« L’économie verte » sort ses griffes

13 gardes à vue suite à un blocage de chantier éolien

paru dans lundimatin#131, le 29 janvier 2018

Le jeudi 25 janvier, à 6h30, 13 habitants de plusieurs communes du sud Aveyron se font menottés et embarquées par un dispositif de quelques 80 gendarmes. Certains seront violemment réveillés dans leur lit, d’autre pris dans leur bergerie, menottés devant l’école où vont leurs enfants. Il y a eu jusqu’à 15 gendarmes pour arrêter une seule personne dans une maison. Ils ont réveillé des enfants à la lampe torche. Ces 13 personnes ont été envoyées dans différentes gendarmeries du Nord Aveyron (Bozoul, Marcillac, Rodez, Laissac, Villefranche de Rouergue, Capdenac, Séverac, Salle-Curan,….).

Elles avaient reçues plus tôt dans le mois de janvier des convocations à la gendarmerie où elles ont décidés collectivement de ne pas se rendre. Le vendredi 26 janvier, 5 autres personnes reçoivent des convocations d’assignation en référé au tribunal de Rodez pour ce lundi 29 janvier. L’entreprise Théolia-Futuren demande à la justice d’interdire à ces 5 personnes un espace comprenant routes et chemins de randonnée autour de Crassous pendant une durée de 14 mois, sous peine d’une amende de 2000 euros par heure de présence. Nous serons évidemment là pour les soutenir au tribunal.

C’est clair : ceux qui osent bloquer les infrastructures de ce monde seront traités comme des ennemis à harceler juridiquement. Ceux qui osent mettre en doute l’ordre économique seront soumis aux lois d’exception en vigueur.

Nous parlons bien d’arrestations liées au blocage d’un chantier éolien Théolia-Futuren-EDF EN, en train de raser des zones de maquis sur les avant causses saint-affricains, à Crassous. Le coup dans l’eau des autorités locales pour « neutraliser » un mouvement qui prend de l’ampleur et cette opération de police qui arrête 13 personnes sans aucun motif autre que d’avoir empêcher des pelleteuses de « faire leur travail » manifeste au moins cela : ceux qui osent barrer, avec leur corps, l’avancée des machines doivent être marqués comme des hors-la-loi.

Car, dans ce cadre là, bloquer un chantier éolien, c’est bloquer un « fleuron de l’économie verte ». C’est bloquer « l’avenir de la transition énergétique ». C’est bloquer ce dispositif qui voudrait que les « énergéticiens » soient ceux-là mêmes qui nous sauvent des problèmes qu’ils ont créés. C’est en fait bloquer l’époque elle-même. Mais une époque qui n’a jamais été l’époque de la transition, mais celle d’un répit sans fin. Car qu’auraient-ils encore à nous faire « espérez » ces intendants de la planète, ces pilotes avisés, ces experts en géo-ingénierie : des métropoles smart ?, des managers post-industriels et cool ? des robots de services ? des réseaux intelligents ? de nouvelles centrales nucléaires ? des terres rares propres ?... et partout autour le ravage.

De fait, ce qui nous arrive ici n’est que le reflet de la situation générale. Les mouvements de défense territoriale prenant de l’élan suite à l’abandon de l’aéroport de NDDL, il fallait bien que les gouvernants revendiquent leur autorité crasse, à l’endroit même où toute légitimité leur échappe. Les amitiés et les convergences s’affirmant partout en France contre l’ordre aménagé de ce monde, il fallait bien qu’ils accumulent des phantasmes sur des phantasmes (les ultra-violents, les anti-tout, les zadistes professionnels, les idéologues, les agents extérieurs, les 50 projets dans le collimateur des zadistes, etc etc). Auraient-ils mal digérés l’insolent « ET TOC ! » de la victoire à Notre Dame ? Auraient-ils quelques velléités à réaffirmer en boucle « l’état de droit » partout où des brèches commencent à faire craquer l’édifice de « l’économie nationale » ? De quoi auraient-ils peur si ce n’est de leur légitimité mise à terre ?

Les managers de ce monde, il faut se le dire, n’entendent établir, au moins depuis le XIX e siècle, leur légitimité politique qu’au travers de la mise en branle titanesque d’infrastructures. Regardez qui étaient les saint simoniens, dont se revendique d’ailleurs ouvertement Macron, notre « bon père de famille en chef » : des ingénieurs, des économistes, des chefs d’entreprises, des banquiers qui sont partis à l’assaut du monde pour l’enlacer d’autant de réseaux de chemins de fer et financiers. Ils ont appelés cela : la « dictature de la transition industrielle » ou le « nouveau christianisme ». Et ce n’est pas peu dire lorsqu’on voit ce qui se trame en France aujourd’hui par tous les gris-gris agités de la « transition écologique », « des smart grids » , des « objets connectés »… nous sommes bien les ensorcelés de la « troisième révolution industrielle » !

Mais quel lien entre un aéroport haute qualité environnementale, une center parc à bulle tropicale, un méga-transformateur, une poubelle nucléaire, des mines à ciel ouvert, des parcs éolien ? Quel lien sinon cette même trame d’un monde colonisé par des réseaux, des réseaux et encore des réseaux. Cette machinerie ne tient que par l’extraction de quantité astronomique de matières et des vies qu’elle détruit. L’Occident ne peut se dire « propre » que parce qu’il a externalisé sur toute la surface de la planète ses nouveaux esclaves dans les mines de cobalt, de tungstène, de graphite, de disprosium, de lanthane, de néodyme.... pour construire ses éoliennes, ses smartphones, ses voitures électriques ! C’est un fait qui crève les yeux : il n’y a pas de transition, il n’y a qu’une économie qui réajuste ses plans comptables à même les corps et les esprits. Peu importe pour cette économie que la vie elle-même sur cette Terre n’y résiste pas. C’est d’avoir compris cela de manière abrupte et d’en avoir tirer les conséquences politiques qu’on pourrait nous accuser.

Non décidément, la solution ne viendra pas des éco-modernistes et des cybernéticiens en chef. Comment croire des êtres qui prétendent gouverner le monde depuis un point de vue si manifestement étranger à celui-ci ? Comme s’ils pilotaient le globe depuis une cabine spatiale - rien de ce qui arrive ne semble les toucher sensiblement. Si nous devons prendre à bras-le-corps les problèmes de notre temps, nous devrons le faire sans eux. Et c’est sans doute cet abandon qu’ils veulent nous faire payer. Comment ne se sentiraient-ils pas frappés d’infamie et de nullité lorsque résonne cette évidence de plus en plus partagée : ce n’est pas à une politique de gestion technocratique, de management écologique, ou de gouvernance climatique qu’il faut en appeler, mais bien à un radical retour sur Terre.

Il s’agit donc d’habiter ce monde, au plein sens du terme. Contre ceux qui n’ont rien à défendre sinon leur statut, leur poste, leur carrière, leur comptes... Voilà notre défense commune : partir de là où on vit, de là où on lutte, partir de nos situations singulières, de nos amitiés irréductibles. Cela s’annonce passionnant. Et augure d’alliances inédites.

Pour l’Amassada

PAS RES NOS ARRESTA

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