La résurrection qui vient

(ou Prière nouvelle pour la résurrection prochaine des damnés de Gaza)

paru dans lundimatin#411, le 15 janvier 2024

On est envahi de haine jusqu’aux entrailles. Et pourtant, on n’a jamais eu autant de désir de révolution. Chaque fois qu’on ouvre les yeux, la dégueulasserie du monde dépasse les pires cauchemars jamais imaginés : ce corps de femme, rampant, réduit à rien qu’un demi-corps à demi déchiqueté, le sang perdu en un marais naissant, rouge, vivant, qui la poursuit et la rattrape, mêlé à la terre poussiéreuse de Gaza, et qui implore encore sur l’écran noir de ta misère... graisseuse de vie ! Mais qui ne t’implore pas toi, qui as déjà détourné le regard parce qu’il faut bien vivre ! Ce corps de Palestine n’attend plus rien du monde.

Ce n’est pas une peinture du Caravage, ce n’est pas un chant de Dante. C’est Gaza qu’on assassine ! Moi aussi, j’attends le Dieu qui arrive avec gourmandise. J’attends la résurrection des damnés, ils reviendront, je le sais, ils s’arracheront à l’infamie des ordres de l’intelligence par procuration de la technique, ils s’arracheront à la mort, qu’on ne leur a même pas donné d’habiter en un lieu protecteur, où l’on puisse venir les prier et les libérer de l’errance dans les déserts de monde, je n’attends plus le signal, je l’ai entendu, je n’attends rien, que la résurrection des damnés avec gourmandise, leur visage aura l’aspect de la fin des temps, et leur corps, regarde, ils sont déjà des cerf-volants qui dispensent les stigmates aux prochains saints, mais toi ne sois pas saint, tu dois manquer ton sacrifice foutu poète, si Dieu existe alors tout est possible, et la résurrection des damnés est le Dieu qui arrive à toute vitesse et qu’aucune philosophie, et qu’aucune théologie ne sauront capables de capturer, et qu’aucune philosophie, et qu’aucune théologie ne sauront capables d’enfermer dans des mots, des livres et des institutions, moi, je reconnais dans les chantiers déserts Võ Nguyên Giáp, Madiba, Arafat, qui prennent le thé à l’ombre du monde et de ses lumières, je ne me cherche pas, je suis caché, je creuse un tunnel qui cherche l’efficacité de la prière nouvelle pour une autre fin des temps, parce que nous aimons la vie, nous voulons la chute du monde, et je répète et je répète, n’oublie jamais, si tu veux vivre, le sens de ses paroles comme la rumeur d’une multitude féroce : il faut dé-morbidiser la mort, n’oublie jamais, si tu veux vivre, de servir de nourriture à ces damnés, toi, reste maigre, et ne résiste pas à leur mort, laisse sa puissance gonfler en toi, elle a faim de t’envahir en songes comme en réalité, c’est elle qui résistera en toi et te rendra à la Force des forces, tu t’en nimberas, il n’y a qu’elle pour tuer pour de bon ce qui est mort en toi ! et te ramener, comme un Virgile, à ta part encore sur-vivante : ton désir de résurrection.

Oncléo
Musique : Oiseaux-Tempête, Opening Theme - Ablaze in the Distance


Vous détestez le lundi matin mais vous adorez lundimatin ? Vous nous lisez chaque semaine ou de temps en temps mais vous trouvez que sans nous, la vie serait un long dimanche ? Soutenez-nous en participant à notre campagne de dons par ici.

lundimatin c'est tous les lundi matin, et si vous le voulez,
Vous avez aimé? Ces articles pourraient vous plaire :