récit d’une tragédie joyeuse autour de la rouverture du Magasin des Horizons - Centre National d’Art Contemporain de Grenoble

paru dans lundimatin#289, le 24 mai 2021

Le 17 avril dernier, partout en France, avait lieu le 3e acte contre la réintoxication du monde. Peu après l’arrivée de la vélorution Grenobloise qui répondait à cet appel, ce sont les grandes portes fermées depuis plus d’un an du Magasin des Horizons, Centre National d’Art Contemporain, qui se sont rouvertes pour quelques heures, avant que la police en décide autrement. C’est donc le devant des portes du bâtiment qui voit notre expérience se dérouler. Ouvert en 1986, ce vestige de la grande culture de gauche s’était éteint de l’intérieur depuis déjà bien longtemps. Nous avons tenté de le ranimer, de débrancher l’oxygène artificiel qui le maintenait péniblement en vie et d’y insuffler de nouvelles forces vives ; au moins expérimenter un autre rapport à ce que peuvent être l’art, la culture et le politique aujourd’hui. D’un magasin sans horizons, nous avons souhaité faire une supérette, ouverte 7/7 et reliée à son quartier.

Nous contons ici une histoire qui a tout d’une tragédie joyeuse, et qui montre si bien le drame quotidien qu’est la culture en France en 2021, au-delà des ouvertures essentielles et autres ’occupations’, sous l’œil supposé bienveillant des directions de théâtres. [1]

PROLOGUE

Le Chœur

Ô Magasin, toi qui as eu pour seul horizon une tragique dépossession. 
Toi qui as vu ta si grande halle traversée par d’immenses tuyaux de conduites forcées, destinées à percer et déchirer les montagnes, 
Toi qui te perdais parmi tant d’’autres usines bien avant d’accueillir en ton sein des expositions d’art contemporain, 
Ô Magasin, te souviens-tu quand tes ouvrier·ère·s industrie·lle·s se transformèrent en salarié·e·s du tertiaire ou de la recherche, pour que les patrons continuent leur profit ailleurs, 
Te rappelles-tu de ces artistes qui se donnèrent le droit de faire de ton immense terrain vague leur propre foyer parmi les friches et les squats. Et la manière dont les aménageurs ont fait de ce feu foisonnant, un cluster culturel, telle la première pierre d’une gentrification destinée à grignoter les espaces encore vivants d’une histoire populaire.

L’histoire que nous allons raconter prend place sur des terres baptisées d’après le nom des illustres grands patrons qui y construisirent leurs usines il y a fort fort longtemps : le quartier Bouchayer-Viallet.

Ces terres restèrent inhabitées durant des siècles, dû à l’inconfort de leur sol marécageux. Puis un jour, certains trouvèrent comment dompter cet obstacle naturel, et lancèrent la construction de grandes usines de chaudronnerie. Le temps des usines battait alors la cadence de la vie sociale, et des milliers d’ouvrier·e·s vinrent forger, marteler, percer, assembler, hisser, tirer puis installer d’immenses monstres d’acier qui servirent à exploiter la force des torrents montagnards environnants pour produire de l’électricité. À l’entrée du quartier, l’enseigne ’Bouchayer-Viallet’ marque l’appartenance orgueilleuse des deux patrons qui firent fortune ici. La main d’œuvre, elle, logeait juste à côté. On doit à ces habitant·e·s historiques, venu·e·s pour la plupart de l’étranger, la riche vie sociale, associative et politique qui perdure encore aujourd’hui à Saint-Bruno.

Le temps des usines finit par s’essouffler dans la deuxième moitié du siècle dernier, et les énormes bâtiments accouchant jadis de créatures métalliques se vidèrent progressivement. Dans un dernier sursaut de production, les patrons investissent dans une grande halle de métal parisienne, acheminée de là-haut jusque dans les terres de Bouchayer-Viallet. Ils l’installèrent au beau milieu du quartier, la dévouant à un atelier de chaudronnerie, puis à la vente des produits. Lorsque toutes les usines furent délocalisées, et les travailleur·euse·s sans le sou, les élus locaux décidèrent de racheter cette halle, et d’en faire un Centre National d’Art Contemporain (CNAC). Le CNAC devint plus tard ’Le Magasin’, puis ’Le Magasin des horizons’, jusqu’à être pris d’assaut par les Ami·e·s du Rouvre, le transformant en ’Superette’. Ce récit vous sera compté par ceux et celles-là même qui le vécurent, il nous faut pour l’instant poursuivre l’histoire des terres qui furent bien plus qu’un simple décor pour cette aventure. Laissons-donc de côté le CNAC et ses horizons funestes, et regardons ce que devinrent les autres halles abandonnées par l’industrie des messieurs Bouchayer et Viallet. 

Le temps des usines fit place au temps des artistes, qui rallumèrent années après années le feu de la vie entre les murs d’acier. Ainsi, le bruit des machines fit place à celui du punk, le défilé des conduites forcées fut remplacé par celui d’œuvres d’art exposées dans les maisons et sur les murs des rues. Des familles venues d’encore plus loin que les ancien·ne·s ouvrier·e·s occupèrent quelques espaces, se bricolant un toit sur la tête faute de pouvoir poser bagage dans un vrai logis. De fil en aiguille, le quartier Bouchayer-Viallet devint une friche habitée, un curieux foyer de vie culturelle alternative. Les quartiers environnants s’en trouvèrent ravis, et nombreux·ses étaient ceux et celles qui venaient y flâner. Au cœur de ce joyeux bazar trônait une équipe de travailleur·euse·s de l’éducation populaire (Cap Berriat), et tout ce petit monde cohabitait sans trop d’effort, reformant ainsi une vraie vie de quartier.

Ce temps des artistes dura jusqu’à l’orée du XXIe siècle. L’histoire des terres sur lesquelles prendra place notre récit connu un dernier virage, cette-fois ci dicté par la volonté de ceux et celles qui administrent la ville : les politiciens, et les aménageurs. Le despote aux manettes de la ville à l’époque était Monsieur Destot. Fasciné par la Science, il hissa Grenoble au rang de Technopole en un tour de main, dédiant une bonne partie des finances publiques au goulu Centre d’Énergie Atomique qui proliféra ses filiales comme des champignons. Bouchayer-Viallet se retrouva au fil du temps acculé. A son aile Nord s’étendit la presqu’île scientifique, cœur de la nouvelle industrie rentable de l’époque, celle des nouvelles technologies. A son aile Est persistait le même vieux quartier d’ouvrier·e·s, mais celui-ci devint de plus en plus huppé, attirant de nouveaux types d’habitant·e·s, plus fortuné·e·s, et avec de nouvelles exigences quant à leur quartier. La ville se resserra autour de Bouchayer-Viallet, les voitures affluèrent de plus en plus par l’autoroute qui longeait son flanc Ouest, faisant de lui une porte d’entrée de la ville. Le despote aux manettes et son équipe ne tarda donc pas à river leurs yeux scintillants de dollars sur ce qui fut pour eux une terre vide à rentabiliser.

14 hectares de terrain, dont les seul·e·s occupant·e·s sont des artistes squatteur·se·s ou des maisons de fortunes, tout cela si proche de la Presqu’île, de la gare, du tram : ce fut le terrain idéal pour une bonne partie de Monopoly. Un projet de rénovation du quartier fut lancé. Des troupes de cravatés déboulèrent avec des plans dessinés sur leur ordi et expliquèrent aux gens qui habitaient là qu’ici, ils allaient mettre un hôtel pour entreprises innovantes, ici des bureaux, là aussi, ici une petite zone d’éco-logements, ici une banque, ici une Salle de Musique Actuelle ouais, ici une brasserie (chère), ici des « espaces extérieurs », ici un bégonia, et que là, il y aurait des gens qui marcheront avec leurs enfants. Ça va être super, qu’ils dirent. Comme les aménageurs sont aussi forts au Monopoly qu’au poker, ils promirent à tout le monde que l’ancrage culturel et associatif de Bouchayer-Viallet serait conservé, et même renforcé. Le conflit éclata entre les despotes et les habitant·e·s. À la fin, les aménageurs ne tinrent pas leurs promesses, ils anéantirent le tissu social et culturel local et le remplacèrent par de mornes bureaux, accoquinés de nouveaux lieux culturels élitistes hors de prix.

 

C’est ainsi que les aménageurs instaurèrent leur ère auto-proclamée sur les terres du quartier Bouchayer-Viallet. Dans leur bouche, la vie qu’ils détruisirent ou déplacèrent ailleurs fit place à un ’Cluster Culturel’. Désormais règnent des bureaux pour la juteuse économie du numérique, des salles de concerts payantes où l’on vient troquer des billets contre l’ivresse de la fête, et quelques immeubles aux habitant·e·s fâché·e·s de vivre au beau milieu de la vie nocturne. Les aménageurs sachant aménager, ils réussirent même à rendre les rues plus grises que celles du centre-ville de Grenoble. Le nouveau Despote, Monsieur Piolle, s’est attaché à terminer le travail de son prédécesseur, dépouillant le dernier bastion de la vie locale, l’association Cap Berriat. Eux qui furent les premiers à s’installer dans la friche industrielle des usines Bouchayer-Viallet sont aujourd’hui mis hors du quartier. Plein d’humour, les joueurs de Monopoly les placèrent même dans un ancien bâtiment squatté au temps des artistes. Avec ce déménagement, l’association perdit la gratuité de son loyer, dut se séparer des associations qui ne plaisaient pas à la ville, et partager une partie de ses locaux avec les Services Jeunesse de la ville, histoire de bien brouiller les frontières entre les acteurs associatifs et les acteurs institutionnels.

Cette histoire nous aura appris deux choses : il ne ressortit rien de bon lorsqu’on laissa les aménageurs s’immiscer dans la vie du quartier Bouchayer-Viallet, et il fut un temps où dans ce quartier brûlait un tout autre feu, sachant réchauffer les cœurs et faire danser les habitant·e·s. Ce feu désirait être rallumé, et certain·e·s ont entendu son appel...

ACTE I : UN MAGASIN MALADE

Pour cet acte les Ami·e·s du Rouvre mettent les mains dans les marionnettes costumées des illustres personnages du passé, ceux et celles-là même qui firent de la halle de métal leur terrain de jeu jusqu’à la Rouverture de la Supérette. Nous retrouverons donc :
— Adelina Vön Furstenberg : directrice du Magasin de 1986 à 1994
— Yves Aupetitallot : directeur du Magasin de 1996 à 2015
— Anne-Marie Charbonneaux : présidente du Conseil d’Administration du Magasin de 2014 à aujourd’hui
— Béatrice Josse : directrice du Magasin de 2016 à 2021
— Jérôme Maniaque : directeur par intérim en 2020 puis trésorier du Conseil d’Administration à partir de mars 2021

Le Chœur
Ô Magasin, ton histoire commence le 26 Avril 1986 
Tchernobyl s’irradie le même jour, 

Ta genèse s’entremêle avec celle d’une explosion.
En France, c’est la douce époque où on décentralise le capital culturel parisien,
où on le distribue gracieusement à sa pauvre province. 
C’est la tendre époque où celles et ceux qui coupaient les rubans n’avaient pas encore fait de prison. 

Ils détruisent, reconstruisent, t’inaugurent au beau milieu de la friche industrielle. 

Enfin ça, c’est les grands travaux de François Mitterrand.
Ça, c’est François Léotard, ministre de la culture et Alain Carignon, Maire de l’époque qui le font. 
On te veut étendard de l’avant-garde, fierté territoriale. 
On dit à qui veut bien l’entendre que deux mille grenoblois·e·s étaient là. 

Ce qu’on ne dira pas, ce qu’on ne retiendra pas, 
C’est ton passé créatif, dissident et révolté.
Rien ne sera retenu de la joie de cette époque-là.

À la place, on explique gentiment que les performances doivent se terminer assez tôt pour que la petite bourgeoisie parisienne ait le temps de rentrer à la capitale. 
À la place, on parachute un·e artiste à peine deux jours,
le temps qu’iel donne ses directives, et qu’iel fasse son vernissage, 
évidemment !

Tu deviens une annexe pour l’élite, histoire qu’ils voient un peu de paysage le week-end. 
On te dirige de loin, sans jamais vraiment regarder ce qu’il se passe autour de toi.

Scène 1 : Trente ans de déchéance

Champagne, jets et hôtel de luxe, non ce n’est pas le scénario d’un été à Monaco mais bien les comptes bancaires du Magasin, Grenoble, Isère. Adelina Vön Furstenberg part en 1994 avec un trou dans les caisses sans réaction de la part du Conseil d’Administration. Les dépenses ont été somptuaires depuis le début de la direction d’Adelina. Un jour de 1993, invitée en tant que commissaire d’une exposition de groupe, pendant la biennale de Venise, elle demande aux assistant·e·s du Magasin de la rejoindre, sur le budget du Magasin. Iels font alors le tour de l’Europe pour récolter les œuvres, qui seront plus tard livrées sur l’île de San Larazo, où a lieu l’exposition d’Adelina. Une dévotion si grande pour l’art qu’elle ne cherche même pas à démontrer le moindre lien avec le Magasin, ni avec Grenoble. Certainement. Madame de Vön Furstenberg inaugure aussi ce qui sera ensuite une longue tradition ici : la rétention d’informations, l’absence de transparence et une gestion autoritaire. 

Aupetitallot arrive en 1996. On voit passer des artistes en TGV ou en avion. Iels viennent accomplir des expositions sur mesure. Il faut bien remplir seul·e·s ces 2 000 m2 de surface d’exposition, car pour la direction, il est hors de question de partager l’espace. Cela donne des gestes artistiques parfois grandiloquents qui s’adressent à un public qui viendra - dans une sorte de mimétisme avec les objets de son admiration - en TGV ou en avion, assister au vernissage et repartir le lendemain, voire le soir-même, avec un peu de chance.

Ces artistes n’auront pas de contacts avec la ville de Grenoble et sa scène artistique. Encore moins avec le quartier et ses habitant·e·s. Seule exception, les rencontres organisées avec ’les Amis du Magasin’, un groupe de spectateur·ice·s trié·e·s sur le volet et pas très enclin·e·s à la mixité sociale. 

Seul le Magasin, cet écrin à expositions surdimensionnées, compte. C’est le seul et unique horizon qu’auront celles et ceux qui y exposent. Le directeur lui-même ne vit pas à Grenoble, qu’il avoue ne pas aimer : ’Je déteste les montagnes’ dit-il. Il préfère sans doute les montagnes de Lausanne, ville où il officie en tant que conservateur au Musée des Beaux-Arts entre 2001 et 2006. Fonction qu’il cumule avec celle de directeur du Magasin.

On peut dire qu’il esquive le public grenoblois qu’il méprise, mais aussi ses équipes, et les artistes. Il voit probablement cette distance comme une forme de liberté généreusement octroyée. C’est marrant parce que ces personnes, elles, le voient plutôt comme de la condescendance, de l’abandon, et un manque de transparence. 

L’École du Magasin, est une pièce maîtresse du projet d’Aupetitallot et un haut-lieu de formation pour toute une génération de commissaires d’exposition. Il est demandé aux étudiant·e·s de l’école du Magasin de tout quitter pour s’installer une année à Grenoble, avec une allocation / salaire dérisoire de 400 euros par mois. Présentés comme autogestionnaires, les projets sont en réalité parfois (souvent) imposés par le directeur du Magasin ou les tuteur·ice·s. L’espace réservé aux expositions de ’l’Ecole du Magasin’, est presque inversement proportionnel au gigantisme de celui monopolisé par les artistes invité·e·s par Aupetitallot.

On passe rapidement sur le rapport de proportion parfaitement inégal entre le salaire du directeur du Magasin et l’argent qu’il daigne débloquer pour ses employé·e·s et pour les successives directeur·ice·s de l’Ecole. Ces dernier·e·s n’habitent par ailleurs pas Grenoble non plus et viennent alors ponctuellement ’diriger’ les élèves de ladite école autogestionnaire.

Scène 2 : Le Magasin bute sur ses nouveaux horizons 

En 2013, une nouvelle figure de la nécrophilie au Magasin fait irruption dans notre tragédie : Anne-Marie Charbonneaux. Yves Aupetitallot est allé la chercher à Paris afin qu’elle assure la présidence du Conseil d’Administration du Centre National d’Art Contemporain de Grenoble. Grande bourgeoise, elle aime être invitée aux vernissages et avoir une vie culturelle riche et épanouissante. L’art est pour elle un puissant vecteur d’étalage de son capital culturel dans des cercles privilégiés. Elle a publié un livre sur ’l’Or dans l’art contemporain’, un autre sur les vanités, un autre sur les vitraux. En tant qu’ex-présidente du Centre National des Arts Plastiques, elle pourra toujours faire profiter le Magasin de son très prosaïque carnet d’adresses.

Parallèlement, ça se dégrade : les employé·e·s du Magasin vont voir la médecine du travail. Lorsqu’iels demandent à Aupetitallot de pouvoir discuter de leur démarche et de leur malaise, celui-ci botte en touche. Il se met lui-même en arrêt maladie, pour harcèlement de la part du Conseil d’Administration et de sa présidente Anne-Marie. Il partira en octobre 2015, et gagnera aux Prud’hommes contre le C.A. Les dédommagements restent flous. Il parait que c’était pas mal d’argent.

Béatrice Josse lui succède. Elle arrive à Grenoble en mars 2016. La nouvelle directrice du Magasin a dans ses bagages de nouvelles idées, un corpus de pratiques inspiré par les pensées féministes, afro-féministes, queer et décoloniales, et surtout, un programme qui semble questionner la place des centres d’art dans la vie publique. Elle veut faire de ce lieu un espace de débat autour de questions vives qui traversent l’espace social, et de dialogue entre les acteur·ice·s culturels. Pour Béatrice Josse, l’art contemporain, ’ce n’est pas que des expositions !’. [2] et surtout pas que des objets. Lorsque celle-ci exprime clairement cette idée, un an après son arrivée, on sent déjà pointer une tension avec le Conseil d’Administration. Les collectionneur·euse·s représenté·e·s aux ’Amis du Magasin’ ainsi que dans le C.A, en manque d’un lieu représentatif du marché de l’art, se crispent. C’est là que se niche l’absurdité et le vice du jeu politique dans la gouvernance d’un lieu artistique : une direction est nommée en toute connaissance de cause, en connaissance de ses idées et de son projet, explicite, par le Conseil d’Administration. Et pourtant, c’est cette même instance qui la critique, l’empêche vivement. À cela s’ajoute la violence des envolées d’Alain Carignon, de François Bordry, président de la biennale de Lyon, et même du théoricien de l’esthétique relationnelle Nicolas Bourriaud, concernant la programmation du Magasin. 

C’est surtout la question du délabrement du bâtiment qui va cristalliser les tensions. Béatrice Josse exhorte les tutelles à l’aider pour prendre soin de la gigantesque halle. ’(...) Mettre les tutelles autour de la table afin de trouver de l’argent pour rénover le bâtiment : voilà ce qui est l’essentiel de mon activité en ce moment !’. [3]

Prétextant qu’il est impossible de faire quoique ce soit dans la halle Bouchayer Viallet, Josse la referme de plus en plus : les grandes portes bleues en finissent par devenir effrayantes, d’autant que rien ne filtre ou presque de ce qui se passe à l’intérieur. Ce qui est perceptible malgré tout, c’est que quelque chose ne va pas au Magasin, quelque chose se trame dans l’ombre, une manière de fonctionner, un engrenage rouillé qui semble se répéter, quelles que soient les plus ou moins bonnes intentions de la direction. 

Pendant que la directrice referme de plus en plus le Magasin, la librairie reste ouverte, et modestement, se place en alternative à la fermeture : les livres continuent d’entrer et de sortir, une programmation y émerge peu à peu, à l’initiative de Fadma, la libraire, qui tente de maintenir un semblant de vie dans les lieux. Lectures, signatures, performances, diffusions sonores, cartes blanches et presque-expos s’échafaudent très simplement. On découvre ainsi que les artistes, micro-labels et petites structures éditoriales d’ici et d’ailleurs peuvent compter sur cet établissement pour rencontrer leur public. 

À cette dimension fragile, Béatrice Josse répond par un désintérêt assez flagrant. Pendant que Fadma est ’en congé’ une employée en CDD censée la remplacer, se verra confier des tâches qui n’ont rien à voir avec la librairie. Trier, jeter ou nettoyer tout ce qu’on trouve dans les réserves vire à l’obsession pour la nouvelle directrice. Laver des flûtes à champagne issues d’une vieille commande passée à un artiste, encore souillées des traces d’un vernissage d’il y a des années, ferait donc partie de la mission d’une libraire. Un peu plus tard, on n’entend plus parler de librairie, le grand ménage se termine, les publications disparaissent, on ne prévient pas les déposant·e·s, mais on stigmatise l’ancienne gérante. Les archives du Magasin ou de son Ecole subiront le même sort. C’est ça, aussi, un centre d’art devenu fou. 

Car question équipe, il semblerait que Béatrice Josse ait peiné à en prendre le même soin que celui qu’elle comptait vouer au bâtiment. Son arrivée s’est faite de manière fracassante : la comptable présente depuis 20 ans a été licenciée. La direction parle de ’licenciement économique, de redimensionner l’équipe’. Elle arrive avec trois personnes de son équipe du Frac Lorraine et fait en sorte que l’équipe existante parte peu à peu. Et surtout, elle ne fait rien pour réduire l’écart salarial entre nouvelle et ancienne équipe, malgré les demandes de cette dernière.

Trois ans après son arrivée, on parle de nouveau de souffrance au travail, de burn-out au Magasin des Horizons et d’une direction absente, Béatrice Josse s’étant mise en arrêt dès novembre 2019. Mais qui en est responsable ? Certaines salariées dénoncent ’des humiliations et de la maltraitance sur fond de non-respect du code du travail », d’autres défendent toujours Béatrice Josse et veulent mettre en lumière l’ingérence du conseil d’administration. Il semblerait qu’Anne-Marie Charbonneaux répète avec Josse le scénario dénoncé par Aupetitallot dans son procès aux Prud’hommes. 

Des collectifs et artistes du coin tentent de s’approcher néanmoins de ce grand bâtiment, et demandent timidement s’il leur serait possible d’utiliser tel ou tel espace. Certain·e·s viennent des squats artistiques et savent donc pourtant se débrouiller avec un peu toutes les configurations. La réponse tourne autour du classique ’ce n’est pas qu’on ne veuille pas’, mais ’on ne va tout de même pas vous laisser travailler dans ces conditions’ - entendre : ces locaux ne sont pas aux normes, pas adaptés, vous valez évidemment mieux que ça. Comprendre par-là que c’est sans doute ces mêmes artistes qui ne rentrent pas assez dans les normes étroites de la direction.

Scène 3 : Un croque-mort au pouvoir

De juin 2020 à Mars 2021, Jérôme Maniaque, qui se ’sacrifie’ en abandonnant son poste aux pompes funèbres, prend la direction par intérim du Magasin. Il est vite soupçonné par les salariées de vouloir casser l’équipe survivante, et neuf salariées se mettent, soit en arrêt maladie, soit au chômage partiel à 100%. Quoiqu’il en soit, la raison de ce parachutage semble venir tout droit de l’esprit très parisien du CA.

Difficile donc d’avoir un discours très clair sur les raisons de l’ambiance nauséabonde qui se dégage de ce lieu. On peut se demander, au vu de la récurrence des évènements si ’La direction d’un centre d’art peut-elle être ’l’affaire’ d’une seule personne ?

Il faut bien se rendre compte de la manière dont ce lieu très institutionnel fonctionne et a toujours fonctionné : si le Magasin ne doit pas être ’rentable’, il doit tout de même rendre compte à ses financeurs publics - qui changent à chaque nouvelle élection, et qui ne s’entendent pas toujours très bien entre eux. En conséquence, les directions avant Josse sont allées vers une vision très matérielle de l’art (des objets, de grosses expositions avec des artistes très établi·e·s) susceptible de justifier les énormes subventions reçues chaque année. Dans ce bras de fer direction/tutelles, le CA apparaît alors abattre la toute-puissance de son autorité et appliquer la fameuse théorie du ruissellement : plus on descend dans la hiérarchie, et plus on souffre. Ce qu’il y a de commun avec toutes ces directions, ce sont leurs absences et leur parisianisme arrogant. Il ne reste rien de chacun de leurs passages, à part le vide de leurs fauteuils vacants et la lourdeur de la responsabilité qu’ils sont censés porter. 

À travers l’exemple de ce centre d’art contemporain, on voit apparaître les limites du modèle culturel pensé par la gauche dans les années 80 à grands coups de subventions publiques. Et ces limites se confrontent à la dure réalité libérale que le monde de l’art vit aujourd’hui, où ce sont celles et ceux qui détiennent les collections - et pourraient vouloir en acquérir d’autres - qui au final mènent la danse. Dans ce système ultra élitiste, la logique intériorisée est la suivante : exposer au Magasin, comme dans n’importe quelle institution publique en France, c’est s’exposer aux yeux de ces grand·e·s collectionneur·euse·s, et faire automatiquement grimper en flèche le prix de son œuvre. Pourtant, ce n’est qu’un mythe, ou un mytho de plus : celui de ’ la visibilité institutionnelle’ (critiqué entre aut

res par Amandine Gay) qui assigne les artistes au travail gratuit et à la précarité en leur faisant miroiter le rêve d’un succès commercial. Si Josse est peut-être celle qui a voulu affronter ces contradictions pour en faire quelque chose de différent, ses ’belles idées’ sont restées au stade de théories hors-sol et ne se sont jamais confrontées ni à la réalité des artistes, ni à celle du territoire dans lequel s’inscrit le Magasin ; l’horizon qu’elle a tracé s’est rapidement transformé en mirage.

Ces directions n’ont laissé finalement aucune trace d’elles si ce n’est le grand vide de la halle du Magasin. Désormais, la direction devient aussi temporaire que ses expositions.

ACTE II : LA ROUVERTURE

Pour cet acte, les Ami·e·s du Rouvre s’agitent elleux-mêmes. En fait, c’est nous. Un nous parfois noyé dans une foule bienvenue :
— des manifestant·e·s à vélo
— les habitant·e·s du quartier
— les cuisinier·e·s des cookies
— des clowns activistes

Le Chœur

Ô Magasin, n’es-tu pas las des longues années passées ?
Toi qui sens tristement tes articulations rouillées et ton ventre vide
Ô Magasin des Horizons, dis-moi que vois-tu là-bas, au zénith ?
Toi qui as pour famille des usines qui transpirent
Toi qui étais conçu pour vivre et rester quelques temps.
Dis-moi, n’entends-tu pas les chuchotements de tous ces gens ?

Ah, mais voilà que le vent semble tourné,
Milles idées qui scintillent et d’autres envies vont bientôt se rencontrer
J’entends des bruits qui se rapprochent, j’entends la joie qui grandit
J’entends des blagues jetées. Une connivence arrive.
Ô Magasin, Ô lecteur·ice voici l’histoire d’une rencontre.
Voici l’histoire, voici les débuts et la création de ce qu’on nommera plus tard 
La Supérette

Scène 1 : De la boutade à la rencontre

On pourrait dire que toute bonne idée part d’une blague.
« Et si on occupait le Magasin ?! »
Une blague jetée à la volée, l’air de rien, une blague d’un soir.
— pourquoi pas !
— on s’en reparle !

La blague décante quelques temps et on se revoit autour d’une bouffe pour s’en parler. Il y a déjà, dans le tout début de l’organisation de cette blague sérieuse, l’esquisse de ce qui fera notre collectif. Des visages ravis, des rires, du soleil et la découpe de légumes. 

Le cercle autour de la table devient cercle plus grand, au fur et à mesure que la blague s’ébruite secrètement. Les visages se multiplient, les idées aussi. Plus le cercle grandit, plus on se rend compte que cette blague fait écho chez beaucoup d’autres, qu’elle prend racine dans quelque chose qui brûle d’arriver. 

Au fil des jours, les artistes rencontrent des militant·e·s, des habitant·e·s, des membres d’autres collectifs voisins. Chacun·e vient avec sa vision du quartier, du Magasin, de la lutte, de l’art, et chacun·e prend sa place tout doucement dans cette nouvelle constellation. On ne théorise pas notre façon de faire groupe, on se retrouve dans notre manière de résister, ça se met en place naturellement, avec de l’écoute, de l’attention. Ce qui se pense et ce qui agit surtout, c’est notre envie, notre besoin de penser la forme de l’action politique, penser son discours, pas seulement comme quelque chose à dire ou à faire mais comme quelque chose qui s’entend et qui se vit. 

Scène 2 : Joie et fumigènes

Le Chœur

Il a été rapporté que ce groupe semble vraiment soudé
Le souffle a grandi, le grondement s’élève et ne peut être arrêté
Depuis tant de jours, les Ami·e·s du Rouvre s’échauffent et préparent 
Le jour tant attendu

Le voici enfin arrivé, le cent septième jour de l’année
Aujourd’hui sonne le début d’une histoire sans fin qui résonne en encore 
Élève la voix ! Élève les mains ! Le brasier a pris !
C’est le jour tant attendu

Toutes gens se précipitent vélos en main ou sous le pied
Ô joie ! Ô allégresse ! Vélos et foule vont exulter !
Une intrigue aux multiples personnages
Voici l’histoire du jour tant attendu

Le 17 avril, ce n’est pas le franc soleil, mais ça n’empêche pas les Ami·e·s du Rouvre de rouler joyeusement jusqu’à la MC2, qu’on dit occupée. C’est la Scène Nationale de Grenoble, un grand théâtre avec plein de sous et de couloirs, qui surplombe le quartier. 

L’après-midi défile au son des sonnettes, des prises de parole de différents collectifs sociaux, culturels, écologiques grenoblois des applaudissements, des cris, des discussions sur selle.

Vers 17H, l’esplanade Andry Farcy voit arriver les cyclo-manifestant·e·s, une prise de parole se fait, ça parlote entre groupes, ça se disperse un peu, y’a des cookies qui sortent le nez des boîtes. 

Et, au micro, est annoncée une surprise : un concert de rap, de qualité supérieure, enceinte sur une poubelle, deux voix, le public bouge vers cette nouvelle attraction. 

Ça ROUVRE ! 

Derrière la foule en liesse, la Grande Porte Bleue du Magasin silencieux. Et un fumigène qui craque. 

CRAC. BOUM. C’est ouvert.

Des voix grésillantes sortent de petites radios portatives qui circulent parmi l’attroupement. Réglées sur 108 FM, elles lisent le manifeste des Ami·e·s du Rouvre. 

Caché·e·s dans les buissons, deux Ami·e·s du Rouvre appellent la Mairie et le CA pour les prévenir et les appeler à réagir en notre faveur. D’autres installent de grandes belles et blanches lettres en bois aimantées, qui forment le nouveau nom du lieu, S-U-P-E-R-E-T-T-E. Ça y est, c’est bel et bien rouvert. 

La foule interloquée se retourne et s’engouffre à son tour dans la Rue vide et blanche, véritable nef centrale du Magasin. Le moment est beau, la plupart des gens n’était même jamais rentré·e·s à l’intérieur.

Sur les photos, on verra ensuite quelques vélos, des enfants, des clowns activistes échappé·e·s de la Vélorution.

ACTE III : L’ART DE NÉGOCIER

Ici encore, les Ami·e·s du Rouvre rencontrent les marionnettes du présent. 
— Le Commissaire aux belles chaussures et sa ribambelle de bottes
— Jérôme Maniaque : directeur en intérim du Magasin, trésorier, serrurier, magnat, etc...
— Lucile Lheureux : adjointe aux cultures, l’Élue
— Sébastien Fraux : Directeur des Affaires Culturelles, Seb le DAC
— Anne-Marie Charbonneaux : présidente du CA du Magasin
— Les Ami·e·s des Ami·e·s du Rouvre

Le Chœur

Ô Magasin, vois cette musique, ce concert, juste devant ta porte
Entends ce Manifeste sur des radios, sur des enceintes
Admire des sourires et ces wouah te repeupler
Observe ces vagues de couleurs que tu as englouties dans ton ventre vide
Ressens l’immense joie qui transporte tant de gens.
Cela faisait des décennies que tu n’avais pas vu autant de monde, 
Même ton inauguration, aujourd’hui, te paraît une mascarade

Que vois-tu, un peu plus loin dans la foule ?
De grands gaillards, l’air pas commode avec l’envie d’en découdre 
Un essaim de CRS prend racine et s’élargit
Te bouchant presque une artère, et te suçant la moelle.
On les appelle policiers, mais aussi briseurs de rêve, d’os et de vie
Ô Magasin, devenu Supérette, comment pourras-tu résister ?

Scène 1 : La police et le ping-pong

Et plus tard sur les photos, on verra aussi les flics. Nombreux. Au début, ils étaient une brochette de sept à s’engouffrer par la porte de derrière du bâtiment. Ils demandent à parler à un·e responsable, mais il n’y a pas de responsable, il n’y a que les Ami·e·s du Rouvre. Alors ils attendent dans le fond de la Rue, pendant que la foule s’approprie l’espace, regarde les grands murs blancs qui s’effritent, la belle verrière, écoute une nouvelle lecture du manifeste, cette fois au micro. Dehors, six autres camions de CRS garés sur la place qui jouxte le bâtiment, dispositif anti-émeute en place. Très rassurant.

Jérôme Maniaque, trésorier du CA, joue l’apprenti-policier et tente de fermer tout seul les Grandes Portes Bleues, en passant devant les CRS. Entre-temps, la brochette de sept s’épaissit et avance jusqu’à l’entrée de la Supérette, avec ses casques et ses boucliers. Le bâtiment se retrouve évacué de force.

Le Chœur 
Si vous étiez place Andry Farcy ce soir-là,
En regardant la grande rouverture de ce bâtiment industriel 
Vous auriez pu voir de vos grands yeux ébahis,
La plus belle exposition,
La plus belle ... Non, la seule, depuis plus d’un an.
Une exposition de CRS. 
« Bienvenue en France » est son titre.

Les Ami·e·s du Rouvre viennent d’avoir la Présidente du CA au téléphone, ping-pong de coups de fil entre elle, l’Élue aux Cultures et ses techniciens. Monsieur le Maire est dérangé sur son plateau télé, c’est lui que le Commissaire de Police veut entendre. Un accord entre la Présidente du CA et la Mairie se fait pour qu’il y ait vingt Ami·e·s du Rouvre à dormir sur place cette nuit. 

Les Ami·e·s du Rouvre sont heureux·ses, c’est bon, c’est gagné. 

Mais le Préfet n’en fait qu’à ses oreilles. 

Ici, c’est un Commissaire aux belles chaussures arrogantes qui s’en fait le porte-parole et, derrière lui, une petite dizaine d’humains-robots en rangs d’oignons, genoux légèrement fléchis, prêts à bondir. C’est l’occasion de se rendre compte des critères de sélection des CRS. Tous ont la même taille. Une belle horizontalité physique, et une maîtrise de l’impassibilité. Face à eux, l’excitation des Ami·e·s du Rouvre redescend, et forcer une résistance ne paraît pas vraiment envisageable. 

Ah si, une lettre résiste ! En chutant, elle fait ce que tout le monde rêve de faire : assommer un CRS. 

Pressé.es par le Commissaire aux belles chaussures arrogantes, qui fulmine et menace de verbaliser tout le monde, l’Élue y compris, les Ami·e·s du Rouvre prennent la décision de battre en retraite et de convenir d’un rendez-vous pour la poursuite des négociations.

« Demain huit heures ? » demandent les Ami·e·s du Rouvre
Par le haussement de son sourcil, le Directeur des Affaires Culturelles, penaud, leur indique le deuil de sa grasse matinée dominicale.

Scène 2 : La tête dans le bocal

8h00, l’esplanade est vide. Sur la carriole, les croissants et le café sont prêts pour les Ami·e·s du Rouvre et leurs soutiens. La porte refermée tristement hier soir s’ouvre sur Jérôme le Magnat, très ponctuel. Hier, il fermait la porte ; ce matin, il y a des politesses.

Cinq Ami·e·s du Rouvre constituent la délégation pour les négociations. Sébastien et son technicien arrivent à leur tour. La discussion aura lieu dans un bureau tout vitré, Le Bocal. Il flotte dans l’air comme un gros parfum d’amertume quant à notre expulsion d’hier. L’Élue se fait attendre, on commence sans elle.

La matinée s’étend. À l’intérieur, dans le froid et sous les masques, à l’extérieur, sous le soleil. À la fin d’un premier tour de table et de premières questions-réponses, Sébastien Fraux se dépêche d’écrire ’phase 1’ en en-tête de sa feuille. Nous, on a le temps, on n’est pas pressé·e·s, sauf pour rentrer dans le bâtiment. On pose des questions, on veut clarifier des points, on avance à tâtons. De l’autre côté, il semble n’y avoir qu’un empressement à ce que tout rentre vite dans des cadres, dans quelque chose de ’rassurant’, qui existe déjà. 

La délégation des Ami·e·s du Rouvre prend des pauses pour faire des retours à celles et ceux resté·e·s dehors, pour recevoir conseils et avis. À l’intérieur, la délégation est face à des mots policés, à un langage sans vagues. C’est difficile de sentir où commence leur humanité tant ils incarnent le discours institutionnel, le discours du travail et de la municipalité. Les allers-retours entre l’institution à l’intérieur du Bocal et la spontanéité de l’esplanade ensoleillée sont nécessaires. Ça remet les pendules à l’heure et le collectif redonne de l’énergie, de l’enthousiasme à ne pas transiger sur ses envies initiales.

On rame, les négociations s’arrêtent. 

Scène 3 : La leçon

Lucile Lheureux l’Élue arrive seulement en début d’après-midi, comme pas promis. Elle nous « octroie » un aparté. Devant la Supérette, nos soutiens sont toujours là, nombreux·ses. 

Elle joue la Professeure sur les marches, les Ami·e·s du Rouvre sont les Élèves en rond devant elle, prêt·e·s à écouter la belle Histoire des Tutelles. 

Elle explique que, à la Mairie, iels aiment beaucoup ce que les Ami·e·s du Rouvre proposent. Que la Mairie est minoritaire au sein du Conseil d’Administration, que les autres tutelles ne sont pas forcément d’accord entre elles et ont leurs propres intérêts. 

Les Ami·e·s du Rouvre tentent de lui faire comprendre que leur action souhaite justement questionner les modes de gouvernance, et que l’autogestion, ça fonctionne.

Lucile l’Élue dit qu’elle adore l’autogestion mais qu’elle ne peut pas se permettre de perdre ses tutelles.

La Leçon se termine. 2/20 pour Lulu.
Au loin, Jérôme le Serrurier referme subrepticement la porte de la Supérette.

Scène 4 : La table des négociations

L’après-midi du lundi 19 avril, les Ami·e·s du Rouvre travaillent à rencontrer de nouveau Lulu L’Élue et Seb le DAC. Nouvelle invitée, Anne-Marie Charbonneaux, la Présidente du CA, par liaison téléphonique. 

La veille, le collectif s’était vu proposer une résidence d’artiste par la Mairie. C’était une résidence destinée uniquement aux artistes possédant un numéro de SIRET, avec des horaires excluant la nuit, une ouverture et fermeture par Jérôme le trésorier-serrurier. 

Les Ami·e·s du Rouvre refusent cette résidence qui exclut les habitant·e·s, les militant·e·s, les ami·e·s du quartier, et qui impose une cohabitation sous surveillance. Il est décidé collectivement de refuser de rentrer à nouveau dans le bâtiment dans ces conditions, et de réaffirmer le projet d’occupation initiale, en autogestion. 
Pendant ce temps, la Mairie fait changer la serrure du Magasin...

En fin de journée, les Ami·e·s du Rouvre s’installent devant la Supérette avec une longue table, huit chaises, des banderoles qui crient que c’est ouvert 7/7, des chips et des canettes, puis une grosse enceinte pour entendre les comptines d’Anne-Marie. Sur la grande porte, les grandes lettres blanches affichent ’E S T U P R E T E’.

Les soutiens arrivent en abondance et entourent la Table des Négociations. Seb le DAC a la trouille. Les Ami·e·s du Rouvre ne veulent pas de Jérôme à leur table. Représentant tout ce qui est un obstacle à l’autogestion du lieu, il restera debout. 

Ça commence. On branche Anne-Marie sur enceinte. 
« Allôôô ? »
— Oui Madame Charbonneaux ? On vous a mis en haut-parleur, pour que tout le monde puisse vous entendre. 
— Très bien. Je suis dehors, je marche sur des graviers, ça fait du bruit."
On fera avec les graviers.

La délégation des Ami·e·s du Rouvre commence à exposer à la présidente du CA ses revendications. On la sent un peu crispée sur les graviers, Anne-Marie.
Zut ! ça coupe. On entend sur l’enceinte que le solde du portable secret des Ami·e·s du Rouvre est insuffisant. Elle nous rappelle. 
Anne-Marie tique à l’évocation d’une rémunération. Elle ne voit pas le problème et nous explique en guise d’exemple qu’il arrive que des résidences ne soient pas rémunérées. Un·e Ami·e du Rouvre lui fait remarquer que c’est sans doute plus un problème qu’un exemple, elle ne réagit pas. Visiblement, elle aime le travail gratuit et rechigne à payer les artistes. De toute façon, les Ami·e·s du Rouvre ne souhaitaient pas être rémunéré·e·s mais juste occuper le bâtiment.

La conversation téléphonique continue. À notre table, les chips et les ’pschitt’ des canettes d’un côté, la Mairie muette de l’autre. Dans l’assemblée, Colbert, figure errante majeure du quartier Saint-Bruno, commente la discussion.

Une fois Anne-Marie débranchée, sous le soleil de fin de journée, la Table des Négociations se clôture sur les mises en garde supposées bienveillantes de l’Élue et de son DAC. La délégation de la Supérette écoute de bon gré, mais reste sceptique. La politique semble être un grand jeu de société aux règles très complexes. Ou absurdes. 

ACTE IV - LA SUPÉRETTE 7/7

Là, encore et toujours, les Ami·e·s du Rouvre. C’est nous, on a compris.
Se joignent à la fête : 
— Anne-Marie Charbonneaux : la parisienne sur nos graviers
— une chèvre
— des habitant·e·s du quartier

Le Chœur

Ô joyeuse Supérette, qui rit, pense, fabrique et expérimente
Tes expositions deviennent performances, négociations publiques ou match de foot
Ta programmation a lieu tous les jours : affichages, discussions et repas.
Voisin·e·s, ami·e·s, artistes, passant·e·s et curieux·ses
Militant·e·s, chercheur·se·s et enfants
Viennent, passent et restent. 

Ô magnifique Supérette qui s’approprie l’espace et le temps
Qui invite, pense, raconte et agite, 
Nous voyons chez toi des mains qui tâtent, essayent et souvent trouvent
Et des esprits qui questionnent et agissent. 

Il y a maintenant plusieurs semaines que tout a commencé,
Depuis, la Supérette s’est faite des ami·e·s 

Il y a maintenant plusieurs semaines que tout a commencé,
et ce n’est que le début.

 

Scène 1 : L’esplanade animée

Depuis la rouverture et rfermeture, on reste sur l’esplanade. Elle est grande et elle est vide, ce serait dommage de s’en priver. Il y a beaucoup de béton, le soleil tape et ça se voit sur nos joues rosies, sur nos yeux plissés. Heureusement qu’il y a deux arbres aux troncs frêles pour nous faire de l’ombre.

Ça rouvre tous les jours !
Devant la Grande Porte Bleue fermée, les deux troncs servent d’accrochage et les banderoles affichent ’rouvert 7/7’ ou ’changement de propriétaire’. Au fil des jours, les anagrammes de S U P E R E T T E défilent sur la Grande Porte Bleue, mots-valises de la programmation et reflets d’ambiances. Celle-ci est en cours et évolue chaque jour en fonction des envies des voisin·e·s, des artistes, des habitant·e·s, de la pluie. 

Il y a eu une lecture performée d’un Dictionnaire des Belles Personnes, de la danse, un atelier d’écriture et d’enregistrement de rap, l’installation d’un fresquiste local, une lecture des Mains Négatives de Marguerite Duras accompagnée du chant d’une trompette marine.

Il y aura une initiation aux cyanotypes, de la broderie féministe, une construction collective de cages de foot, une découpe de patates pour des frites en cornets, un atelier d’écriture et de lectures de textes tristes en coupant des oignons, une performance véhiculée d’un artiste franco-suisse. 
Il y a des choses qui reviennent toutes les semaines. Comme la galerie d’essai, une invitation à montrer des travaux d’art en cours, finis, ou presque. Invitation à laquelle nombreux·ses répondent. Le public est invité à participer et à proposer une interprétation. L’addition des paroles forme un ensemble interprétatif subjectif et bienveillant qui sert aux artistes et aussi au public qui, au fur et à mesure des dialogues, voit son propre regard modifié. 
Il y a eu des échanges, des discussions, des cookies, des films dans une tente.
Une fois, la police municipale est venue nous déloger. On était bien installé·e, il y avait une radio et des voisin·e·s sous une grosse tente. Alors c’est donc ça être en négociation avec la Mairie ? Le lendemain on était encore là.

C’est une Supérette sans gérant·e, qui prend l’espace et s’élargit. Parfois il y a des gros parasols, des bancs, des tables, un barnum et de l’électricité qui sort de nulle part. Pour le premier mai il y avait un stand de muguet autogéré en libre-service. En vérité, c’était de l’ail des ours.
La Supérette s’est parfois délocalisée, chez un·e ami·e, dans une laverie automatique.

Puis il y a la poursuite du travail de la BRAC, notre Bureau Rédactionnel des Affaires Conventionnables, qui prend place aussi sur le parvis et la naissance d’une nouvelle forme : les Tables de Négociations.
Elles prennent place dehors et sont publiques. On y invite des gens pour discuter des gouvernances des lieux, pour réfléchir aux spécificités du travail artistique, ou aux relations avec le territoire dans lequel ces mêmes gouvernances se développent. 

Scène 2 : La BRAC braque

Pour la Supérette, signer une résidence d’artiste signifierait rétropédaler sur ses volontés initiales. Et dans la ville du vélo, rétropédaler, ça n’a pas trop d’intérêt. Alors, en restant fermes sur les points annoncés au départ, les Ami·e·s du Rouvre répondent par une Convention de Résidence d’Expérimentation d’Autogestion d’un Lieu Artistique, la déjà très célèbre C.R.E.A.L.A. 

La BRAC se réunit tous les jours devant la Supérette pour réfléchir et écrire le précieux document. L’équipe se documente avec des conventions de résidence artistique, des conventions d’occupation précaire déjà existantes, avec des témoignages d’artistes, de voisin·e·s, de militant·e·s, ayant été confronté·e·s à des problématiques similaires ou avec des juristes spécialisé·e·s. 

Cette C.R.E.A.L.A est pensée comme une forme en soi, une forme de résistance.
Les Ami·e·s du Rouvre jouent le jeu de l’institution, de l’administratif, des articles numérotés et des pages paraphées pour en souligner l’absurdité. La Supérette est une performance artistique et se saisit de cette convention pour réaffirmer ses exigences, et inverse les rapports de force en affirmant cette expérimentation d’un mois comme un don public.

Convention, définition : ’accord passé entre des personnes, des groupes, destiné à produire des effets juridiques ; écrit destiné à formaliser la réalité de cet accord. Exemple : des conventions internationales sur la pêche.’ La Mairie dit être avide de faire signer une résidence d’artiste, qu’il faut qu’il se passe quelque chose ici, qu’il faut faire vivre ce lieu. Le CA justifie son veto et/ou son silence par des arguments juridiques, économiques et sécuritaires. Les Ami·e·s du Rouvre veulent bien être ’conventionnel·le·s’ et formalistes, mais sans céder ni au rapport de force, ni à leurs exigences : une convention sans conditions. 

Résidence, car les Ami·e·s du Rouvre veulent y travailler jour et nuit, sans frontières horaires, y vivre. Pour les institutions, la résidence est censée décrire le travail de l’artiste ’invité·e’ temporairement dans un lieu, la plupart du temps pour réaliser une œuvre. Elle est attribuée en fonction d’un projet qui définit ce qu’on y produit. 

Les Ami·e·s du Rouvre souhaitent insister sur la particularité du travail artistique et sur la déformation du terme résidence par les institutions. La création artistique se fait souvent sur un temps long, étiré, au gré des idées et des énergies. Elle ne peut se contraindre uniquement à des plages horaires fixes, qui répondent à une logique de rendement et de productivité. Les Ami·e·s du Rouvre voudrait résider dans la Superette, pour laisser la création et les expérimentations s’entremêler avec le temps, sans minuteur, sans horloge, le jour, la nuit. Mais pour l’Élue aux Cultures et ses techniciens, c’est le terme ’sommeil’ qui pose problème. Dans leurs cases, la Supérette ne peut être un lieu de sommeil car ce n’est pas un lieu d’habitation. L’institution ne peut accepter un point de rencontre entre habiter et créer, entre dormir et travailler. 

Expérimentation, car c’est que souhaitent principalement les Ami·e·s du Rouvre. Faire expérience, faire vivre quelque chose qui ne peut pas exister dans les petites cases des textes administratifs, des contrats, des assurances des institutions. Inventer, créer, construire, penser, être acteur·ice·s des lieux, de ses murs et de son esplanade. En s’opposant aux institutions, effrayantes car immobiles, les Ami·e·s du Rouvre proposent du mouvement, insufflent de l’énergie. C’est une expérimentation qui se propose au quartier, à la ville, aux gen·te·s. C’est la possibilité de voir émerger de l’imprévu, c’est l’envie et le besoin d’inventer des manières singulières de gestion commune. Une expérimentation en ’CDD choisi’, parce qu’on n’oublie pas notre précarité ; mais surtout parce qu’on veut être maître·sse de notre temps, imposer notre propre calendrier.

Alors, les Ami·e·s du Rouvre n’attendent pas les Tutelles et inscrivent : L’expérimentation a commencé et continue, quelle que soit l’issue des négociations en cours.

Autogestion, car la question de gouvernance est au cœur de ce qui a motivé les Ami·e·s du Rouvre. Pourquoi il y a autant de problèmes, graves, de gestion économique, artistique et humaine dans les grandes institutions publiques subventionnées ?

Les lieux autogérés sont des exemples de fonctionnement pour les Ami·e·s du Rouvre, car il semble que cette façon de faire fonctionne depuis des années. A la Superette, pas besoin d’avoir Bac +5 en Autogestion. La connaissance de ce mode de gestion se loge dans les petits gestes, dans un bon sens partagé, des réunions où chacun·e est à l’écoute, dans l’attention des autres. Chaque chose est redéfinie en fonction de l’avancement des actions. Chaque action se construit avec les moyens du bord, avec du partage d’idées, de mises en lien. 

Lieu Artistique car les Ami·e·s du Rouvre veulent redéfinir ce qu’est un Lieu Artistique et questionner les pratiques qui y sont proposées. Le Centre National d’Art Contemporain de Grenoble - Magasin des Horizons en est apparemment un. Ou était, à en juger l’absence, le vide et le froid qui y règnent. La Supérette souhaite faire lien entre cet énorme bâtiment vide et le quartier dans lequel il est ancré, avec ses habitant·e·s, ses am.i·e·s, ses artistes, ses militant·e·s et son voisinage. Un lieu artistique incluant, qui parle et qui questionne les fonctionnements. Un lieu artistique qui n’est plus en décalage avec les artistes. 

Scène 3 : Sur les graviers

Et puis, et puis... Anne-Marie Charbonneaux descend de Paris. On est content·e·s, on se réjouit de discuter de notre CREALA qu’on a si longuement travaillée. On lui avait préparé un beau tapis de graviers, tout rond, avec des petites chaises pliantes et un paquet de chips qui tournait entre la vingtaine de personnes assises là. Elle n’a pas aimé les chips. Apparemment, elle n’a pas aimé non plus la convention. Mais peut-on aimer quelque chose qu’on ne comprend pas et qu’on a même pas lu ? Parce que dans sa culture politique, l’autogestion, ça n’existe pas. Donc, tou·te·s ensemble, pendant deux heures, on a fait un atelier de formation à l’autogestion, gratuitement, pour Anne-Marie, qui, en échange, a tenté de nous former aux règles de l’administration publique sur le mode ’ le temps de l’administration publique est un temps long ’. Inutile de dire qu’on a pas appris beaucoup de choses intéressantes, à part que le Magasin n’ouvrirait pas du tout en 2021. On a aussi appris que les gen·te·s du CA ne travaillent pas beaucoup (même dans le TGV, pourtant c’est confortable pour bosser, le TGV) sur les questions qui leur sont adressées par les artistes, militant·e·s et habitant·e·s du quartier. Anne-Marie n’avait pas lu les communiqués des ami·e·s du Rouvre, elle n’était pas au courant qu’il y avait au même moment un FRAC (Fond Régional d’Art Contemporain) occupé à Marseille. 

On a essayé de lui expliquer qu’écrire ensemble une convention d’autogestion, oui, ça fait bien partie du travail de l’art, que, oui c’est une forme, et oui c’est intéressant, parce que justement, elle ne reste pas coincée dans le champ de l’art. Elle a préféré comparer notre tapis de graviers aux ’formes’ de l’artiste de Land Art anglais Richard Long, ou notre assemblée sur chaises pliantes à une œuvre ’dada’. Sa vision très condescendante, qui aplatit tout et se nourrit de comparaisons approximatives avec les canons de l’histoire de l’art, ne nous est d’aucune utilité.

 

Ce qu’il faut retenir de tout ça, c’est qu’Anne-Marie nous a lu un e-mail de la mairie qui réitérait la proposition d’une résidence d’artistes : des artistes avec des numéros de SIRET, et une résidence avec des horaires, sous la surveillance du serrurier croque-mort. Bref, tout ce que notre convention proposait de ne pas faire. Elle nous a ’conseillé’ d’écrire un ’projet’, pour bien rentrer dans les cases fléchées des politiques culturelles et de l’institution.

Nous on a dit qu’on était en train de le faire, qu’il était en action, que la convention c’est ce fameux même ’projet’, que l’expérimentation, l’autogestion, et le travail déjà entamé sur le parvis, c’est toujours le ’projet’.

Et comme elle n’a rien écouté de notre tentative de leçon gratos sur l’autogestion, à la fin, elle a même proposé que ’deux d’entre nous’ se présentent au poste de direction du Magasin. Et puis elle est repartie à Paris. 0/20 Anne Marie, t’as rien compris.

Cette rencontre a beaucoup fait réfléchir les Ami·e·s du Rouvre. Pas pour la direction, non non, chacun·e d’entre nous ayant beaucoup trop de projets bien plus chouettes que prendre la tête d’un bâtiment aussi grand que ses problèmes. On s’est surtout demandé si on voulait attendre, se plier encore au calendrier figé des instances publiques, du calendrier de la vie politique. Est-ce qu’on veut être dans une position de demande, position que l’on a déjà refusée avec l’écriture de notre C.R.E.A.L.A ? Est-ce qu’il ne vaut pas mieux penser la fin, comme ça aurait été le cas si ce CDD s’était déroulé à l’intérieur du bâtiment ? Mais pas la fin de l’expérimentation, ni la fin de l’autogestion, seulement la fin d’une présence quotidienne sur l’esplanade Andry Farcy. 

En bref, la rfermeture du Magasin.

ÉPILOGUE

Depuis le 18 mai dernier, le Magasin s’est rfermé, mais la Supérette reste donc ouverte et se projette à expérimenter d’autres formes (de)hors les murs que l’occupation du parvis d’un centre d’art contemporain. Ce qui s’est rouvert ici, c’est bien plus que les grandes portes bleues devant lesquelles nous avons joué durant ce mois. 

Alors pour ce grand jour de fin de contrat à durée déterminée, nous avons continué à jouer avec les mots et les choses. Un joyeux lototune, ou l’expression la plus sommaire du jeu à gagner, le loto, avec l’expression la plus complexe de la voix, l’autotune. La joyeuse gagnante est repartie avec la convention de résidence d’artistes dont personne ne veut.

Et pour partir en beauté et signifier tout le mépris accumulé contre l’institution artistique que nous avons pu accumuler durant ce mois, nous avons muré sa porte. Pour ce faire, nous sommes allés chercher les briques de cette pépinière associative détruite à quelques pas de là.

On a voulu faire émerger des moments de vie sur ce parvis, rencontrer des gens, proposer des activités diverses et des frites maison, écouter, lire, regarder, sentir plein de choses, réfléchir, questionner, discuter, argumenter les thématiques de gouvernance, de gestion, de souveraineté, d’autogestion, ça on peut se réjouir d’y être parvenu. 
Il y a certaines choses qu’on a pas pu faire, proposer à la MJC, la Maison des Habitant.es, les assos du quartier de venir faire avec nous par exemple. Car notre dehors restait illégal aux yeux de la police, qu’on n’a pas voulu leur faire risquer de se faire confisquer du matériel ou de se faire virer. Mais ces choses-là vont se faire ailleurs, autrement…

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